1933 1945 : Le KPD dans la lutte contre la dictature national-socialiste

1933 1945 : La "démocratie populaire" comme objectif

 

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Dans la perspective de combattre la dictature national-socialiste, l’Internationale communiste et le KPD ont mise en avant la tâche de mettre en oeuvre un front populaire antifasciste. Un lien étroit, dans le temps et sur le fond, existe avec une autre époque cruciale, beaucoup plus récente : les révisions et trahisons qui au cours des années 1960 ont conduit à la scission au sein du mouvement marxiste-léniniste international. Certes, le centre de cette contrerévolution était incarnée par les révisionnistes au sein d PC(b)US. Mais elle était largement portée et renforcée justement par les partis communistes des pays du "bloc soviétique" de l’Europe de l’Est, dont la République démocratique d’Allemagne (RDA). Il s’agit ici de faire ressortir la façon dont la mise en oeuvre et la conceptualisation de l’“État de démocratie populaire” ont contribué à ce processus néfaste pour la révolution prolétarienne mondiale.

Le 7e Congrès de l’Internationale communiste

République bourgeoise

République démocratique et front uni

Démocratie combattive

Programme de gouvernement

Socialisme ?

République bourgeoise – nuances

Confusion entre approche tactique et vision généralisée figée

Le 7e Congrès de l’Internationale communiste

La question centrale analysée ici est celle concernant l’orientation suivie par le KPD au sujet de la formation éventuelle d’un gouvernement tel qu’il pourrait résulter du renversement de la dictature national-socialiste à l’issue d’une lutte menée par une alliance de forces antifascistes. En toute généralité, au-delà de l’Allemagne et en référence notamment à l’Espagne et la France, cette perspective est exposée publiquement dans le cadre du 7e Congrès de l’Internationale communiste, qui s’est déroulé en juillet-aout 1935. Le KPD avait joué un rôle important dans les discussions menées au sein de l’IC durant la préparation de ce Congrès, et la conférence du Parti tenue en octobre 1935, dite conférence de Bruxelles, reprend à son compte et précise les positions adoptées, en ce qui concerne concrètement la lutte à mener en Allemagne même.

Nous reproduisons ci-après quelques extraits des principaux textes fixant les bases à partir desquelles évolueront les réflexions et l’action du KPD.

En premier lieu, est traitée de façon détaillée la nécessité de mettre en oeuvre le front uni de la classe ouvrière contre le fascisme, en agissant en direction des travailleurs tout en s’efforçant de gagner à la lutte commune les représentants des organisations social-démocrates. Plus largement, est fixé l’objectif d’établir une alliance de toutes les forces opposées au fascisme. À cet égard, apparaissent deux aspects, dans la mesure où les groupes de populations visés sont caractérisés non seulement par leur position sociale mais aussi par des liens avec des organisations politiques dominées à de degrés divers par la bourgeoisie.

Voici ce que dit Georgi Dimitrov au sujet du front uni prolétarien et du front populaire, dans son rapport au congrès ayant pour sujet "L’Offensive du fascisme et les tâches de l’Internationale communiste dans la lutte pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme"[1] :

Dans l’oeuvre de mobilisation des masses travailleuses pour la lutte contre le fascisme, une tâche particulièrement importante consiste à créer un vaste Front populaire antifasciste sur la base du front unique prolétarien. Le succès de toute la lutte du prolétariat est étroitement rattaché à l’établissement d’une alliance de combat avec la paysannerie laborieuse et la masse fondamentale de la petite bourgeoisie urbaine, qui forment la majorité de la population même dans les pays d’industrie développée.

[…]

Le principal, le plus décisif pour établir le Front populaire antifasciste, c’est l’action résolue du prolétariat révolutionnaire pour la défense des revendications de ces couches sociales et, en particulier, de la paysannerie laborieuse, revendications qui sont en concordance avec les intérêts fondamentaux du prolétariat et qu’il importe de coordonner dans le cours de la lutte avec les revendications de la classe ouvrière.

Lors de la création du Front populaire antifasciste, il est d’une grande importance d’aborder de manière juste les organisations et les partis auxquels adhèrent en nombre considérable la paysannerie travailleuse et les masses fondamentales de la petite bourgeoisie urbaine.

Dans les pays capitalistes, la majorité de ces partis et de ces organisations, tant politiques qu’économiques, se trouvent encore sous l’influence de la bourgeoisie et continuent à la suivre. La composition sociale de ces partis et de ces organisations n’est pas homogène. On y trouve des koulaks de taille à côté de paysans sans terre, de grands brasseurs d’affaires à côté de petits boutiquiers, mais la direction y appartient aux premiers, aux agents du grand Capital.

Cela nous oblige à aborder d’une façon différente ces organisations en tenant compte du fait que, bien souvent, la masse des adhérents ne connait pas la physionomie politique réelle de sa direction. Dans des circonstances déterminées, nous pouvons et nous devons orienter nos efforts pour attirer, en dépit de leur direction bourgeoise, ces partis et ces organisations, ou certaines de leurs parties, aux côtés du Front populaire antifasciste. Telle est, par exemple, la situation actuelle en France, avec le Parti radical; aux États-Unis, avec diverses organisations paysannes; en Pologne, avec le Stronnictwo Ludowe [Parti paysan]; en Yougoslavie, avec le Parti paysan croate; en Bulgarie, avec l’Union agricole; en Grèce, avec les agrariens, etc. Mais, indépendamment de la question de savoir s’il existe des chances d’attirer de tels partis et de telles organisations aux côtés du Front populaire, notre tactique, dans toutes les conditions, doit être orientée de façon à entrainer les petits paysans, les petits producteurs, les artisans, etc., qui en font partie au Front populaire antifasciste.

[Citation dans l’original ]

Dans le prolongement de cette analyse, est pris en considération le possible établissement d’un gouvernement basé sur un front uni prolétarien ou un front populaire antifasciste.

Dimitrov explique dans son rapport[2] :

A la question de savoir si, sur le terrain du front unique, nous, communistes, pour préconisons seulement la lutte pour les revendications partielles, ou si nous sommes prêts à partager les responsabilités même au moment où il s’agira de former un gouvernement sur la base du front unique, nous répondrons, pleinement conscients de nos responsabilités : oui, nous envisageons l’éventualité d’une situation telle que la formation d’un gouvernement de front unique prolétarien ou de Front populaire antifasciste devienne non seulement possible, mais indispensable dans l’intérêt du prolétariat. Et, dans ce cas, nous interviendrons sans aucune hésitation pour la formation d’un tel gouvernement.

Je ne parle pas ici du gouvernement qui peut être formé après la victoire de la révolution prolétarienne. Évidemment, la possibilité n’est pas exclue que, dans un pays quelconque, aussitôt après le renversement révolutionnaire de la bourgeoisie, un gouvernement soviétique puisse être formé sur la base d’un bloc gouvernemental du Parti communiste avec tel autre parti (ou son aile gauche) qui participe à la révolution. On sait qu’après la Révolution d’Octobre, le Parti des bolcheviks russes vainqueur a fait aussi entrer dans la composition du gouvernement soviétique les représentants des socialistes révolutionnaires de gauche. Telle fut la partie du premier gouvernement soviétique constitué après la victoire de la Révolution d’Octobre.

Il ne s’agit pas d’un cas de ce genre, mais de la formation possible d’un gouvernement de front unique à la veille de la victoire de la révolution soviétique et avant cette victoire. […]

Au moment propice, en s’appuyant sur le mouvement grandissant de front unique, le Parti communiste du pays donné interviendra pour la formation d’un tel gouvernement sur la base d’une plateforme antifasciste déterminée.

[Citation dans l’original ]

Voici comment Dimitrov résume les caractéristiques nécessaires d’un tel gouvernement pour qu’il puisse trouver le soutien des communistes[3] :

C’est avant tout un gouvernement de lutte contre le fascisme et la réaction. Ce doit être un gouvernement qui prend naissance comme fruit du mouvement de front unique et ne limite en aucune manière l’activité du Parti communiste et des organisations de masse de la classe ouvrière, mais, au contraire, prend des mesures résolues contre les magnats contrerévolutionnaires de la finance et leurs agents fascistes. […]

Nous exigeons de chaque gouvernement de front unique une tout autre politique. Nous exigeons de lui qu’il réalise des revendications révolutionnaires radicales, déterminées, répondant à la situation. Par exemple, le contrôle de la production, le contrôle des banques, la dissolution de la police, son remplacement par la milice ouvrière armée, etc. […]

C’est pourquoi nous envisageons la possibilité de former dans les conditions d’une crise politique, un gouvernement de front unique antifasciste. Dans la mesure où ce gouvernement engagera réellement la lutte contre les ennemis du peuple, accordera la liberté d’action à la classe ouvrière et au Parti communiste, nous, communistes, nous le soutiendrons par tous les moyens et, en soldats de la révolution, nous nous battrons en première ligne.

[Citation dans l’original ]

Dimitrov expose certaines conditions dont la concrétisation pourrait rapprocher cette éventualité[4] :

Dans quelles conditions objectives la formation d’un tel gouvernement sera-t-elle possible ? À cette question, on peut répondre sous la forme la plus générale : dans les conditions d’une crise politique, le jour où les classes régnantes ne sont plus en état de maitriser le puissant essor du mouvement antifasciste de masse. Mais ce n’est là que la perspective générale sans laquelle il ne sera guère possible en pratique de former un gouvernement de front unique. Seule, la présence de conditions particulières déterminées peut inscrire à l’ordre du jour la question de former ce gouvernement comme une tâche politiquement indispensable. Il me semble qu’en l’occurrence les conditions suivantes méritent la plus grande attention  :

Premièrement, que l’appareil d’État de la bourgeoisie soit suffisamment désorganisé et paralysé, en sorte que la bourgeoisie ne puisse empêcher la formation d’un gouvernement de lutte contre la réaction et le fascisme.

Deuxièmement, que les grandes masses de travailleurs, et particulièrement les syndicats de masse, se dressent impétueusement contre le fascisme et la réaction, mais sans être encore prêtes à se soulever pour lutter sous la direction du Parti communiste pour la conquête du pouvoir soviétique.

Troisièmement, que la différenciation et l’évolution à gauche dans les rangs de la social-démocratie et des autres partis participant au front unique aient déjà abouti à ce résultat qu’une partie considérable d’entre eux exigent des mesures implacables contre les fascistes et les autres réactionnaires, luttent en commun avec les communistes contre le fascisme et interviennent ouvertement contre les éléments réactionnaires de leur propre Parti hostiles au communisme.

[Citation dans l’original ]

Pour mettre en lumière la signification de ces conditions, Dimitrov se réfère aux expériences passées du KPD, au cours des années 1922-1924 [5] :

La première série de fautes résultait précisément du fait que la question du gouvernement ouvrier n’était pas rattachée clairement et fermement à l’existence d’une crise politique. Grâce à cette circonstance, les opportunistes de droite pouvaient interpréter les choses de façon à faire croire qu’il convient de viser à la formation d’un gouvernement ouvrier soutenu par le Parti communiste dans n’importe quelle situation, comme on dit : dans une situation “normale”, Les ultragauches, au contraire, ne reconnaissaient que le gouvernement ouvrier susceptible d’être créé uniquement par le moyen de l’insurrection armée, après le renversement de la bourgeoisie. L’un et l’autre point de vue était faux et c’est pourquoi, afin d’éviter la répétition de pareilles erreurs, nous mettons aujourd’hui si fortement l’accent sur le décompte exact des conditions concrètes particulières de la crise politique et de l’essor du mouvement de masse dans lesquelles la création d’un gouvernement de front unique peut s’avérer possible et politiquement indispensable.

La deuxième série de fautes résultait du fait que la question du gouvernement ouvrier n’était pas liée au développement d’un vaste mouvement combattif de front unique du prolétariat. C’est pourquoi les opportunistes de droite avaient la possibilité de déformer la question en la ramenant à une tactique sans principe de blocage avec les Partis social-démocrates sur la base de combinaisons purement parlementaires. Les ultragauches, au contraire, criaient : "Aucune coalition avec la social-démocratie contrerévolutionnaire!" en considérant, par essence, tous les social-démocrates comme des contrerévolutionnaires.

L’un et l’autre point de vue étaient faux ; et maintenant nous soulignons, d’une part, que nous ne voulons pas le moins du monde d’un “gouvernement ouvrier” qui soit purement et simplement un gouvernement social-démocrate élargi. Nous préférons même renoncer à la dénomination de “gouvernement ouvrier” et nous parlons d’un gouvernement de front unique, qui, par son caractère politique, est tout à fait différent, différent en principe, de tous les gouvernements social-démocrates qui ont coutume de s’intituler “gouvernement ouvrier”. Alors que le gouvernement social-démocrate représente une arme de la collaboration de classe avec la bourgeoisie dans l’intérêt de la conservation du régime capitaliste, le gouvernement de front unique est un organisme de collaboration de l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat avec les autres partis antifascistes dans l’intérêt du peuple travailleur tout entier, un gouvernement de lutte contre le fascisme et la réaction. Il est clair que ce sont là deux choses foncièrement différentes. […]

La troisième série de points de vue erronés qui est apparue dans les débats précédents, concernait précisément la politique pratique du “gouvernement ouvrier”. Les opportunistes de droite estimaient que le “gouvernement ouvrier” doit se tenir "dans le cadre de la démocratie bourgeoise"; que, par conséquent, il ne doit entreprendre aucune démarche débordant de ce cadre. Les ultragauches, au contraire, se refusaient en fait à toute tentative de former un gouvernement de front unique.

[Citation dans l’original ]

Enfin Dimitrov insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une étape intermédiaire entre la dictature de la bourgeoise et la dictature du prolétariat, mais d’une forme de transition vers la dictature du prolétariat à partir de la dictature de la bourgeoisie[6] :

Il y a quinze ans, Lénine nous appelait à concentrer toute notre attention sur la "recherche des formes de transition ou de rapprochement conduisant à la révolution prolétarienne". Le gouvernement de front unique s’avèrera peut-être, dans une série de pays, une des principales formes de transition. Les doctrinaires “de gauche” ont toujours passé outre à cette indication de Lénine; tels des propagandistes bornés, ils ne parlaient que du "but", sans jamais se préoccuper des "formes de transition". Quant aux opportunistes de droite, ils tendaient à établir un certain "stade intermédiaire démocratique" entre la dictature de la bourgeoisie et la dictature du prolétariat, pour inculquer aux ouvriers l’illusion d’une paisible promenade parlementaire d’une dictature à une autre. Ce "stade intermédiaire" fictif, ils l’intitulaient aussi "forme transitoire", et ils se référaient même à Lénine! Mais il n’était pas difficile de dévoiler cette filouterie; car Lénine parlait d’une forme de transition et de rapprochement conduisant à la "révolution prolétarienne", c’est-à-dire au renversement de la dictature bourgeoise, et non pas d’on ne sait quelle forme de transition entre la dictature bourgeoise et la dictature prolétarienne. […]

Mais nous le disons ouvertement aux masses : ce gouvernement-là ne peut pas apporter le salut définitif. Il n’est pas en mesure de renverser la domination de classe des exploiteurs, et c’est pourquoi il ne peut pas non plus écarter définitivement le danger de la contrerévolution fasciste. En conséquence, il est nécessaire de se préparer pour la révolution socialiste. Le salut ne viendra que du pouvoir soviétique, de lui seul !

[Citation dans l’original ]

Dimitrov souligne cette double perspective aussi en évoquant la situation en France, précisant qu’un gouvernement antifasciste ne sortirait pas pour autant du cadre des gouvernements bourgeois[7] :

Et si, en France, le mouvement antifasciste aboutit à la création d’un gouvernement qui applique une lutte véritable, ‑ non pas en paroles, mais en fait, ‑ contre le fascisme français, qui fasse passer dans la réalité le programme de revendications du Front populaire antifasciste, les communistes, tout en restant les ennemis irréconciliables de tout gouvernement bourgeois et les partisans du pouvoir des Soviets, seront prêts, néanmoins, en face du danger fasciste grandissant, à soutenir un tel gouvernement.

[Citation dans l’original ]

La conférence dite de Bruxelles du KPD reprend à son compte ces positions au sujet d’un gouvernement antifasciste. Dans l’immédiat nous relevons uniquement les positions qui sont en correspondance directe; nous soulignerons plus loin certains aspects qui introduisent des écarts.

Voici ce que dit Wilhelm Pieck au sujet du front uni prolétarien et du front populaire, dans son rapport à la conférence[8] :

Le VIIe congrès mondial a traité de la question complètement nouvelle, qu’au cours de l’avance du mouvement révolutionnaire de masse peut se produire une situation où les masses certes sont résolues en faveur du renversement de la dictature fasciste, mais ne sont pas encore prêtes à s’engager dans la lutte pour le pouvoir soviétique. Dans de telles conditions les communistes prendront fait et cause pour la création d’un tel gouvernement du front uni prolétarien ou du front populaire antifasciste, qui n’est pas encore un gouvernement de la dictature prolétarienne mais qui garantit la mise en oeuvre de mesures résolues contre le fascisme et la réaction, et défendront un tel gouvernement […]. La condition préalable essentielle à cela est la présence d’une crise politique qui existe quand les classes dominantes ne sont plus en mesure d’en finir avec le mouvement de masse prenant un essor puissant et ne peuvent plus empêcher la constitution d’un tel gouvernement. […]

Une telle situation, que le congrès mondial a considérée comme éventualité en rapport avec la constitution d’un gouvernement de front uni, peut se produire sous l’effet du développement du front uni et front populaire antifasciste en Allemagne accompagné de la mise en oeuvre de l’unité d’action des masses travailleuses pour le renversement de la dictature hitlérienne. Dans cette situation nous poserons des revendications révolutionnaires fondamentales qui visent à ébranler encore le pouvoir économique et politique, à accroitre les forces de classe ouvrière, à surmonter toutes les résistances contre l’accentuation de la lutte et à amener ainsi les masses immédiatement à la prise révolutionnaire du pouvoir.

Avec nos mots d’ordre en faveur des libertés et notre lutte pour les droits et libertés démocratiques nous gagnerons à la lutte commune des larges masses en Allemagne, qui certes ne sont pas encore d’accord avec notre but final révolutionnaire de la création du pouvoir soviétique, mais qui toutefois sont prêtes à lutter en commun avec nous pour le renversement de la dictature hitlérienne. Avec ces mots d’ordre nous associerons au front populaire même des parties de la bourgeoisie. Ce faisant nous agissons tout à fait selon l’enseignement de Lénine, que nous devons rechercher "les formes pour passer à la révolution prolétarienne ou l’aborder"[9]. […]

Le gouvernement de front uni ou de front populaire antifasciste prévu dans les résolutions du VIIe congrès mondial dans l’hypothèse d’une crise politique n’a rien à voir avec les gouvernements de coalition, les soi-disant gouvernements ouvriers social-démocrates ou la politique de coalition de la social-démocratie, mais est au contraire le stricte contraire, un gouvernement de la lutte contre le capital financier, contre les fascistes, contre la réaction.

[Citation dans l’original ]

La résolution adoptée par la conférence déclare[10] :

La création du front populaire antifasciste, le rassemblement de tous les adversaires du régime fasciste sur la base d’un programme politique de lutte contre la dictature fasciste, la réalisation de l’alliance de lutte de la classe ouvrière avec les paysans, petit bourgeois et intellectuels, l’union de tous les travailleurs à la ville et la campagne en vue de la lutte pour la liberté, la paix et le pain est la condition préalable décisive pour le renversement de la dictature hitlérienne.

[…]

La grande aspiration du peuple travailleur à la liberté, que les fascistes tentent d’attirer sur la voie de leur politique aventurière de guerre, doit devenir sous l’effet du mouvement de front populaire antifasciste, une force ayant un impact puissant en vue du renversement de la dictature hitlérienne.

La conférence du Parti renvoie à ce sujet à la possibilité et nécessité envisagée par le VIIe congrès mondial de l’Internationale communiste, de la constitution d’un gouvernement de front uni prolétarien ou de front uni antifasciste, qui peut se produire sous l’effet de l’essor du mouvement de masse dans les conditions d’une crise politique avec le renversement de la dictature hitlérienne.

La libération définitive des masses travailleuses de l’exploitation et de l’oppression capitalistes ne peut résulter que de l’instauration du pouvoir soviétique, qui seul renverse la domination de classe des exploiteurs, édifie le socialisme et garantit au peuple tout entier la liberté et le bienêtre croissant.

[Citation dans l’original ]

Et voici comment ce sujet est traité par le manifeste publié ultérieurement au nom de la conférence[11] :

Nous communistes sommes en faveur du front populaire le plus large! Ensemble avec le Parti social-démocrate, avec le Parti du Zentrum, les démocrates et avec toutes les organisations du peuple travailleur doit être créé le front populaire contre Hitler, contre la dictature fasciste, pour le renversement de celle-ci. Tous les hommes et groupes qui veulent cette lutte, doivent être réunis dans ce front.

[…]

Nous communistes voulons la victoire du pouvoir des soviets! La victoire définitive du socialisme en Union soviétique, accompagnée du bienêtre croissant de tous les actifs dans ce pays, de l’essor de la culture et du niveau vie, montre à tous les actifs la voie pour sortir de la servitude capitaliste, la voie vers la liberté et le bienêtre.

Nous communistes savons qu’au sujet de cet objectif de lutte existent encore des divergences d’opinion au sein du peuple travailleur, que la majorité n’est pas encore prête à la lutte pour cet objectif. Mais cela ne doit pas nous séparer maintenant, dans la lutte contre la réaction fasciste!

Nous n’excluons nullement qu’un gouvernement de front uni ou de front populaire puisse également s’avérer possible et nécessaire. En tout cas, lors du renversement de la dictature hitlérienne le peuple travailleur d’Allemagne devra décider lui-même au sujet du gouvernement, et le fera.

[Citation dans l’original ]

L’évolution de la situation en Allemagne conduisant de la démission du gouvernement Hermann Müller (SPD) en mars 1930 à l’achèvement de la mise en place de l’appareil d’État de la dictature national-socialiste au cours de l’année 1934, avait produit au sein du KPD des controverses ‑ avec des répercussions également au sein de l’Internationale communiste ‑ au sujet de l’orientation (cf. le texte "1933‑1945 : Dictature et libération" ). À l’occasion du 7e Congrès de l’IC et de la Conférence de Bruxelles du KPD, les positions du KPD durant cette période font l’objet d’un réexamen.

Dans son rapport au 7e Congrès de l’IC, W. Pieck expose la situation au moment de la prise du pouvoir par les national-socialistes de la manière suivante[12] :

Mais même dans les plus grands pays impérialistes est survenu un ébranlement profond du système impérialiste. Déjà au printemps 1931 le XIe plénum de la CEIC pouvait constater qu’en Allemagne murissent les conditions préalables de la crise révolutionnaire, qu’en Pologne croissent les éléments de la crise révolutionnaire. En automne 1932 le XIIe plénum de la CEIC constata que la stabilisation partielle et temporaire du capitalisme s’est terminée, et que s’accomplit la transition vers un nouveau cycle de révolutions et de guerres.

En cela, le XIIe plénum s’appuyait sur la croissance supplémentaire de l’essor révolutionnaire, sur le murissement de la crise révolutionnaire en Allemagne et en Pologne, sur les révolutions en Chine et en Espagne, sur le début de l’offensive du Japon contre la Chine. Le plénum s’appuyait en outre sur l’état profondément miné du système de Versailles, et le fait que l’entente entre les puissances victorieuses contre l’Allemagne s’est brisée, ainsi que le fait que l’entente entre l’Angleterre, le Japon, l’Amérique et la France au sujet de l’exploitation en commun de la Chine s’est également brisée. À cela s’ajoutait le murissement d’une nouvelle guerre impérialiste tandis qu’en même temps se consolidait le pouvoir politique, économique et militaire de l’Union soviétique. […]

Durant cette période, les communistes ont fait tout qui était en leur pouvoir pour mobiliser les masses travailleuses pour la lutte révolutionnaire, pour l’empêchement de la dictature fasciste. En cela, les communistes ont obtenu des succès considérables. Mais ils n’ont pas été en mesure à modifier le rapport de forces qui s’était établi auparavant, tant que la social-démocratie ne renonçait pas à sa position hostile au front uni et à la lutte.

[…] Se manifestent le genre de prétendus révolutionnaires de “gauche” qui affirment que les communises auraient malgré tout dû engager la lutte, sans égard au fait qu’une telle lutte de la minorité du prolétariat aurait conduit à la défaite. Ces héros de phraséologie pseudo-révolutionnaire ne veulent pas comprendre que cela aurait signifié une défaite encore plus grande et l’écrasement complet des cadres révolutionnaires du prolétariat allemand.

[Citation dans l’original ]

Il convient de souligner deux points apparaissant dans ces explications. Pieck confirme la position selon laquelle à l’approche de l’instauration de la dictature national-socialiste se développaient des facteurs de crise révolutionnaire. Il ne rejette donc pas globalement l’idée qui avait fortement pesé dans les premières réactions du Parti face à la venue d’Adolf Hitler au gouvernement, à savoir que cette nouvelle situation pourrait accélérer le développement du mouvement de masse. Cependant, il fait valoir à juste titre qu’une telle appréciation n’autorise pas une interprétation volontariste et aventurier du rapport de forces face à la réaction au pouvoir.

Et dans son rapport à la conférence de Bruxelles du KPD, Pieck analyse l’orientation du Parti rétrospectivement en ces termes[13] :

Il y a trois moments décisifs qui nous montrent tout à fait clairement les effets de nos erreurs dans l’analyse et la tactique. Ce sont le 20 juillet 1932, le 20 janvier 1933 et le 30 juin 1934. C’étaient des jours pour mesurer à grande échelle les forces de classe, des jours qui, comme le disait Marx, équivalent des décennies. Dans chacun des trois cas il s’est avéré que le Parti ne portait pas un jugement correct sur la situation ni sur les perspectives qu’elle portait en elle. L’approche de ces évènements n’a pas été pronostiquée aux masses et le Parti n’a pas été orienté dans cette lutte vers l’accentuation de la lutte. Si cela avait été le cas, alors le Parti aurait été forcé à comprendre que son orientation tactique ancienne était erronée et qu’elle aurait dû réorienter sa tactique en vue de la lutte commune avec la social-démocratie et les syndicats contre le danger fasciste, qu’elle aurait dû passer de sa lutte contre la démocratie bourgeoise à la lutte pour la défense des droits et libertés démocratiques. Or cela ne s’est pas produit avant l’instauration de la dictature hitlérienne.

Mais même le 30 juin a montré que nous n’avons pas appris grand-chose des expériences faites en rapport avec l’instauration de la dictature hitlérienne. Une fois de plus faisait défaut une analyse marxiste de la situation sous la dictature hitlérienne, de ses mesures et de la différentiation croissante dans le camp de la bourgeoisie. Il suffit de lire nos documents et "le Rote Fahne" dans la première période de la dictature hitlérienne, pour se rendre compte que le Parti n’avait pas une idée claire de la situation concrète.

C’était la raison pourquoi nous avons aussi été surpris par les évènements du 30 juin et qu’en conséquence nous n’étions pas non plus en mesure de mettre à profit pour l’amplification du mouvement de lutte, les conditions objectivement plus favorables que créa cette différentiation dans le camp de la bourgeoisie. Nous n’avions pas compris l’importance du travail dans les organisations de masse fascistes et par conséquent ne connaissions pas non plus les états d’esprit présents dans ces organisations.

[Citation dans l’original ]

République bourgeoise

Dans un premier temps divers facteurs pouvaient justifier le fait que le KPD se place dans la perspective d’un mouvement de masse assurant la double condition du rapport de forces favorable pour vaincre la dictature et de la constitution d’organes du pouvoir populaire. Cependant, les quelques années qui s’en suivirent, placèrent finalement le KPD dans une situation nettement différente. Certes, les communistes allemands poursuivaient une résistance politique, y compris armée, tenace et persistante malgré la répression meurtrière exercée par les national-socialistes. Ils agissaient sous l’impulsion directe ou indirecte du Parti, et à travers des structures tantôt liées directement à la direction de celui-ci, tantôt partiellement ou complètement détachées de lui. Mais les dimensions de ces activités restaient beaucoup trop limitées pour que l’orientation initiale puisse être maintenue comme option réaliste.

Les années 1935-1939 sont marquées par la problématique découlant de cette inadéquation, potentielle sinon réelle, entre d’une part, la perspective mise en avant, de réalisation d’un gouvernement de front populaire antifasciste, et d’autre part, le développement effectif de la lutte et des actions menées par les communistes et les antifascistes. Ces questions traversent de manière récurrente les débats au sein du KPD au sujet de l’orientation. Pour effectuer une analyse critique rétrospective à cet égard, nous nous basons sur une considération cruciale : l’objectif de mettre en oeuvre le front uni et le front populaire doit être primordiale, tandis que la formation d’un gouvernement émanant de ce front n’est qu’un élément facultatif, accessoire bien que non négligeable. En tout cas, c’est ainsi que nous concevons le rapport entre les deux aspects. Il semble que les interprétations exprimées au 7e Congrès de l’IC, notamment par G. Dimitrov dans son rapport, s’accordent avec la position de base ainsi formulée. Et les problèmes d’orientation que nous relèverons dans ce qui suit concernant le KPD, sont en grande partie en relation avec la tendance qui caractérise l’orientation du Parti, de mettre la question du futur gouvernement et du programme de celui-ci au centre de ses préoccupations.

Palmiro Togliatti intervient à la conférence de Bruxelles du KPD en tant que représentant du Comité exécutif de l’Internationale communiste. Il pose la nécessité d’élaborer une plateforme politique comme base de la constitution du front populaire[14] :

Le deuxième aspect principal que nous souhaitons souligner, concerne la nécessité d’une tactique, d’une politique qui conduit à l’unification des forces antifascistes. Cela, nous le pouvons accomplir uniquement par l’élaboration d’une plateforme politique concrète dans laquelle soient pris en considération les intérêts et aspirations de toutes ces couches différentes. Tant que n’a pas été amorcée l’élaboration d’une telle plateforme, la question du front populaire reste quelque peu suspendue dans le vide et il existe le danger que les éléments de l’opposition antifasciste qui vivent à l’étranger et qui dans une certaine mesure ont perdu le contact avec le pays, poussent notre parti vers une voie erronée de l’élaboration d’un programme politique de gouvernement pour l’avenir. La tâche de l’élaboration d’une telle plateforme concrète du front uni antifasciste est l’une des plus difficiles qui sont posées devant votre conférence. En ce qui concerne le contenu de cette plateforme, on doit réfléchir à fond sur chaque mot d’ordre politique concret particulier. Ces mots d’ordre politiques doivent être posés de telle manière qu’ils saisissent les masses populaires les plus larges, qu’ils mettent en lien les problèmes les plus aigus de la lutte quotidienne avec la lutte politique ciblée pour le renversement de la dictature fasciste. Ils doivent prendre leur source dans les promesses des fascistes eux-mêmes ainsi que dans la situation interne et internationale de l’Allemagne. Premier mot d’ordre principal : contre la politique de guerre qui conduira à une défaite de l’Allemagne. Le programme de la libération nationale et sociale[15], qui a été prôné par le Parti dans le passé, est aujourd’hui dépassé. Il avait pour but de faire la propagande en faveur du programme du pouvoir des soviets en général. La tâche principale consiste à démasquer la démagogie nationaliste du fascisme. C’est pourquoi il faut en premier lieu prendre position contre la politique de guerre qui conduira à une nouvelle défaite de l’Allemagne. Ce mot d’ordre général doit aujourd’hui être mis en lien avec le mot d’ordre de l’annulation du traité de Versailles. C’est à dire des mots d’ordre comme : Pour l’annulation complète du traité de Versailles. Pour la réunion dans une Allemagne libre, de toutes les parties du peuple allemand séparées par la force, réunion non pas par la guerre, mais sur la base de la libre volonté et par la voie de l’entente internationale. Nous pouvons aussi poser le mot d’ordre tout à fait concret de la liquidation du corridor polonais en suivant cette voie. Par une popularisation large de ces mots d’ordre et par le déclenchement d’une véritable lutte de masse pour leur réalisation nous pouvons rendre inopérante la démagogie nationaliste. En lien avec cela : rétablissement de la bonne entente avec l’union soviétique, relations économiques étroites avec l’Union soviétique, rétablissement de relations économiques normales avec tous les pays. Tous ces mots d’ordre concernent des problèmes nationaux et les problèmes de la politique étrangère du fascisme. Ensuite devons venir les mots d’ordres politiques principaux, à savoir en particulier : Rétablissement de l’ensemble des libertés démocratiques. Rétablissement de tous les partis politiques, organisations ouvrières et paysannes, épuration des éléments fascistes dans l’armée et l’appareil d’état, en particulier des postes privilégiés occupés de préférence par les fascistes. Liberté de conscience et de croyance! Égalité de tous les ressortissants, indépendamment de leur nationalité et religion. Libération de tous les antifascistes et de tous ceux qui ont été incarcérés au motif d’avoir enfreint des lois fascistes antipopulaires. Les revendications économiques doivent être dirigées contre la politique d’autarcie, contre l’économie contrôlée et les subventions au bénéfice des grands capitalistes aux frais des larges masses populaires. Ce seraient p. ex. des mots d’ordres comme : Pour la libre vente des produits de paysans, arrêt de la politique de l’autarcie, lutte sans merci contre les banques et les grands spéculateurs qui comme des rapaces engrangent leurs grands profits aux frais du consommateur. Rétablissement complet de l’assurance sociale, demande de restitution de l’ensemble des subventions accordées aux grands industriels et aux agrariens. Évidemment toutes les parties d’une telle plateforme doivent être étroitement mis en lien avec le mot d’ordre général du renversement de la dictature fasciste. Mais ce mot d’ordre aussi doit être concrétisé, en ce que nous demandons que les coupables de la catastrophe qui menace le peuple allemand soient traduits en justice. En même temps il faut cependant déclarer qu’on accordera une pleine amnistie aux membres des organisations fascistes inférieures, qui ont été dupés par les éléments dirigeants. À cet égard on devra noter que ces mots d’ordre doivent être posés de telle sorte qu’ils mettent en lien notre lutte antifasciste avec les aspirations de ces éléments qui aujourd’hui ne sont pas encore des antifascistes déclarés, mais dont les intérêts sont lésés par les mesures de la dictature fasciste. Camarades, ces revendications peuvent être considérées seulement comme une première tentative d’élaboration d’une plateforme du front uni antifasciste en Allemagne. La rédaction définitive d’une telle plateforme avec laquelle nous devons nous adresser à tous les éléments antifascistes, est la tâche de la conférence et de la Centrale du Parti.

[Citation dans l’original ]

Un texte intitulé "Qu’est-ce qui unit le front populaire? Pour quelles revendications la lutte commune de tous les adversaires de Hitler est-elle possible?", datant d’octobre 1935, traite de cette question relative à une plateforme du front uni antifasciste. Il parût pendant la tenue de la Conférence de Bruxelles dans l’hebdomadaire Gegen-Angriff (dirigé par des représentants du KPD : Wilhelm Münzenberg, Alexander Abusch, Bruno Frei); il fut reproduit aussi peu après la Conférence dans le Rote Fahne. Voici des extraits :

En effet, nos combattants dans la clandestinité, en mettant en jeu leur vie chaque minute, montrent que nous plaçons un intérêt par-dessus tout : la libération du joug atroce de Hitler, du peuple allemand opprimé.

En vue de cette tâche nous voulons sincèrement la création du front uni avec toutes les organisations du Parti social-démocrate dans le pays et aussi avec le comité exécutif à Prague. En vue de cette tâche nous aspirons le front populaire le plus large avec toutes les organisations des adversaires de Hitler. […] Il n’y a qu’une condition préalable pour le front uni et le front populaire : la volonté de lutter en commun contre l’ennemi commun, Hitler.

[Citation dans l’original ]

Le texte expose une liste de revendications devant servir comme base pour l’action commune dans ce cadre :

Nous sommes de l’avis qu’un regroupement de tous les partis et groupes antihitlériens dans le front populaire est possible pour les revendications suivantes :

Pour la liberté d’opinion et de conscience, pour la liberté de parole et d’écrit, d’art et de science;

pour la liberté de coalition, pour le rétablissement du droit à l’élection de directions et de cadres dans les associations;

pour l’amnistie pour les prisonniers politiques;

pour la liberté de la défense d’intérêts et des organisation, de caractère syndicale;

arrêt de la baisse insupportable des salaires, rémunérations, allocations et rentes sociales!

abolition du système de collecte!

Le peuple veut des salaires plus élevés et une existence garantie.

Baisse des impôts pour les couches moyennes et les paysans;

rétablissement du droit à la vente libre pour les paysans;

satisfaction des besoins de terres pour les paysans!

élections libres et secrètes et candidature libre aux représentations communales et à tous les organismes publics!

La lutte du peuple allemand pour ces revendications est la voie vers le renversement de Hitler.

[Citation dans l’original ]

Sous une autre forme, une ébauche similaire de plateforme en vue de la constitution du front antifasciste, figure dans la Résolution adoptée par la Conférence de Bruxelles[16] :

Tout ce qui réunit les masses travailleuses dans la lutte contre l’asservissement et le pillage de la part du gouvernement de Hitler, doit être mis au premier plan du travail d’éducation et de l’organisation de la lutte commune.

Face à l’asservissement et la privation de droits immenses du peuple allemand, de l’embrigadement politique des consciences et de la persécution inouïe de tous les hommes épris de liberté par la dictature fasciste, le Parti communiste place en tête de la lutte antifasciste la lutte pour tous les droits et libertés démocratiques. Nous communistes luttons pour la liberté d’organisation et de réunion, pour la liberté de la presse et de l’opinion, pour la liberté de croyance et de conscience, pour l’égalité de tous les ressortissants, pour la liberté totale d’élection à tous les organismes. Nous luttons contre la pagaille représentée par les bonzes bruns dans les organisations ouvrières, de classes moyennes, organisations paysannes et autres.

[…] Nous communistes sommes pour l’élimination complète du dictat de Versailles et pour la réunification dans une Allemagne respectueuse des libertés, de toutes les parties du peuple allemand séparées par ce dictat. Cela ne doit pas être obtenu par la guerre, mais par la voie d’une entente pacifique avec les peuples voisins. Or la politique de Hitler pousse le peuple allemand dans la guerre et conduit à une nouvelle défaite. Nous communistes voulons préserver le peuple allemand des horreurs et les sacrifices incalculables d’une nouvelle guerre mondiale impérialiste. Nous voulons anéantir le fauteur de guerre principale, le fascisme hitlérien.

[…] La lutte nécessaire des travailleurs pour des meilleurs salaires correspond tout à fait à la lutte des paysans et des classes moyennes pour un prix juste des produits qu’ils fabriquent. Du pouvoir d’achat des travailleurs dépend aussi l’existence des classes moyennes et de la paysannerie. C’est pourquoi ils sont ensemble intéressés à l’élimination des prélèvements, impôts et taxes, au démantèlement de tout l’appareil bureaucratique de collection et répartition, à l’élimination des profits intermédiaires élevés des commerçants en gros et de l’État, à la suppression de toute spéculation.

[…]

Nous communistes en appelons à tous les actifs, à tous les hommes de culture et d’esprit en Allemagne et dans le monde entier, de protester contre la terreur inhumaine des fascistes à l’encontre d’hommes aux opinions différentes, contre les tortures dans les enfers du Gestapo, contre le traitement barbare infligé aux prisonniers politiques, contre les innombrables assassinats des prisonniers sans défense et des combattants antifascistes, et de mener la lutte pour la libération de tous les prisonniers politiques.

[Citation dans l’original ]

Le texte publié dans le Gegen-Angriff, mentionné plus haut, insiste aussi sur la nécessité de constituer des organes du front

Dans la lutte pour ces revendications, le front populaire devra créer ses propres organes communs, à l’aide de cadres et de directions d’organisations légaux, adversaires de Hitler, p. ex. sous la forme de comités provisoires illégaux ou quelque chose de semblable, de la façon appropriée selon les conditions dans l’entreprise et dans la localité, et de sorte qu’ils puissent être protégés au mieux de la Gestapo. […] Nous communistes sommes de l’avis que la direction de cette lutte peut être assumée uniquement par les organisations dans le pays même, par les organes du front uni et du front populaire.

[Citation dans l’original ]

Telle que la question de la plateforme apparait dans ces citations, il s’agit d’un ensemble de mesures dont la réalisation doit être imposée par les forces composant le front, soit au cours de la lutte contre la dictature national-socialiste, soit au bout du compte après le renversement de celle-ci. Mais par la suite le KPD adopte ‑ avec quelques fluctuations dans l’orientation ‑ la perspective de formuler ainsi le programme du futur gouvernement, auquel il envisage d’ailleurs de participer éventuellement.

Dès la Conférence de Bruxelles, W. Pieck introduit cette éventualité. Nous avons déjà cité un extrait concernant cette question, dans la mesure où il correspond à la position formulée au 7e Congrès de l’IC. Mais Pieck ne s’en tient pas simplement au soutien à un éventuel gouvernement[17] :

Dans de telles conditions les communistes se prononceront en faveur de la création d’un gouvernement de front uni prolétarien ou de front populaire antifasciste, […]; ils le soutiendront et, sous certaines conditions, y participeront eux-mêmes. […] Dans de telles conditions les communistes se prononceront aussi en faveur d’une Assemblée nationale, dont il faudra assurer l’élection au suffrage libre, universel, égal et direct.

[Citation dans l’original ]

Cette même orientation apparait dans le texte publie dans le Gegen-Angriff :

[…] sommes-nous, communistes, prêts à soutenir aussi un gouvernement différent, un gouvernement du front uni et du front populaire, et de participer aussi sous certaines conditions à un tel gouvernement […].

[Citation dans l’original ]

Rappelons que l’indication que les communistes "sous certaines conditions, y participeront eux-mêmes [au gouvernement]", élargit les formulations utilisées durant le 7e Congrès de l’Internationale communiste. Il faut néanmoins noter que la résolution adoptée par la conférence de Bruxelles se limite à la formule de la "formation" d’un gouvernement de front sans mentionner une éventuelle participation des communistes (cf. les passages cités plus haut)[18]

[…] la possibilité et nécessité […] de la constitution d’un gouvernement de front uni prolétarien ou de front uni antifasciste

[Citation dans l’original ]

Le fond du problème est lié à un manque de clarté au sujet de la nécessité de gagner la classe ouvrière et les masses travailleuses à l’objectif de la prise du pouvoir, dans le sens de l’instauration d’un pouvoir d’État porté par elles, à l’issue de la lutte menée par elles.

Au 7e Congrès de l’Internationale communiste, G. Dimitrov avait exposé certaines conditions dont la concrétisation pourrait rapprocher cette éventualité d’un gouvernement de front, notamment la suivante, déjà cité plus haut[19] :

[…] Deuxièmement, que les grandes masses de travailleurs, et particulièrement les syndicats de masse, se dressent impétueusement contre le fascisme et la réaction, mais sans être encore prêtes à se soulever pour lutter sous la direction du Parti communiste pour la conquête du pouvoir soviétique; |…].

[Citation dans l’original ]

De fait, le KPD ‑ en oscillant entre omissions tacites et formulations explicites ‑ tend à se baser sur une appréciation de la situation qui retient le second aspect ‑ que les masses travailleuses ne sont pas prêtes à concourir à une insurrection en faveur du pouvoir soviétique ‑, et s’accommode du fait que le premier aspect ‑ que les masses travailleuses s’opposent avec véhémence au fascisme et à la réaction ‑ n’est nullement réalisé. Toutefois, dans un premier temps le Parti se montre hésitant quant à l’attitude à adopter. Il s’engage sur le terrain de négociation avec les forces politiques susceptibles d’intégrer une alliance antifasciste, mais en son sein s’expriment encore des réticences quant à l’idée d’aborder la question du futur régime. L’approche préconisée par P. Togliatti à la Conférence de Bruxelles finit par prévaloir, notamment à l’issue des débats à ce sujet au niveau du Comité exécutif de l’IC en mars 1936. Mais il n’en résulte pas une orientation unifiée unique. Les conceptions concernant le régime futur restent sujettes à des interprétations différenciées, dans la mesure notamment où le KPD au bout du compte entreprendra l’élaboration d’un programme de gouvernement censé être mise en oeuvre dans le cadre d’une république parlementaire institutionnalisée (voir plus loin). En cela il s’écarte des formulations que l’on trouve dans les documents de l’Internationale communiste, où il est question par exemple de "plateforme du front populaire contre le fascisme et la guerre " ou de "rétablissement des droits bourgeois-démocratiques". (Pour plus de détails, cf. le texte "1933‑1945 : Dictature et libération" )

République démocratique et front uni

Durant les années 1936‑1938, le KPD déploie des efforts considérables pour concrétiser l’acceptation du front populaire par le SPD et d’autres forces politiques enclines à une opposition à la dictature national-socialiste. L’argumentation employée insiste régulièrement sur la question de la république démocratique. Une résolution adoptée par le Comité central en mai 1938 résume la position du Parti à cet égard[20] : "Nous, communistes, luttons pour la république démocratique, parce que actuellement l’unification du peuple allemand ne peut être obtenu qu’en vue de cet objectif." [Citation dans l’original ]

Voici quelques extraits de textes significatifs à cet égard.

Au sujet de la démocratie :

Déclaration du Bureau politique du KPD, avril 1936 :

Le KPD considère le rétablissement des droits bourgeois-démocratiques comme un progrès important, bien qu’il vise à atteindre des objectifs plus avancés. La lutte pour les libertés démocratiques, pour la plus grande liberté d’action aujourd’hui, est étroitement liée à la réalisation d’un régime démocratique après le renversement de Hitler.

[Citation dans l’original ]

Manifeste du Comité central du KPD, juin 1936 :

Tous ont en commun la grande volonté de préserver la paix et de conquérir des libertés et droits démocratiques. […] La république démocratique mettra fin à la situation où le peuple allemand est dépourvu de droits et de liberté.

[Citation dans l’original ]

Lignes directrices, projet du Comité central du KPD, juin 1936 [21] :

Le front populaire allemand lutte pour la liberté et la démocratie, pour le droit de vote universel, secret et direct, pour la république démocratique. […] Les partis, courants, organisations, groupes et personnes, associés dans le front populaire déclarent comme principe de base le plus important pour l’État, que le nouveau Reich sera une république démocratique, dans laquelle le peuple décidera librement sur toutes les questions de l’économie, de la politique intérieure et étrangère du pays, et dans laquelle le gouvernement sera déterminé par une décision du peuple travailleur sur la base du droit de vote universel, égal, secret et direct.

[Citation dans l’original ]

W. Pieck, aout 1936 [22] :

La nouveauté dans ces propositions par rapport au manifeste de la conférence de Bruxelles du parti réside, comme déjà mentionné, dans la revendication visant la république démocratique qui devra être créée après le renversement de la dictature hitlérienne, afin de réaliser les revendications des masses populaires et de leur donner avant tout la pleine possibilité de participer eux-mêmes de manière décisive à la formation et la consolidation de la république démocratique.

[Citation dans l’original ]

On note ici les fluctuations quant aux termes employés. De formulations limitées ‑ "droits bourgeois-démocratiques", "libertés démocratiques" ‑ on passe à une définition du système en tant que tel ‑ "république démocratique" ‑ (ce qui à la Conférence de Bruxelles avait été écarté délibérément); par ailleurs, en général cette démocratie est censée intégrer l’ensemble du "peuple", des "masses populaires", mais on trouve aussi cette référence étrange à "une décision du peuple travailleur sur la base du droit de vote universel, égal, secret et direct" (cf. ci-dessus, "Lignes directrices") ‑ ce qui impliquerait une restriction quant à la notion de "droit de vote universel".

Au sujet du mouvement de masse :

Manifeste du Comité central du KPD, juin 19362 :

Le renversement de la dictature hitlérienne et l’instauration de la république démocratique s’accompliront à travers des affrontements énormes, variés, entre les forces du front populaire et les puissances de la dictature hitlérienne. Cette lutte commence par la moindre résistance dans les entreprises et les organisations de masse fascistes, dans les zones d’habitation, dans les villages, dans l’armée. De ces résistances les plus réduites se développeront les grands affrontements. Dans ces luttes les masses formeront les organes les plus variées du front populaire, qui acquerra toujours plus la capacité à la direction de ces luttes et organisera et dirigera un mouvement populaire pour une Allemagne nouvelle démocratique. De ses organes se développeront aussi les forces pour les premiers organes de pouvoir d’une Allemagne démocratique.

[Citation dans l’original ]

Lignes directrices, projet du Comité central du KPD, juin 1936 [23] :

Le front populaire appelle les masses de tous les actifs en Allemagne, par millions, à engager la lutte uni pour leurs intérêts vitaux, pour la liberté et le bienêtre. Cette lutte des masses populaires pour les revendications du front populaire est la voie vers le renversement de Hitler. Au cours de cette lutte, partout en Allemagne, naitront les organes du front populaire, portés par la volonté des masses les plus larges du peuple, organes qui organisent et conduisent cette lutte. Ces organes du front populaire détermineront aussi après le renversement de Hitler le gouvernement provisoire, auquel incombera la tâche de consolider la victoire et de rendre possible la libre décision du peuple au sujet du régime futur.

[Citation dans l’original ]

W. Pieck, aout 1936 [24] :

À l’égard de ces luttes, les masses populaires joueront le rôle décisif. Elles auront à porter le poids des grands sacrifices de cette lutte, et par là accumuleront une telle somme d’expériences qu’elles aborderont la formation et la consolidation de la république démocratique avec des exigences tout à fait différentes qu’à l’époque d’avant Hitler, à l’époque de la république de Weimar. Ces exigences des masses populaires détermineront de façon essentielle le contenu de la démocratie du régime nouveau. Les masses se créeront dans le front populaire, au cours du procès de ces luttes des organes pour la conduite de celles-ci, qui exerceront aussi une influence décisive sur la conception et la politique des premiers organes exécutifs après l’écrasement de la dictature fasciste, pour consolider la victoire.

[Citation dans l’original ]

On voit que le KPD prend soin d’insister constamment sur la nécessité de réaliser la condition posée comme préalable à la constitution d’un gouvernement du front, à savoir l’essor d’un mouvement de résistance massive aboutissant à la formation d’organes politiques incarnant le pouvoir des masses travailleuses. Le Parti est conscient du caractère fondamental de cet aspect. Cependant, comme déjà signalé plus haut, il reste à savoir ‑ au moment où ces positions sont formulées ‑ si cette exigence sera satisfaite par le développement effectif de la lutte contre la dictature national-socialiste.

Au sujet de la liberté du peuple de décider du caractère du futur régime :

Gegen-Angriff, octobre 1935 :

Les communistes veulent qu’après le renversement de Hitler le peuple décide librement de son avenir. Le front populaire victorieux doit assurer la libre décision du peuple.

[Citation dans l’original ]

Déclaration du Bureau politique du KPD, avril 1936 :

Le KPD veut le front populaire antifasciste pour le renversement de Hitler et est prêt de lutter, ensemble avec les forces antihitlériennes, pour une Allemagne démocratique, dans lequel le peuple décidera lui-même du régime.

[Citation dans l’original ]

Manifeste du Comité central du KPD, juin 1936 :

Tous ont en commun un intérêt à ce qu’en Allemagne les larges masses populaires fassent en sorte d’obtenir la possibilité de décider eux-mêmes du nouveau régime qui devra suivre le renversement de Hitler.

[Citation dans l’original ]

W. Pieck, août 1936 [25] :

Il faut donc d’abord créer de nouveau une situation où le peuple allemand dispose de la pleine possibilité de s’orienter politiquement, de discuter les questions de la conception du régime future, afin de pouvoir décider à ce sujet.

[Citation dans l’original ]

Telles que citées ci-dessus, les formulations se limitent à juste titre à l’affirmation que le peuple devra décider librement du futur régime. Mais elles sont fréquemment accompagnées d’explications variées qui tendent à circonscrire l’éventail des options servant de cadre à ce "libre choix". Dans un premier temps, durant la période 1936‑1938, on note des références relativement succinctes à une assemblée nationale et au caractère du droit de vote.

Gegen-Angriff, octobre 1935 :

[Cité plus haut : Les communistes veulent qu’après le renversement de Hitler le peuple décide librement de son avenir. Le front populaire victorieux doit assurer la libre décision du peuple.] C’est donc pourquoi nous, communistes, voulons l’élection d’une assemblée nationale sur la base d’un suffrage garanti, libre, universel, égal et direct.

[Citation dans l’original ]

Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [26] :

Dès que […] la liberté est assurée, le peuple élira sur la base de son droit de vote démocratique non altéré, ses représentants qui seront responsables devant lui seul.

[Citation dans l’original ]

En absence de spécifications contraires, on est en droit de supposer que l’intention sous-entendue est de mettre en place une république démocratique parlementaire. On verra plus loin comment le KPD concrétisera plus explicitement l’analyse à cet égard.

La liberté de choix est en réalité surtout envisagée dans un sens négatif, qui reflète une certaine résignation. Dans son souci de respecter la démocratie, le KPD n’hésite pas de rassurer tout le monde en affirmant qu’en toute hypothèse il respectera en quelque sorte, comme on dirait aujourd’hui, le verdict des urnes.

Manifeste de la Conférence de Bruxelles, décembre 1935 [27] :

Nous communistes lutteront pour les intérêts des masses travailleuses, quelle que soit la forme de gouvernement.

[Citation dans l’original ]

Cette tendance vers l’adoption de positions de caractère étroitement défensif, se concrétise de diverses manières. Parmi d’autres manifestations, on peut noter des arguments qui se tournent vers le passé ‑ il en sera encore question plus loin. Voici deux exemples :

Gegen-Angriff, octobre 1935 :

Nous sommes convaincus que les graves expériences subies sous le fascisme hitlérien seront un grand enseignement pour tous les hommes épris de liberté en Allemagne, dans le sens de ne pas répéter les erreurs de l’assemblée nationale de 1919 et de ne pas renoncer de nouveau aux libertés démocratiques conquises.

[Citation dans l’original ]

Résolution de la Conférence de Bruxelles, octobre 1935 [28] :

Nous communistes voulons faire revivre de nouveau parmi les larges masses populaires les grandes traditions de liberté de la révolution de 1848 et créer une idéologie de lutte pour la liberté contre le fascisme barbare.

[Citation dans l’original ]

Résumé

L’extrait suivant d’un texte de W. Pieck datant de 1937 résume l’ensemble des aspects évoqués ci-dessus [29] :

Le fascisme a liquidé tous les droits pour le peuple et toutes les institutions démocratiques. En tant que représentant des groupes les plus réactionnaires du grand capital et de la grande propriété foncière il a rejeté l’Allemagne en arrière de plusieurs siècles. Il nait et croit une aspiration profonde en vue de la liberté démocratique, qui saisit les travailleurs, les paysans, les classes moyennes, l’intelligentsia et aussi certains cercles de la bourgeoisie. Le mot d’ordre d’une république démocratique est le mot d’ordre qui dans l’étape actuelle uni les masses les plus larges du peuple. Par la lutte pour une république démocratique, dans laquelle le peuple dispose d’une influence prépondérante, dans laquelle seront supprimés les privilèges du grand capital et éradiquées les racines du fascisme, la classe ouvrière intervient comme force porteuse et pionnière à l’égard de l’unification du peuple pour le renversement de la dictature hitlérienne.

[…]

Les communistes luttent sincèrement pour les droits et libertés démocratiques du peuple allemand, pour une république démocratique qui devra remplacer la dictature fasciste. En cela ils partent du point de vue que le fascisme hitlérien peut être renversé seulement par l’unification du peuple allemand et qu’actuellement c’est seulement sous ce mot d’ordre que les masses les plus larges du peuple peuvent être rassemblées pour cette lutte. Dans ce cadre les communistes respectent la volonté tournée vers la démocratie, enracinée profondément dans les masses populaires allemandes, laquelle naturellement ne doit pas déboucher sur la répétition de la république de Weimar. Cette démocratie sera conquise par les masses au prix de lourds sacrifices et de luttes énormes contre l’appareil du pouvoir de la dictature fasciste, elle éradiquera implacablement toutes les racines du fascisme, et sous cette démocratie le peuple décidera lui-même du contenu de la république populaire et de son gouvernement. En suivant cette voie le peuple allemand conquerra sa liberté et déblayera la voie vers le socialisme.

[Citation dans l’original ]

Notons d’abord deux formules passablement étranges : "les communistes respectent la volonté tournée vers la démocratie, enracinée profondément dans les masses populaires allemandes", et "Les communistes luttent sincèrement pour les droits et libertés démocratiques du peuple allemand". Difficile de saisir le sens de ces affirmations ("luttent sincèrement", "respectent la volonté tournée vers la démocratie"), à moins de soupçonner qu’elles reflètent une incompréhension du fait que la dictature du prolétariat assurera justement la démocratie la plus aboutie pour les masses travailleuses. Par ailleurs, la juxtaposition de certaines caractéristiques de cette république démocratique transforme l’objectif à atteindre en fiction utopique : "une république démocratique, dans laquelle le peuple dispose d’une influence prépondérante, dans laquelle seront supprimés les privilèges du grand capital et éradiquées les racines du fascisme".

Nous considérons que les formulations relatives à la "liberté de choix" du peuple sont entachées d’une ambigüité qui renferme en germe les positions fondamentalement erronées imposées ultérieurement par les révisionnistes khrouchtchéviens, au sujet des "états de démocratie populaire" formant le soi-disant "camp socialiste".

La conception correcte du rapport entre la lutte pour le renversement de la dictature national-socialiste d’une part, et l’instauration d’un nouveau pouvoir ensuite, impliquait certes la nécessité de constituer le front le plus large possible de toutes les forces politiques susceptibles d’oeuvrer en faveur du premier objectif, celui de mettre fin au régime hitlérien. Le Parti du Travail d’Albanie (PTA) sous la direction d’Enver Hoxha, a appliqué une telle orientation de façon conséquente dans la lutte contre l’occupant fasciste : le programme du front uni de libération nationale allait jusqu’à éviter d’exclure l’hypothèse d’une restauration d’un système monarchique. Mais à cette conception du front, s’appliquant jusqu’à la victoire contre le fascisme, doit correspondre une conception aussi conséquente concernant la phase suivante, celle de la mise en place du nouveau pouvoir. Que soit prévu le recours à une Assemblée constituante ne change rien au fait que la responsabilité incombe au Parti communiste d’oeuvrer, en menant jusqu’au bout la lutte de classe, afin que ce processus s’oriente dans la direction de l’instauration du pouvoir de la classe ouvrière et des masses travailleuses.

Or, les positions adoptées par le KPD reflètent le tiraillement entre la vision correcte de la question et une tendance à s’adapter de façon opportuniste à la perspective d’un rapport de force défavorable au moment de la chute du régime hitlérien. Certes, quand le Parti met en avant la république démocratique comme objectif, il affirme aussi régulièrement que celui-ci sera réalisé à l’issu d’un processus de lutte marqué par la participation des masses et la constitution d’organes du front antifasciste. Mais les formulations employées escamotent le fait que l’ultime enjeu est celui du pouvoir. Le PTA, bien avant la victoire sur l’occupant fasciste, a imposé la reconnaissance des comités de libération nationale comme futurs organes du pouvoir, alors que le KPD voit le rôle des organes du front populaire de façon beaucoup plus limitée, dans la mesure où ils "exerceront aussi une influence décisive sur la conception et la politique des premiers organes exécutifs après l’écrasement de la dictature fasciste" (W. Pieck, aout 1936, cf. plus haut). Il est clair que la situation en Allemagne n’était pas propice à ce que les communistes s’imposent comme force dirigeante incontestée du front, comme en Albanie. Seulement, la reconnaissance de cette limitation ne devait pas être recouverte d’un voile d’explications équivoques par lesquels le KPD tentait de maintenir l’espoir tout en se résignant d’avance à occuper parmi les futures forces de pouvoir une place de partenaire en position subordonnée.

Pire, le Parti déclare explicitement qu’il conçoit l’étape de la république démocratique devant succéder à la dictature national-socialiste comme une situation inscrite dans la durée.

W. Pieck, aout 1936 [30] :

Ce n’est pas un hasard que la question de savoir quel gouvernement devrait voir le jour après Hitler passa au premier plan de la discussion. Cela a son origine en ce que la création du front uni et populaire n’est pas possible sans les communistes, tandis que ceux-ci, par principe, sont pour la dictature du prolétariat parce que seulement ainsi peut être réalisé le socialisme. Or la dictature prolétarienne est refusée par les autres partis intéressés à la création du front uni et populaire, où par ceux qu’il s’agit d’y gagner. La clarification de la question quel régime devrait voir le jour après le renversement de la dictature hitlérienne, est donc une condition préalable essentielle pour que se réalise le front uni et populaire. Sur la base des revendications visant à la dictature prolétarienne cela ne serait pas possible dans ces conditions. D’autre part cette question provient de la crainte que, même si ce front pour le renversement de la dictature hitlérienne venait à être créé, il romprait aussitôt après avoir atteint ce but, face à la lutte pour le régime à venir, donc à un moment où il devrait porter tous ses efforts sur la consolidation de la victoire. Par là serait non seulement remise en cause la victoire, mais aussi il serait donné aux forces fascistes à nouveau la possibilité d’ériger une nouvelle fois leur pouvoir, par suite de la désunion au sein du front antifasciste.

[Citation dans l’original ]

Résolution du Comité central du KPD, 14 mai 1938 [31] :

Pour arriver à établir cette unité dans la lutte contre le fascisme hitlérien il est de la plus grande importance de trouver une entente sur cette question : Que devrait venir après Hitler? Immédiatement après la volonté d’assurer la paix vient la volonté de liberté et de démocratie, qui meut le peuple allemand le plus profondément. À cette volonté correspond la revendication d’une république démocratique authentique.

Dans la république démocratique le peuple allemand décidera lui-même de toutes les questions de sa vie et de ses rapports avec les autres peuples, il éradiquera le fascisme jusqu’à la racine et lui ôtera sa base matérielle par l’expropriation des conspirateurs fascistes parmi les grands capitalistes et les grands propriétaires fonciers. Elle sera une république antifasciste. Elle se distinguera de l’ancienne république de Weimar en ce qu’elle ne reposera pas sur l’hégémonie de la bourgeoisie, pas sur la coalition des partis bourgeois avec des parties de la classe ouvrière en subordonnant les intérêts de la classe ouvrière et des paysans aux intérêts du grand capital et des grands agrariens, mais sur le front populaire. Or le front populaire est l’alliance de la classe ouvrière unie avec les paysans, les couches moyennes et l’intelligentsia pour la défense des intérêts du peuple travailleur et par là pour la représentation des intérêts de la nation allemande. La république démocratique assurera la paix en amenant, appuyée sur une forte armée populaire, l’entente pacifique avec les autres peuples et la coopération amicale avec l’union soviétique.

[Citation dans l’original ]

Un texte de W. Pieck, diffusé sous forme de brochure clandestine, met particulièrement en lumière le point qui sera sujet à un décalage entre l’analyse prospective exposée et la réalité. Il convient de souligner que ce texte est publié pourtant en mars 1939, c’est-à-dire à un moment où le KPD a déjà pu expérimenter amplement les potentialités autant que les obstacles inhérentes à la situation.

Il est vrai que Pieck insiste à juste titre sur la nécessité de la lutte armée [32] :

Les masses populaires unies dans le front populaire antifasciste pour la lutte contre le fascisme hitlérien ont toutes les chances pour la victoire de leur côté, si elles engagent la lutte avec toute la détermination et la mènent jusqu’au bout de façon conséquente. La lutte trouvera son accentuation pour le renversement immédiat du fascisme par l’élargissement et l’intensité du mouvement de grève des travailleurs, alors qu’à cet égard beaucoup dépend de ce que ce mouvement soit appuyé par des mesures de lutte similaires de la part des paysans et des classes moyennes, de sorte que finalement il trouvera son déploiement suprême dans des grèves de masse et luttes de masse puissantes. Les masses antifascistes doivent à cet égard compter avec la probabilité que le fascisme les affrontera avec l’emploi le plus brutale de la force armée. Donc si les masses veulent vaincre, alors elles n’ont pas d’autre choix que d’avoir de même recours aux armes. Donc la lutte des masses devra prendre la forme de l’insurrection armée contre le fascisme afin de l’anéantir ainsi. Ce serait une automystification dangereuse si les masses, dans leur lutte contre le fascisme, ne s’orientaient pas vers cet affrontement armé avec le pouvoir d’État fasciste. Cette lutte sera terminée d’autant plus rapidement et les sacrifices seront d’autant plus limités, à mesure qu’elle sera engagée et mise en oeuvre par les masses de façon déterminée et unie. Le pouvoir d’État fasciste s’écroulera d’autant plus rapidement, si de grandes parties de l’armée et de la police et des bandes fascistes capitulent devant les masses ou passent de leur côté. Toutefois à cet égard beaucoup dépendra de savoir avec quel degré de détermination la lutte pour la réalisation de la république sera menée à son terme.

[Citation dans l’original ]

À cet égard, l’orientation formulée par le KPD n’était pas erronée en elle-même, dans la mesure où il s’agissait d’hypothèses concernant les luttes à venir, et de la responsabilité incombant au Parti de les développer. Il serait cependant vain d’entrer dans des spéculations sur le cours que les évènements auraient pu prendre en dehors des faits historiques survenus effectivement : déclenchement de la guerre impérialiste par l’Allemagne, attaque allemande contre l’URSS, chute de la dictature national-socialiste suite à la victoire de l’alliance des puissances antifascistes, et dans une partie de l’Allemagne restauration de la démocratie rendue possible dans le cadre de l’occupation militaire soviétique. Dans cette situation, les raisonnements concernant une république démocratique comme incarnation du pouvoir du front populaire deviendront caducs et auraient dû être révisés substantiellement.

Cependant, le texte de Pieck révèle un manque de clarté concernant la caractérisation de l’instauration de cette république démocratique quant à sa nature [33] :

À la place de la dictature fasciste sera instaurée la république démocratique, l’économie de guerre du capital des trusts sera remplacée par une économie de paix reposant sur l’échange pacifique avec d’autres peuples. On procèdera à un bouleversement du système de pouvoir et une transformation de l’économie, qui auront le caractère d’une révolution, en ce que la direction de la république passera aux masses unies dans le front populaire antifasciste. Ce ne sera pas encore une révolution socialiste, mais seront créées toutes les possibilités pour la consolidation de la démocratie, des droits et libertés des masses travailleuses.

[Citation dans l’original ]

En divergence avec ce qui avait été affirmé initialement ‑ que la démocratie populaire n’est pas une troisième forme entre république bourgeoise et république soviétique ‑ cette formulation tend à séparer la république démocratique succédant au régime de dictature comme fondamentalement différent de celui-ci, puisqu’aura lieu "un bouleversement du système de pouvoir et une transformation de l’économie, qui auront le caractère d’une révolution".

Il convient de signaler que G. Dimitrov également développe des positions qui modifient l’approche exposée au 7e Congrès de l’IC. Dans son rapport au Congrès il rejetait explicitement l’idée d’un stade intermédiaire démocratique entre la dictature de la bourgeoisie et la dictature du prolétariat et envisageait le gouvernement de front uni comme une forme de transition conduisant à la révolution prolétarienne. Les 18‑19 septembre 1936 se tient une réunion du secrétariat du Comité exécutif de l’IC au sujet du front populaire en Espagne, avec la participation de G. Dimitrov, Victorio Codovilla, Wilhelm Florin, Klement Gottwald, Otto Kuusinen, Dimitri Manuilskij, W. Pieck entre autres[34]. Dimitrov s’exprime en ces termes [35] :

Le peuple espagnol combat et, à l’étape actuelle, il doit arracher la victoire, l’instauration de la république démocratique. […] A l’étape de transition actuelle des conditions internationales, étant donné l’existence de l’État soviétique et de la démocratie soviétique d’un côté et des États de démocratie bourgeoise, tels qu’en Angleterre et en Amérique, et l’existence de la dictature fasciste, cette république sera un État particulier avec une démocratie populaire véritable. Ce ne sera pas encore un État soviétique mais un État antifasciste orienté à gauche auquel participera la partie orientée véritablement à gauche de la bourgeoisie. […] Ici se pose la question de l’organisation de la production en l’absence de l’abolition définitive de la propriété privée capitaliste. L’organisation de la production sous participation et contrôle de la classe ouvrière et de ses alliés dans la lutte contre le fascisme, c’est-à-dire de la petite-bourgeoisie et de la paysannerie. Théoriquement, pour être exact, on devrait peut-être désigner cela comme une forme particulière de la dictature démocratique de la classe ouvrière et de la paysannerie à l’étape actuelle.

[Citation dans l’original ]

Alors que l’expérience historique suivie par les communistes albanais a bien conduit à l’instauration d’un régime qualifié de démocratie populaire, il n’en est pas moins vrai que cet État a d’emblée assumé les fonctions de la dictature du prolétariat. Ceci a été possible parce que le PTA avait oeuvré avec succès en vue de la constitution des bases organisationnelles de ce nouveau pouvoir, fondamentalement différentes de l’appareil d’État bourgeois. Il avait pris soin, dans le processus conduisant à la révolution, de s’en tenir dans son programme à la revendication que le peuple albanais décidera de la "forme du régime" qui devra succéder à l’État en place. Mais une fois venu le moment où le peuple allait manifester son choix, le PTA ne se comportait pas en observateur passif préparé à s’adapter à ce qui sera la nouvelle situation résultant d’un simple scrutin électoral. Bien au contraire, il mit en oeuvre l’étape décisive du processus révolutionnaire, dans les sens voulu et préparé : l’instauration de la dictature du prolétariat ‑ non pas à travers la fiction d’une déclaration formelle affublant l’appareil d’État traditionnel du titre de "dictature du prolétariat", mais de façon effective et réelle.

Le texte de W. Pieck déjà cité ci-dessus n’élude pas cette question relative à l’appareil d’État. Il constate à juste titre que la dictature national-socialiste s’exerce à travers un appareil d’État qui lui est propre, lequel il faudra donc détruire. Mais, conformément à ce qui est la position du KPD ‑ que le régime qui succèdera à cette dictature ne sera pas la dictature du prolétariat ‑, il définit l’appareil d’État à mettre en place en fonction du caractère du front populaire [36] :

Ce qui comptera donc cette fois-ci, c’est de procéder à éradiquer rigoureusement toutes les organisations fascistes et leur presse, de dissoudre l’appareil d’État créé par les fascistes et d’édifier un appareil d’État nouveau formé des forces les plus fiables du front populaire, d’épurer rigoureusement l’armée et la police des éléments fascistes et de nommer à la tête de l’armée et de la police des hommes fables, fidèlement dévoués à la cause du front populaire.

[Citation dans l’original ]

Ainsi, est annoncé essentiellement un renouvèlement concernant les personnes composant les organes de l’appareil d’État. Rien n’indique que ceux-ci se distingueraient fondamentalement de ce qui existe habituellement dans le cadre d’une république bourgeoise. Bien au contraire, il est fait référence explicitement à la forme de république parlementaire sans que rien ne permette de penser qu’il y aurait une différence substantielle par rapport aux institutions utilisées par la bourgeoisie quand elle-même préfère exercer sa domination de façon "démocratique" plutôt que par une dictature ouverte [37] :

Quand cette liberté du peuple travailleur sera à peu près assurée, sera abordée la création d’un parlement et d’un gouvernement parlementaire du front populaire sur la base du suffrage universel, égal, secret et direct. Personne ne sera donc exclu du suffrage, mais la réaction fasciste n’aura pas la liberté de l’agitation électorale pour ses objectifs fascistes.

[Citation dans l’original ]

En définitive, au-delà de certaines précautions de langage, l’objectif était d’établir une situation du type de ce qui était à cette époque-là le cas de référence mis en exergue : la France de 1936 [38] :

Après la consolidation provisoirement suffisante de la victoire du front populaire il faudra passer à la consolidation de la république démocratique, dont fait partie en premier lieu la liberté la plus ample du peuple travailleur dans son activité politique, religieuse et culturelle. Donc par exemple les églises seront libres à faire la propagande en faveur de leurs conceptions du monde, comme le seront les partis politiques en ce qui concerne leurs conceptions et objectifs. Les masses travailleuses doivent être totalement libres dans l’emploi des moyens de lutte nécessaires pour atteindre leurs objectifs, afin de pouvoir imposer leurs revendications en direction de l’État et des employeurs. Il est évident que cette liberté ne sera pas accordée à la réaction fasciste, et les masses travailleuses et leurs organes devront consacrer la vigilance la plus grande à empêcher que la réaction fasciste ne puisse de nouveau s’insinuer et relever.

[Citation dans l’original ]

Démocratie combattive

À partir de 1939 et surtout 1941, le KPD développe la tendance vers une adaptation au contexte de la guerre, en fixant à juste titre comme objectif prioritaire la contribution à la victoire de l’URSS sur l’Allemagne fasciste, mais aussi en se figeant de façon erronée dans la conceptualisation de la république démocratique comme objectif sur le plan intérieur. Pour légitimer cette conception, le KPD caractérise le régime à instaurer comme "démocratie combattive". Les descriptions prospectives tentent de concilier la reconnaissance de la république parlementaire avec des éléments institutionnels s’inspirant de la dictature du prolétariat; cette approche s’accorde avec l’idée que cette "démocratie combattive" constitue une nouvelle forme de régime, différent de l’une et de l’autre.

Voici quelques citations concernant la république parlementaire.

Manifeste du Comité central du KPD, décembre 1942 [39] :

En vue de l’engagement commun pour un objectif commun nous proposons en tant que programme d’action du mouvement national pour la paix les dix points suivants :

[…]

10. Convocation d’une nouvelle assemblée du Reich allemande issue d’élections libres, égales, directes et secrètes, qui adopte une constitution du Reich démocratique et crée des garanties constitutionnelles et matérielles pour le droit, la loi et l’ordre.

[Citation dans l’original ]

Projet de Programme d’action du KPD, octobre 1944 [40] :

IIe partie : Programme immédiat (sous les conditions de l’occupation militaire).

[…]

4. […]

Rétablissement du droit de vote libre, égal, secret et direct pour tous les organes nationaux et communaux sur une base proportionnelle.

[Citation dans l’original ]

Projet de Programme d’action du KPD, décembre 1944 [41] :

12. Préparation d’élections libres, démocratiques et leur mise en oeuvre dès que la situation dans le Reich, dans les Länder et communes le permettent. Transition vers le rétablissement de l’auto-administration dans les communes. Préparation des élections à l’assemblée nationale, laquelle possèdera des pouvoirs constituantes.

[Citation dans l’original ]

Et, concernant la "démocratie combattive".

Plateforme de la direction du KPD, mars 1944 [42] :

La classe ouvrière, c’est la majorité prépondérante du peuple allemand, elle est l’armée la plus grande et puissante de la révolution populaire antifasciste. La classe ouvrière est le facteur décisif dans l’Allemagne démocratique à venir.

Démocratie révolutionnaire, cela signifie conseils d’entreprise, conseils dans les villes et à la campagne, des comités de soldats et de paysans, l’organisation et la convocation des congrès d’ouvriers et de paysans. Démocratie révolutionnaire, cela signifie le peuple travailleur sous les armes pour la défense des droits démocratiques des masses et de la constitution révolutionnaire de la république démocratique. Démocratie révolutionnaire, cela signifie travailleurs armées et gardes paysannes. Démocratie révolutionnaire, cela signifie éradication en masse des fascistes et travail obligatoire pour les fauteurs de guerre et leurs instigateurs capitalistes pour du travail utile dans la reconstruction de l’Europe détruite. Démocratie révolutionnaire, cela signifie empêchement par les armes de tout attentat contrerévolutionnaire sur les droits démocratiques du peuple par les masses en armes elles-mêmes et non pas par une Reichswehr fasciste et semi-fasciste au service d’intérêts du capital privé.

[Citation dans l’original ]

Projet de Programme d’action du KPD, octobre 1944 [43] :

D) Conclusion concernant ce qu’il faut faire (sous les conditions de l’occupation militaire)

[…]

2. Déploiement d’un mouvement de masse pour la création d’un bloc de la démocratie combattive, qui devrait comprendre toutes les organisations, partis, groupes et personnes qui lutteront pour le sauvetage de l’Allemagne par l’anéantissement de la réaction impérialiste-fasciste et par l’édification d’un régime populaire démocratique.

Création d’organes du bloc de la démocratie combattive.

[…]

IIe partie : Programme immédiat (sous les conditions de l’occupation militaire).

[…]

4. […] Création et développement d’organes populaires pour le contrôle et la garantie de la mise en oeuvre des lois et mesures adoptées et pour l’association des masses populaires à la participation active à la vie politique.

[Citation dans l’original ]

Projet de Programme d’action du KPD, décembre 1944 [44] :

5. Édification d’un régime populaire fort, à cette fin insertion planifiée dans l’administration publique, des comités populaires jusqu’ici illégaux.

6. Constitution immédiate d’un gouvernement du bloc de la démocratie combattive.

7. Création et développement d’organes populaires pour la mise en oeuvre des lois et décrets édictés par le pouvoir gouvernemental nouveau et pour la coopération des masses populaires à l’administration publique.

[…]

11. Création d’une milice populaire.

[Citation dans l’original ]

Dans le cadre de l’élaboration de ce programme d’action, le KPD aboutit dans un premier temps à une approche en termes d’options multiples : il maintient l’idée qu’en principe les organes du front populaire devront se constituer dans les conditions de la lutte contre la dictature fasciste, par un mouvement de masse antifasciste, mais il commence à prendre en considération l’éventualité d’un processus différent lié à la défaite militaire à venir, de l’Allemagne face aux puissances alliées opposées. De fait, le deuxième cas de figure deviendra effectif, et les orientations pratiques adoptées par le KPD s’inscriront dans ce contexte, comme en témoigne par exemple un document datant d’avril 1945  [45] . S’en suivra une période durant laquelle l’enjeu de la "démocratie populaire" sera fortement occulté par d’autres problématiques ‑ notamment la question de l’unification de l’Allemagne ‑, jusqu’à la constitution de la République démocratique d’Allemagne, dans les territoires occupées par l’armée soviétique. Toutefois, l’analyse que nous effectuons ici ne va pas au-delà de la situation de guerre qui prévalait encore en 1944.

Programme de gouvernement

Très tôt donc, en rapport avec la perspective de la constitution d’un comité en exil du front populaire, il fut question d’élaborer un programme de gouvernement. Tandis que les mesures à mettre en oeuvre allaient être précisées peu à peu par la suite, on constate que l’institution d’un gouvernement de front populaire était devenue dès l’été 1936 le point de référence pour le KPD, dominant tous les autres aspects de la lutte. Selon le KPD, ce gouvernement était censé diriger une "république démocratique", clairement distincte de la dictature du prolétariat, dont l’instauration ne pouvait être envisagée, dans les conditions données, que ultérieurement.

Il n’est pas sans intérêt d’ouvrir ici une parenthèse en matière de terminologie et de donner quelques indications sur l’évolution du vocabulaire employé pour désigner les objectifs de la lutte à laquelle appelait le KPD. Les origines de la dénomination "front populaire" semblent remonter à la fin de l’année 1934; précédemment Maurice Thorez avait parlé au nom du PCF, d’un "front commun". Lorsqu’en 1936 le Rote Fahne ‑ en "réponse aux propositions social-démocrates concernant les tâches de la révolution démocratique en Allemagne" qu’un cadre dirigeant du groupe “Neu Beginnen” avait publiées dans la Sozialistische Aktion ‑ fit connaitre de nouveaux détails relatifs au programme du KPD, il y emprunta aux socialistes le terme de "révolution démocratique" et de "révolution populaire démocratique"[46]. Enfin ce fut, semble-t-il, Erich Ollenhauer, membre de la direction en exil du SPD à Londres, qui utilisa le premier, à la fin de 1942, le terme de "démocratie combattive" repris, lui aussi, par le KPD [47] .

Quoi qu’il en soit, pour désigner l’État à établir le KPD utilise de termes variés : tantôt "république démocratique", tantôt "Allemagne démocratique", ou "nouvelle Allemagne démocratique", ou "nouvelle république démocratique allemande", ou encore "Allemagne de front populaire", et même "nouvel empire (Reich)". Quant au caractère politique de cet État, on trouve essentiellement l’énumération d’un certain nombre de traits que l’on rencontre traditionnellement dans les constitutions de démocratie bourgeoise [48]  : liberté "pleine et illimitée" de la personne, égalité de tous les citoyens; liberté du domicile; liberté de la presse, de l’expression, de la religion, de croyance, de conscience; liberté de la recherche scientifique et de l’art. Enfin, la liberté d’association, d’organisation, de réunion, plus précisément la garantie pour tous "quelle que soit la profession, quel que soit le courant politique, philosophique ou religieux, non fasciste, auquel ils appartiennent" du "droit plein et illimité de s’associer pour la représentation de leurs intérêts et opinions."

Progressivement, le KPD formule aussi des indications assez précises et détaillées sur le contenu économique de l’État de démocratie populaire. Voici un extrait d’un texte de W. Pieck qui en donne un aperçu[49] :

À la consolidation de la victoire du front populaire est immédiatement lié l’anéantissement du pouvoir de domination du capital des trusts, parce que sinon une reconversion de l’économie de guerre du capital des trusts vers une économie de paix dans l’intérêt du peuple n’est pas possible. L’économie de guerre du capital des trusts subventionnée par l’État a conduit à u déformation complète de l’économie du pays, qui fatalement conduit à un chaos immense de l’économie et des finances publiques. Simplement pour rendre possible, est absolument requise la détrônisation du capital des trusts et des banques de sa position de monopole dans l’économie, par la nationalisation de l’ensemble des industries clé, avant tout l’industrie d’armement et des banques. À cause du gâchis énorme de la richesse du pays par l’économie de guerre, qui a engendré un appauvrissement du peuple entier, la reconversion vers une économie de paix planifiée ne se laissera mettre en oeuvre qu’au prix de grandes difficultés, qui se trouvent encore renforcées par le sabotage de la part du capital des trusts. Il faudra donc aussi procéder de la manière la plus sévère contre les capitalistes des trusts en personne, afin de leur rendre impossible ce sabotage. La nationalisation des industries clé et des banques ne signifie pas encore le transfert vers la propriété d’État de l’ensemble de la propriété privée des grands moyens de production, mais est dans un premier temps seulement la première mesure économique pour la reconversion de l’économie, pour adapter la production à la satisfaction des besoins des masses populaires. Il est clair que la politique d’autarcie appliquée par les fascistes pour des raisons de conduite de la guerre, et le manque énorme de vivres et de vêtements qu’elle implique, doivent être complètement liquidés.

Il est évident que la république démocratique doit assurer la capacité de défense du pays aussi bien par la création d’une véritable armée populaire que par son équipement le meilleur. Or pour cela l’industrie d’armement doit être dans les mains de l’État et non pas dans les mains d’une petite couche supérieure de chasseurs de profit et de fauteurs de guerre. Avec le renversement du fascisme et la consolidation de sa démocratie, la république démocratique doit compter avec le danger d’une intervention hostile, sachant que potentiellement même la réaction fasciste intérieure tentera de la susciter. Contre ce danger la république démocratique doit se prémunir par sa propre capacité de défense et par des traités d’alliance avec les états qui ont une attitude amicale à son égard, avant tout l’Union soviétique.

[Citation dans l’original ]

Un certain nombre de points sont mis en avant fréquemment. Nous ne ferons que citer, sans les commenter spécifiquement, quelques phrases typiques en la matière. On peut en tout cas constater globalement une parenté d’esprit prononcée avec le programme du Conseil de la Résistance, promu en France avec l’adhésion du PCF.

* L’industrie d’armement

Manifeste du Comité central du KPD, juin 1936 :

L’Allemagne démocratique délivrera les ouvriers, artisans, petits commerçants, paysans et intellectuels des terribles charges d’armement qui pèsent sur leurs épaules. À la place de la production de moyens de destruction au service de la guerre sera mise en oeuvre la création d’emplois au service des besoins du peuple travailleur. Les dépenses pour la production de guerre seront remplacées par l’amélioration des salaires des ouvriers, employés et fonctionnaires, la diminution des charges fiscales pour les ouvriers, les classes moyennes et la paysannerie.

[Citation dans l’original ]

Lignes directrices du Bureau politique du KPD, juin 1936 [50] :

Les sommes nécessaires pour la création d’emplois et l’amélioration de l’assurance sociale seront réunies pour une part par le recouvrement rétroactive immédiat de toutes les subventions accordées aux monopoles et aux puissances des trusts et par l’imposition radicale des bénéfices du grand capital réalisés en rapport avec l’armement.

[…]

Le nouveau Reich nationalisera l’industrie d’armement afin de s’opposer aux menées bellicistes du capital d’armement.

[Citation dans l’original ]

On peut remarquer en passant qu’il n’est pas très clair comment on peut comprendre la mesure prévoyant "l’imposition radicale des bénéfices du grand capital réalisés en rapport avec l’armement" alors que par ailleurs est annoncé que "le nouveau Reich nationalisera l’industrie d’armement".

* Les banques

Lignes directrices du Bureau politique du KPD, juin 1936 [51] :

Les banques dont les actions sont propriétés de l’État, ou l’étaient avant la dictature hitlérienne, seront fusionnées en une banque d’État dont la tâche consistera à satisfaire les besoins de crédits des paysans et des classes moyennes, en abaissant systématiquement les taux d’intérêt.

[Citation dans l’original ]

* Le grand capital

Lignes directrices du Bureau politique du KPD, juin 1936 [52] :

Dans l’intérêt de l’ordre et en vue de la préservation de la production et du ravitaillement du peuple, le nouveau Reich confisquera la propriété de ceux parmi les grands capitalistes et les grands agrariens qui saboteraient les mesures économiques du gouvernement démocratique.

[Citation dans l’original ]

Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [53] :

L’histoire de l’après-guerre a montré comment de petits groupes de privilégiés, qui dominent la grande propriété terrienne, les grands konzerns d’industrie et les banques, devinrent les fossoyeurs de la liberté. Afin de préserver la liberté, le nouvel Allemagne privera ces ennemis du peuple de leur pouvoir.

[Citation dans l’original ]

Résolution de la Conférence dite de Berne du KPD, janvier 1939 [54] :

Expropriation des capitalistes fascistes des trusts.

[Citation dans l’original ]

* Sabotage

Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [55] :

Il saura empêcher toute tentative de sabotage du grand capital, en employant les moyens les plus sévères.

Il expropriera les hobereaux saboteurs du ravitaillement du peuple et de la liberté du peuple.

[Citation dans l’original ]

* Nationalisations

Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [56] :

Il nationalisera l’industrie d’armement et les grandes banques.

[Citation dans l’original ]

* Économie publique

Lignes directrices du Bureau politique du KPD, juin 1936 [57] :

Le nouveau Reich mettra en oeuvre une politique économique nouvelle, servant uniquement les intérêts des masses travailleuses et procèdera à une réorientation profonde de la politique économique menée par Hitler. À la place de la production insensée d’armement le nouveau Reich organisera de grands travaux publics à des salaires conventionnés qui serviront à la satisfaction des besoins des masses et à la construction de logements.

[Citation dans l’original ]

Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [58] :

Tous les hommes, femmes et jeunes qui travaillent, recevront des salaires et traitements conformes à la dignité humaine, réglés par convention, et le temps de travail sera en harmonie avec le progrès technique de la production et le critère de la satisfaction des besoins.

[Citation dans l’original ]

Proposition du Comité central du KPD, septembre 1938 :

Mise en oeuvre d’une politique économique qui sert l’élévation du bienêtre du peuple et la paix, au lieu de la politique d’armement et d’autarcie actuelle de la dictature national-socialiste, qui détruit l’économie.

[Citation dans l’original ]

* Redistribution des richesses

Manifeste du Comité central du KPD, juin 1936 

Que les riches paient!

[Citation dans l’original ]

* La paysannerie

Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [59] :

Par contre, dans le nouvel Allemagne le paysan sera libre sur sa propriété.

[Citation dans l’original ]

Résolution de la conférence de Berne du KPD, janvier 1939 [60] :

Protection de la propriété de la paysannerie et des classes moyennes. Réforme terrienne démocratique en faveur des paysans et des travailleurs agricoles.

[Citation dans l’original ]

Socialisme ?

Tout ce qui précède fait donc ressortir que le renversement du régime national-socialiste n’est pas considéré comme simple objectif immédiat, point de passage ‑ temporaire et ne devant pas se transformer en situation stabilisée durablement ‑ vers l’objectif fondamental de l’édification du socialisme; bien au contraire, l’instauration de la démocratie est élevée au rang d’un objectif stratégique se suffisant à lui-même, au point d’éclipser l’objectif final. Certes, le KPD affirme que la lutte ne devait pas s’arrêter avec la mise en place initiale de la république démocratique. Mais la dynamique que devait suivre l’évolution de la situation, est vue en premier lieu comme une dynamique interne propre à cette république démocratique.

W. Pieck, mars 1939 [61] :

En outre, au sein du front populaire doivent prévaloir la clarté et l’entente au sujet du fait que la poursuite de l’édification de la république démocratique, autant en ce qui concerne les aspects de démocratie et de liberté de cette dernière qu’en ce qui concerne sa politique économique, ne peut être considéré comme accompli à un certain degré de développement, mais qu’aucune limite ne peut être posée à ce développement.

[Citation dans l’original ]

La référence au socialisme ne disparait pas, mais le raisonnement est désormais présenté à l’envers, en ce sens que le renversement du régime national-socialiste se trouve à la base de toute la ligne politique du KPD. Quant à la perspective du socialisme, celle-ci, lointaine et quasiment mythique, est évoquée à titre purement théorique, essentiellement dans le but de servir d’argument pour justifier l’objectif de l’État de démocratie populaire.

W. Pieck, septembre 1937 [62] :

Si dans leur projet de plateforme pour la création d’un front populaire les communistes posent le mot d’ordre de la république démocratique et non pas le mot d’ordre de la dictature prolétarienne, ils tiennent compte en cela du fait que pour l’accomplissement victorieuse de la lutte pour le renversement du fascisme hitlérien il faut non seulement les ouvriers mais aussi les classes moyennes et la paysannerie et tous ceux qui veulent se libérer du fascisme barbare. Il faut donc poser des mots d’ordre de telle nature que ces couches soient prêtes à lutter pour eux. Ce serait se bercer d’illusions que de supposer que la majorité de la classe ouvrière allemande, les classes moyennes et la paysannerie soient déjà prêtes à lutter pour le pouvoir soviétique. Il reste encore à les gagner à cela.

[Citation dans l’original ]

Rote Fahne, 5/1936 :

Ce sera précisément la république démocratique, acquise par la lutte du front populaire et dirigée par elle, qui créera ces conditions préalables où les masses prendront conscience pas à pas du fait qu’ils doivent faire un pas plus loin. […] Dans la lutte conséquente pour la démocratie et pour les intérêts du peuple, contre les grands capitalistes ennemis du peuple, la classe ouvrière et les masses des classes moyennes et des paysans [se] convaincront par [leurs] propres expériences [que] on [doit] aller vers l’avant, vers le socialisme.

[Citation dans l’original ]

W. Pieck, aout 1936 [63] :

Dans les luttes contre la bourgeoisie et les forces de la contrerévolution le peuple allemand fera l’expérience qu’il doit fixer plus loin les objectifs de sa lutte, parce que la république démocratique ne lui apportera pas encore le socialisme, pas encore la libération de l’exploitation capitaliste.

[Citation dans l’original ]

Ce qui trahit l’erreur fondamentale en question, c’est que l’étape de transition n’était pas conçue comme période de double pouvoir, mais comme une sorte de concurrence institutionnalisée, dans le cadre d’un État garantissant les droits de tous (à l’exclusion des fascistes, mais cela ne change rien quant au fond). En effet, les déclarations insistaient sur la nécessité que l’État de démocratie populaire garantisse aux masses populaires la possibilité pour défendre leurs intérêts.

W. Pieck, aout 1936 [64] :

Dans la république démocratique tous les partenaires du front populaire pourront faire la propagande pour leurs objectifs particuliers. Les communistes mèneront ouvertement et librement leur agitation parmi le peuple travailleur, pour le socialisme et pour la seule voie y conduisant, pour la dictature prolétarienne.

[Citation dans l’original ]

Résolution de la Conférence de Berne du KPD, janvier 1939 [65] :

La politique du front populaire et la création d’une république démocratique nouvelle ne signifient pas le renoncement de la classe ouvrière à la lutte pour le socialisme. Dans une Allemagne de front populaire les ouvriers socialistes et communistes et leurs organisations auront la pleine liberté de gagner la majorité du peuple pour l’objectif socialiste.

[Citation dans l’original ]

W. Pieck, mars 1939 [66] :

Après une consolidation provisoirement suffisante de la victoire du front populaire il faudra passer à la poursuite de l’édification de la république démocratique, ce qui comprend en première ligne la liberté la plus étendu du peuple travailleur dans ses activités politique, religieuse et culturelle. Donc par exemple, les Églises seront aussi libres de faire la propagande pour leur conception du monde, que les partis politiques pour leurs opinions et objectifs. Les masses travailleuses doivent être entièrement libres dans l’emploi des moyens de lutte nécessaires pour atteindre leurs objectifs, afin de pouvoir imposer leurs revendications s’adressant à l’État et aux entrepreneurs. Il va de soi que cette liberté ne sera pas donnée à la réaction fasciste, et les masses laborieuses et leurs organes devront employer la plus grande vigilance afin que la réaction fasciste ne puisse à nouveau s’infiltrer et reprendre vie.

[Citation dans l’original ]

L’argumentation du KPD a le mérite de distinguer clairement démocratie populaire et pouvoir soviétique. Mais le revers de la médaille c’est que ce faisant il fige aussi sa conception de la démocratie populaire comme régime qui doit être consolidé avant de pouvoir avancer plus loin.

W. Pieck, septembre 1937 [67] :

L’idée est tout à fait erronée selon laquelle, rien que par le front populaire, une Allemagne socialiste pourrait être créée, et que le socialisme pourrait être réalisé même sans révolution prolétarienne et sans pouvoir soviétique. Elle correspond à l’idéologie du réformisme, qui rejette autant la lutte de classe que la révolution prolétarienne.

[Citation dans l’original ]

République bourgeoise ‑ nuances

On peut d’ailleurs noter que la filiation d’idées présentée plus haut, conduisant de la lutte contre le fascisme à l’instauration d’un État de démocratie populaire, comporte deux variantes légèrement différentes quant à la façon de réaliser le passage vers la société socialiste, et, par conséquent, également en ce qui concerne le caractère de l’État intermédiaire. La ligne prédominante envisage une évolution progressive vers le socialisme en passant par la démocratie populaire. Ce point de vue, ne pouvant évidemment pas surmonter les contradictions liées à l’idée même de l’État de type nouveau, doit se contenter de formules vagues, laissant transparaitre l’ambigüité de la position défendue. Il est ainsi beaucoup question d’autogestion et de pouvoir populaire en général. Pourtant les mécanismes concrets d’exercice de la démocratie se réfèrent largement au système de la démocratie bourgeoise.

W. Florin, Conférence de Bruxelles, octobre 1935 [68] :

Nous disons : À bas le gouvernement de dictature! Nous luttons pour une représentation de tout le peuple, librement élue. Nous exigeons l’auto-administration des communes! Nous luttons pour un gouvernement du peuple. Nous luttons pour le renversement de la dictature hitlérienne, pour le pouvoir du peuple.

[Citation dans l’original ]

Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités,  décembre 1936 [69] :

Dès que […] sera assurée la liberté, le peuple élira, sur la base de son suffrage démocratique, non truqué, ses représentants, qui seront responsables devant lui seul. Dans l’Allemagne libre les communes ainsi que toutes les institutions de la vie publique seront à nouveau fondées sur la base de l’auto-administration.

[Citation dans l’original ]

Quelques rares évocations laissent entrevoir ce qu’un État de type nouveau pourrait comporter comme caractéristiques un tant soit peu originales.

Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [70] :

Élection des juges par le peuple!

[Citation dans l’original ]

W. Florin, avril 1936 :

rétablissement des droits constitutionnels anciens du peuple allemand, pour la reconquête des droits et libertés du peuple, détruits par le fascisme

[…]

possibilité de révocation du gouvernement et son renouvèlement sous contrôle des représentants du peuple

[Citation dans l’original ]

Mais même quand il s’agit de mesures présentées comme novatrices, radicales, on peut y détecter la persistance des conceptions reflétant la démocratie bourgeoise. C’est vrai notamment en ce qui concerne les précisions au sujet de l’épuration de l’appareil d’État, qui montrent clairement que, mises à part quelques mesures touchant des individus, il s’agit de remettre en place l’ancien appareil d’État de la République d’avant 1933.

Manifeste du Comité central du KPD, juin 1936 :

L’Allemagne démocratique en finira sans ménagement avec l’économie de corruption des archi-bonzes bruns et rétablira ordre et propreté dans le pays.

[Citation dans l’original ]

Rote Fahne 6/1936 :

[…] la république démocratique épurera l’appareil d’État et les postes d’officiers dans l’armée du Reich des éléments fascistes réactionnaires, et attribuera les postes de commandement dans l’armée selon le principe de la compétence et de l’attachement à la république démocratique. Les postes de commandement dans l’armée comme dans la police ne doivent être occupés par des personnes qui offrent la garantie que l’appareil de police sera employé sans ménagement contre les réactionnaires fascistes.

[Citation dans l’original ]

Résolution de la Conférence de Berne, janvier 1939 [71] :

La république nouvelle, démocratique fera […] de l’armée, de la police et de l’appareil administratif des défenseurs surs des libertés démocratiques et des droits démocratiques du peuple.

[Citation dans l’original ]

Les explications données à ce sujet échouent face à l’impossibilité de concilier l’inconciliable et finissent par mettre en lumière involontairement le fait que le "pouvoir de front populaire", d’un front qui en théorie exclut la bourgeoisie, ne met nullement fin au pouvoir de cette dernière. En effet, dans la citation ci-dessous, il est fait référence aux tentatives à venir, de la part de la bourgeoisie, de mettre en oeuvre l’appareil d’État en vue de l’oppression des masses travailleuses. Or, ceci n’est évidemment possible que si c’est toujours la bourgeoisie qui détient les leviers de commande, à la différence des tentatives de sabotage intérieure et d’attaque de l’extérieur qui bien entendu menacent aussi la dictature du prolétariat véritable.

W. Pieck, aout 1936 [72] :

Évidemment il doit y avoir clarté au sujet de ce que la république démocratique est en mesure d’accomplir vis-à-vis du peuple travailleur, et ce qu’elle ne peut pas accomplir. De l’incompatibilité entre les intérêts de profiteurs des capitalistes et les intérêts du peuple travailleur résulteront continuellement des conflits entre ces classes, alors que les couches supérieures tenteront constamment d’employer l’appareil d’État dans le but d’opprimer les masses travailleuses. L’existence matérielle du peuple travailleur, la démocratie et la paix dans le pays comme la paix avec les autres peuples ne peuvent être assurées définitivement que quand sera brisé le pouvoir de la bourgeoisie et quand sera instauré le pouvoir des ouvriers et de toutes les autres couches travailleuses.

[Citation dans l’original ]

Confusion entre approche tactique et vision généralisée figée

Un texte de W. Pieck datant de mai 1944, "Erreurs fondamentales de 1918 qui ne doivent pas être répétées", met en regard l’objectif de la "démocratie combattive" à venir avec l’expérience historique du régime de démocratie parlementaire instauré en 1918. Il raisonne en projetant en arrière la façon dont le KPD conçoit la situation qui se présentera avec le renversement de la dictature national-socialiste. L’argumentation consiste à partir des traits caractéristiques de l’État qui devra être instauré selon le programme du KPD, et pour montrer leur bien-fondé, à montrer que la tournure qu’avaient prise les évènements entre 1918 et 1933 aurait pu être différente si déjà à l’époque des mesures équivalentes avaient été mises en application. Or cela signifie se placer rétrospectivement sur des positions réformistes, fussent-elles "combattives". Voici des extraits du texte [73] :

Il faut donc constater l’enseignement que l’insurrection populaire de 1918 vint trop tard pour influencer de façon décisive le cours de la guerre et par la aussi les conditions de la paix en faveur du peuple allemand. En cela réside la première erreur fondamentale de 1918, que le peuple allemand ne doit pas répéter.

[…]

Il faut donc retenir comme enseignement supplémentaire que le peuple allemand doit payer lourdement pour le fait qu’en 1918 il n’a pas réglé implacablement les comptes avec les grands profiteurs coupables de l’éclatement de la guerre et les fauteurs de guerre réactionnaires, et n’a pas résolument brisé leurs positions de pouvoir. En cela réside la deuxième erreur fondamentale fatale de 1918, que le peuple allemand ne doit pas répéter.

Le fait qu’en Allemagne cette bande de dirigeants nazi ennemis du peuple a pu venir au pouvoir, montre toute la faiblesse de la république de Weimar, qui lui était inhérente dès le jour de sa naissance. La démocratie n’a pas été ancrée parmi les masses du peuple comptant par millions. Au contraire, les premiers éléments allant dans ce sens ont été liquidés peu de temps après. Ce n’était pas une démocratie combattive, dans laquelle le principe placé en tête de la constitution "tout le pouvoir émane du peuple" aurait été réalisé. […]

Il faut donc tirer un enseignement supplémentaire, à savoir que le peuple après son insurrection doit épurer l’ensemble de l’appareil d’État de tous les éléments hostiles au peuple, qu’il doit créer un pouvoir d’État fort, véritablement démocratique qui fait face à ses ennemis de façon irréductible et résolue. Le fait que cela n’a pas été le cas en 1918 était la troisième erreur fondamentale fatale, qui ne doit pas être répétée par le peuple allemand.

[…] Un nouvel État de droit doit être mis à la place du pouvoir d’arbitraire nazi. Ce nouvel État démocratique, qui de main ferme veille au respect des droits de ses citoyens et représente les intérêts nationaux du peuple tout entier, sera aussi la force qui surmontera l’ancienne éclatement du peuple et soudera la nation en une unité solide comme jamais auparavant dans son histoire. Un pouvoir d’État démocratique fort étouffera dans l’oeuf toute tentative de la résurrection de conspirations contre les droits du peuple en rapport avec sa liberté ou contre la paix en Europe.

[…]

[Citation dans l’original ]

Notes


[1]. Georgi Dimitrov, rapport au 7e congrès de l’IC, 2 aout 1935 .

[2]. Georgi Dimitrov, rapport au 7e congrès de l’IC, 2 aout 1935 .

[3]. Georgi Dimitrov, rapport au 7e congrès de l’IC, 2 aout 1935 .

[4]. Georgi Dimitrov, rapport au 7e congrès de l’IC, 2 aout 1935 .

[5]. Georgi Dimitrov, rapport au 7e congrès de l’IC, 2 aout 1935 .

[6]. Georgi Dimitrov, rapport au 7e congrès de l’IC, 2 aout 1935 .

[7]. Georgi Dimitrov, rapport au 7e congrès de l’IC, 2 aout 1935 .

[8]. Wilhelm Pieck, exposé à la conférence de Bruxelles du KPD, 4 octobre 1935 .

[9]. Vladimir I. Lénine, "La maladie infantile du communisme (le “gauchisme”)", avril-mai 1920.

V. I. Lénine : Oeuvres – Tome 31 – Avril‑décembre 1920, pp. 11‑116 (Bibliographie ), ici p. 88

"Aussi longtemps que des distinctions nationales et politiques existent entre les peuples et les pays, —distinctions qui subsisteront longtemps, très longtemps, même après l’établissement de la dictature du prolétariat à l’échelle mondiale, — l’unité de tactique internationale du mouvement ouvrier communiste de tous les pays veut, non pas l’effacement de toute diversité, non pas la suppression des distinctions nationales (à l’heure actuelle c’est un rêve insensé), mais une application des principes fondamentaux du communisme (pouvoir des Soviets et dictature du prolétariat), qui modifie correctement ces principes dans les questions de détail, les adapte et les ajuste comme il convient aux particularités nationales et politiques. […] L’essentiel — pas tout évidemment, tant s’en faut, mais cependant l’essentiel — est déjà fait pour attirer l’avant-garde de la classe ouvrière et la faire passer du côté du pouvoir des Soviets contre le parlementarisme, du côté de la dictature du prolétariat contre la démocratie bourgeoise. Il faut concentrer maintenant toutes les forces, toute l’attention sur l’étape suivante qui semble être, et est réellement, à un certain point de vue, moins fondamentale, mais cependant plus proche de la solution pratique du problème, à savoir : la recherche des formes pour passer à la révolution prolétarienne ou l’aborder." [Citation dans l’original ]

[10]. Conférence de Bruxelles du KPD, résolution, 1er décembre 1935 .

[11]. Conférence de Bruxelles du KPD, manifeste, 1er décembre 1935 .

[12]. Wilhelm Pieck, rapport au 7e congrès de l’IC, 26 juillet 1935 .

[13]. Wilhelm Pieck, exposé à la conférence de Bruxelles, 4 octobre 1935 .

[14]. Palmiro Togliatti, discours à la conférence de Bruxelles du KPD, 11 octobre 1935 .

[15]. CC du KPD, Déclaration de programme concernant la libération nationale et sociale du peuple allemand, 24 aout 1930 .

[16]. Conférence de Bruxelles du KPD, résolution, 1er décembre 1935 .

[17]. Wilhelm Pieck, exposé à la conférence de Bruxelles, 4 octobre 1935 .

[18]. Conférence de Bruxelles du KPD, résolution, 1er décembre 1935 .

[19]. Georgi Dimitrov, rapport au 7e congrès de l’IC, 2 aout 1935 .

[20]. CC du KPD, résolution sur la situation, 14 mai 1938 .

[21]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 .

[22]. Wilhelm Pieck, "La lutte pour la démocratie", aout 1936 .

[23]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 .

[24]. Wilhelm Pieck, "La lutte pour la démocratie", aout 1936 .

[25]. Wilhelm Pieck, "La lutte pour la démocratie", aout 1936 .

[26]. "Appel : Pour la paix, la liberté et le pain!", décembre 1936 .

[27]. Conférence de Bruxelles du KPD, manifeste, 1 décembre 1935 .

[28]. Conférence de Bruxelles du KPD, résolution, 1er décembre 1935 .

[29]. Wilhelm Pieck, "Tâches nouvelles du Parti", 1937 .

[30]. Wilhelm Pieck, "La lutte pour la démocratie", aout 1936 .

[31]. CC du KPD, "Résolution sur la situation", 14 mai 1938 .

[32]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 .

[33]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 .

[34]K. Mammach : Die deutsche antifaschistische Widerstandsbewegung 1933-1939, S. 161‑162. (Bibliographie .)

[35]. Giorgi Dimitrov, Intervention à la session du secrétariat du CE de l’IC sur la question espagnole, 18 septembre 1936 .

[36]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 .

[37]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 .

[38]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 .

[39]. "Manifeste de paix au peuple allemand et à la Wehrmacht allemande", 6 décembre 1942

[40]. KPD, "Programme d’action du bloc de la démocratie combative", projet, 21 octobre 1944 

[41]. KPD, "Programme d’action du bloc de la démocratie combative", projet, décembre 1944

[42]. Direction opérationnelle du KPD, "Plateforme: Nous communistes et le Comité national “Allemagne libre”", avril 1944

[43]. KPD, "Programme d’action du bloc de la démocratie combative", octobre 1944

[44]. KPD, "Programme d’action du bloc de la démocratie combative", décembre 1944

[45]. CC du KPD, "Lignes directrices pour le travail des antifascistes allemands dans les territoires allemands occupés par l’Armée Rouge", 5 avril 1945.

[46]A. Sywottek : Deutsche Volksdemokratie, S. 69. (Bibliographie ).

[47]A. Sywottek : Deutsche Volksdemokratie, S. 252, Anm. 133. (Bibliographie ).

http://www.dhm.de/lemo/html/dokumente/ollenhauer2/index.html.

[48]. Cf. par exemple :

Conférence de Bruxelles du KPD, résolution, 1er décembre 1935 .

CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 .

[49]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 .

[50]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 .

[51]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 .

[52]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 .

[53]. "Appel : Pour la paix, la liberté et le pain!" .

[54]. Conférence de Berne du KPD, résolution, 1er février 1939 .

[55]. "Appel : Pour la paix, la liberté et le pain!" .

[56]. "Appel : Pour la paix, la liberté et le pain!" .

[57]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 .

[58]. "Appel : Pour la paix, la liberté et le pain!" .

[59]. "Appel : Pour la paix, la liberté et le pain!" .

[60]. Conférence de Berne du KPD, résolution, 1er février 1939 .

[61]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 .

[62]. Wilhelm Pieck, "Questions du Front populaire en Allemagne – la clarté est nécessaire!", 1er septembre 1937 .

[63]. Wilhelm Pieck, "La lutte pour la démocratie", aout 1936 .

[64]. Wilhelm Pieck, "La lutte pour la démocratie", aout 1936 .

[65]. Conférence de Berne du KPD, résolution, 1er février 1939 .

[66]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 .

[67]. Wilhelm Pieck, "Questions du Front populaire en Allemagne – la clarté est nécessaire!", 1er septembre 1937 .

[68]. Wilhelm Florin, discours à la conférence de Bruxelles du KPD, octobre 1935 .

[69]. "Appel : Pour la paix, la liberté et le pain!" .

[70]. "Appel : Pour la paix, la liberté et le pain!" .

[71]. Conférence de Berne du KPD, résolution, 1er février 1939 .

[72]. Wilhelm Pieck, "La lutte pour la démocratie", aout 1936 .

[73]. Wilhelm Pieck, "Erreurs fondamentales de 1918 qui ne doivent pas être répétées", 7 mai 1944 .