Abouziam [1]

Le Fascisme en Palestine [2]

Le fascisme oriental se distingue du fascisme européen par ses origines et son contenu. La bourgeoisie indigène des pays du Levant est trop faible pour organiser des fascio. Le mouvement fasciste y est surtout un instrument des colonisateurs impérialistes. Il est mis en oeuvre non seulement contre le mouvement communiste, mais en général, contre tout mouvement émancipateur.

C’est ainsi que dans le Proche Orient, le fascisme est un résultat direct des tendances impérialistes de Mussolini. Non satisfait de la part de curée réservée à l’Italie par le traité de Versailles, ce chevalier de la petite bourgeoisie italienne veut élargir ses possessions en Afrique et en Asie. Il veut surtout transformer la Méditerranée en un lac Italien.

La presse égyptienne a publié un grand nombre d’articles sur l’organisation du fascio dans le Levant. Par l’entremise de personnalités haut placées, genre baron Augustina et au moyen de sommes importantes puisées dans le Trésor italien, Mussolini a su organiser en Égypte, Mésopotamie, Syrie, Palestine et Tripolitaine une série d’organisations fascistes.

En Égypte, notamment à Alexandrie, le fascisme n’est, quant à présent, qu’un phénomène superficiel. Il est limité à l’immigration italienne (il y a à Alexandrie plusieurs milliers d’ouvriers Italiens) et est alimenté par des subsides du gouvernement italien. Tout autre est le fascisme en Palestine.

L’organe clandestin du Parti communiste de Palestine "Funcken" reproduit le texte et le fac-similé des imprimés de l’organisation fasciste de Caiffa. Un club fasciste existe à Jérusalem. Il est dirigé par le consulat italien et des fonctionnaires anglais. Ici, le fascisme n’a pas seulement englobé les immigrants italiens, d’ailleurs peu nombreux dans le pays; il s’est étendu aussi à d’autres couches de la population palestinienne.

Il y a d’abord le fascisme de la petite bourgeoisie et de l’orthodoxie juive.

La réactionnaire bourgeoisie juive, et surtout la petite bourgeoisie, constituée en majorité de réfugiés et de déserteurs de la Russie des Soviets, ont apporté avec elles la haine et le mépris du mouvement ouvrier. Le journal officiel "Dorgan" (paraissant à Jérusalem) publie depuis plusieurs mois des articles incendiaires contre les ouvriers révolutionnaires juifs. Tous les juifs orthodoxes sont invités à créer des fascio d’après le type italien.

Des conciliabules secrets sont poursuivis entre ces milieux sionistes cléricaux et les organisations ouvrières de droite. On élabore des plans de lutte contre les "traîtres" et les "renégats". On entend toujours dans les réunions et dans la presse des allusions vagues relativement à "Moscou", aux Arabes, à la fraction juive, à la section juive, etc.

Des paroles on passe à l’action. C’est ainsi qu’à Jaffa, un certain Bagratchev, professeur au lycée de Jaffa et "talentueux" idéologue du fascisme juif, a organisé des détachements spéciaux d’élèves et d’autres enfants d’employeurs. Ces détachements n’ont qu’un but : attaquer les membres de la fraction ouvrière, démolir les clubs ouvriers, disperser violemment les réunions, etc. Il a organisé aussi des équipes spéciales d’ouvriers, recrutés parmi d’anciens intellectuels et ex-boutiquiers, qui ne veulent pas se faire à leur nouvelle situation de prolétaires. Ils dirigent toute leur rage, toute leur haine de leur position actuelle contre les organisations ouvrières révolutionnaires. L’association appelée "Trask" est en fait la garde des organisations ouvrières et jaunes. La lutte entre fascistes et fractions ouvrières s’est exacerbée, ces temps derniers, au sujet de la langue juive d’usage courant appelée "jargon". À Haiffa et à Jaffa, pas une réunion ne s’achève sans bagarres à cause de cette question. Quand les ouvriers juifs de Pologne ou de Russie commencent à parler dans la langue qui leur est familière, des protestations éclatent de tous côtés. Les apaches de l’organisation des "défenseurs de la langue juive" font irruption dans les clubs ouvriers qu’ils mettent à sac. Ils ont l’audace d’arrêter dans la rue même tous ceux qui osent ne pas employer leur langue "sacrée".

Les fascistes mènent une action énergique contre le mouvement national arabe. Ils sont dirigés dans ce sens par le sioniste bien connu Jabotinsky. Toute manifestation d’initiative arabe est considérée par eux comme un acte hostile aux intérêts nationaux des juifs. Ils sont les adversaires acharnés de l’accord avec les Arabes. Par la parole et par l’action, ils poussant à la lutte contre ceux-ci. "Il faut d’abord massacrer quelques milliers d’Arabes, dit Jabotinsky; plus tard on pourra s’entendre avec eux sur l’accord à établir." Tels sont les discours "forts" de l’homme qui prétend devenir le Mussolini de la Palestine.

À nôtre époque où les petits hommes cherchent le salut dans la restauration du passé, les Kahr et les Hitler, en Allemagne, imitant grotesquement Napoléon, le petit avocat Benès, singeant Metternich et le nain Mussolini essayant de reproduire les gestes du géant Lénine, pourquoi le faux-savant Jabotinsky ne tenterait-il pas te rôle du "fameux" bandit Petlioura?

 



[1]C’est Wolf Auerbach (ou Averbuch), dirigeant du Parti communiste de Palestine, qui utilise comme pseudonymes: Daniel, Abu Siam (ou A. Bouziam, Abouziam/Abusiam, Abu Zaim), Haydar. [Note 321Ignition.]

[2]Correspondance internationale, 29, avril 1924.

Reproduit ici d’après : Bulletin international, n° 55 58, juillet-octobre 1982; édité par le CEMOPI (Centre d’étude sur le mouvement ouvrier et paysan international), France.