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KPD 1933-1945 – 1918‑1922, révolution et contrerévolution
1933 1945 : Le KPD dans la lutte contre la dictature national-socialiste |
1918 1922 : Révolution et contrerévolution |
De 1918 à 1922 : En Allemagne, à la fin de la Première guerre mondiale, éclate un mouvement insurrectionnel qui s’étend à travers tout le pays. Le Parti communiste d’Allemagne se constitue le 30 décembre 1918. Il tente de donner une impulsion révolutionnaire aux luttes, mais le Parti social-démocrate d’Allemagne réussit à canaliser le mouvement pour perpétuer la domination de la bourgeoisie, dans le cadre d’une république parlementaire.
L’époque de la révolution prolétarienne revue et corrigée par la social-démocratie
Coalition gouvernementale : le premier pas
République socialiste ou République social-démocrate?
Collaboration de classe : on y met les formes
Alliance SPD – Armée : elle sera faite pour durer
La mise en scène du rétablissement de la légalité
Gauche? Droite? En marche, gauche, droite, gauche, droite…
L’extrême-droite attaque, la social-démocratie se défend… contre la classe ouvrière
Dans ce qui suit nous donnons un bref exposé des évènements qui ont marqué, en Allemagne, la période après la Première Guerre mondiale : la tentative de révolution de fin 1918 et début 1919, et l’affrontement frontal entre les forces révolutionnaires et la bourgeoisie qui s’en suivit, se prolongeant jusqu’en 1923. Le récit des faits n’est nullement exhaustif, en particulier en ce qui concerne la succession des actions engagées par le prolétariat. Seuls certains évènements sont mentionnés, en fonction de leur signification particulière. Mais il faut garder à l’esprit que tout au long de la période considérée, une lutte ouverte et aigüe oppose en permanence la classe ouvrière à la bourgeoisie et au pouvoir d’État, bien que de manière plus ou moins massive selon les moments et les endroits.
Le “Troisième Reich”, le “Reich millénaire” (“Reich” signifiant “Empire”), s’affirmait dans l’idéologie national-socialiste comme le continuateur du premier empire germanique, celui issu du partage de l’empire franc de Charlemagne, au cours des 9e et 10e siècles; il prétendait inaugurer une nouvelle époque millénaire, sinon éternelle. En 1867 avait été établie la Confédération de l’Allemagne du Nord, sous l’hégémonie de la Prusse; Guillaume Ier, roi de Prusse, avait été désigné comme Président confédéral, Otto von Bismarck comme Chancelier confédéral. En 1871, après la conclusion de traités avec les États allemands du Sud, avait été fondé le deuxième Empire allemand, et Guillaume Ier proclamé Empereur. L’évènement s’inscrivait dans le cadre d’une série d’autres faits historiques importants : la guerre entre l’Allemagne et la France, la guerre civile en France, l’écrasement de la Commune de Paris.
En 1888 ce fut d’abord Frédéric III qui succéda à Guillaume Ier, puis Guillaume II devint Empereur. Quant à Bismarck, il fut congédié en 1890; il aura été l’un des principaux dirigeants conduisant la bourgeoisie allemande dans la lutte pour le partage du monde, à l’époque de l’impérialisme capitaliste naissant.
La Première Guerre mondiale entraina la disparition du régime politique monarchique. L’Empire confédéral en tant qu’État dominé par la bourgeoisie et basé sur le système économique capitaliste, impérialiste, resta néanmoins en place.
L’époque de la révolution prolétarienne revue et corrigée par la social-démocratie
La révolution prolétarienne mondiale remporte une immense victoire lorsque le 7 novembre 1917, la Révolution d’Octobre éclate à Petrograd. Le 3 mars 1918, la Russie soviétique signe le traité de paix de Brest-Litovsk avec l’Allemagne. Il sera annulé par la RSFS de Russie[1] le 13 novembre de la même année, compte tenu de certaines clauses figurant dans l’Armistice signé le 11 novembre par l’Allemagne. La Révolution d’Octobre contribuera largement à l’essor du mouvement révolutionnaire en Allemagne, tel qu’il se développera au cours des années 1918‑1923.
L’un des faits majeurs qui caractérisent la lutte de classe en Allemagne pendant cette période, c’est le rôle contrerévolutionnaire joué par le Parti social-démocrate d’Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD). Pourtant, à l’origine, le terme social-démocratie désignait le mouvement politique se situant dans la perspective de la lutte pour le communisme. Or les partis rassemblés au sein de la Deuxième Internationale (socialiste), et parmi eux le SPD, avaient fait faillite, du point de vue du mouvement communiste authentique. Parmi les principaux dirigeants du SPD d’alors, on peut citer : Eduard Bernstein, Friedrich Ebert, Rudolf Hilferding, Karl Kautsky, Philipp Scheidemann.
Nombreux étaient cependant les membres du SPD refusant les positions sur lesquelles se plaçait alors sa direction. À partir de 1915 s’organise le Groupe “Internationale”, réunissant la fraction la plus révolutionnaire au sein du SPD[2]. Il est dénommé ainsi en référence à la revue Die Internationale, dont le premier ‑ et seul ‑ numéro est publié par Rosa Luxemburg et Franz Mehring en avril 1915. Le 1er janvier 1916 se tient une réunion du groupe, à laquelle participent Käte Duncker, Hugo Eberlein, Johann Knief, Karl Liebknecht, Rudolf Lindau, Mehring, Ernst Meyer, Karl Minster, Otto Rühle, Georg Schumann, August Thalheimer, Bertha Thalheimer. Un texte intitulé "Lignes directrices sur les tâches de la social-démocratie internationale" est adopté; il avait été préparé par Luxemburg qui à ce moment-là était emprisonnée. Knief et Lindau font partie du groupe désigné sous le nom de “Gauche radicale” (“Linksradikale”) respectivement de Brême et de Hambourg; ils critiquent les lignes directrices parce qu’ils considèrent nécessaire la fondation d’un parti propre. À partir de septembre 1916 le Groupe Internationale publie un organe illégal intitulé Spartakus, et c’est ainsi que par la suite il sera désigné couramment comme “Groupe Spartakus”.
Lorsque le 18 janvier 1917 les majoritaires du SPD excluent l’ensemble des opposants, il en résulte la fondation du “Parti social-démocrate indépendant d’Allemagne” (“Unabhängige Sozialdemokratische Partei Deutschlands”, USPD), le 6 avril. Y adhèrent entre autre : E. Bernstein, Rudolf Breitscheid, Ernst Däumig, Wilhelm Dittmann, Hugo Haase, R. Hilferding, K. Kautsky, Georg Ledebour. Les “Spartakistes” décident d’entrer au nouveau parti. Par distinction vis-à-vis de l’USPD, le SPD est alors désigné comme Parti social-démocrate majoritaire d’Allemagne (Mehrheits-Sozialdemokratische Partei Deutschlands, MSPD). Par ailleurs, en 1914 à Berlin, un noyau oppositionnel avait été formé au sein de l’Union allemande des Ouvriers de la Métallurgie (Deutscher Metallarbeiter-Verband, DMV) par des “Hommes de confiance” (“Vertrauensleute”). Cette institution tirait son origine de l’époque où les syndicats, de même que les socialistes, subissaient les limitations du droit de coalition; elle visait alors à assurer la coordination des activités entre les différents syndicats locaux. À partir de là s’était constitué peu à peu un groupe de délégués agissant en dehors du cadre syndical, les “Hommes de confiance révolutionnaires” (“Revolutionäre Obleute”). Parmi leurs principaux dirigeants figurent les membres de l’USPD Emil Barth, Ledebour, Richard Müller.
Bien que le processus de clarification de la situation sur le plan organisationnel soit marqué de beaucoup d’hésitations de la part des Spartakistes, les frontières sont néanmoins clairement tracées quant à l’attitude que prendront les communistes dans les luttes qui se développent.
L’évolution de la situation militaire entraine des vicissitudes quant à la forme du régime impériale. Le 29 aout 1916, l’Empereur limoge le chef d’État-major Erich von Falkenhayn et le remplace par le maréchal-général de campagne [Generalfeldmarschall] Paul von Hindenburg. Aux côtés de celui-ci, le général-major Erich Ludendorff assume la fonction, nouvellement créée, de “premier quartier-maitre général” [“Erster Generalquartiermeister”]. Ainsi nait le “Commandement suprême de l’Armée” [“Oberste Heeresleitung”], qui désormais tient les rênes du pouvoir. Parallèlement se déroule la mascarade habituelle de la part des soi-disant représentants du peuple. En mars 1917, l’USPD soumet à l’Assemblée nationale [Reichstag][3] une résolution exigeant un gouvernement parlementaire; le SPD demande la formation d’une commission chargée de préparer une réforme du régime politique, et le Parti national-libéral (Nationalliberale Partei, NLP) se prononce dans le même sens. Un point particulier débattu dans ce cadre est celui concernant le système électoral de Prusse, qui à l’époque est censitaire; le Parti populaire progressiste (Fortschrittliche Volkspartei, FVP) demande l’introduction du suffrage universel et égal, dans tous les États fédéraux. L’Assemblée nationale décide l’investiture d’une commission de constitution. Celle-ci se réunit le 2 mai et désigne Ph. Scheidemann comme président.
Le 16 avril 1917, l’Union des Ouvriers de la Métallurgie (DMV) déclenche une grève à Berlin pour protester en premier lieu contre l’approvisionnement insuffisant en vivres; plus de 200.000 ouvriers y participent [Chronologie ►]. Au même moment il y a aussi des grèves à Braunschweig, Brême, Chemnitz, Halle, Leipzig, Magdeburg. Les revendications ont principalement un caractère économique, mais des objectifs politiques sont également énoncés dans certains cas, notamment à Leipzig où l’on compte environ 30.000 grévistes. Les mouvements se prolongent jusqu’au 23 avril.
On note que l’idée de la formation de conseils d’ouvriers se fait jour. À Leipzig, les grévistes formulent l’appel suivant[4] : "En vue de la représentation effective des intérêts des ouvriers, les personnes réunies invitent tous les groupes de professions à envoyer des représentants, afin de former ensemble avec les représentants des travailleurs de la métallurgie et du Parti social-démocrate indépendant, un conseil d’ouvriers." Les grévistes de l’usine Knorr-Bremse à Berlin formulent des revendications[5] qui correspondent à celles de Leipzig, et désignent un Conseil d’Ouvriers de trois délégués, dirigé par un Spartakiste. À l’issue de la grève, le Groupe Spartakus publiera un tract "Les leçons de la grande grève de masse"[6], dans lequel ils appellent à "procéder à la création d’une organisation spéciale de masse des travailleurs berlinois, pour la lutte en faveur de la paix. Les travailleurs impliqués de chaque entreprise devraient alors élire leurs délégués. Les délégués devraient instaurer un comité auquel devrait être conférée la direction de la lutte de masse et des actions de masse."
Dans le cadre de la répression déclenchée contre les ouvriers en lutte, le maréchal P. v. Hindenburg fait publier une lettre adressée au lieutenant-général Wilhelm Groener, commandant de l’Office de guerre [Kriegsamt], dans laquelle on peut lire entre autre[7] : "Quiconque chôme au lieu de travailler se charge d’une faute inexpiable. Il est responsable du sang qu’ont versé nos poilus." Il est activement soutenu dans ses efforts de propagande par les organes dirigeants des syndicats, qui écrivent à Groener[8] : "Nous attirerons constamment l’attention sur le fait que ceux qui affaiblissent la force de résistance de nos troupes par la réduction arbitraire des livraisons de moyens de défense, ceux-là pêchent contre notre pays." Groener fait placarder la lettre de Hindenburg en complétant l’attaque[9] : "Une canaille, celui qui fait grève tant que nos armées se trouvent face à l’ennemi." L’organe du SPD, le Vorwärts, publie une déclaration de la Commission générale des syndicats d’Allemagne (Generalkommission der Gewerkschaften Deutschlands, structure organisationnelle qui fédère les syndicats au niveau national) et du comité exécutif du SPD, concernant le 1er mai. On y lit[10] : "C’est pourquoi les travailleurs allemands, cette année encore comme les deux précédentes, renonceront à la cessation du travail le 1er mai […]." Cette façon d’agir en chien fidèle de la bourgeoise, qui aboie à l’unisson avec le maitre, ne constitue qu’une manifestation parmi d’autres de la position contrerévolutionnaire adoptée par le SPD. Nous verrons plus loin comment celui-ci ne se contente nullement de faire du bruit, mais s’empresse de mordre ‑ au service de la contrerévolution.
Dès avant la Révolution de Novembre 1918, le SPD s’efforce avec beaucoup d’esprit de suite d’assumer ce rôle réactionnaire. Le 28 janvier 1918, dans Grand-Berlin 400.000 travailleurs cessent le travail [Chronologie ►]. Le même jour 414 délégués élus par les grévistes se réunissent en tant que Conseil d’Ouvriers pour formuler leurs revendications. Il faut souligner qu’à ce stade, de par la fonction que le Conseil assume, il agit en lieu et place des syndicats, et non pas de l’Assemblée nationale; il ne se conçoit pas comme organe susceptible de participer au pouvoir d’État. Le programme revendicatif établi s’inspire manifestement de celui qui avait été présenté à Leipzig au cours des grèves d’avril 1917. Le Conseil d’Ouvriers à son tour procède à l’élection d’un Comité d’Action [Aktionsausschuß] de 11 personnes, présidé par R. Müller; l’assemblée invite l’USPD à déléguer à ce comité 3 de ses membres (sont choisis W. Dittmann, H. Haase, G. Ledebour) puis, malgré les protestations d’une partie de l’assistance, la même proposition est adressée au SPD. Celui-ci accepte et désigne Otto Braun, F. Ebert et Ph. Scheidemann.
Le 29 janvier, le mouvement s’étend; au total, il y a plus d’un million de grévistes, notamment à Braunschweig, Halle, Hambourg, Kiel, Leipzig, Magdeburg, Munich. Le SPD pousse à la capitulation. Le 1er février, une réunion centrale de représentants des directions syndicales, qui craignent la détérioration de leurs rapports avec les capitalistes, soulignent leur désengagement par une résolution qui constate[11] : "Les syndicats se tiennent à l’écart de ces grèves, leurs directions n’y participent d’aucune manière." Le comité de grève décide d’arrêter le mouvement le 3 février au soir. Les Spartakistes, qui se prononcent pour sa continuation, ne sont pas suivis.
Le SPD explique lui-même la finalité de son attitude[12] : "Par l’entrée dans la direction de grève, de députés social-démocrates des deux groupes, la pleine garantie était apportée pour maintenir le mouvement sur des voies régulières et pour l’amener rapidement à un terme sans préjudice pour la collectivité." Fin 1924 se tiendra à Magdeburg (Saxe-Anhalt) un procès intenté par F. Ebert au rédacteur d’un journal qui l’avait accusé de haute trahison en rapport notamment avec son attitude durant la grève de janvier 1918. Voici deux extraits des déclarations faites à ce procès[13]. Ph. Scheidemann : "Si nous n’étions pas entrés au comité de grève, alors vraisemblablement le tribunal ne pourrait pas siéger aujourd’hui, et alors selon ma conviction bien arrêtée, la guerre et tout le reste aurait été foutu déjà en janvier. […] Par notre façon d’agir la grève a été terminée rapidement et tout a été orienté vers un cours régulier. À vrai dire, on devrait nous être reconnaissant, au lieu de nous insulter." Ebert : " Je suis entré à la direction de grève avec l’intention déterminée de mener la grève le plus rapidement à un terme et d’éviter des dommages pour le pays."
Coalition gouvernementale : le premier pas
Porté aux premières loges du régime par la guerre, le général-major E. Ludendorff tire lui-même les conséquences quant à l’approche de la défaite définitive de l’Allemagne. Le 28 septembre 1918, en vue de la conclusion d’une trêve et de la négociation d’un traité de paix, il informe le Chancelier Georg Graf von Hertling qu´"un remaniement du gouvernement ou son élargissement sur une base plus étendue" est devenu nécessaire. Il fait savoir officiellement que la guerre est perdue et que l’Assemblée nationale doit prendre en main le pouvoir. Or les partis qui y représentent la majorité ne disposent d’aucune personnalité susceptible de prendre la tête du gouvernement. C’est le prince Max von Baden qui, le 3 octobre, devient le Chancelier du nouveau “gouvernement du peuple” [“Volksregierung”]. Celui-ci s’appuie sur le Parti allemand du Centre (Deutsche Zentrumspartei, ou simplement Zentrum), le Parti populaire progressiste et le SPD. Ce dernier est représenté par le secrétaire d’État au travail Gustav Bauer et le secrétaire d’État sans portefeuille Ph. Scheidemann.
Le 26 octobre, le général-major E. Ludendorff remet sa démission à l’Empereur; il est remplacé en tant que premier quartier-maitre général par le lieutenant-général W. Groener. Le même jour, la constitution est révisée par l’Assemblée nationale dans le but de faire évoluer le système vers une monarchie parlementaire; les nouvelles dispositions entrent en vigueur le 28 octobre. Le SPD est pleinement conscient de l’appui précieux à la propagande contrerévolutionnaire qu’elle peut apporter comme nul autre, du fait de sa position vis-à-vis des masses de travailleurs. Il s’emploie activement à jouer son rôle en ce sens. Voici par exemple un extrait d’un Appel du comité exécutif [Vorstand] du SPD, du 17 octobre[14] :
En outre, toutes les menées au moyen d’une phraséologie révolutionnaire bolchévique de la part de personnes irresponsables en désarroi, qui tentent d’ameuter les travailleurs en vue de grèves et manifestations, actuellement vaines, contre le gouvernement ‑ ces menées rendent plus difficile la paix et la démocratisation de l’Allemagne et, fût-ce peut-être non intentionnel, font le jeu des fauteurs de guerre et ennemis de la démocratie, panallemands. […] Le renouveau interne de l’Allemagne ne peut pas s’effectuer en amenant un chaos bolchévique, en déchainant la guerre civile qui en plus du flot de sang qui coule aux fronts, en plus du malheur tombé sur le peuple allemand, amènerait malheurs supplémentaires et flots de sang supplémentaires, qui ne ferait qu’augmenter détresse et misère, et qui exciterait la soif de conquête de nos ennemis. Non, comme l’ont toujours déclaré les représentants autorisés du Parti social-démocrate, c’est par la voie du bouleversement pacifique que nous voulons effectuer la transition du système politique vers la démocratie et celle de la vie économique vers le socialisme.
À partir de la fin d’octobre, la lutte de classe s’exacerbe. K. Liebknecht (qui avait été condamné en aout 1916 à 4 ans 1 mois de prison et vient d’être libéré de façon anticipée) assiste aux réunions des Hommes de confiance révolutionnaires; il est élu membre de leur Comité exécutif avec deux autres Spartakistes : Wilhelm Pieck, rentré de Pays-Bas le 27 octobre, et E. Meyer. Ils sont seuls à préconiser une action immédiate. Les autres représentants hésitent; quoi qu’il en soit, les évènements se précipitent malgré eux. À Kiel une révolte des marins éclate. Le 4 novembre, un Conseil d’Ouvriers et de Soldats est formé, qui détient de fait tout le pouvoir civil et militaire dans la ville.
Dans un appel "Au peuple allemand!" publié le 4 novembre[15], le gouvernement rappelle les principes qui guident sa politique : "la transformation de l’Allemagne en un État populaire, qui ne doit le céder en rien à aucun État du monde, en matière de liberté politique et assistance sociale" [citation dans l’original ►]. La direction du SPD de son côté, dans un appel adressé le même jour aux "Ouvriers! Camarades du parti!"[16], souligne que le parti "a détaché un certain nombre de camarades au gouvernement, afin que celui-ci conclue au plus vite une paix et rétablisse à l’intérieur toutes les libertés civiques que la classe ouvrière nécessite pour son développement ultérieur". Tout en étant favorable au "développement" de la classe ouvrière, il ne l’est cependant pas à son action. Puisque "le camarade Scheidemann, en accord avec le parti, a recommandé au Chancelier de conseiller à l’Empereur d’abdiquer" et que "cette question est actuellement encore sujette à des négociations importantes", il appelle les ouvriers à l’inaction :
Nous vous appelons à ne pas contrarier ces négociations par une immixtion irréfléchie. Nous sommes placés devant les décisions les plus difficiles, chaque jour nous pouvons être mis dans la situation de devoir vous appeler à ce que vous mettiez votre parole dans la balance de la décision. Cependant, maintenant il s’agit de garder le sang-froid et la discipline, et de ne se laisser prendre au piège par aucune sorte de slogan semant le trouble.
Le 7 novembre, F. Ebert rencontre M. v. Baden dans les bureaux du chancelier et selon le récit de ce dernier, Ebert déclare[17] : "Si l’Empereur n’abdique pas, alors la révolution sociale est inévitable. Or je ne la veux pas, même, je la hais comme le péché."
Le mouvement révolutionnaire s’étend à d’autres villes, et des Conseils d’Ouvriers et de Soldats sont formés entre autre à Brême, Hambourg (le 6 novembre); à Braunschweig, Frankfurt-sur-le-Main, Hanovre, Munich (le 7); à Augsbourg, Chemnitz, Dresde, Düsseldorf, Essen, Halle-sur-le-Saale, Leipzig, Magdebourg, Mannheim, Nürnberg, (le 8); à Brandenbourg (le 9) [Chronologie ►]. Le 7 novembre, presque toute la flotte allemande se trouve entre les mains des révoltés. Le même jour, un Conseil d’Ouvriers, de Soldats et de Paysans provisoire est formé à Munich. Le roi de Bavière prend la fuite, et dans la nuit du 7 au 8, la "République démocratique et sociale de Bavière" est proclamée par le Conseil provisoire qui se constitue en Diète.
République socialiste ou République social-démocrate?
Le 9 novembre 1918, à Berlin, une grève générale est entamée. Le Chancelier M. v. Baden annonce l’abdication de Guillaume II et du Prince héritier. L’Empereur partira en exil le lendemain, mais il n’abdiquera définitivement que le 28, en renonçant à la fois aux droits concernant la couronne impériale allemande et à ceux relatifs à la couronne de Prusse. V. Baden remet la fonction de Chancelier entre les mains de F. Ebert qui assume désormais la responsabilité des affaires courantes. Un gouvernement de six membres (trois du SPD : Ebert, Otto Landsberg, Ph. Scheidemann, et trois de l’USPD : E. Barth, W. Dittmann, H. Haase) censé détenir le pouvoir exécutif est constitué.
Dans un discours que K. Liebknecht tient du balcon du Château royal, il proclame la "République socialiste libre d’Allemagne" et poursuit[18] :
Nous devons mobiliser toutes nos énergies pour édifier le gouvernement des travailleurs et des soldats et pour créer un nouvel ordre politique du prolétariat, un ordre de la paix, du bonheur et de la liberté de nos frères allemands et de nos frères dans le monde entier. Nous leur tendons les mains et les appelons à l’achèvement de la révolution mondiale.
À ce stade des évènements, le Conseil d’Ouvriers et de Soldats provisoire de Berlin se place, lui aussi, dans une perspective à tendance révolutionnaire. Il déclare[19] : "Depuis le 9 novembre, le peuple allemand tient le pouvoir dans ses mains. Depuis le 9 novembre l’Allemagne est une république, à savoir une république socialiste des travailleurs et des soldats." Ph. Scheidemann de son côté, quelques heures avant le discours de K. Liebknecht, avait lancé un vivat à la "république allemande"[20]. Il omet soigneusement le qualificatif de socialiste; de manière plus exhaustive F. Ebert synthétisera, le 10 décembre, la vision social-démocrate mélangeant nationalisme et tradition lassalienne, en portant des vivats à "notre patrie allemande, la liberté allemande, l’État populaire libre d’Allemagne"[21] [citation dans l’original ►]. Bref, le SPD s’efforce à empêcher la population à écouter un quelconque son de cloche révolutionnaire. Ainsi, par la voix de Scheidemann qui dans le discours déjà cité déclare qu’il faut arrêter net la lutte, étant donné que d’ores et déjà "le peuple allemand a vaincu sur toute la ligne". La tâche de l’heure est de "ne pas laisser salir cette victoire brillante, cette victoire intégrale du peuple allemand", et donc de faire en sorte "qu’aucune perturbation de la sécurité ne se produise".
Dès le 9 novembre, le SPD, à tous les niveaux, fait chorus en multipliant les appels pressants en ce sens. F. Ebert, se considérant désormais comme Chancelier, s’adresse aux "concitoyens" par un appel[22] affirmant que "le nouveau gouvernement sera un gouvernement populaire" et qui se termine comme suit : "Concitoyens! Je vous prie tous instamment : Quittez les rues! Veillez au maintien du calme et de l’ordre!" Les représentants du SPD au gouvernement interviennent eux aussi[23] : "Les vies humaines sont sacrées. La propriété doit être protégée contre des empiètements arbitraires. Celui qui déshonore ce mouvement magnifique par des méfaits odieux, est un ennemi du peuple et doit être traité comme tel."
Le groupe Spartakus publie un "Appel aux Ouvriers et Soldats" le 8 novembre[24], et un autre, semblable, le 10 [25]; on y lit notamment :
[…] Dans l’accomplissement d’un programme socialiste-révolutionnaire vous devez aller jusqu’au bout. Ce n’est pas avec l’abdication de quelques Hohenzollern que c’est chose faite. Encore moins c’est chose faite avec l’arrivée au sommet de quelques socialistes gouvernementaux de plus. Ils ont soutenu la bourgeoisie pendant quatre ans, ils ne peuvent que continuer de le faire. […] Veillez à ce que le pouvoir que vous avez conquis maintenant, ne vous échappe pas de vos mains et à ce que vous l’utilisez en vue de votre objectif. Car votre objectif est l’obtention immédiate d’une paix prolétarien-socialiste qui soit dirigée contre l’impérialisme de tous les pays, ainsi que la transformation de la société en une société socialiste. […] Aucun “Scheidemann” ne doit plus siéger au gouvernement; aucun socialiste ne doit entrer au gouvernement, tant qu’en son sein siège encore un socialiste gouvernemental. Il n’y a pas de communauté avec ceux qui vous ont trahi pendant quatre ans.
À bas le capitalisme et ses agents!
Vive la révolution!
Vive l’Internationale!
Le 10 novembre a lieu à Berlin la première réunion de délégués élus par les ouvriers et les soldats, et qui se constituent en “Conseil d’Ouvriers et de Soldats” ayant maintenant un caractère non plus provisoire, mais formellement institutionnalisé. [Chronologie ►.] Ce Conseil élit un “Comité d’Action” [“Aktionsausschuß”] composé de 6 représentants du SPD et 6 de l’USPD pour le Conseil d’ouvriers ainsi que de 12 personnes pour le Conseil de Soldats (le comité se trouve en fait élargi à 14 plus 14 membres respectivement pour les ouvriers et les soldats). Finalement cet organe est désigné comme “Conseil exécutif” [“Vollzugsrat”] du Conseil d’Ouvriers et de Soldats de Grand-Berlin. L’assemblée confirme le cabinet (composé d’E. Barth, W. Dittmann, F Ebert, H. Haase, O. Landsberg, Ph. Scheidemann) qui à l’issue de la réunion se constitue en “Conseil des mandatés du peuple” [“Rat der Volksbeauftragten”]. Au sein de ce Conseil, la répartition des portefeuilles attribue notamment les Affaires intérieures et militaires à Ebert, les Finances d’abord à Scheidemann qui les cède finalement, le 20 novembre, à Landsberg.
Le lendemain 11 novembre, est conclu l’Armistice.
Collaboration de classe : on y met les formes
Le 12 novembre 1918, le Conseil des mandatés du peuple s’adresse "Au peuple allemand"[26] : "Le gouvernement issu de la révolution, dont la direction politique est purement socialiste, se fixe la tâche de réaliser le programme socialiste." De fait, dans cet appel, le Conseil énonce surtout, comme tout gouvernement bourgeois qui se respecte, un certain nombre de belles promesses dont l’exécution se heurtera forcément à la réalité, inchangée quant au fond :
Au plus tard le 1er janvier 1919 la journée de travail de huit heures au maximum entrera en vigueur. Le gouvernement fera tout afin de pourvoir à des opportunités d’emploi suffisantes. Un décret au sujet de l’assistance aux personnes sans revenus est prêt. Il répartit les charges entre Reich, État et Commune. Dans le domaine de l’assurance-maladie l’obligation d’assurance sera étendue au-delà de la limite actuelle de 2500 Mark. La pénurie de logements sera combattue par la mise à disposition de logements. On oeuvrera en faveur d’un ravitaillement alimentaire régulier du peuple.
Et le texte formule à nouveau le rappel à l’ordre, inlassablement répété dans les prises de position des dirigeants du SPD : "Le gouvernement maintiendra l’ordre quant à la production, protègera la propriété contre les atteintes de la part de personnes privées, ainsi que la liberté et la sécurité de la personne."
La mise en place des rouages officiels de la collaboration ne peut bien entendu pas se limiter à l’attribution de quelques chaises gouvernementales. Dès octobre, des négociations avaient débutées entre des représentants, des employeurs d’une part, des syndicats de l’autre [Chronologie ► ►]. Le 11 novembre un accord est réalisé au sujet de la revendication de la durée journalière de travail de huit heures. Les employeurs l’acceptent dans la mesure où son application est conditionnée par sa généralisation dans le cadre d’un accord international. Est prévue également la constitution d’une commission centrale composée sur une base paritaire et chargée de la mise en oeuvre des dispositions. Le 15 novembre l’accord est officiellement approuvé par les deux parties. Parmi les signataires figurent notamment : au nom des associations d’employeurs Ernst von Borsig (AEG), Alfred Hugenberg (Krupp), Walter Rathenau (AEG), Anton von Rieppel (MAN), Carl Friedrich von Siemens, Kurt Oskar Sorge (Krupp), Friedrich Springorum (Hoesch), Hugo Stinnes; pour les syndicats : Carl Legien (SPD). En outre F. Ebert et H. Haase signent au nom du Conseil des mandatés du peuple, en stipulant que les dispositions devront être appliquées à toutes les entreprises du Reich et des États fédéraux.
L’accord conclu prévoit la reconnaissance des syndicats en tant que représentants officiels des salariés, le droit de coalition sans restriction, la journée de travail de huit heures maximum, l’office de placement paritaire, des instances de réconciliation paritaires, la signature d’accords salariaux dans les différentes branches, l’abandon par les employeurs des syndicats mis en place sous leur propre tutelle. Un organe exécutif provisoire est formé sous la présidence d’E. v. Borsig et C. Legien. Il élabore des statuts sur la base desquels tous les syndicats adhèrent le 3 décembre; le 4, ces statuts sont adoptés par la Commission centrale en tant que statuts provisoires de la “Communauté centrale de travail des employeurs et employés industriels et commerciaux d’Allemagne” [“Zentralarbeitsgemeinschaft der industriellen und gewerblichen Arbeitgeber und Arbeitnehmer Deutschlands”] (appelé par la suite communément “Communauté centrale de travail” [“Zentralarbeitsgemeinschaft”] tout court. Ces statuts stipulent notamment[27] :
Imprégnées de la reconnaissance du fait que le relèvement de notre économie nationale exige le rassemblement de toutes les forces économiques et spirituelles et une collaboration harmonieuse de toutes les parties, et imprégnées de la responsabilité qui en découle, les organisations des employeurs de l’industrie et des petites et moyennes entreprises et celles des salariés s’associent en une communauté de travail.
La communauté de travail a pour but la solution, en commun, de toutes les questions économiques et sociales touchant à l’industrie et aux petites et moyennes entreprises ainsi que de toutes les affaires législatives et administratives les concernant.
Un décret, du 13 novembre, concerne l’assistance-chômage. Il est d’abord conçu pour répondre à la situation de chômage massif créée par la démobilisation. Par la suite le principe d’un soutien aux chômeurs financé par des fonds publics sera accepté, et le décret sera reconduit sous des formes plusieurs fois modifiées, jusqu’à ce qu’en 1927 sera créée l’assurance-chômage. Ce texte est étroitement lié à un autre décret, du 9 décembre, concernant l’office de placement et qui attribue à l’État la tâche de la règlementation du marché de travail. La fixation d’un horaire journalier de huit heures maximum pour les travailleurs salariés est, elle aussi, conçue en rapport étroit avec les problèmes d’emploi. Elle sera par la suite battue en brèche par une multitude d’exceptions. Un autre fait important réside dans la règlementation par voie juridique des accords salariaux collectifs, lesquels avaient vu jour à partir de la fin du 19e siècle.
La concrétisation de la collaboration de classe dans le domaine économique va de pair avec un processus de mise en forme des institutions selon les normes de l’appareil d’État bourgeois, afin d’éliminer toutes traces des évènements qui ont contribué à faire tomber la monarchie. L’objectif à atteindre est la disparition des Conseils comme expression autonome de la volonté politique de la classe ouvrière, c’est-à-dire d’une part la prise en charge ‑ sous une forme dénaturée ‑ de leurs velléités politiques par l’Assemblée nationale, d’autre part leur transformation en institution représentative confinée à l’intérieur de l’entreprise, dans le domaine économique. Dès le départ, les représentants du SPD au “gouvernement” avaient placé le statut de ce cabinet dans la perspective de la transmission du pouvoir qu’il détient provisoirement, à une future Assemblée constituante dont il organisera l’élection. Le 18 novembre, Ph. Scheidemann déclare dans un article paru dans le Vorwärts, organe du SPD[28] : "Pas de prospérité politique ni économique sans assemblée nationale : voilà ce qui doit être le mot d’ordre pour la direction du Reich."
Le 22 novembre est conclu un accord entre le Conseil des mandatés du peuple et le Conseil exécutif[29], selon lequel "le pouvoir politique se trouve dans les mains des conseils d’ouvriers et de soldats de la république socialiste allemande" et "jusqu’à ce qu’une assemblée de délégués des conseils d’ouvriers et de soldats ait élu un conseil exécutif de la république allemande, le conseil exécutif de Berlin exerce les fonctions des conseils d’ouvriers et de soldats de la république allemande en accord avec les conseils d’ouvriers et de soldats de Grand-Berlin".
Le 29 novembre, le Conseil des mandatés du peuple décide la tenue d’élections à l’Assemblée nationale et adopte une loi électorale. Cependant, une minorité de l’USPD ainsi que les Hommes de confiance révolutionnaires, sont opposés à la convocation d’une Assemblée nationale et favorable à la prise en main du pouvoir politique par les Conseils d’Ouvriers et de Soldats.
À ce sujet, lors d’une assemblée extraordinaire de la section de l’USPD de Grand-Berlin tenue le 15 décembre, deux résolutions sont confrontées : l’une soumise par R. Luxemburg, et l’autre par R. Hilferding [Chronologie ►]. Cette dernière est adoptée par 485 voix, contre 195 pour la résolution Luxemburg.
Resolution Luxemburg :
L’assemblée extraordinaire de l’organisation […] exige :
[…]
2. l’assemblée refuse la convocation de l’assemblée nationale, qui ne peut que conduire à renforcer la contrerévolution et à escroquer la révolution en ce qui concerne ses objectifs socialistes.
3. l’appropriation immédiate du pouvoir politique complet par les conseils d’ouvriers et de soldats, désarmement de la contrerévolution, armement de la population travailleuse, formation d’une garde rouge pour la protection de la révolution, dissolution du conseil Ebert des mandatés du peuple, attribution du pouvoir d’État suprême au conseil exécutif des conseils d’ouvriers et de soldats.
Resolution Hilferding :
L’assemblée générale de l’organisation déclare :
La tâche politique la plus importante de l’USP est actuellement l’organisation des élections à l’assemblée nationale. […] Elle appelle ses représentants dans le gouvernement à travailler avec la plus extrême fermeté et sans concessions qui seraient signe de faiblesse, pour la sauvegarde et l’élargissement des conquêtes révolutionnaires.
Du 16 au 21 décembre se réunit à Berlin le Congrès national des Conseils d’Ouvriers et de Soldats d’Allemagne [Chronologie ►]. Sur les 489 délégués, 289 sont membres du SPD, 90 de l’USPD, et 10 appartiennent à la Ligue Spartakus (ainsi se nomme maintenant le Groupe Spartakus). Les 100 restants sont soit sans-parti ou suivent le Parti démocratique allemand (Deutsche Demokratische Partei, DDP); celui-ci a été fondé le 20 novembre sur la base de l’ex-Parti populaire progressiste auquel s’était jointe l’aile gauche du Parti national-libéral. L’opposition au SPD est conduite par les représentants des Hommes de confiance révolutionnaires : E. Däumig, G. Ledebour, R. Müller. La proposition, soumise au début du Congrès, d’admettre K. Liebknecht et R. Luxemburg (qui n’avaient pas reçu de mandat) comme observateurs avec voix consultative, est repoussée.
Le Congrès adopte une résolution (proposée par les représentants du SPD) qui jusqu’à la formation d’une Assemblée nationale confère au Conseil des mandatés du peuple le pouvoir législatif et exécutif, et à un Conseil central le contrôle de celui-ci. La résolution stipule notamment[30] :
1. Le congrès du Reich des conseils d’ouvriers et de soldats d’Allemagne, qui représente l’ensemble du pouvoir politique, transfère, en attendant la règlementation déterminée par ailleurs par l’assemblée nationale, le pouvoir législatif et exécutif au conseil des mandatés du peuple.
2. En outre le congrès désigne un conseil central des conseils d’ouvriers et de soldats, qui exerce la surveillance parlementaire des cabinets allemand et prussien. Il a le droit à la surveillance des mandatés du peuple du Reich et ‑ jusqu’à la règlementation définitive du système politique ‑ aussi des mandatés du peuple de Prusse.
Le Congrès fixe au 19 janvier 1919 l’élection de l’Assemblée constituante. Il élit le Conseil central; les 27 membres de ce dernier appartiennent tous au SPD, du fait que l’USPD refuse de participer à l’élection.
Le Congrès adopte également une résolution au sujet du pouvoir de commandement concernant les forces armées[31]. Selon ce texte "ce sont les mandatés du peuple qui exercent le pouvoir de commandement sur l’armée et la marine et les forces de protection[32], sous contrôle du conseil exécutif". Il souligne en outre que "l’abolition de l’armée permanente et l’édification d’une garde populaire doivent être accélérées". Cette résolution est adoptée contre la volonté de F. Ebert, qui s’efforce d’en faire des simples "lignes directrices". Lorsque le maréchal P. v. Hindenburg prend connaissance de ces dispositions, il réagit immédiatement par un refus ouvert et envoie le lieutenant-général W. Groener à Berlin pour empêcher leur application.
Le 29 décembre, les trois Députés du Peuple appartenant à l’USPD démissionnent, pour ne plus cautionner la politique du SPD, compromis de plus en plus ouvertement avec les officiers réactionnaires. W. Dittmann, H. Haase et E. Barth sont aussitôt remplacés par trois membres du SPD, Paul Löbe, Gustav Noske (Direction du ressort Militaire et Marine) et Rudolf Wissel (politique économique et sociale); Löbe se récusera et le Conseil des mandatés du peuple ne comprendra désormais plus que 5 membres. D’autres, à l’USPD, continuent à exercer des fonctions gouvernementales, parmi eux E. Bernstein et K. Kautsky. Le nouveau Conseil des mandatés du peuple est confirmé à l’unanimité par le Conseil central.
Alliance SPD – Armée : elle sera faite pour durer
Parallèlement à la stabilisation des institutions dans le sens voulu par la bourgeoisie, le SPD s’emploie également à jeter les bases de ce qui fera, au-delà des tromperies démocratiques, la force réelle de l’appareil d’État : la collaboration entre le gouvernement et l’armée. Elle est établie par une concertation étroite entre F. Ebert, Chancelier, et le lieutenant-général W. Groener, chef du Commandement suprême de l’Armée. Le principe en est formellement établi le 10 novembre 1918. "Nous [Ebert et moi-même] nous sommes alliés en vue de la lutte contre la révolution, en vue de la lutte contre le bolchévisme", dira Groener en 1925 devant une commission d’enquête[33], et il relate qu’il s’était concerté avec le maréchal Hindenburg en ce sens : "Je lui ai proposé : Je considère comme nécessaire que le commandement suprême de l’armée s’allie avec la social-démocratie majoritaire. Il n’y a pas actuellement à mon avis personnel un parti qui ait une influence suffisante parmi le peuple, en particulier les masses, pour pouvoir rétablir le pouvoir de gouvernement avec le commandement suprême de l’armée." En ce qui concerne sa version des évènements, on est en droit de penser qu’il en rajoute, de façon à présenter ‑ à sa manière ‑ cette entente sous un jour favorable. Quoi qu’il en soit, son récit est tout à fait révélateur de l’esprit qui commande les rapports entre le gouvernement et l’armée.
Le processus de “normalisation” conduit par le SPD se heurte à l’impatience de certains éléments qui, le 6 décembre, tentent de l’accélérer en arrêtant le Conseil exécutif et en proclament F. Ebert président; mais il ne s’agit là que d’un épisode qui reste sans effet [Chronologie ►]. Cependant, le SPD, en commun avec l’armée, envisage lui aussi la possibilité de procéder de manière plus radicale. Dans ses dépositions faites en 1925 W. Groener rapportera l’hypothèse d’un coup de force envisagé à l’occasion de l’entrée des troupes revenant du front à Berlin, le 10 décembre [34] :
D’abord il s’agissait – et c’était là ma pensée quant à l’objectif immédiat – d’arracher, à Berlin, le pouvoir aux Conseils d’Ouvriers et de Soldats. Dans ce but fut projetée une opération, à savoir l’entrée militaire de dix divisions à Berlin. Le Mandaté du Peuple Ebert l’approuvait tout à fait. […]
Pour cette entrée, qui en même temps devait offrir l’occasion d’instaurer à nouveau un gouvernement solide à Berlin […], nous avons élaboré un programme militaire pour les jours concernés. Dans ce programme figurait jour par jour ce qui devait se passer : le désarmement de Berlin, le nettoyage de Berlin des Spartakistes etc. […] Ceci avait aussi été abordé par l’officier que j’avais envoyé à Berlin, dans ses discussions avec Monsieur Ebert. J’en suis particulièrement reconnaissant à Monsieur Ebert et aussi l’ai-je défendu, partout où il a été attaqué, pour son amour absolu pour la patrie et son dévouement total pour la cause. Ce programme était arrêté tout à fait avec l’accord et le consentement de Monsieur Ebert. […]
[…] Quoi qu’il en soit le plan que j’avais projeté et avec lequel Monsieur Ebert était d’accord, n’a pas été réalisé.
[Citation dans l’original ►.]
Bien que l’entrée de troupes démobilisées à Berlin s’effectue finalement de manière plus paisible que prévue par W. Groener, F. Ebert en profite néanmoins pour réaffirmer la pérennité de la position chauvine de la social-démocratie [35]. Dans son allocution il exprime "notre gratitude ineffaçable" à toutes les victimes de la guerre, "qui se sont sacrifiés pour la protection de la patrie", de même que les soldats auxquels il s’adresse, qui ont "protégé la patrie de l’incursion ennemie" [Chronologie ►] [citation dans l’original ►]. Cependant, plus que le patriotisme dans la guerre, qui appartient au passé, compte maintenant la fidélité au pouvoir que représente la social-démocratie. C’est dans cette perspective que, le 12 décembre, est adoptée la loi stipulant la formation d’une “Armée populaire de volontaires” [“freiwillige Volkswehr”]. Celle-ci aura pour tâche "le maintien de l’ordre et de la sécurité publics" et sera "placée exclusivement sous les ordres du conseil des mandatés du peuple" [Chronologie ►].
Le 7 octobre 1918, les Spartakistes tiennent une conférence nationale. Celle-ci lance ce mot d’ordre : constituer partout des conseils d’ouvriers et de soldats. Elle fixe comme objectif au mouvement révolutionnaire la constitution d’une République socialiste allemande. Le 11 novembre a lieu une réunion des Spartakistes au cours de laquelle le Groupe Internationale change sa dénomination en “Ligue Spartakus” (“Spartakusbund”)[36]. La conférence élit un organe dénommé “Centrale” [“Zentrale”] composée de 13 membres : Willi Budich, Hermann Duncker, Käte Duncker, Hugo Eberlein, Leo Jogiches, Paul Lange, Paul Levi, K. Liebknecht, R. Luxemburg, F. Mehring, E. Meyer, W. Pieck, August Thalheimer[37]. Le 14 décembre, le Rote Fahne publie sous le titre "Que veut la Ligue Spartakus" ["Was will der Spartakusbund"] le programme des Spartakistes qu’a élaboré R. Luxemburg : il reprend et précise la plateforme d’octobre. (La première édition du quotidien Rote Fahne, organe du groupe Spartakus, avait paru le 9 novembre.)
La Ligue Spartakus, pour le moment, maintient la position de rester au sein de l’USPD. Lors de l’assemblée extraordinaire de la section de l’USPD de Grand-Berlin tenue le 15 décembre, la résolution soumise par R. Luxemburg (cf. plus haut) comporte encore un point "l’assemblée générale de section demande la convocation immédiate du congrès de l’USPD". Cependant la réunion du 11 novembre décide la convocation d’une conférence nationale, laquelle se tiendra du 30 décembre 1918 au 1er janvier 1919 [38]. À l’occasion de cette conférence se réunissent à Berlin 83 délégués de la Ligue Spartakus, auxquels se joignent 29 représentants du regroupement dénommé Communistes internationales d’Allemagne (Internationale Kommunisten Deutschlands, IKD) ainsi qu’un certain nombre d’autres participants.
L’IKD est une organisation qui rassemble quelques groupes existant localement, opposés au SPD mais n’ayant pas suivi le cheminement de l’USPD, désignés au départ comme “Gauche radicale” (“Linksradikale”)[39]. Le groupe autour de Johannes Knief et Paul Frölich[40] à Brême ainsi que celui autour de Julian Borchardt à Berlin avaient adopté à la fin de 1915 l’étiquette commune “Socialistes internationaux d’Allemagne” (“Internationale Sozialisten Deutschlands”, ISD). À cela s’ajoutent le groupe de Hambourg avec Heinrich Laufenberg et Fritz Wolffheim, celui d’O. Rühle à Dresde et quelques autres ailleurs. Le 23 novembre 1918 le groupe de Brême décide de changer la dénomination en "Internationale Kommunisten Deutschlands", et les autres groupes adoptent également ce nom à la même époque. L’IKD organise une conférence nationale à Berlin, du 15 au 17 décembre. Il est décidé de rompre avec Borchardt. Les participants affirment au sujet de leur regroupement "que dans cette organisation se trouveront rassemblés tous les éléments communistes, qu’ils se soient appelés jusqu’ici Spartakus, Gauche radicale ou encore autrement"[41] [citation dans l’original ►]. En ce qui concerne Knief, il ne participe pas à la fondation du KPD parce que le mandat établi par l’IKD engage les délégués à voter contre la participation des communistes aux élections à l’Assemblée nationale.
Sont présents en outre à la conférence nationale de la Ligue Spartakus, quatre représentants de la RSFS de Russie, dont Karl Radek. Celui-ci était arrivé illégalement en Allemagne le 24 décembre 1918; le représentant soviétique à Berlin, Adolf Joffe, avait été expulsé le 5 novembre[42]. Radek sera emprisonné le 12 février 1919 et extradé d’Allemagne le 18 janvier 1920.
La veille de la conférence, le 29 décembre, s’était ténue une réunion limitée à la Ligue Spartakus uniquement, au cours de laquelle avait été décidé, contre 3 voix, la séparation d’avec l’USPD et la création d’un nouveau parti. La conférence nationale, le 30 décembre, adopte ‑ contre une voix ‑ une résolution stipulant notamment[43] : "L’USP s’est privé du droit d’être reconnu comme parti de la lutte de classe socialiste. […] En rompant ses relations organisationnelles avec l’USP la Ligue Spartakus se constitue comme parti politique autonome." [Citation dans l’original ►.] L’IKD proclame sa propre dissolution et la fusion avec la Ligue Spartakus au sein du “Kommunistische Partei Deutschlands (Spartakusbund)”, c’est-à-dire “Parti communiste d’Allemagne (Ligue Spartakus)”, ou KPD(S).
Par ailleurs, en novembre des divergences avaient surgi entre les Hommes de confiances révolutionnaires et la direction de l’USPD, au sujet de l’entrée des représentants du parti au Conseil des mandatés du peuple[44]. Il en résulte que ces militants se rallient à la demande de la Ligue Spartakus de convoquer un congrès de l’USPD. Quand la Ligue Spartakus décide de fonder le KPD, les Hommes de confiance révolutionnaires tiennent, le 31 décembre, une conférence au cours de laquelle est discutée la question d’une séparation d’avec l’USPD et de la constitution d’un parti propre. Ils décident de rester à l’USPD. Cependant, en parallèle, les 31 décembre et 1er janvier, une commission des Hommes de confiance négocie avec des représentants du KPD au sujet de leur intégration éventuelle au nouveau parti. Mais les exigences qu’ils formulent sont rejetées par le KPD.
O. Rühle soumet à la conférence de la Ligue Spartakus une résolution stipulant [45] :
La conférence nationale de la Ligue Spartakus refuse résolument la participation aux élections à l’assemblée nationale, il engage ses partisans dans le Reich à s’abstenir aux élections et les appelle à empêcher par tous les moyens que se réalise la formation de ce parlement ainsi que son activité contrerévolutionnaire.
[Citation dans l’original ►.]
Elle est adoptée par 62 voix contre 23. K. Liebknecht et R. Luxemburg ne partagent pas cette position.
En matière de programme, le Congrès décide de prendre à son compte le texte élaboré par R. Luxemburg publié le 14 décembre, tout en chargeant une commission de travailler en vue des précisions nécessaires [Documents ►]. Le texte publié comme partie intégrante du protocole du Congrès précise notamment :
La Ligue Spartakus n’assumera jamais le pouvoir gouvernemental autrement que par la volonté claire, dépourvue d’ambigüité, de la grande majorité des masses prolétariennes en Allemagne, jamais autrement qu’en vertu de leur approbation consciente des positions, objectifs et méthodes de lutte de la Ligue Spartakus.
[Citation dans l’original ►.]
Le congrès élit une direction désigné par le terme Centrale (Zentrale). Elle est composée comme suit : H. Duncker, K. Duncker, H. Eberlein, P. Frölich, L. Jogiches, P. Lange, P. Levi, K. Liebknecht, R. Luxemburg, E. Meyer, W. Pieck, A. Thalheimer[46]. Parmi les autres membres du KPD présents au congrès de fondation on peut citer : Friedrich Heckert, Max Levien, Eugen Leviné, O. Rühle, Jacob Walcher, Rosi Wolfstein. Quant à C. Zetkin, elle considère comme problématique un acte de rupture conduisant à la constitution d’une organisation d’influence réduite[47]. Elle se décidera finalement à adhérer au KPD en mai 1919.
À peine constitué, le KPD est frappé par une répression sévère (cf. plus loin). Mais avant de reprendre le fil de ces évènements, nous donnons ici un résumé chronologique de l’évolution organisationnelle du Parti jusqu’en février 1921.
Le 2 mars 1919 une conférence internationale est ouverte à Moscou; elle siègera jusqu’au 19, avec une participation de 52 délégués de 35 organisations dont 34 délégués avec droit de vote[48]. Deux membres du KPD(S) sont désignés pour y assister : H. Eberlein et E. Leviné. Seul Eberlein participe effectivement, Leviné n’ayant pas pu franchir la frontière allemande. Le 4, la conférence se constitue en tant que Conférence fondatrice de l’“Internationale communiste”. Eberlein avait été mandaté pour voter contre la fondation de l’Internationale dans la mesure où elle était considérée comme prématurée. Cependant, au moment du vote, il ne prend pas explicitement position.
Le 29 mars 1919 se tient une conférence nationale du KPD à Frankfort sur le Main, puis une autre les 14 et 15 juin 1919 à Berlin[49]. Cette dernière adopte des statuts et établit 22 directions de district. Ensuite, une conférence nationale se tient les 16 et 17 aout également à Frankfort sur le Main, mais à l’issue des débats les délégués considèrent que la persistance de divergences ne permet pas d’adopter des résolutions. Il est décidé de convoquer de nouveau une conférence dans un délai de 8 semaines.
Ainsi, du 20 au 24 octobre 1919 se tient dans les environs de Heidelberg, de façon illégale, une conférence qui sera considéré comme 2e Congrès du KPD; y participent 43 délégués des districts, 6 membres de la Centrale, un représentant de l’Internationale communiste ainsi que 50 autres membres du Parti[50]. Le congrès adopte des "Lignes directrices sur les principes et la tactique communistes" [Documents ►] ainsi que des "Lignes directrices sur le parlementarisme"[51] [citation dans l’original ►] qui stipulent que le Parti doit se servir du Parlement comme tribune de propagande, et donc participer aux élections à cette institution. Il discute des "Lignes directrices sur la question syndicale"[52] [citation dans l’original ►], soumises par P. Levi, qui rejettent la position syndicaliste visant à la constitution d’une organisation unique de caractère à la fois politique et syndical, et posent la nécessité pour tout membre du Parti de militer dans les syndicats réformistes. Ces thèses sont adoptées par 31 voix contre 18, et la minorité est exclue de la participation aux travaux du congrès. Parmi les minoritaires, on peut mentionner O. Rühle[53]. Les statuts adoptés par la conférence nationale de juin sont confirmés, avec quelques modifications. Le congrès élit une Centrale, composée de Heinrich Brandler, H. Eberlein, Levi, E. Meyer, W. Pieck, A. Thalheimer, C. Zetkin comme membres ainsi que Ernst Reuter (pseudonym Friesland), P. Frölich, Max Hammer, F. Heckert, Joseph Köring, P. Lange, J. Walcher comme suppléants (candidats)[54].
En octobre 1919 le Hollandais Sebald J. Rutgers est chargé par l’Internationale communiste de former un centre régional à Amsterdam[55]. Ce bureau démarrera ses activités au début de 1920 sous la direction de David Wijnkoop comme président ainsi que Rutgers et Henriette Roland-Holst comme secrétaires. Il a en outre comme membres Hermann Gorter, Anton Pannekoek, Willem van Ravesteijn. En septembre 1919 également la direction du KPD crée un centre régional à Berlin. Il est dirigé par Jakob Reich ‑ connu sous le nom de Thomas ‑ et Mieczyslaw Bronski, en collaboration avec K. Radek, avec comme membres P. Levi, A. Thalheimer, Wilhelm Münzenberg, Eduard Fuchs, Sylvia Pankhurst[56].
Du 25 au 26 février 1920 à Karlsruhe se tient, de façon illégale, le 3e Congrès du KPD, auquel participent 76 délégués dont 43 avec voix délibérative[57]. Un appel au Parti voté à l’unanimité déclare les lignes directrices formulées par le congrès d’octobre 1919 ensemble avec le programme adopté au congrès de fondation, comme base fondamentale de l’orientation. Est décidée, contre 3 voix, l’exclusion des organisations de district de Grand-Berlin, Nord, Nord-Ouest, Niedersachsen et Dresde, au motif qu’elles ont adopté des résolutions en contradiction avec les lignes directrices. Les membres concernés se plaçant sur le terrain des lignes directrices sont invités à s’intégrer à des organisations locales nouvellement constituées. Le congrès élit une Centrale, composée de : H. Brandler, H. Eberlein, P. Frölich, E. Meyer, W. Pieck, A. Thalheimer, C. Zetkin, comme membres; E. Reuter, M. Hammer, F. Heckert, J. Köring, P Lange, Fritz Schnellbacher, J Walcher, comme candidats. P. Levi n’y figure pas, il a démissionné de sa fonction durant le congrès, sous l’effet des fortes critiques à son égard de la part des oppositionnels[58]. Cependant, après le congrès il sera réintégré dans la Centrale par cooptation.
Les 3 et 4 avril 1920 se tient le congrès de fondation du “Parti communiste ouvrier d’Allemagne” (“Kommunistische Arbeiterpartei Deutschlands”, KAPD), à l’initiative des anciens membres du KPD qui viennent d’être exclus, dont O. Rühle, H. Laufenberg et F. Wolffheim[59]. Ils réussissent à amener avec eux presque la moitié des membres du Parti, comprenant la majorité des membres de Berlin et de l’Allemagne du Nord. Une résolution en faveur d’une demande d’adhésion à l’Internationale communiste est adoptée à l’unanimité. Une autre résolution donne la consigne de l’adhésion des membres du parti à l’Union générale ouvrière d’Allemagne (Allgemeine Arbeiterunion Deutschlands, AAUD). Celle-ci avait été fondée en février par Rühle et d’autres.
Les 14 et 15 avril 1920 à Berlin se tient, de façon illégale, le 4e Congrès du KPD, auquel participent 90 délégués dont 49 avec droit de vote[60]. Le congrès élit une Centrale, composée de : H. Brandler, H. Eberlein, P. Levi, E. Meyer, W. Pieck, A. Thalheimer, C. Zetkin, comme membres; E. Reuter, P. Frölich, F. Heckert, P. Lange, F. Schnellbacher, J. Walcher, R. Wolfstein, comme candidats.
Toujours en avril 1920, le Comité exécutif de l’Internationale communiste dissout le Bureau ouest-européen à Amsterdam, en raison du refus de ses dirigeants de travailler dans les syndicats réformistes et les parlements[61]. Ses tâches sont désormais assumées par le secrétariat ouest-européen constitué par le KPD à Berlin, lequel maintenant revêt un statut officiel. Finalement, le 8 aout, le Comité exécutif de l’IC décidera de dissoudre tous les centres régionaux existants et de remplacer par des représentants individuels responsables directement devant le Comité exécutif. Le secrétariat de Berlin continuera d’exister jusqu’à la fin des années 1920 mais avec des fonctions essentiellement administratives.
Le 2 juin 1920, le Comité exécutif de l’Internationale communiste publie une lettre ouverte adressée aux membres du KAPD, critiquant la position de ce parti concernant les syndicats[62]. Il souligne notamment que le KAPD ne peut être considéré sérieusement comme parti révolutionnaire, alors qu’il tolère dans ses rangs des personnes comme H. Laufenberg ou F. Wolffheim, qui propagent une position de "national-bolchévisme" conseillant que la classe ouvrière s’allie avec les impérialistes allemands sur la base d’un programme dirigé contre le traité de Versailles. À l’occasion d’un congrès tenu en aout, le KAPD exclura le groupe autour de Laufenberg et Wolffheim.
Du 19 juillet à Petrograd et du 23 juillet au 7 aout 1920 à Moscou se tient le 2e Congrès de l’Internationale communiste, avec la participation de 218 délégués de 41 pays[63]. La délégation du KPD est composée de P. Levi, W. Budich, E. Meyer, J. Walcher, R. Wolfstein; s’y ajoute Walter Löwenhain pour l’Internationale communiste des Jeunes. Des délégués de l’USPD (Arthur Crispien, E. Däumig, W. Dittmann, Walter Stoecker, Schiller) et du KAPD participent également, mais avec voix consultative. Le congrès adopte le document définissant en 21 points les conditions dont le respect est exigé des partis adhérents à l’IC. Il constitue un Comité exécutif de 26 membres de 20 partis nationaux, composé de la manière suivante. Comme président : Grigori E. Zinoviev (Russie soviétique); comme membres : Nikolaï I. Boukharine (Russie soviétique), J. Friis (Scandinavie), N. Hourwich (Amérique), P. Gula (Tchécoslovaquie), J. Jansen (Pays-Bas), M. Kobetzky (Russie soviétique), K. Manner (Finlande), Maring (H. Sneevliet; Java), Meyer (Allemagne), I. Milkitch (Yougoslavie), Pak Djinchoun (Extrême-Orient), Th. Quelch (Grande-Bretagne), K. Radek (Russie soviétique et Pologne), J. Reed (Amérique), A. Rosmer (France), A. Roudnyansky (Hongrie), N. Chabline (Bulgarie), L. Chatskine (Internationale communiste des Jeunes), G. Serrati (Italie), K. Steinhardt (Autriche), A. Sultan-Zade (Extrême-Orient), M. Tomski (Russie soviétique), D. Wijnkoop (Pays-Bas), M. Tsakiah. (Géorgie), à partir d’automne 1920 C. Zetkin (Secrétariat international des femmes); comme candidats : I. Berzins-Zimelis (Russie soviétique), Cesare (Italie), V. I. Lénine (Russie soviétique), Levi (Allemagne), M. Pavlovitch (Russie soviétique), J. W. Staline (Russie soviétique), P. Stucka (Lituanie), L. Trotsky (Russie soviétique), G. Tsyperovitch (Russie soviétique). Après le congrès, le Comité exécutif élira un “bureau restreint” qui se compose de la façon suivante : Zinoviev (Russie soviétique) comme président, Boukharine (Russie soviétique) comme vice-président; Kobetzky, Meyer ‑ ultérieurement remplacé par F. Heckert ‑ (Allemagne), Roudnyansky (Hongrie) comme secrétaires. Dans la période jusqu’au 3e Congrès (juin-juillet 1921) le bureau restreint sera élargi aux membres suivants : Wilhelm Koenen (Allemagne), Béla Kun (Hongrie), Radek (Russie soviétique), Rosmer (France).
Le congrès de fondation du KAPD avait désigné Jan Appel et Franz Jung pour assister au congrès de l’Internationale communiste[64]. Ceux-ci, dans leurs discussions avec le Comité exécutif de l’IC, exposent la position du KAPD et assurent notamment que les groupes autour de H. Laufenberg et F. Wolffheim, ainsi que d’O. Rühle seront exclus. Mais le KAPD, faute de recevoir des informations des délégués de Moscou, envoie comme délégation supplémentaire Rühle et August Merges (ce dernier avait rejoint le KPD à sa création, puis avait été exclu avec les autres fondateurs du KAPD). Or, Rühle, arrivé sur place le 19 juin, au cours des discussions préparatoires avec V. I. Lénine, N. Boukharine et G. Zinoviev, affirme son rejet des "Lignes directrices sur les tâches fondamentales de l’Internationale communiste"[65] [citation dans l’original ►], soumises au congrès, et adoptées. Lui et Merges renoncent en fait à participer aux délibérations du congrès. Après leur retour, le groupe autour de Rühle sera exclu du KAPD, à l’occasion d’une réunion de la direction tenue les 30‑31 octobre. Au congrès du KAPD en aout 1920, Jung préconise une attitude favorable vis-à-vis de l’Internationale communiste, mais sa position est rejetée.
Le 12 octobre, s’ouvre un congrès extraordinaire de l’USPD, à Halle[66]. G. Zinoviev et Alexandre Lozovskij assistent comme représentants officiels de l’Internationale communiste. Par 236 voix contre 156, le congrès vote en faveur de l’adhésion à l’IC en acceptant les 21 conditions d’adhésion et par là, pour l’unification avec le KPD. Parmi ceux qui adhèrent ainsi au KPD figurent : W. Koenen, R. Müller, W. Stoecker, Franz Dahlem, Wilhelm Florin, Karl Korsch, Theodor Neubauer, Hermann Remmele, Arthur Rosenberg, John Schehr, Werner Scholem, Ernst Thälmann, Ernst Torgler, E. Däumig, Emil Eichhorn, Adolph Hoffmann, Curt Geyer, Otto Gäbel. Thälmann intervient dans la discussion : Documents ►.
Du 1er au 3 novembre 1920 se tient à Berlin le 5e Congrès du KPD, avec la participation de 147 délégués dont 101 avec droit de vote[67]. Il adopte une résolution préconisant l’union du Parti avec l’aile gauche de l’USPD. En attendant le congrès d’unification à venir, la composition de la Centrale décidée par le 4e congrès est maintenue.
Du 4 au 7 décembre 1920 se tient à Berlin le 6e Congrès du KPD, congrès d’unification entre le KPD et l’aile gauche de l’USPD[68]. Y participent 136 délégués du KPD et 349 de l’USPD. Étant donnée l’expulsion de G. Zinoviev d’Allemagne après le congrès de Halle, c’est K. Radek qui représente l’Internationale communiste à ce congrès[69]. Est constitué le “Parti communiste unifié d’Allemagne” (“Vereinigte kommunistische Partei Deutschlands”, VKPD; en 1922 sera repris la désignation comme KPD). En tant que Présidents conjoints sont élus P. Levi (KPD) et E. Däumig (USPD). Une Centrale est élue qui comprend outre Levi et Däumig : H. Brandler (KPD), Otto Braß (USPD), W. Koenen (USPD), W. Pieck (KPD), H. Remmele (USPD), W. Stoecker (USPD), C. Zetkin (KPD) comme secrétaires; O. Gäbel (USPD), C. Geyer (USPD), F. Heckert (KPD), A. Hoffmann (USPD), A. Thalheimer (KPD) comme autres membres.
Le reste de l’USPD, au cours d’un congrès qui se tiendra du 20 au 23 septembre 1922, décidera de rejoindre à nouveau le SPD[70]. Il n’y aura qu’un petit groupe autour de G. Ledebour et Theodor Liebknecht (frère de Karl) qui refusera la fusion. Le SPD tiendra en parallèle un congrès du 17 au 23 septembre, et le 24 se tiendra le congrès qui officialisera la réunion des deux partis social-démocrates. K. Kautsky sera nommé à la tête d’une commission chargée d’élaborer un nouveau programme.
En janvier 1921 se tient à Livourne le congrès du Parti socialiste italien (PSI)[71]. Mátyás Rákosi et Christo Kabaktchiev participent comme représentants de l’Internationale communiste, P. Levi pour le KPD. Après la fondation de l’IC, le PSI avait annoncé son adhésion à celle-ci. Le congrès doit se prononcer cependant au sujet des conditions posées par le 2e congrès de l’IC. Une aile droite du parti se prononce pour la séparation vis-à-vis de l’IC. Un groupe centriste autour de Giacinto Serrati se prononce contre l’acceptation de la condition qui exige que le PSI exclue l’aile droite. Levi soutient ouvertement la position de Serrati. Ensuite, à une session de la Centrale du KPD, tenue du 22 au 24 février, il soumet une résolution condamnant l’attitude de l’IC concernant le PSI. Elle est rejetée par 28 voix contre 23, et une résolution approuvant l’attitude de l’IC, soumise par A. Thalheimer, est adoptée avec la même répartition des votes. Face à ce résultat, Levi, O. Braß, E. Däumig, A. Hoffmann, C. Zetkin, quittent la Centrale. Ils sont remplacés par Paul Böttcher, P. Frölich, E. Meyer, Max Sievers, Paul Wegmann.
Pour la suite de la chronologie des congrès (7e Congrès, du 22 au 26 aout 1921) cf. plus loin, la section "Clivages politiques au KPD" ►.
La mise en scène du rétablissement de la légalité
L’Armistice a mis fin à la révolte des soldats exaspérés par la persistance du conflit militaire; il n’a pas fait disparaitre la lutte de classe. Les luttes s’enchainent notamment dans la région de la Ruhr. Des mouvements de grève ont été déclenchés dès décembre 1918 dans le secteur minier de Duisburg-Hamborn. Ils se sont étendus de manière inégale sur tout le secteur Est de la Ruhr. Au moment culminant en janvier 1919, 180.000 mineurs sont en grève. Les divergences entre les forces politiques s’accentuent également. Le 3 janvier 1919, l’USPD quitte le cabinet de Prusse (il y avait 8 représentants, dont R. Breitscheid). Il n’accepte pas d’entériner sans discussion, comme on le lui demande, la nomination du colonel Walther Reinhardt comme ministre de la guerre. Le 4 janvier intervient la destitution du préfet de police de Berlin, E. Eichhorn, un responsable de l’USPD appartenant à l’aile gauche de celui-ci, et qui avait refusé de démissionner de son poste. Le 5 janvier à Berlin, a lieu une réunion à laquelle participent notamment la direction de Grand-Berlin de l’USPD, celle des Hommes de confiance révolutionnaires, ainsi que K. Liebknecht et W. Pieck en tant que représentants du KPD. Un appel à la grève générale est formulé.
Pour les représentants de la réaction le conflit déclenché autour de la personne d’E. Eichhorn constitue une occasion de mettre en avant la nouvelle "légalité" telle qu’elle sera par la suite soigneusement mise en place à tous les niveaux. Le 6 janvier, un avis au public s’adressant à la population de Grand-Berlin souligne : "Le Conseil exécutif pour Grand-Berlin a confirmé la destitution du préfet de police de Berlin Eichhorn, demandée par le Conseil central de la République socialiste allemande et exécutée par le Ministère de l’Intérieur [de Prusse ‑ le ministre en question est Paul Hirsch, du SPD]. Toutes les autorités investies par la révolution ont donc donné leur accord à ce limogeage[72]." [Citation dans l’original ►.] Ce n’est là, cependant, que le décor exhibé pour satisfaire les belles âmes. Quant à l’essentiel, c’est que le gouvernement considère avoir mené à bien les préparations en vue d’annihiler la révolution par la force des armes. Ainsi, au cours d’une séance commune entre le Conseil des mandatés du peuple et le Conseil central qui a lieu ce même jour, le Conseil central donne pleins pouvoirs au gouvernement[73] : "Les agissements criminels de bandes armées, mettant en danger toutes les conquêtes de la révolution, nous ont contraints d’accorder à la direction du Reich des pouvoirs exceptionnels, afin qu’à Berlin puissent enfin être rétablis l’ordre et la sécurité juridique qui sont d’autant plus nécessaires sous le régime le plus libéral qui soit.".
G. Noske est nommé Commandant des troupes pour Berlin et ses environs, avec des pouvoirs quasi-dictatoriaux. Voici comment il rapporte lui-même la réplique qu’il donne lorsque la proposition lui est faite[74] : "Soit! Quelqu’un doit faire le Bluthund, je ne recule pas devant la responsabilité!" "Bluthund" est le nom allemand de la race de chiens appelée braque en français, mais signifie littéralement "chien sanguinaire". Le terme est employé à dessin : dans l’esprit de Noske il s’agit de relever le “défi” lancé par les Spartakistes et les insurgés, qui depuis décembre accusent les social-démocrates d’agir en "chiens sanguinaires".
Le lieutenant-général W. Groener commente la situation dans ses mémoires [75] :
Dès le début de l’année 1919 nous pouvions nous considérer en mesure de nous mettre à l’oeuvre à Berlin, et d’y faire place nette. Toutes les mesures prises, à ce moment-là et plus tard, l’étaient dans l’accord le plus étroit avec la direction de l’armée, mais la direction et la responsabilité devant l’armée et le peuple, c’est Noske, bientôt nommé ministre aux armées du Reich, qui les portait; suivant les traces d’Ebert, Noske établit une ferme alliance avec les officiers.
[Citation dans l’original ►.]
C’est aussi le 6 janvier qu’a lieu la fondation du “Parti ouvrier allemand” (“Deutsche Arbeiterpartei”, DAP), auquel adhèrera Adolf Hitler en septembre.
Le 8 janvier, le gouvernement publie un appel à la population de Berlin[76] : "Spartakus lutte maintenant pour le pouvoir intégral. Le gouvernement qui veut, dans un délai de 10 jours, amener le peuple à décider librement de sa propre destinée, devrait être renversé par la force. […] La force ne peut être combattue que par la force. La force organisée du peuple mettra fin à l’oppression et à l’anarchie." Et l’appel termine par un avertissement on ne peut plus clair : "L’heure du règlement de comptes approche!"
Vu de l’autre côté de la barrière, il faut préciser que le KPD n’a que peu d’emprise sur le cours des évènements. Il n’a pas délibérément déclenché l’insurrection. Les combats sont avant tout le résultat conjugué de l’action spontanée des masses et des décisions prises par des forces politiques s’opposant au SPD sur des bases limitées et confuses. L’intervention du KPD est déterminée par sa volonté d’assumer la responsabilité incombant aux forces véritablement révolutionnaires, face aux évènements, et, une fois la confrontation ouverte déclenchée, de diriger les efforts du prolétariat vers le seul objectif valable quant au fond, le renversement de la bourgeoisie en tant que classe dominante. Quoi qu’il en soit, à Berlin le gouvernement réussit à imposer son pouvoir le 15 janvier; le 4 février à Brême, où la République des Conseils a été déclarée le 10 janvier; le 13 avril, la République des Conseils est instaurée à Munich, elle sera vaincue le 3 mai. Devant l’occupation de Berlin par les troupes gouvernementales, K. Liebknecht et R. Luxemburg s’étaient réfugiés dans un appartement de la ville, mais suite à une dénonciation ils sont appréhendés par une unité de garde civile [Einwohnerwehr]. Ils sont assassinés.
La répression énergique exercée par le gouvernement lui permet de tenir les échéances. Le 18 janvier s’ouvre la Conférence de Paix de Versailles. 70 délégués de 27 nations siègent sans que les puissances vaincues soient représentées. Et le 19 janvier ont lieu les élections à l’Assemblée Nationale Constituante. Le SPD obtient 37,9 % des voix, l’USPD 7,6 %. Le SPD en sort donc comme parti le plus fort; cependant il ne peut, même pas en s’alliant à l’USPD, former un gouvernement majoritaire. Il en est de même lors des élections à l’Assemblée Constituante de Prusse, le 26 janvier : le SPD y obtient 36,4 % des voix, l’USPD 7,4 %.
L’Assemblée constituante se réunit à Weimar, pour la première fois le 6 février. Le 10 février elle adopte la "Loi sur le pouvoir provisoire dans le Reich", qui fixe les tâches de l’Assemblée nationale et règlemente les rapports entre les pouvoirs au niveau du Reich d’une part, et celui des “États libres” [“Freistaaten”] qui le composent, d’autre part [Chronologie ►]. Le 11 février, par 277 voix sur 379, elle élit F. Ebert comme "Président provisoire du Reich". Le 13 février, est constitué le nouveau gouvernement. Ebert désigne Ph. Scheidemann comme Premier ministre. Le gouvernement comprend des représentants du SPD, du DDP et du Zentrum. Le SPD occupe six ministères sur 14 : R. Wissel ‑ Économie; G. Bauer ‑ Travail; O. Landsberg ‑ Justice; G. Noske ‑ Reichswehr (Forces armées); Robert Schmidt – Ravitaillement et Eduard David ‑ sans portefeuille. Le 4 mars, la "loi de transition" confère à l’activité législative exercée jusqu’à ce jour par le Conseil des mandatés du peuple l’aval de l’Assemblée Constituante. Quant au Conseil central, il avait déjà, le 4 février, transféré son mandat politique à l’Assemblée nationale.
Avant même l’adoption d’une constitution, l’Assemblée nationale s’attache surtout à amputer les Conseils de tout ce qu’ils pourraient comporter comme aspect révolutionnaire. Elle y procède dans le cadre des débats autour des revendications de "socialisation" de l’industrie, elles aussi interprétées d’une manière réformiste. Le 4 mars le gouvernement soumet à l’Assemblée nationale un projet de loi qui de manière tout à fait générale prévoit la socialisation d’entreprises économiques s’y prêtant [Chronologie ►]. La "loi de socialisation" sera adoptée le 13 dans une version modifiée et sera édictée le 23; elle sera complétée le 4 février 1920 par la loi sur les Conseils d’Entreprise.
Le paragraphe principal stipule, selon le libellé du projet initial [77] :
Il relève de la législation au niveau du Reich, de transférer vers l’économie collective des entreprises économiques se prêtant à la socialisation, en particulier l’extraction de richesses minières et l’exploitation de forces naturelles, ainsi que de règlementer la production et la distribution de biens économiques pour l’économie collective au bénéfice du Reich, des États membres, communes ou regroupements de communes.
[Citation dans l’original ►.]
Dans la version finale, cette disposition devient [78] :
Le Reich a autorité pour procéder aux actes suivants par voie de législation et contre indemnisation appropriée :
1) transférer vers l’économie collective des entreprises économiques se prêtant à la socialisation, en particulier celles visant à l’extraction de richesses minières et l’exploitation de forces naturelles,
2) en cas de besoin urgent, règlementer sous l’angle de l’économie collective la production et la distribution de biens économiques.
Les dispositions détaillées sur l’indemnisation seront du domaine des lois particulières au niveau du Reich, à venir.
[Citation dans l’original ►.]
Cette démarche est accompagnée d’une propagande visant à faire passer l’idée qu’ainsi serait instauré le socialisme. Le 2 février, le gouvernement avait annoncé[79] : "Et ça, c’est du socialisme!".
Sur le plan diplomatique, les négociations avec les puissances vainqueurs de la guerre causent quelques remous. Le 20 juin 1919 le gouvernement, dont une partie des ministres ainsi que le chancelier Ph. Scheidemann refusent l’acceptation du traité de Versailles, démissionne. Le nouveau gouvernement est présidé par G. Bauer (SPD); il a à ses côtés entre autre G. Noske, Hermann Müller, R. Schmidt. Le 23 juin, l’Assemblée nationale se déclare favorable à la signature du Traité de Paix de Versailles; celui-ci est signé le 28 juin. Ce traité contient notamment le Règlement de la Société des Nations. L’Allemagne renonce aux droits sur ses colonies, sur lesquelles est instaurée l’administration par les "nations avancées" pour le compte de la SDN. Le traité procède à la fixation des nouvelles frontières. Des commissions alliées surveilleront le désarmement allemand; les forces militaires de l’Allemagne sont limitées à une armée de métier de 100.000 hommes.
Le 31 juillet, l’Assemblée nationale à Weimar adopte la nouvelle constitution. [Chronologie ►.] Elle entre en vigueur le 14 aout. Selon cette constitution, le Reich allemand, dont le président est élu par le peuple, est une république démocratique parlementaire. Le Parlement se compose du “Reichstag” élu au suffrage universel représentant l’État fédéral ‑ le “Reich” ‑ dans son ensemble, et d’un “Reichsrat” représentant les composants fédérés ‑ les “Länder”[80]. La constitution confère des pouvoirs extraordinaires à la fonction de président du Reich. D’après l’article 25 celui-ci peut dissoudre le Reichstag. Au cas où cette instance refuse d’adopter des modifications de loi proposées par le gouvernement, le président peut les faire passer par voie d’ordonnance. De même il peut suspendre les droits constitutionnels fondamentaux, s’il considère la sureté et l’ordre publics en danger (article 48). Le président provisoire F. Ebert est confirmé dans ses fonctions.
Gauche? Droite? En marche, gauche, droite, gauche, droite…
Corps francs
À partir des combats de janvier 1919 à Berlin, pendant un an et demi, les formations armées noyautées par l’extrême-droite jouent un rôle essentiel dans la répression du mouvement révolutionnaire. D’une part, existent à côté des forces armées proprement dites des unités locales de volontaires, créées avec d’anciens militaires ou policiers. Ce sont les “Zeitfreiwillige” (“Volontaires temporaires”), la “Sicherheitspolizei” (“Police de sécurité”), les “Einwohnerwehren” (“gardes civiles”) etc. D’autre part et principalement, il s’agit des “Freikorps” (“corps-francs”), qui sont des formations de mercenaires constituées sur la base d’initiatives individuelles, mais soumises tout à fait officiellement au gouvernement et rémunérées par lui [Chronologie ►.]
Tout en se servant dans la pratique des forces armées contrerévolutionnaires comme fer de lance, le pouvoir procède à leur intégration officielle, en bonne et due forme, dans l’appareil d’État. Le 6 mars 1919, la loi sur la “Reichswehr provisoire” crée des forces armées qui ressemblent fortement à l’armée impériale. Le 23 mars 1921 sera publié la loi relative à la défense nationale [Wehrgesetz] qui consolide les structures de cette armée, laquelle à partir de ce moment ne sera plus “provisoire”.
Les affrontements à Berlin de janvier 1919 avaient été accompagnés d’autres, similaires, dans différentes villes, notamment à Hambourg, Dortmund, Halle, Dresde, Munich, Nürnberg, Stuttgart. Et la défaite des actions de rébellion à Berlin n’amène pas la pacification voulue par le gouvernement. Entre février et mai une vague de grèves et d’occupations d’usines, non contrôlés par les syndicats, s’étend sur la Ruhr, la Silésie, l’Allemagne du centre (Halle, Merseburg), des insurrections locales se produisent (entre autre en Brême, Mannheim et Braunschweig) [Chronologie ► ►.]
Ruhr
Dans la région industrielle de la Ruhr, le développement des mouvements revendicatifs va croissant. Le 11 janvier 1919, plus de 80.000 mineurs sont en grève. Jusqu’en avril, les corps-francs et autres unités de volontaires interviennent dans différentes localités (troupes du général Oskar von Watter, corps-franc Lichtschlag). À Düsseldorf, le 10 janvier, des affrontements se produisent entre travailleurs et forces gouvernementales, il y a 13 morts. Le 13 janvier se tient à Essen une conférence de tous les conseils d’ouvriers et de soldats de région, avec la participation des représentants de tous les syndicats ainsi que du gouvernement. En accord avec ces derniers la conférence décide à l’unanimité la socialisation immédiate des mines. Le gouvernement s’efforcera par la suite de limiter la portée de cette initiative. Mais les conseils d’ouvriers et de soldats persistent à vouloir pousser plus loin la mise en place d’une structure de conseils.
Le 15 février à Mülheim une conférence partielle de conseils d’ouvriers, dominée par le courant syndicaliste avec la Fédération libre de syndicats allemands (Freie Vereinigung der deutschen Gewerkschaften), décide d’initier immédiatement la grève générale. Les quatre unions syndicales (Syndicats dits libres, Fédération des Associations de métier‑Hirsch-Duncker, Fédération générale des syndicats chrétiens, Fédération professionnelle polonaise) se prononcent contre la grève. Des troupes entrent dans la région, des combats ont lieu. Au point culminant, le 20 février, environ 180.000 mineurs, c’est-à-dire plus de la moitié des effectifs, sont en grève. Le 21 février une conférence de délégués déclare la levée de la grève qui prend fin au cours des jours suivants. Des affrontements avec les troupes continuent à se produire et l’agitation se poursuivra dans les semaines consécutives.
Le 30 mars à Essen se réunit une conférence de délégués des puits de l’ensemble de la région de la Ruhr, dominée par des membres de l’USPD et du KPD. Elle décide de quitter les syndicats et de fonder une “Union générale des mineurs” [“Allgemeine Bergarbeiterunion”], et adopte à l’unanimité l’appel à la grève générale illimitée, laquelle débutera le 1er avril. Parmi les principales revendications : équipes de 6 heures, augmentation de salaire de 25 %, reconnaissance du système des conseils, désarmement des corps-francs, armement des travailleurs, rétablissement des relations de l’Allemagne avec la Russie soviétique.
Le 31 mars, le gouvernement impose l’état de siège dans l’ensemble de la région. Entre le 10 et le 14 avril la grève mobilise avec plus de 300.000 grévistes au moins 75 % des mineurs. Les syndicats se voient contraints de prendre à leur compte la revendication principale (équipes de 6 heures). Le 9 avril les directions des puits et le gouvernement accordent les équipes de 7 heures. Carl Severing (SPD) est chargé en tant que Commissaire du Reich et du Land [Reichs- und Staatskommissar], de mettre fin au conflit. Il fait arrêter les dirigeants de la grève ou leur impose des travaux obligatoires. Le 28 avril, le gouvernement peut considérer que le mouvement est vaincu.
Berlin
Le 3 mars 1919 l’Assemblée plénière des Conseils ouvriers et de soldats de Grand-Berlin, rassemblant des délégués de l’USPD, du SPD et du KPD, décide d’appeler à la grève générale[81]. Les revendications sont les suivantes : reconnaissance des Conseils d’ouvriers et de soldats, libération de tous les prisonniers politiques, arrestation des assassins de K. Liebknecht et R. Luxemburg, dissolution des corps-francs, constitution d’une garde ouvrière [Arbeiterwehr] ainsi que l’établissement de relations politiques et économiques avec la Russie soviétique.
Dans l’appel qu’il diffuse[82], le KPD dénonce le gouvernement : "Travailleurs! Camarades du Parti! Ayez les idées claires. Les Ebert-Scheidemann-Noske sont les ennemis mortels de la révolution. Pour occuper leurs sièges de ministres, ils vous ont vendus à la bourgeoisie. Ils vous ont trahis dès le premier jour, ils vous ont empêtrés dans les attaches de l’assemblée nationale, quotidiennement ils vous ont fait assassiner. Travailleurs! Camarades du Parti! Soyez en conscient : la révolution peut aller de l’avant uniquement par-dessus la tombe de cette social-démocratie majoritaire." Il formule comme mot d’ordre notamment : "À bas l’assemblée nationale! Tout le pouvoir aux conseils d’ouvriers."
Sur insistance de l’USPD, la direction de la grève est conférée à un conseil exécutif composé de façon paritaire par MSPD, USPD et KPD. Pourtant, quelques jours plus tôt, l’USPD de Berlin avait répondu négativement à une demande du KPD, d’organiser des manifestations de soutien à la grève en Allemagne du centre (cf. plus loin).
Le gouvernement régional [Staatsministerium] de Prusse présidé par P. Hirsch (SPD) déclare l’état de siège sur Berlin (il sera maintenu jusqu’au 5 décembre). Le pouvoir exécutif passe au ministre de la défense [Reichswehrminister] G. Noske (SPD). La presse du KPD et de l’USPD est interdite, l’imprimerie du Rote Fahne sera détruite par des miliciens de Noske. Des mandats d’arrêt sont lancés contre les membres de la Centrale du KPD et les rédacteurs du Rote Fahne.
Le 4 mars, G. Noske organise l’occupation de la capitale par environ 30.000 miliciens de corps-francs, commandés par le général Walter von Lüttwitz. L’objectif premier est la dissolution des gardes militaires républicaines [Republikanische Soldatenwehren], une formation stationnée à Berlin, que le gouvernement a du mal à maitriser[83]. Le KPD, par une déclaration devant l’assemblée plénière des conseils d’ouvriers et de soldats de Berlin, annonce son retrait du conseil exécutif[84] : "La grève générale est dirigée contre le gouvernement conduite par le SPD, et contre sa politique. Faire entrer les représentants de cette politique dans la direction de la grève, signifie la trahison à la grève générale et à la révolution."
Le 5 mars le général W. v. Lüttwitz met en scène une provocation pour déclencher l’attaque contre les grévistes et les forces de défense qui sont favorables à ces derniers, notamment la dénommée Volksmarinedivision (division de marine populaire) [Chronologie ► ►.] Les affrontements gagnent ensuite les quartiers ouvriers du Nord-Est de Berlin.
Le 7 mars, le SPD et l’aile droite de l’USPD réussissent à imposer la cessation de la grève générale. Le 9 mars, le quotidien Berliner Zeitung publie une information mensongère qu’avait mise en circulation l’unité dénommée Garde-Kavallerie-Schützen-Division, et selon laquelle un groupe de Spartakistes aurait investi la Préfecture de police à Lichtenberg et massacré 60 policiers (le lendemain, le Vorwärts du SPD colporte également ces nouvelles alarmantes). G. Noske profite du contexte pour édicter des mesures de loi martiale[85] : "La cruauté et la bestialité des Spartakistes qui nous combattent, m’obligent à l’ordre suivant : Toute personne qui est trouvée en combattant les troupes gouvernementales les armes à la main, doit être fusillée immédiatement." La Garde-Kavallerie-Schützen-Division émet des directives qui accentuent encore la teneur du décret, de sorte que la seule possession d’une arme suffit pour être exécuté. S’en suit une campagne meurtrière de la part des corps-francs.
L. Jogiches, membre de la Centrale du KPD, avait été arrêté le 13 janvier, mais avait réussi à s’échapper. Après l’assassinat de R. Luxemburg et K. Liebknecht, il avait pris en charge la direction du Parti. Le 10 mars il est arrêté de nouveau et assassiné en prison.
Le 10 mars, la Volksmarinedivision est définitivement dissoute. Le 11 mars, environ 250 ex-membres de cette unité sont convoqués sous prétexte que leur seraient remis leurs papiers de congédiement. Parmi eux, un groupe de 29 est massacré. Dans les quartiers berlinois de Lichtenberg et Friedrichshain, des combats se poursuivent jusqu’au 13 mars. Le 16 mars, la loi martiale sera levée. Le bilan s’élèvera à environ 1200 morts et 1600 arrestations.
Dans un tract publié le 11 mars, le KPD présente son analyse des évènements. En voici des extraits[86] :
Cette grève générale ne pouvait pas mener à la prise du pouvoir politique par le prolétariat. Pour cette raison nous n’avons pas lancé une telle consigne, pour cette raison nous ne pouvions pas appeler nos partisans à participer à la lutte armée engagée par des gens éloignés de nos positions et que nous considérons donc dans cette situation non pas comme politique mais comme putschiste.
Nous sommes de l’avis : le moment de la prise du pouvoir par le prolétariat sera venu quand ce ne sera pas Berlin, Leipzig ou Rheinland-Westfalen ou Brême qui font grève à tout de rôle ou l’un après l’autre, mais quand sera arrivée la prochaine étape : la grève générale à travers toute l’Allemagne. […]
Le prolétariat atteindra son objectif : Il a interrompu cette lutte et tient toute la force prête pour le coup suivant, fort et peut-être ultime.
Profitez du temps. Établissez la clarté dans vos têtes! Au diable les traitres! […]
Bavière
Le 21 février 1919, le parlement régional doit tenir sa session d’ouverture. Le premier ministre de Bavière Kurt Eisner est assassiné, alors qu’il se rend sur les lieux. En réaction, Alois Lindner, membre du conseil d’ouvriers, entreprend un attentat contre le ministre de l’intérieur, Erhard Auer, soupçonné d’être l’instigateur de l’assassinat d’Eisner. Auer est gravement blessé. Le parlement régional étant paralysé, le pouvoir incombe aux les conseils. De leurs organes dirigeants sont formés deux institutions, le Conseil central [Zentralrat] et le Comité d’action [Aktionsausschuß]. Le 17 mars se tient néanmoins une assemblée des députés au parlement régionale. Johannes Hoffmann (SPD) est élu premier ministre. Au gouvernement participent le SPD, l’USPD et la Ligue paysanne bavaroise (Bayrischer Bauernbund, BBB). Le 6 avril, le Conseil central constitué le 22 février est réorganisé en tant que “Conseil central révolutionnaire provisoire”. Le 7 avril, le Conseil central et le Conseil d’ouvriers révolutionnaire proclament la République des conseils [Räterepublik] de Bavière [Chronologie ► ►.] L’assemblée régionale et le gouvernement régional sont déclarés dissous, les conseils assument l’ensemble du pouvoir et le contrôle de l’administration. À cette action participent l’USPD et des anarchistes, mais pas le KPD. Le gouvernement dirigé par Hoffmann se retire à Bamberg où il prépare l’attaque contre la république des conseils. En tout, sous le commandement du lieutenant général Ernst von Oven sont rassemblés des unités de l’armée ainsi que des corps-francs de Prusse, Württemberg et Bavière d’un effectif d’environ 20.000 hommes (les chiffres indiqués oscillent selon les sources entre 15.000 et 35.000).
Le 13 avril, après la mise en échec d’une attaque, les conseils d’ouvriers et de soldats destituent le Conseil central et confèrent le pouvoir législatif et exécutif à un Comité d’action [Aktionsausschuß] ‑ composé de 15 membres comprenant des représentants du KPD, de l’USPD et du SPD ‑ qui se prononce en faveur du programme des communistes. Le Comité d’action désigne un Conseil exécutif [Vollzugsrat] de 5 membres, présidé par E. Leviné (KPD), et comprenant par ailleurs M. Levien et W. Budich (sous le pseudonyme de Dietrich) pour le KPD, ainsi que Ernst Maenner et Wilhelm Duske pour l’USPD. En application d’une décision prise le 9 avril par le Conseil central, est constituée une armée rouge sous le commandement de Rudolf Egelhofer (KPD). L’armement des travailleurs et le désarmement du reste de la population est mis en oeuvre. L’armée rouge atteint un effectif d’environ 10.000 hommes. Elle remporte quelques succès temporaires. Cependant, le 1er mai, des troupes gouvernementales entrent à Munich. Le 2 mai, la ville est occupée, mais dans certains quartiers les combats se prolongeront jusqu’au 8. La campagne de représailles mise en oeuvre par les troupes gouvernementales fera environ 1200 victimes. Egelhofer est assassiné. Leviné sera condamné à mort et exécuté en juin. Levien réussira à s’échapper.
Brême
Le 6 janvier 1919 se déroulent des élections au conseil d’ouvriers. USPD et KPD ensemble gardent la majorité absolue des mandats, mais le SPD atteint presque la moitié. Le 10 janvier le KPD et l’USPD organisent une manifestation au cours de laquelle est déclarée l’élimination du gouvernement et du parlement régionaux (Senat et Bürgerschaft), et l’instauration de la République socialiste de Brême. Les délégués SPD sont exclus du conseil d’ouvriers. Le 13 janvier le conseil d’ouvriers et de soldats décide, avec 101 voix contre 88, de laisser se dérouler les élections à l’assemblée nationale; le KPD vote contre. Ensuite le Conseil des mandatés du peuple de Brême, contre l’avis du KPD, décide d’organiser des élections à l’assemblée locale de Brême le 9 mars. Le 4 février la Division Gerstenberg occupe Brême. 81 personnes sont tuées durant les affrontements. Le 5 février un gouvernement régional est formé composé de 5 membres SPD, sous la présidence de Karl Deichmann. Il instaure l’état de siège dans le territoire de la ville et de la région. Le 6 février les institutions précédemment déposées reprennent leurs fonctions. Les 8-9 février une unité commandée par le Major Stobbe entre dans les villes de Bremerhaven, Geestemünde et Lehe (aujourd’hui Bremerhaven). Ainsi s’achève l’occupation de Brême.
Le 16 avril débute une grève générale. Y participent les travailleurs des chantiers navals, de la centrale gazière, des tramways, et autres. Le 23 avril le président instaure l’état de siège à Brême. Le 27 avril la grève générale prend fin.
Braunschweig
Le 7 janvier 1919 se tient une manifestation de soutien aux actions antigouvernementales de Berlin. Le 20 janvier est organisée une grève générale en réaction à l’assassinat de K. Liebknecht et R. Luxemburg. Elle dure jusqu’au 22. L’état de siège est instauré.
Le 9 avril un Comité d’action [Aktionsausschuß] est constitué présidé par A. Merges (USPD) (qui avait été désigné le 19 novembre 1918 comme président de la République Braunschweig, mais avait abandonné ses fonctions gouvernementales le 28 février 1919). Il lance un appel à la grève générale. Les conseils d’ouvriers et de soldats se joignent au comité d’action. Le 13 avril le gouvernement du Reich instaure l’état de siège. Le major général G. Maercker avec ses corps-francs est chargé d’entrer à Braunschweig. Le 15 avril il arrive avec une troupe d’environ 10.000 hommes. Il impose l’arrêt de la grève générale, le lendemain. Le 10 mai les corps-francs quittent la ville.
Allemagne du centre
Le 10 janvier 1919 se déroule une manifestation à Dresde. Elle subit des tirs, il y a 15 morts. Le 23 février une conférence des mineurs du district de Halle déclare la grève générale pour le lendemain. À partir de la zone de Halle-Merseburg, elle s’étendra sur Saxe, Anhalt, Thüringen, Leipzig et la zone minière de Senftenberg. À la grève se joindront à l’exception du secteur agroalimentaire, les employés de toutes les branches industrielles, des services de transport, des chemins de fer, des centrales électriques et les travailleurs agricoles des plus grosses propriétés. Le 1er mars à Halle, Le major général G. Maercker occupe la ville. Il y a 24 morts parmi les travailleurs. Le 10 mars la grève générale prend fin. À Pirna, le 24 mars, des troupes entrent dans la ville et assument le pouvoir public. À Magdeburg le 6 avril, le président et deux autres membres du conseil de soldats sont arrêtés. KPD et SPD appellent à une manifestation et à la grève générale, pour le 7. Des affrontements entre troupes gouvernementales et travailleurs armés se produisent. Le 8, les autorités militaires instaurent l’état de siège. La nuit du 8 au 9, 9000 soldats de la formation dénommée Freiwilliges Landjägerkorps, de Maercker, entrent dans la ville. Finalement la manifestation a lieu le 9, mais après la dispersion, les manifestants subissent des tirs venant des troupes gouvernementales. 10 sont tués. Par la suite, les conseils d’ouvrier et de soldats de Magdeburg seront dissous.
Le 11 mai à Leipzig des troupes comprenant 18.000 hommes commandés par G. Maercker occupent la ville, sur ordre du gouvernement du Reich et avec l’accord du gouvernement régional de Saxe. Auparavant le gouvernement de Saxe avait annoncé son intention de dissoudre le conseil d’ouvriers de Leipzig, suite à quoi l’USPD et le KPD avaient lancé un appel à la grève générale pour le 12 mai. Maercker instaure la loi martiale, dissout effectivement le conseil d’ouvriers et fait procéder à de nombreuses arrestations.
Haute-Silésie
Le 5 mars 1919, les équipes de six puits démarrent une grève. Au bout de quelques jours, plus de la moitié des puits de Haute-Silésie les rejoignent. En outre, dans divers villages, les paysans s’opposent à l’enregistrement du bétail. Des affrontements armés se produisent. Les mineurs polonais des mines de charbon de la région de Dąbrowa (en allemand Dombrowa) se mettent également en grève. Le 10 mars, les mineurs de Haute-Silésie organisent une manifestation qui se dirige vers la frontière, mais les troupes de protection des frontières [Grenzschutztruppen] réussissent à empêcher la jonction avec les mineurs polonais. Le 11, sous l’influence des directions du SPD et de l’USPD, les mineurs mettent fin à la grève; certains puits la poursuivent cependant encore plusieurs jours. Le 23, les hommes de confiance [Vertrauensleute] des entreprises de Haute-Silésie se réunissent et décident de redémarrer la grève le lendemain. Mais la réunion est réprimée par la police et les troupes de protection des frontières, et la tentative de reprendre l’action échoue.
L’extrême-droite attaque, la social-démocratie se défend… contre la classe ouvrière
Le bilan que le KPD tire de cette période de luttes intenses l’amène notamment à diffuser, en avril, une déclaration de la Centrale au sujet des tâches à venir concernant la lutte en vue de l’instauration de la république des conseils [Documents ►.]
Les mouvements de masse continuent. Le 13 janvier 1920 par exemple, une manifestation de 40.000 ouvriers berlinois a lieu devant l’Assemblée nationale, pendant les débats concernant la loi sur les conseils d’entreprise [Chronologie ►]. Elle est dispersée militairement, sur ordre du général W. v. Lüttwitz et avec l’approbation de G. Noske et du ministre de l’Intérieur de Prusse Wolfgang Heine (SPD). Il y a 42 morts. En même temps, dans la région de la Ruhr les mineurs lancent de nouveau des actions pour obtenir une diminution de la durée du travail par équipe[87]. En avril 1919 ils avaient obtenu sept heures, maintenant ils reprennent la revendication qui était restée insatisfaite, demandent six, et pour appuyer la revendication, ils quittent le travail au bout des six heures. Le général O. v. Watter est chargé de l’exécution de l’état d’exception dans la Ruhr, et le Commissaire du Reich et du Land [Reichs- und Staatskommissar] C. Severing est désigné pour l’assister dans cette tâche. Au cours d’un entretien avec les représentants des employeurs, le ministre du travail Alexander Schlicke (SPD) affirme[88] : "S’il n’est pas possible d’atteindre une entente entre les employeurs et les salariés, alors le gouvernement se tiendra sur cette question du côté des employeurs." À la question concernant les intentions du gouvernement au cas où il faudrait faire face à une tentative d’imposer par la force la durée de six heures pour les équipes, Schlicke répond : "quoi qu’il arrive, le gouvernement restera ferme, pour le reste, c’est Noske qui devra s’en charger".
Cependant, au fur et à mesure que le mouvement révolutionnaire se heurte aux attaques menées conjointement par le capital et le gouvernement, l’extrême-droite se fait plus offensive, en mettant ouvertement sur le tapis les divergences qui l’opposent au pouvoir dont elle agit pour l’instant en allié. En particulier, le retour progressif des corps-francs de la région balte lui donne des raisons de faire des projets pour son propre compte, d’autant plus que le gouvernement doit, tant bien que mal, prendre des mesures de réduction de leurs effectifs, afin de respecter les dispositions figurant dans le Traité de Versailles au sujet des forces armées.
Le 24 février 1920 à Munich, A. Hitler présente le programme du DAP, qui deviendra “National-sozialistische Deutsche Arbeiterpartei” (“Parti ouvrier national-socialiste allemand”, NSDAP) en décembre de la même année. Le 29 février, le ministre de la défense G. Noske, en se conformant à une directive de la Commission militaire interalliée de contrôle, dissout la Brigade de Marine II [Marinebrigade II] commandée par Hermann Ehrhardt et la Brigade de Marine III [Marinebrigade III] commandée par Wilfried von Loewenfeld (le corps-franc Loewenfeld). Cette mesure découle du Traité de Versailles, dont l’article 160 ordonne la réduction de l’armée allemande à 100.000 soldats de métier ainsi que la dissolution des corps-francs composés de volontaires. Dans ce contexte, les menées des officiers de corps-francs menacés d’être remerciés se conjuguent avec des plans subversifs de l’Union nationale (Nationale Vereinigung), organisation fondée en octobre 1919 par le Hauptmann Waldemar Pabst, commandant de la formation dénommée Garde-Kavallerie-Schützen-Division. Cette organisation intégrait un certain nombre d’ex-membres du Parti allemand de la Patrie (Deutsche Vaterlandspartei, DVLP), lequel s’était dissous en décembre 1918 tandis que ses dirigeants rejoignaient le Parti national-allemand du peuple (Deutsch-nationale Volkspartei, DNVP). Deux figures prépondérantes de ce courant sont Wolfgang Kapp, fonctionnaire d’administration en Prusse de l’Est, et W. v. Lüttwitz, général le plus haut gradé de l’armée. Le 10 mars, Lüttwitz déclenche une tentative de putsch en adressant au président F. Ebert un ultimatum qui entre autre exige la dissolution de l’Assemblée nationale et l’élection d’un nouveau président [Chronologie ► ►]. La préparation politique du putsch avait été conduite au sein l’Union nationale. Le 13 mars, Lüttwitz à la tête de la Brigade de Marine de Ehrhardt, occupe le quartier berlinois où est installé le gouvernement. Le corps-franc de Gerhard Rossbach est également impliqué dans le putsch. Les conjurés constituent un gouvernement avec Kapp à sa tête. Les responsables de l’armée refusent d’intervenir contre les putschistes.
Le chancelier G. Bauer et le président F. Ebert, ensemble avec la plupart des ministres, prennent la fuite. Dans toutes les grandes villes parait un appel à la grève générale, signé par les membres social-démocrates du gouvernement et le président du SPD Otto Wels. La Confédération syndicale générale allemande (Allgemeiner Deutscher Gewerkschaftsbund, ADGB), les fédérations des employés [Angestelltenverbände] proches du SPD ainsi que l’Union allemande de fonctionnaires [Deutscher Beamtenbund] se rallient à la grève générale [Chronologie ► ►]. Cependant, par la suite les ministres du SPD se sont de façon répétée distanciés de ce texte. Quand ceux-ci s’enfuient de Berlin d’abord à Dresde puis à Stuttgart, les généraux combattant le mouvement de grève les interpelèrent à ce sujet; c’est ce que fait également, à Münster, O. v. Watter en tant que commandant de la région militaire incluant la région de la Ruhr. Chaque fois les ministres, avant tout le ministre de la défense G. Noske, assurent qu’ils n’ont rien à voir avec l’appel et qu’ils en désapprouvent le contenu. Par contre, à Berlin, les courants syndicaux opposés au SPD constituent une direction centrale de grève pour Grand-Berlin [Zentralstreikleitung von Groß-Berlin] réunissant la Commission de syndicats de Berlin et environs [Gewerkschaftskommission Berlins und Umgebung], le KPD, le SPD, le Conseil exécutif [Vollzugsrat] de Berlin et la Centrale des conseils d’entreprise. Par ailleurs, en Bavière, le gouvernement régional dirigé par J. Hoffmann, composée du SPD, du Parti populaire bavarois (Bayerische Volkspartei, BVP) et du DDP, consentit à transmettre le pouvoir au commandant de la région militaire de Munich.
Face à ces évènements, l’orientation du KPD est sujette à quelques oscillations.
Le 13 mars, la Centrale adopte un texte qui se prononce contre la participation à la grève générale. Voici des extraits [Documents ►] :
Le prolétariat révolutionnaire sait qu’il lui faudra mener une lutte à vie et à mort contre la dictature militaire. Mais il ne bougera pas le petit doigt en faveur du gouvernement des assassins de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg, qui a sombré dans la honte et le déshonneur. Il ne bougera pas le petit doigt en faveur de la république démocratique qui n’était qu’un piètre masque de la dictature de la bourgeoisie.
[…]
La classe ouvrière qui encore hier était ligotée par les Ebert-Noske, désarmée, soumise à la pression extrême de la part des employeurs, n’est pas au moment présent capable de passer à l’action. Nous considérons comme notre devoir de dire cela clairement. La classe ouvrière engagera la lutte contre la dictature militaire au moment et par les moyens qui lui paraitront favorables. Ce moment ne se présente pas encore. Il se présentera lorsque la dictature militaire aura dévoilé son visage.
[Citation dans l’original ►.]
Puis le lendemain la Centrale du KPD modifie sa position [Documents ►] :
Après une brève hésitation, les travailleurs à Berlin, dans la Rhénanie et dans de nombreuses autres localités sont entrés à la grève générale. Le KPD se joint à la grève générale. Nos organisations ont pour devoir d’en donner la consigne. Hier il paraissait ici à Berlin comme si les travailleurs allaient rester passifs, et nous pensions que, si les travailleurs n’étaient pas prêts à l’action, nous ne pourrions pas donner un appel à la grève générale tout de suite, mais devrions d’abord attendre des actions ultérieures de la part de la dictature militaire qui mettrait les travailleurs hors de leurs gonds.
Depuis hier, la situation a changé. Dans ces circonstances il est évident que non seulement nous ne nous opposons pas à la lutte, mais que nous devons nous efforcer qu’elle soit menée aussi énergiquement que possible et avec les consignes les plus résolues. […] À cet égard, tout en soulignant le devoir de faire avancer la lutte aussi énergiquement que possible, nous vous mettons en garde en ce qui concerne l’idée comme si maintenant d’un seul coup seraient écartées toutes les illusions qui jusqu’ici avaient cours dans les têtes des travailleurs au sujet de la valeur de la démocratie bourgeoisie. Il est à supposer qu’il faudra passer par le déploiement d’une lutte de longue haleine, pleine de sacrifices, pour arriver à écarter complètement ces illusions parmi les couches décisives des travailleurs et à réaliser la pleine clarté autant sur l’objectif de la dictature des conseils, que sur la détermination et l’esprit de sacrifice correspondants dans la lutte pour celle-ci.
[Citation dans l’original ►.]
Le 14 mars également, le KPD publie un appel basé sur cette position, qui dit entre autre [Documents ►] :
Désarmement et dissolution de la Reichswehr, de la police de sécurité [Sicherheitspolizei], des gardes civiles [Einwohnerwehren], des unités de volontaires temporaires [Zeitfreiwillige]. Confiscation immédiate de toutes les armes de la bourgeoisie. Formation d’une garde ouvrière révolutionnaire, digne de confiance, sous contrôle des conseils d’ouvriers.
[…]
C’est la grève générale qui conduit au déclenchement de cette lutte. Pour la conduite de la lutte formez tout de suite des conseils d’entreprise. Regroupez les conseils d’entreprise pour former des conseils d’ouvriers, des assemblées plénières, qui dirigent la lutte. Avec les conseils d’ouvriers, créez de nouveau pour vous des organes par lesquels vous pouvez établir votre volonté commune et mener des actions communes.
[Citation dans l’original ►.]
Des écarts d’appréciation se manifestent par ailleurs concernant l’attitude à l’égard du SPD.
Le 14 mars à Elberfeld parait un appel à la grève générale signé par les directions de district de USPD, SPD, KPD Bas-Rhin [89].
À tous les ouvriers, employés et fonctionnaires de Rheinland-Westfalen
Après que la réaction a réussi, par un putsch provisoirement réussi à Berlin, d’instaurer un gouvernement contrerévolutionnaire, les partis socialistes du district Niederrhein s’engagent à assumer la lutte contre le gouvernement Kapp nouvellement formé, avec toutes les forces et solidement groupés.
La lutte unifiée doit être menée avec pour objectif :
1. Conquête du pouvoir politique, par la dictature du prolétariat jusqu’à la victoire du socialisme, sur la base du système de conseils.
2. Socialisation immédiate des branches d’économie mures pour cette mesure.
Pour atteindre cet objectif, les partis socialistes soussignés appellent tous les ouvriers, fonctionnaires et employés à se mettre en grève en bloc, le lundi 15 mars. Les cheminots sont appelés à refuser tout transport de troupes et de munitions. Le transport de vivres doit être maintenu, en exerçant un contrôle.
En avant pour la lutte contre la révolution!
Vive la victoire du prolétariat!
[Citation dans l’original ►.]
Il se trouvait qu’un représentant de la direction du district Essen du KPD était présent durant la discussion précédant l’adoption du texte. Il était intervenu pour expliquer qu’il était inadmissible de laisser le SPD s’associer à un appel en faveur de la dictature du prolétariat, sachant que ce parti s’employait surtout à agir en sens contraire. Étant donné que l’appel est néanmoins adopté y compris au nom du SPD et qu’il est diffusé largement, la direction du district Rheinland-Westfalen ‑ dont Elberfeld fait partie ‑ du KPD publie un tract affirmant sa propre position [90] :
Travailleurs, prolétaires!
Les Lüttwitzer ont infligé à leurs laquais, les Noske, Ebert, Bauer, le coup de pied mérité depuis longtemps.
Ce que ceux qui font semblant d’être socialistes ont préparé, la réaction, cela les militaristes, junker et capitalistes le poursuivent pour leur propre compte.
Comme on pouvait s’y attendre, les Scheidemann se ravisent subitement pour ressortir des revendications révolutionnaires. Maintenant ils veulent même prendre fait et cause pour la dictature du prolétariat. Le même jeu comme en novembre 1918 et durant les premiers mois de révolution. À l’époque ils promettaient la socialisation, promettaient l’instauration de conseils d’entreprise. Les travailleurs se fiaient aux promesses. Ils ont été trahis, comme jamais encore n’ont été trahis ceux appartenant aux classes exploités par leurs propres hommes de confiance. Et encore une fois les Noske, Ebert et leurs satellites tentent de duper le prolétariat. C’est pour cela qu’ils promettent tout. Dès que les masses se fient à eux, les suivent, ils referont de nouveau la paix avec la bourgeoisie contre le prolétariat révolutionnaire.
Travailleurs, paysans, on vous met en garde! Envoyez enfin au diable les traitres au socialisme!
Le KPD appelle le prolétariat à la lutte contre la société bourgeoise, contre la dictature capitaliste, contre le socialisme d’apparence, pour la dictature du prolétariat, pour des conseils d’entreprise révolutionnaires, pour des conseils d’ouvriers révolutionnaires, pour le communisme, pour la révolution mondiale!
Dans les conseils devront intégrés seulement des travailleurs dont l’attitude révolutionnaire est hors de doute (communistes et indépendants de gauche).
Pour ces revendications les travailleurs se mettent en grève général, le lundi 15 mars.
La direction de district du KPD (Rheinland-Westfalen de même qu’aussi le sous-district Remscheid-Barmen-Elberfeld) refuse toute communauté avec le parti Ebert-Noske. Nous appelons le prolétariat à engager la lutte pour les revendications et consignes ci-dessus contre toute réaction, pour la dictature du prolétariat.
Le Parti communiste (Ligue Spartakus)
[Citation dans l’original ►.]
En tout cas, les organisations du KPD agissent activement pour réaliser effectivement la constitution de conseils d’ouvriers. À Chemnitz le 13 mars, est constitué un Comité d’action [Aktionsausschuß] provisoire comprenant l’USPD, le KPD ainsi que quelques membres du SPD. Il est présidé par Alfred Fellisch (SPD), H. Brandler (KPD) et Arno Bruchardt (USPD). Voici la déclaration constitutive [91] :
Un comité d’action, formé des trois partis social-démocrates, communistes et indépendants, a pris le pouvoir politique et exécutif dans le secteur de la ville de Chemnitz et environs. Toute autre autorité est subordonnée à ce comité d’action et doit suivre inconditionnellement ses dispositions. Le secours technique [Technische Nothilfe] et le conseil de citoyens [Bürgerrat] sont déclarés dissous. La garde civile [Einwohnerwehr] a été transformée en une garde ouvrière [Arbeiterwehr].
Celle-ci constitue l’organe de l’ordre public, et ses mesures doivent être suivies inconditionnellement. Toutes les personnes qui possèdent des armes à feu, doivent remettre celles-ci au plus tard le lundi 15 mars à midi 12 heures au commissariat de la garde ouvrière, Stiftsttrasse 9. Une peine sévère frappera ceux qui après cette échéance seront encore trouvés possédant des armes à feu.
Nous mettons en garde devant des pillages. Des pilleurs pris en flagrant délit seront fusillés sur place. Le lundi dans la matinée les travailleurs se réunissent dans les entreprises, pour procéder à l’élection d’un nouvel organisme qui sera chargé du pouvoir intégral. Dans les entreprises n’auront lieu que les élections, le travail cesse jusqu’à nouvel ordre de la part du comité d’action. Dans des entreprises vitales et dans toutes les fonctions de l’approvisionnement en vivres le travail doit continuer. Cependant, là où le travail continue sur la base de cette disposition, cela doit être signalé immédiatement au comité d’action. En cas de doute, doit être recueilli au préalable la décision du comité d’action.
[…]
[Citation dans l’original ►.]
Une assemblée des conseils élus selon les modalités indiquées, réunissant environ 1500 ouvriers, élit un Conseil exécutif [Vollzugsrat][92]. Au cours de l’assemblée plénière des hommes de confiance, les résultats du vote sont les suivants : pour la liste du KPD 691 voix, SPD 603, USPD 100 et DDP 94. Ainsi le Conseil exécutif se compose de 10 communistes, 9 social-démocrates, 1 membre de l’USPD et 1 du DDP. Le Conseil exécutif joue également le rôle de direction de grève ainsi que de direction militaire et forme des commissions pour les questions d’économie, de transport, de contrôle d’approvisionnement en vivres, contrôle de la police, et de la liaison avec d’autres villages. Dans de nombreuses villes sont formés des Conseils exécutifs, principalement par le KPD et l’USPD.
Le 14 mars, O. v. Watter, dont le corps-franc s’était rangé clairement du côté des putschistes, donne aux unités qu’il commande l’ordre d’entrer dans les centres de la région de la Ruhr et celle de Remscheid-Solingen-Wuppertal (Bergisches Land). Le 15 mars, se produit une manifestation à Dresde, dans le cadre de l’appel à la grève générale. Le général Alfred Müller, adjoint du major général G. Maercker, ordonne la répression contre les manifestants; il y a 59 morts et plus de 200 blessés. Cette attaque est couverte par le premier ministre de Saxe, Georg Gradnauer (SPD). Le 16, le gouvernement du Reich confère à A. Müller le commandement des troupes en Saxe. Il décrète la transformation de l’état de siège en vigueur selon des dispositions régionales, en état d’exception sur la base de la constitution du Reich.
Dès le 15 mars, la grève générale est massivement suivie partout dans le pays. Des actions armées se développent dans la région de la Ruhr, des parties d’Allemagne centrale, en particulier Saxe et Thüringen, des parties de Poméranie et Mecklenburg et partiellement en Brandenbourg et Silésie. En Prusse de l’Est, en Allemagne du Nord et du Sud, la situation est relativement calme à l’exception de quelques affrontements à Berlin, Kiel, Harburg, Francfort et quelques autres localités[93]. En Saxe les actions se concentrent en Chemnitz et Leipzig ainsi que la région des mines de charbon à Borna.
Dans la Ruhr se constitue un ensemble d’unités militaires appelé communément l’Armée rouge de la Ruhr [Rote Ruhrarmee] formée de plus de 80.000 combattants (jusqu’à 120.000 selon certaines estimations), membres du SPD, du USPD et du KPD, ainsi que des syndicalistes [Chronologie ►.] Selon des estimations de l’époque, l’appartenance politique des membres de cette armée se répartit comme suit : USPD 58,4 %, KPD 30,9 %, SPD 10,7 %[94]. Après environ une semaine de combats l’Armée rouge avait libéré des unités militaires putschistes l’ensemble du territoire entre, au sud, la tête de pont de la rive droite du Rhin occupée par la Grande Bretagne (qui s’étendait jusqu’à Solingen) et, au nord, la Lippe[95].
Le 17 mars les putschistes capitulent à Berlin. L’avortement de la conjuration à Berlin empêche qu’elle prenne en province de grandes proportions. Sauf en Bavière, où le coup d’État aboutit, le 15 mars, au renversement du ministère J. Hoffmann. Sous le manteau de la légalité, l’assemblée régionale y charge Gustav von Kahr, représentant le BVP, de former un gouvernement, qui sera soutenu par les partis de droite.
Le putsch Lüttwitz-Kapp entraine aussi des dissensions au sein du SPD. La démission de G. Noske et du ministre de l’Intérieur prussien Wolfgang Heine fait partie des exigences formulées par les syndicats comme préalable à l’arrêt de la grève générale. O. Wels et Ph. Scheidemann notamment, appuient cette demande au sein du SPD. F. Ebert se bat avec acharnement en faveur de Noske, allant jusqu’à menacer d’abandonner sa fonction de président[96]. Noske est néanmoins contraint de démissionner (de même que Heine). Le SPD ne le représentera plus aux élections. Les évènements montreront cependant qu’il y a d’autres dans les rangs du SPD pour poursuivre sa besogne, en particulier C. Severing, Commissaire du Reich et du Land [Reichs- und Staatskommissar] pour la région de la Ruhr depuis avril 1919. Il occupera le poste de Ministre de l’Intérieur de Prusse à partir du 29 mars, et ceci à l’exception d’une courte interruption (d’avril en novembre 1921) jusqu’au coup d’État effectué par Franz von Papen en juillet 1932. Severing nommera d’ailleurs Noske Président de Hanovre, fonction que celui-ci gardera jusqu’en 1933 [Chronologie ►.]
Le gouvernement sous le chancelier O. Bauer appelle à terminer les grèves et les combats. Le 18 mars, l’ADGB publie un programme en 9 points fixant les conditions devant être satisfaites pour un arrêt de la grève générale [Chronologie ►.] Par ce texte, les syndicats de l’ADGB, l’Afa-Bund et l’Union allemande de fonctionnaires (DBB) exigent entre autre la socialisation des mines et du secteur de l’énergie, l’expropriation des grands propriétaires fonciers, le désarmement et la punition de tous les participants au putsch, une démocratisation énergique des administrations et services publics, avant tout leur épuration de tous les réactionnaires; le gouvernement devrait désormais être formé en concertation avec les organisations ouvrières. Dans une déclaration en 8 points, le gouvernement donne dans un premier temps son accord. L’ADGB considère alors que ses exigences étaient satisfaites et le 20 mars il annonce la fin de la grève générale.
En ce qui concerne Chemnitz, la façon dont s’achève la grève générale est résumé par la résolution suivante [97] :
Les conseils d’ouvriers de Saxe et de localités limitrophes de Bavière et Thüringen, réunis le 18 mars 1920 […] à Chemnitz, ont approuvé en bloc les revendications suivantes :
1. Désarmement immédiat et suppression de la Reichswehr, de la garde de sécurité [Sicherheitswehr], de la garde civile [Einwohnerwehr] et des unités de volontaires temporaires [Zeitfreiwillige]. L’armement du prolétariat doit être mis en route. Comme premier pas en ce sens doit être mis en oeuvre la constitution d’une garde ouvrière sous contrôle des conseils d’ouvriers.
2. Les travailleurs en ville et à la campagne, les employés, les hommes et femmes au travail se rassemblent immédiatement dans toutes les fabriques, ateliers, mines et bureaux et élisent des conseils d’entreprise révolutionnaires. Les conseils d’entreprises se regroupent pour former des conseils de localité et de district. Les conseils de district à leur tour doivent être regroupés pour forme un congrès central de conseils. Les conseils d’ouvriers élus dans les entreprises et les ateliers se regroupent pour former des assemblées plénières. L’assemblée plénière du conseil d’ouvriers doit prendre position au sujet de toutes les questions importantes. Elle élit un conseil exécutif et charge celui-ci de mettre en oeuvre toutes les décisions et de diriger des actions nécessaires. Les conseils d’entreprise nouvellement élus exercent le contrôle sur la production. Ils ont le droit de procéder à l’embauche et au licenciement de travailleurs.
4. Tous les détenus et prisonniers politiques se trouvant dans des prisons allemands doivent être libérés immédiatement.
5. [sic] Toutes les mesures des conseils d’ouvriers depuis le soulèvement des Kapp-Lüttwitz sont des mesures de défense contre les soulèvements de la contrerévolution. Des sanctions contre des travailleurs et fonctionnaires, des poursuites et condamnation de droit civil de nature quelconque pour ce motif ne doivent pas avoir lieu. Là où malgré tout des tentatives en ce sens sont entreprises, la tâche revient au conseil d’ouvriers de mettre un terme à de telles tentatives, par tous les moyens à disposition.
6. La grève générale était une mesure de défense nécessaire contre le soulèvement de la contrerévolution. La perte de salaire occasionnée de ce fait doit être compensée par les employeurs pour tous les travailleurs. Pour des employeurs refusant de payer les jours de grève, sera bloqué l’approvisionnement en matières premières et moyens de production de toute sorte. Dans leurs entreprises la grève sera poursuivie jusqu’à ce qu’ils se déclarent prêts à payer les jours de grève.
[Citation dans l’original ►.]
Le KPD tente de pousser à la poursuite de la grève générale. Un appel en ce sens adopté par la Centrale est diffusé le 18 mars [98] :
Travailleurs! Employés! Les Kapp-Lüttwitz se sont brouillés entre eux. La dictature à l’état brut des généraux a été instaurée. Le colonel Bauer, la main droite de Ludendorff, est passé ouvertement du côté de Lüttwitz. Les généraux prétendent qu’ils se soient entendus avec Ebert-Noske. Ebert-Noske nient cela. Ne vous fiez à aucun des deux! Ne vous fiez qu’à vous-mêmes! La grève générale doit être poursuivie avec une force accrue!
Les objectifs et mesures immédiats sont :
Armement des travailleurs! C’est-à-dire distribution d’armes par la direction de grève à tous les travailleurs organisés. Regroupement des travailleurs armés pour former des gardes ouvriers.
Mise hors d’état de nuire des officiers contrerévolutionnaires.
Pas de retour du gouvernement Ebert-Noske.
Élection de conseils d’ouvriers pour la direction unifiée de la lutte. Réunissez-vous immédiatement par entreprise!
Seulement ainsi vous assurez votre protection contre toute dictature de vos ennemis.
[Citation dans l’original ►.]
Et le 20 mars, un autre appel adopté par la Centrale a pour sujet essentiel la formation de conseils d’ouvriers [99] :
L’objectif actuel du Parti communiste
Le putsch militaire signifie l’effondrement de la coalition bourgeois-socialiste. Le développement politique ultérieur va vers la dictature prolétarienne, qui a été reconnu comme une nécessité par le Parti communiste, qui prône cette idée parmi les masses. Or cela ne signifie pas que nous voulons la dictature d’une minorité sur la majorité des travailleurs! Le Parti communiste a toujours refuse une dictature des conseils qui serait une dictature d’une minorité du prolétariat, elle refuse cette idée aussi maintenant et pour tout l’avenir.
La dictature des conseils ne peut être portée que par la volonté de la majorité prédominante des travailleurs. Cette volonté trouve son expression dans les conseils d’ouvriers. En aucun cas le Parti communiste entreprendra la tentative d’imposer la dictature par la force contre la volonté de la majorité au sein du conseil d’ouvriers. Il déclare d’emblée qu’il se pliera à la volonté du conseil d’ouvriers, tout en réservant le droit revenant à tout parti d’oeuvrer de toutes ses forces au sein des conseils et parmi la classe ouvrière en faveur de ses idéaux.
Ce que cependant il exige urgemment, c’est l’instauration de conseils d’ouvriers comme seule organisme autorisé pouvant agir au nom des travailleurs dans leur ensemble. Depuis le début nous avons mené la lutte contre la dictature militaire et le gouvernement Ebert-Noske avec pour objectif d’obtenir la mise en place d’un organe politique de l’ensemble des travailleurs sous la forme des conseils d’ouvriers. L’affrontement armé a commencé déjà, les conseils d’ouvriers doivent conduire les affrontements armés jusqu’à la victoire politique des travailleurs.
[Citation dans l’original ►.]
Les affrontements armés se poursuivent. Le jour même, des unités de l’Armée rouge de la Ruhr vainquent le corps-franc Lichtschlag et occupent Dortmund. Le 20 mars à Essen est constitué un Conseil central des conseils d’ouvriers [Zentralrat der Arbeiterräte], lesquels dans certaines parties de la région de la Ruhr ont pris le pouvoir. Du 18 au 21 mars des troupes d’ouvriers prennent Remscheid, Essen, Düsseldorf, Mülheim, Duisburg, Hamborn, Dinslaken et repoussent les forces gouvernementales en aval du Rhin jusqu’à Wesel[100]. À l’Est, ils avancent jusqu’à Hamm, Ahlen, Beckum[101].
Le 20 mars les trois partis SPD, USPD et KPD de la région de la Ruhr adressent au président F. Ebert une mise en garde[102] : "Nous demandons la cessation immédiate des mouvements de troupes, car autrement, à titre de légitime défense, nous serions contraints de passer à l’attaque, afin d’empêcher que des corps de troupes réactionnaires concentrées dans la région industrielle sème la terreur blanche."
Le 22 mars, le SPD et l’USPD se rallient à la déclaration de l’ADGB concernant la fin de la grève générale. Le gouvernement social-démocrate, remanié, cherche alors à entamer des négociations avec les insurgés du Ruhr. Le 23 mars s’ouvrent à Bielefeld des négociations entre C. Severing et 150 représentants d’administrations et partis [Chronologie ►.] Les dirigeants militaires de l’Armée rouge de la Ruhr ne sont pas invités, et les représentants des partis viennent uniquement de la région Remscheid-Solingen-Wuppertal (Bergisches Land). Un accord est conclu, qui prévoit le désarmement des ouvriers insurgés ainsi que le désarmement et la punition des putschistes. Aux insurgés est assurée l’impunité. Des mesures de socialisation sont décidées et aux syndicats est accordée une influence sur la redéfinition des lois d’économie et de politique sociale. Un certain nombre d’insurgés déposent alors les armes, d’autres poursuivent le combat. L’armée gouvernementale renforce ses unités militaires, notamment en y associant des troupes de corps-francs ayant participé au putsch. Le gouvernement place les unités de la zone neutre du Ruhr sous le commandement du général O. v. Watter. En outre plusieurs corps-francs sont dirigés vers la Ruhr, notamment le corps-franc de Kurt-Jürgen von Lützow et la brigade de Franz Xaver von Epp comprenant le corps-francs Oberland et celui de Georg von Oven[103].
L’accord est signé le 24 mars à Bielefeld, par deux ministres social-démocrates ainsi que des représentants du SPD, de l’USPD et du KPD. Ainsi le centre de direction de l’Armée rouge qui s’était constitué à Hagen, lequel est dominé par l’USPD, se soumet aux dispositions de ce texte. Étant donné qu’à Bielefeld les dirigeants politiques et militaires de l’ouest de la région de la Ruhr n’avait pas été représentés, qu’ils sont insuffisamment informés et qu’en outre en majorité jugent l’accord insuffisant, est créé le 25 mars à Essen, au cours d’une session des représentants des comités d’action [Aktionsausschüsse] venant d’environ 70 localités, un Conseil central [Zentralrat] en tant qu’organe politique dirigeant. Les communistes avec des militants de l’aile gauche de l’USPD constituent une large majorité à cette conférence. Après discussion, la direction militaire qui avait pour centre Mülheim se soumet à cet organe de direction. Il est décidé de proposer au gouvernement la tenue de nouvelles discussions.
Les orientations prises par le KPD sont fluctuantes. La Centrale prend le 21 mars la décision, annoncée publiquement le 26, que, compte tenu de l’influence prépondérante du SPD et de l’USPD au sein des travailleurs et faute d’une puissance militaire suffisante, il se comportera vis-à-vis d’un gouvernement social-démocrate comme "opposition loyale" [104] : "Par opposition loyale nous entendons : pas de préparatifs pour un coup de force, étant évident qu’il doive y avoir liberté à d’agitation politique pour le Parti en faveur de ses objectifs et consignes." [Citation dans l’original ►.] Le 26 mars W. Pieck, en tant que délégué de la Centrale à une conférence de tous les conseils exécutifs [Vollzugsräte] à Hagen, conseille "encore et encore la modération"[105] [citation dans l’original ►]. Dans le même sens P. Levi intervient à une Assemblée plénière des conseils exécutifs à Essen[106]. Au sujet de l’Armée rouge constituée à partir de mi-mars autour de Max Hoelz dans la région industrielle de l’Allemagne centrale, le Vogtland, la direction de Chemnitz du KPD sous H. Brandler suit aussi cette attitude en argumentant que cela n’a pas de sens "d’organiser en Vogtland une Armée rouge" alors que se déroule "dans le reste de l’Allemagne l’étranglement des mineurs de la Ruhr sans résistance sérieuse"[107] [citation dans l’original ►.] (De Hoelz, il sera encore question plus loin, en rapport avec les évènements de mars 1921 en Allemagne du centre.)
Le 27 mars est formé un gouvernement de coalition SPD, DDP et Zentrum sous H. Müller (SPD). Le 28, ce gouvernement pose un ultimatum aux insurgés de la région de la Ruhr [Chronologie ►] : "Reconnaissance inconditionnelle de l’autorité constitutionnelle de l’État. […] Dissolution immédiate de l’Armée rouge. Désarmement complet de l’ensemble de la population y compris des gardes civiles sous contrôle des organes d’État légitimes." Des échéances intenables sont fixées pour la dissolution de l’Armée rouge. Dès le 1er avril l’armée gouvernementale commence son avancée, malgré le fait qu’un accord avait été conclu prévoyant une trêve jusqu’au 2 avril [Chronologie ►.] À l’expiration de l’ultimatum, les unités gouvernementales entrent dans la région de la Ruhr. Des affrontements ont encore lieu jusqu’au 6 avril. Ce même jour, à titre de réaction au déploiement de l’armée, des troupes françaises occupent entre autre Francfort sur le Main, Darmstadt, Hanau. Le 8 avril, les troupes gouvernementales contrôlent la majeure partie de la région. Dans l’ensemble, environ 1000 membres de l’Armée rouge et des Conseils d’ouvriers furent assassinés ou tués au combat.
En dehors de la région de la Ruhr il y avait d’autres régions touchées par les affrontements [Chronologie ► ► ► ► ► ►]. C’est le cas de Chemnitz (Saxe); une forte résistance des ouvriers de l’industrie s’était développée en Poméranie, notamment à Stettin, et en Schwerin, notamment à Rostock. En Poméranie, les travailleurs ruraux s’étaient aussi fortement mobilisés.
En rapport avec l’échec du putsch de Kapp, des mandats d’arrêt sont lancés, entre autre contre le général W. v. Lüttwitz, qui se réfugie en Hongrie. G. Maercker ainsi que Burghard von Oven[108] sont mis à la retraite, pour ne pas s’être clairement démarqués des putschistes. Le général-major E. Ludendorff a fui Berlin et trouvé refuge à Munich. Le Hauptmann W. Pabst se réfugie en Autriche. Le chef de la Brigade de la Marine II, H. Ehrhardt fait de même; il reviendra par la suite en Bavière. Le 31 mai est prononcé la dissolution générale de tous les corps-francs.
Le 28 mai, à Berlin l’état d’exception instauré le 13 janvier est levé. Le 12 juin, dans la région de la Ruhr l’état d’exception instauré le 15 mars est levé.
Le 6 juin 1920 ont lieu les élections à la première Assemblée nationale. Les partis de droite triomphent. Le gouvernement H. Müller démissionne le 8 juin. Dans la mesure où le SPD est encore le parti le plus fort, il lui incombe en principe de former le nouveau gouvernement. Or sa direction n’a pas l’intention de le faire, jugeant que cela mettrait le parti dans une situation trop inconfortable. Cependant, afin de ne pas être contraint de montrer ouvertement son refus de la responsabilité, il imagine la manoeuvre suivante : le président F. Ebert chargera officiellement Müller de la formation du gouvernement; celui-ci demandera à l’USPD d’y participer, précisément parce qu’on est sûr d’une réponse négative de sa part. De cette manière on veut arriver à ce qu’Ebert ait les mains libres pour une offre aux partis de droite en vue de la formation du gouvernement. On procède en suivant la voie ainsi tracée. Le 25 juin Konstantin Fehrenbach, dirigeant du Zentrum, forme le gouvernement. Y appartiennent outre des représentants du DDP pour la première fois aussi trois représentants du DVP, le principal parti de la grande bourgeoisie. Le lieutenant-général W. Groener devient ministre des transports. Le SPD ne participe pas au gouvernement. Otto Geßler (DDP) qui était ministre de la défense dans le gouvernement précédent, est reconduit dans ses fonctions. Il les gardera dans tous les gouvernements jusqu’en janvier 1928.
Concernant la question de la formation de conseils d’ouvriers, que le KPD a tenté d’impulser avec insistance durant les luttes contre le putsch Lüttwitz-Kapp, il faut souligner que le SPD oeuvre dans le sens opposé. Du 5 au 7 octobre 1920 se tient le premier congrès des conseils d’entreprises sous la direction de l’ADGB à Berlin, dans le cadre de la loi en la matière, en vigueur depuis le 4 février[109]. La majorité des participants se prononce en faveur de la subordination des conseils d’entreprises aux syndicats et rejette la revendication du KPD en vue de la consolidation des conseils d’entreprises en tant qu’organisations de lutte autonomes.
La situation est loin d’être réglée, notamment dans la grande région industrielle du centre d’Allemagne, comprenant Merseburg, Halle, Leuna et la zone dite Mansfelder Land[110]. Des branches industrielles importantes y sont présentes, la chimie, la métallurgie, les mines. La résistance de la classe ouvrière, en 1919‑1920, n’avait pas été vaincue et les communistes occupent des positions particulièrement fortes.
À partir de début 1921, le président de Saxe, Otto Hörsing (SPD), est chargé par le gouvernement du Reich à conduire des entretiens secrets avec les mandataires des pouvoirs publics du district de Merseburg ainsi que des représentants des unions industrielles et agricoles concernées[111]. À Merseburg, une conférence réunit des élus locaux, le maire, des dirigeants de la police de sécurité, les directeurs de l’usine de Leuna, des mines de cuivre autour de Mansfeld, des mines de lignite et des propriétaires terriens de la région, et il est décidé d’entreprendre contre la région industrielle de l’Allemagne du centre une action de police pour rétablir l’autorité de l’État. Le 16 mars Hörsing, en accord avec le ministre de l’Intérieur de Prusse C. Severing, annonce l’intervention, dans les prochains jours, des unités de la police de sécurité dans les localités industrielles du district Merseburg. L’intervention débute le 19.
Le 21 mars, l’organisation du KPD pour Halle-Merseburg (Saxe-Anhalt) lance un appel à la grève générale; le lendemain la grève s’étend sur l’ensemble de la région minière de Mansfeld-Eisleben (Saxe-Anhalt). Le 24 mars, le président F. Ebert instaure l’état d’exception pour Saxe et aussi dans Grand-Hambourg (y compris les localités faisant partie de Prusse) et fait intervenir les troupes venant du Rheinland qui l’année précédent avaient combattu l’Armée rouge de la Ruhr. Le KPD appelle à la grève générale au niveau nationale. Dans la région industrielle de l’Allemagne du centre, les combats s’accentuent et s’étendent. Fin mars les troupes gouvernementales cependant remportent la victoire, la grève générale et les actions armées prennent fin. Ce mouvement a entrainé la mort de plus de 150 travailleurs, environ 6.000 sont arrêtés, dont 4.000 seront condamnés à de peines de prison.
Parmi les personnages abondamment commentés en rapport avec ces évènements figure Max Hoelz[112]. Le 22 mars, il intervient dans une assemblée des mineurs d’Eisleben; il prend l’initiative de lancer des actions militaires en formant des unités ouvrières armées. Des ouvriers venant d’autres régions s’y joignent. Dans les premiers affrontements ces groupes disposent d’une force supérieure par rapport à la police. En particulier, des ouvriers insurgés occupent le terrain de l’usine Leuna. Ici, le 23 mars est lancé l’appel à la grève générale concernant cette entreprise. La majorité des environ 20.000 travailleurs suit la grève; cependant seulement environ 2000 grévistes dirigés par Bernhard Koenen restent dans l’usine. Le 29 mars, ils sont expulsés des lieux. Selon des chiffres officiels, 31 ouvriers sont tués. Le 1er avril la dernière unité conduite par M. Hoelz est défaite dans les environs de Beesenstedt.
M. Hoelz était entré à l’USPD en novembre 1918, puis en janvier 1919 au KPD et en février il avait constitué un groupe local du KPD à Falkenstein, dans la région du Vogtland[113]. En avril il devint président du conseil de chômeurs de Falkenstein. Par la suite il était contraint d’agir dans la clandestinité. Il quitta temporairement la région et travaillait pour le KPD en Allemagne du centre et Bavière. Lorsque le 13 mars 1920 est perpétré le putsch Lüttwitz-Kapp, Hoelz se rend à Oelsnitz et se met en rapport avec le groupe local du KPD à Falkenstein. Cette localité, comme d’autres, se trouve investie depuis début février par l’armée gouvernementale. Hoelz organise avec d’autres une action militaire, et réussit à occuper Auerbach-Mühlgrün. Il participe à la constitution d’un comité d’action à Falkenstein, et par la suite agit en coordination avec le comité d’action d’Oelsnitz.
Lorsque le 23 mars 1920 la Centrale du KPD diffuse la consigne de cesser le combat armé, M. Hoelz refuse de suivre. Le 4 avril des représentants de la direction du KPD pour le district Erzgebirge-Vogtland demandent directement à Hoelz de mettre en oeuvre une retraite organisée de ses unités. Le 6, le congrès de district du Parti exclut Hoelz du parti pour violation de la discipline de parti.
Voici le texte de la résolution [114] :
La conférence du KPD du district Erzgebirge-Vogtland rejette le communisme primitif, qui se présente en Vogtland sous la direction de Hoelz, comme étant d’un type dépassé, qui ne correspond pas aux rapports de pouvoir actuels du capitalisme. Le trait caractéristique du communisme n’est pas, comme le déclare un appel d’Oelsnitz, de prendre là où il y a quelque chose pour le mettre là où il n’y a rien. Le communisme est le travail d’avant-garde pour rassembler l’ensemble de classe ouvrière avec un objectif clair, pour réveiller dans l’ensemble de la classe ouvrière la force révolutionnaire pour la réalisation du communisme, pour la transformation de l’ordre social, pour le transfert de la propriété des moyens de production vers la propriété de la société toute entière.
Les actes de Hoelz ne sont pas la conséquence d’une grande force révolutionnaire du prolétariat de Vogtland et de l’Erzgebirge, mais au contraire, un signe de l’impuissance révolutionnaire. Le prolétariat du Erzgebirge n’agit pas révolutionnairement en tant que masse, mais sympathise seulement avec Hoelz parce qu’il espère que Hoelz avec sa centaine et demi de camarades prêts à affronter la mort fasse la révolution pour eux. C’est une illusion dangereuse qui fatalement entravera le développement vers la clarté communiste, si nous n’agissons pas pour la contenir. Les actions de Hoelz, aussi courageux que soit leur esprit de sacrifice, ne peuvent pallier à cette absence de force de la part de la masse du prolétariat en Vogtland et en Erzgebirge. Au contraire. Parce que les actions de Hoelz ne correspondent pas à la force réelle de la masse des travailleurs (seulement au souhait respectif) et parce que la situation révolutionnaire d’ensemble e l’Allemagne ne se trouve pas dans une ascension victorieuse mais s’est atténuée à cause de la traitrise de l’abandon de la lutte avant qu’elle ne puisse changer les rapports de pouvoir anciens, parce qu’il en est ainsi tout ce que Hoelz fait est incapable de servir à la consolidation du pouvoir révolutionnaire de la classe ouvrière. Cela n’a pas de sens d’organiser une armée rouge en Vogtland, tandis que pendant ce temps dans le reste de l’Allemagne s’effectue l’étranglement des mineurs de la Ruhr sans une riposte sérieuse.
C’est le premier devoir de toute intervention politique, de mettre en cohérence mutuelle les actions du prolétariat; nous en Erzgebirge ne pouvons pas au moment actuel passer à l’assaut isolément, mais nous devons affermir notre position jusqu’à ce que les travailleurs dans le reste du Reich nous auront rejoint.
Bien que nous combattrons de la façon la plus résolu la campagne de dénigrement contre Hoelz de la part du gouvernement de Saxe et de toute la réaction, nous déclarons ici publiquement que nous rejetons les actions de Hoelz supposées remplacer les actions de la masse des travailleurs. Par ses actions confuses, Hoelz avec ses gens se place en dehors du Parti, puisque le Parti ne peut vivre que si les consignes du Parti dans son ensemble sont mises en oeuvre.
[Citation dans l’original ►.]
Suite à la retraite d’avril 1920, M. Hoelz reste dans la clandestinité. Durant l’automne 1920 il se rapproche du KAPD, sans en devenir membre. Puis, à l’issue des combats de mars 1921, il sera arrêté le 15 avril et condamné à prison à vie. Le KPD, malgré les divergences s’engage dans sa défense. Au 3e congrès de l’Internationale communiste, le délégué du KAPD J. Appel prétend que Hoelz soit membre de son organisation. Quoi qu’il en soit, celui-ci par la suite déclare son attachement KPD. En 1924, toujours en prison, il sera présenté comme candidat du KPD aux élections à l’Assemblée nationale. En juillet 1928 il sera libéré.
Une première prise de position du bureau restreint du Comité exécutif de l’Internationale communiste, concernant l’action déclenchée en mars en réaction à l’intervention répressive en Allemagne du centre est publiée le 6 avril 1921 [115]. Le texte défend l’action dans son principe et impute son échec à la trahison des dirigeants social-démocrates.
Les Thèses du Bureau Central [Zentralbüro] du KPD au sujet de l’action, adoptées au cours de la session du la Conseil Central [Zentralrat] du Parti des 7 et 8 avril par 26 voix contre 14, se basent sur cette déclaration[116]. Auparavant une résolution soumise par C. Zetkin condamnant la position du Bureau Central, avait été rejetée par 43 voix contre 6 et 3 abstentions.
Le 12 avril parait un pamphlet rédigé par P. Levi les 3‑4, intitulé "Notre voie. Contre le putschisme." ["Unser Weg. Wider den Putschismus"] condamnant la politique du Parti[117]. Le 15, par une décision du Comité central, Levi est exclu du KPD pour violation grave de la discipline du Parti; la Commission centrale [Zentralausschuß] confirme la décision par un vote comptant 36 voix pour et 7 contre[118].
Le 19 avril, H. Brandler est arrêté dans le cadre de la répression suite aux évènements de mars[119]. Il réussira à s’évader à la fin de l’année et se rendra en Russie. Suite à l’amnistie décrétée le 21 juillet 1922 au sujet des actes de haute trahison commis entre le 4 aout 1920 et le 31 décembre 1921 [Chronologie ►], il reviendra en Allemagne, et reprendre ses fonctions au sein de la direction du KPD.
Dans une session plénière du Comité exécutif de l’Internationale communiste tenue le 29 avril, il est décidé de mettre à l’ordre du jour du 3e Congrès de l’IC, prévu pour juin (cf. plus loin), la question des "divergences tactiques dans la question de l’action de mars"[120] [citation dans l’original ►]. Cette session confirme l’exclusion de P. Levi du Parti, laquelle sera ratifiée également par le Congrès de l’IC. À une session tenue du 3 au 5 mai, la Commission centrale [Zentralausschuß] du KPD confirme par 36 voix contre 7 l’exclusion de Levi et approuve par 31 voix contre 8 une résolution retirant la confiance à O. Braß, E. Däumig, Paul Eckert, C. Geyer, A. Hoffmann, Heinrich Malzahn, Paul Neumann, C. Zetkin, au motif de manifestations répétées de solidarité avec Levi après son exclusion[121]. Geyer, M. Sievers et P. Wegmann sont exclus du Bureau central et remplacés par H. Eberlein, J. Walcher et Emil Höllein.
Du 21 juin au 12 juillet 1921 se tient le 3e congrès de l’Internationale communiste, à Moscou[122]. Y participent 605 délégués de 57 pays. E. Thälmann fait partie de la délégation du KPD. Y participent également des délégués du KAPD, sans droit de vote. Le nouveau Comité exécutif est composé des 29 membres avec voix délibérative suivants. E. Arnold (Suisse), Baldwin (pseudonyme d’Oscar Tywerousky ou Tyverovsky) (Amérique), Th. Bell (Grande Bretagne), Bodulescu (Roumanie), N. Boukharine (Russie soviétique), E. Burian (Tchécoslovaquie), A. Choumsky (Ukraine), P. Frölich (Allemagne), P. Glinski (pseudonyme de Stefan Królikowski) (Pologne), F. Heckert (Allemagne), Jansen (né Jan Proost) (Pays-Bas), K. Kilbom (Suède), F. Koritschoner (Autriche); K. Kreibich (Tchécoslovaquie), V. I. Lénine (Russie soviétique), S. Marković (Yougoslavie), R. Merino Gracia (Espagne), D. Popov (Bulgarie), K. Radek (Russie soviétique), O. Scheflo (Norvège), Y. Sirola (Finlande), B. Souvarine (France), P. Stučka (nom russe Stuchka) (Lettonie), U. Terracini (Italie), L. Trotsky (Russie soviétique), W. Van Overstraeten (Belgique), G. Zinoviev (Russie soviétique); pour le Comité exécutif de l’Internationale des Jeunes : W. Münzenberg, J. Lékai. À cela s’ajoutent 27 membres avec voix consultative. Le Comité exécutif élit, après le congrès, un bureau (renommé en aout en présidium), composé de : G. Zinoviev (Russie soviétique) comme président; Boukharine (Russie soviétique), E. Gennari (Italie), Heckert (Allemagne), Jules Humbert-Droz (Suisse), Radek (Russie soviétique), Béla Kun (Hongrie), Souvarine (France), comme membres. En décembre sera instauré le poste de secrétaire général, pour lequel sera élu Otto Kuusinen (Finlande), avec Humbert-Droz et M. Rákosi comme secrétaires.
La délégation du KAPD expose sa position [123] : "À l’unanimité la délégation rejette l’ultimatum en vue de la fusion avec le VKPD. Malgré nos mandats nous ne déclarons pas la sortie du KAPD de la 3e internationale. Nos membres eux-mêmes parleront. Ils donneront leur réponse à la prétention de les faire suivre la voie du réformisme, de l’opportunisme. Le prolétariat international entendra cette réponse." [Citation dans l’original ►.] Le Comité exécutif de l’IC décide d’adresser au KAPD une lettre ouverte et de demander une réponse quant aux décisions prise à l’égard des exigences ainsi formulées; il décide également de faire assister un représentant du Comité exécutif au congrès à venir du KAPD, et de maintenir en attendant un représentant de ce dernier en son sein avec voix consultative.
Le congrès adopte, le 12 juillet, un texte intitulé "Thèses sur la tactique", lesquelles analysent notamment la question des évènements de mars [124] :
7. Les enseignements de l’action de mars
L’action de mars fut une lutte imposée au Parti Communiste Unifié l’Allemagne par l’attaque du gouvernement contre le prolétariat de l’Allemagne centrale.
Au cours de ce premier grand combat que le Parti Communiste Unifié eut à soutenir après sa formation, il commit une série de fautes dont la principale consista en ce que, au lieu de faire clairement ressortir le caractère défensif de cette lutte, par son cri d’offensive, il fournit aux ennemis sans scrupules du prolétariat, à la bourgeoisie, au parti social-démocrate et au parti indépendant un prétexte pour dénoncer le parti unifié au prolétariat comme un fauteur de putsch. Cette faute fut encore exagérée par un certain nombre de camarades du parti, représentant l’offensive comme la méthode essentielle de lutte du Parti Communiste Unifié d’Allemagne dans la situation actuelle. Les organes officiels du parti, comme son président, le camarade Brandler, se sont déjà élevés contre ces fautes.
Le 3e Congrès de l’Internationale Communiste considère l’action de mars du Parti Communiste Unifié d’Allemagne comme un pas en avant. Le Congrès est d’avis que le Parti Communiste Unifié sera d’autant plus en mesure d’exécuter avec succès ses actions de masses qu’il saura mieux adapter à l’avenir ses mots d’ordre de combat à la situation réelle, qu’il étudiera plus soigneusement cette situation, et qu’il agira avec plus d’unité.
Le Parti Communiste Unifié d’Allemagne, dans l’intérêt d’une appréciation minutieuse des possibilités de lutte devra prendre attentivement en considération les faits et les réflexions et peser soigneusement le bien-fondé des opinions qui indiquent les difficultés de l’action. Mais dès l’instant où une action a été décidée par les autorités du parti, tous les camarades doivent se soumettre aux décisions du parti et exécuter ces actions. La critique de ces actions ne peut commencer qu’après qu’elles soient terminées et elle ne doit être exercée qu’à l’intérieur du parti et de ses organes et en prenant en considération la situation dans laquelle se trouve le parti par rapport à l’ennemi de classe.
Du fait que Lévi a méconnu ces exigences évidentes de la discipline et les conditions posées à la critique du parti, le Congrès approuve son exclusion du parti et considère comme inadmissible toute collaboration politique des membres de l’Internationale Communiste avec lui.
[Citation dans l’original ►.]
En intervenant au congrès, V. I. Lénine aborde ce même sujet [125] :
Nous ne sommes pas en litige à ce sujet avec le camarade Radek qui a mis au point ces thèses avec nous. Peut-être n’était-il pas tout à fait juste d’entamer en Allemagne des débats sur la théorie de l’offensive révolutionnaire, alors que l’offensive réelle n’avait pas été préparée. Les combats de mars sont quand même un grand pas en avant, malgré les erreurs des dirigeants. Mais cela ne veut rien dire. Des centaines de milliers d’ouvriers ont combattu héroïquement. Malgré la lutte vaillante du Parti communiste ouvrier d’Allemagne contre la bourgeoisie, nous devons dire la même chose que le camarade Radek dans un article russe à propos de Hoelz. Si quelqu’un, fût-il un anarchiste, lutte héroïquement contre la bourgeoisie, c’est évidemment une grande chose, mais si des centaines de milliers de personnes luttent contre une abjecte provocation des social-traitres et la bourgeoisie, c’est un véritable pas en avant.
Il est très important de considérer d’un œil critique ses propres erreurs. C’est par là que nous avons commencé. Si après une lutte à laquelle des centaines de milliers de personnes ont participé, quelqu’un prend position contre cette lutte et agit comme Lévi, il faut l’exclure. C’est ce qui a été fait. Mais nous devons en tirer une leçon : avions-nous préparé l’offensive? (Radek : "Nous n’avions même pas préparé la défense.") En effet, il n’avait été question de l’offensive que dans la presse. Cette théorie, appliquée à l’action déclenchée au mois de mars 1921 en Allemagne, était fausse, nous devons en convenir ; mais de façon générale, la théorie de l’offensive révolutionnaire n’est nullement erronée.
[Citation dans l’original ►.]
Après le congrès, en aout 1921, Lénine donne des explications au sujet de la position qu’il a prise à l’égard de P. Levi [126] :
Ici, je dois expliquer aux camarades allemands les raisons pour lesquelles j’ai si longtemps défendu Paul Lévy au IIIe Congrès. Premièrement, parce que j’ai fait la connaissance de Lévy par l’intermédiaire de Radek en Suisse en 1915 ou 1916. A ce moment déjà, Lévy était bolchévique. Je ne peux pas m’empêcher de nourrir une certaine méfiance envers ceux qui ne sont venus au bolchévisme qu’après sa victoire en Russie et après une série de victoires dans l’arène internationale. Toutefois, cette raison est relativement de peu d’importance puisqu’après tout je connais fort peu Paul Lévy personnellement. La deuxième raison a été infiniment plus importante : c’est que Lévy a au fond raison sur bien des points dans sa critique de l’action de 1921 en Allemagne (bien entendu, pas quand il prétend que cette action a été un “putsch” : cette affirmation est une ineptie).
Certes, Lévy a fait tout son possible et l’impossible pour affaiblir et pour gâcher sa critique, pour s’empêcher lui-même et les autres de comprendre le fond de l’affaire, en faisant état d’une foule de détails où il a manifestement tort. Lévy a revêtu sa critique d’une forme inadmissible et nuisible. Lui qui préconise une stratégie prudente et réfléchie, s’est montré plus sot que le premier gamin venu en se jetant dans la bataille si prématurément, si précipitamment, si bêtement, si étourdiment, si stupidement qu’il devait à coup sûr perdre la “bataille” (en se gâchant la besogne ou en se la compliquant pour de longues années), bien qu’on ait pu et dû gagner la partie. Lévy s’est comporté comme un “anarchiste intellectuel” (si je ne m’abuse cela s’appelle en allemand Edelanarchist), au lieu d’agir comme un membre organisé de l’Internationale communiste prolétarienne. Il a violé la discipline. Par cette série d’erreurs d’une incroyable sottise, Lévy a empêché de concentrer l’attention sur le fond de la question. Or, le fond de la question, c’est-à-dire l’appréciation et la correction des multiples fautes du Parti communiste unifié d’Allemagne pendant l’action de mars 1921, avait et a une importance énorme. Pour expliquer et corriger ces fautes (que d’aucuns érigeaient en chef-d’œuvre de la tactique marxiste), il fallait figurer dans l’aile droite au IIIe Congrès de l’Internationale communiste. Autrement, la ligne politique de l’Internationale communiste aurait été erronée. J’ai défendu et je devais défendre Lévy, puisque je voyais en face de moi des adversaires de Lévy qui criaient tout simplement au “menchévisme”, au “centrisme”, se refusant à reconnaitre les erreurs de l’action de mars et la nécessité de les expliquer et de les corriger. Ces gens faisaient du marxisme révolutionnaire une caricature et de la lutte contre le “centrisme” un sport ridicule. Ces gens risquaient de causer le plus grand préjudice à toute la cause, puisque "nul au monde n’est à même de compromettre les marxistes révolutionnaires, à moins qu’ils ne se compromettent eux-mêmes".
[Citation dans l’original ►.]
Ultérieurement, Lénine modifie son appréciation concernant Levi, comme le montrent ces réflexions datant de février 1922 [127] :
Je dois avouer une erreur que j’ai commise au III’ congrès du Komintern, également par excès de prudence. À ce congrès, je me suis trouvé à l’extrême droite. Je suis convaincu que c’était l’unique position juste, car un groupe nombreux (et “influent”) de délégués, avec à leur tête beaucoup de camarades allemands, hongrois et italiens, adoptaient une position immodérément “de gauche”, et ce gauchisme était une erreur; trop souvent, au lieu de tenir compte sainement d’une situation pas très favorable à l’action révolutionnaire immédiate et directe, ils s’agitaient frénétiquement de petits drapeaux rouges. Par prudence, craignant que ce penchant au gauchisme incontestablement erroné n’imprime une orientation fausse à toute la tactique de l’Internationale communiste, j’ai défendu Lévi de toutes les façons, émettant l’hypothèse qu’il avait perdu la tête (je ne niais pas qu’il eût perdu la tête), peut-être par frayeur excessive des erreurs des gauches, et disant qu’on a connu des cas de communistes ayant perdu et l’ayant ensuite “retrouvée”. Admettant même, devant la pression des “gauches”, que Lévy était un menchévik, j’indiquais que d’admettre cela ne suffisait pas à régler la question. Par exemple, toute l’histoire de quinze années de lutte des menchéviks contre les bolchéviques en Russie (1903-1917) démontre, comme le démontrent les trois révolutions russes, que dans l’ensemble les menchéviks avaient absolument tort, et qu’ils étaient en réalité des agents de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier. C’est un fait incontestable. Mais ce fait incontestable n’empêche que, dans des cas isolés, il est arrivé aux menchéviks d’avoir raison contre les bolchéviques, par exemple, à propos du boycottage de la Douma de Stolypine en 1907.
Depuis le III* congrès de l’Internationale communiste, 8 mois se sont déjà écoulés. Il semble bien que notre débat d’alors avec les “gauches” soit déjà dépassé et tranché par la vie. Il s’est trouvé que j’ai eu tort concernant Lévi, car il a prouvé bel et bien qu’il échoué sur le sentier menchévik ni par hasard, ni pour un temps, ni seulement en “forçant la note” contre l’erreur très dangereuse des “gauches”, mais pour longtemps, solidement et conformément à sa nature même.
[Citation dans l’original ►.]
Du 22 au 26 aout 1921 se tient à Jena le 7e Congrès du KPD, avec la participation de 274 délégués[128]. Il adopte de nouveaux statuts[129]. Il décide l’omission, dans le nom du Parti, du terme "unifié" ["vereinigte"] pour s’appeler “Parti communiste d’Allemagne (section de l’Internationale communiste)”. À partir de ce moment, les congrès sont parfois comptés en commençant par le congrès d’unification de 1920. Le congrès approuve la position formulée par le 3e Congrès de l’Internationale communiste au sujet des évènements de mars[130]. La Centrale élue est composée de : P. Böttcher, Bertha Braunthal, H. Eberlein, F. Heckert, Edwin Hoernle, E. Meyer, W. Pieck, H. Remmele, E. Reuter (Friesland), Felix Schmidt, A. Thalheimer, J. Walcher, R. Wolfstein, C. Zetkin.
Pour la suite de l’historique des congrès, à partir du 8e congrès du 28 janvier au 1er février 1923, cf. le texte "1924-1932 : réaction et contre-attaque" ►, à commencer par la section "Persistance des clivages au sein du KPD" ►.
L’exclusion de P. Levi produit des séquelles[131]. Fin septembre a lieu la constitution de la “Communauté de travail communiste” (“Kommunistische Arbeitsgemeinschaft”, KAG), à l’initiative notamment de P. Levi et Hermann Reich ‑ exclus précédemment ‑, Bernhard Düwell et C. Geyer[132] ‑ exclus au 7e congrès ‑, ainsi qu’E. Däumig, A. Hoffmann et Marie Wackwitz qui quittent le Parti. Ils sont tous députés à l’Assemblée nationale. D’autres députés s’y joignent durant les mois qui suivent : Georg Berthele, O. Braß, E. Eichhorn, Philipp Fries, Friedrich Geyer, H. Malzahn, Hans Plettner, Heinrich Teuber, de sorte que leur nombre atteint 15, tandis que le KPD, réduit à 11 députés, perd le statut de groupe à l’Assemblée[133]. En novembre 1921 le KAG organise une conférence nationale qui désigne une direction composée de Däumig, C. Geyer, Georg Ulrich Handke, Hoffmann, Otto Kunze, Levi, M. Sievers.
Parallèlement, des membres du KPD maintiennent des relations étroites avec la KAG, notamment le secrétaire général E. Reuter (Friesland) ainsi qu’O. Braß, H. Malzahn, Paul Neumann. Dans les mois qui suivent le 7e congrès, Reuter avec d’autres membres du Parti, se prononce en faveur d’un rapprochement avec la KAG. Le 27 décembre il est démis de sa fonction. Une réunion de la commission centrale [Zentralausschuß] les 22‑23 janvier 1922 décide par 41 voix contre 4 l’exclusion des partisans de la KAG, dont Reuter, A. Hoffmann, Braß, Paul Franken, P. Wegmann. W. Koenen élu membre de la Centrale. Le groupe d’exclus tient une conférence le 29 janvier et décide de rejoindre la KAG.
Une conférence nationale du KAG tenue le 28 janvier décide d’entamer des négociations avec l’USPD en vue de rejoindre cette organisation. Le 22 février une conférence nationale de l’USPD décide à l’unanimité d’accueillir les membres de la KAG, sous la forme d’admissions individuelles. Parmi les députés de la KAG, 11 adhèrent à l’USPD, tandis que les 4 autres ‑ Eichhorn, Malzahn, Reich, Berthele ‑ rejoignent en tant qu’associés les députés du KPD.
Pratiquement toutes les personnes mentionnées en relation avec la KAG sont venues au KPD par le biais de l’unification avec l’USPD opérée en décembre 1920. Seuls Reuter (Friesland) et Handke avaient été membres du KPD depuis le début. Et la plupart suivent la trajectoire aboutissant au SPD à travers le retour à l’USPD. Il y a quelques exceptions. M. Sievers avait quitté le KAG avant son intégration dans l’USPD, néanmoins lui aussi rejoint le SPD. P. Wegmann avait été d’abord membre de l’USPD, puis avait rejoint le KPD dans le cadre de l’unification en décembre 1920. Mais il ne participe pas à la KAG, par contre il revient en 1922 à l’USPD, et y reste, au lieu d’adhérer au SPD. E. Däumig rejoint l’USPD, il décède en juillet 1922, c’est-à-dire avant le retour de l’USPD au SPD.
Les relations du KPD et de l’Internationale communiste avec le KAPD trouvent également leur dénouement[134]. Compte tenu des positions formulées par cette organisation et ses dirigeants, notamment H. Gorter et Karl Schröder, le présidium du Comité exécutif de l’Internationale communiste décide, le 6 septembre 1921, de rompre tout contact avec eux. Un congrès extraordinaire du KAPD tenu du 11 au 13 septembre 1921, entérine l’abandon de l’IC et décide d’oeuvrer pour la formation d’une Internationale distincte, dénommée “Internationale ouvrière communiste” (“Kommunistische Arbeiter-Internationale”, KAI)[135]. Un certain nombre de membres quitteront le KAPD pour adhérer au KPD.
Notes
[1]. La Constitution (Loi fondamentale) de la République Socialiste Fédérative Soviétique de Russie fut adoptée le 10 juillet 1918 par le 5e Congrès des Soviets de Russie et promulguée le 19 juillet. Le 27 décembre 1922, le premier congrès des Soviets de l’Union adopta à l’unanimité la déclaration de fondation de l’URSS. La constitution de l’Union adoptée le 31 janvier 1923 intègre cette déclaration ainsi qu’un "Pacte de formation de l’URSS" conclu entre la RSFSR et les Républiques Soviétiques d’Ukraine, de Biélorussie et de Transcaucasie.
La dénomination du Parti communiste change en fonction de ces modifications constitutionnelles. En mars 1918 le “Parti ouvrier social-démocrate de Russie (bolchevik)” ‑ POSDR(b) ‑ était devenu “Parti communiste de Russie (bolchevik)” ‑ PCR(b). En décembre 1925 son appellation change en “Parti communiste de l’Union soviétique (bolchevik)” ‑ PCUS(b). L’ajout “bolchevik” sera supprimé en octobre 1952.
[2]. R. Zimmermann : Der Leninbund – Linke Kommunisten in der Weimarer Republik, S. 23 (Bibliographie ►).
[3]. Le Reichstag était le Parlement, d’abord de la Fédération d’Allemagne du Nord [Norddeutscher Bund] créée en 1867, puis de l’Empire allemand [Deutsches Reich] constitué en 1871. Le terme désignera également par la suite le Parlement dans le cadre de la constitution adoptée le 31 juillet 1919.
[32]. Les unités stationnées dans les colonies allemandes de 1881 à 1918 s’appelaient Schutztruppen (forces de protection).
[34] L. Berthold, H. Neef : Militarismus und Opportunismus gegen die Novemberrevolution (Bibliographie ►).
[37]. http://wildetexte.blogsport.de/2009/10/05/ernst-meyer-als-fuehrungsmitglied-von-gruppe-internationalespartakusbund-vor-und-waehrend-der-novemberrevolution/
[38]. http://www.marxists.org/deutsch/geschichte/deutsch/kpd/1918/index.htm
W. Pieck : Reden und Aufsätze – Band 1 – 1908‑1950, S. 99 (Bibliographie ►).
Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2 : Von 1917 bis 1945, S. 46 (Bibliographie ►).
W. T. Angress : Die Kampfzeit der KPD – 1921‑1923, S. 43 (Bibliographie ►).
[39]. F. Klein (Hg.) : Deutschland im ersten Weltkrieg – Band 1 – Vorbereitung, Entfesselung und Verlauf des Krieges bis Ende 1914, S. 470. (Bibliographie ►).
H. M. Bock : Syndikalismus und Linkskommunismus von 1918 bis 1923 (1993), S. 67 (Bibliographie ►).
H. Weber : Die Gründung der KPD, S. 30 (Bibliographie ►).
Beiträge zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Band 12, S. 988 (Bibliographie ►).
[40]. À ne pas confondre avec Paul Fröhlich, né en 1913 et adhérent au KPD à partir de 1930 (mais ici et là dans la littérature l’orthographe erroné Fröhlich apparaît en association avec les Bremer Linksradikale et Johann Knief).
[42].. Archiv für Sozialgeschichte – Band 13, S. 393 (Bibliographie ►).
W. T. Angress : Die Kampfzeit der KPD…, S. 87 (Bibliographie ►).
http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/kap2_5/para3_3.html
[43]. G. Hortzschansky, H. Küster, H. Naumann (Hg.) : Protokoll des Gründungsparteitages der Kommunistischen Partei Deutschlands (30. Dez. 1918-1. Jan. 1919), S. 92 (Bibliographie ►).
G. A. Ritter, S. Miller (Hg.) : Die Deutsche Revolution…, S. 328-330 (Bibliographie ►).
[44]. Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 3 : Januar 1919‑Mai 1919, S. 9 (Bibliographie ►).
[45]. G. Hortzschansky, H. Küster, H. Naumann (Hg.) : Protokoll des Gründungsparteitages der Kommunistischen Partei Deutschlands… (Bibliographie ►).
http://www.marxists.org/deutsch/geschichte/deutsch/kpd/1918/tag1pm.htm
[46]. http://www.marxists.org/deutsch/geschichte/deutsch/kpd/1918/tag2pm2.htm
[47]. E. Pilz : Das Ideal der Mitmenschlichkeit – Frauen und die sozialistische Idee (Bibliographie ►).
[48]. http://www.sinistra.net/komintern/wk1/protid.html
M. Hájek, H. Mejdrová : Die Entstehung der III. Internationale (Bibliographie ►).
W. Hedeler, A. Vatlin (Hg.) : Die Weltpartei aus Moskau – der Gründungskongress der Kommunistischen Internationale 1919 – Protokoll und neue Dokumente (Bibliographie ►).
[49]. Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 1 : Februar 1919‑Dezember 1921 (Bibliographie ►).
Parteihochschule "Karl Marx" – Berlin (Hg.) : Die Herausbildung der Kommunistischen Partei Deutschlands im Kampf gegen Imperialismus und Krieg (Jahrhundertwende bis 1918) (Bibliographie ►).
[50]. http://www.glasnost.de/hist/wr/weimar1.html
Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2, S. 76 (Bibliographie ►).
Wissenschaftliche Zeitschrift der Ernst-Moritz-Arndt Universität Greifswald – Gesellschafts- und Sprachwissenschaftliche Reihe – Bände 29-30 (Bibliographie ►).
[51]. Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 1, S. 134 (Bibliographie ►).
[52] Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 1, S. 136 (Bibliographie ►).
[53]. http://www.horst-groschopp.de/sites/default/files/Biographie Otto Rühle [1992].pdf
[54] Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2, S. 76 (Bibliographie ►).
H. Weber, Der deutsche Kommunismus – Dokumente 1915-1945 (Bibliographie ►) donne : Heinrich Brandler, Hugo Eberlein, Paul Frölich, Ernst Meyer, Wilhelm Pieck, August Thalheimer, Clara Zetkin, et comme candidats : Ernst Friesland, Arthur Hammer, Fritz Hecken, Joseph Köring, Paul Lange, Fritz Schnellbacher, Jacob Walcher. On note qu’ici Pieck ne figure pas, par contre Frölich est membre à plein titre.
C. Geyer : Die revolutionäre Illusion – zur Geschichte des linken Flügels der USPD – Erinnerungen (Bibliographie ►) indique pour Pieck : "1919-1933 (avec une interruption) membre de la Centrale respectivement du Comité central du KPD". "Interruption" se rapporterait ici à la Centrale élue par le 2e congrès.
[56]. L’un et l’autre de ces centres sont désignés souvent respectivement (ou indistinctement) comme “Bureau ouest-européen” et “Secrétariat ouest-européen”.
[57]. Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2, S. 82 (Bibliographie ►).
Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 1, S. 195. (Bibliographie ►).
[59]. http://www.horst-groschopp.de/sites/default/files/Biographie Otto Rühle [1992].pdf
M. Hájek, H. Mejdrová : Die Entstehung der III. Internationale, S. 106 (Bibliographie ►).
Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2, S. 82 (Bibliographie ►).
[62]. M.‑L. Goldbach : Karl Radek und die deutsch-sowjetischen Beziehungen 1918-1923 (Bibliographie ►).
H. M. Bock : Geschichte des "linken Radikalismus" in Deutschland : ein Versuch (Bibliographie ►).
[63]. W. T. Angress : Die Kampfzeit der KPD…. (Bibliographie ►).
M. Hájek, H. Mejdrová : Die Entstehung der III. Internationale. (Bibliographie ►).
H. Schumacher : Die Kommunistische Internationale (1919-1943) – Grundzüge ihres Kampfes für Frieden, Demokratie, nationale Befreiung und Sozialismus (Bibliographie ►).
J. T. Degras (Ed.) : The Communist International, 1919-1943 – Documents – Volume 1 – 1919‑1922 (Bibliographie ►).
[64]. M. Hájek, H. Mejdrová : Die Entstehung der III. Internationale, S. 107, S. 221 (Bibliographie ►).
http://www.horst-groschopp.de/sites/default/files/Biographie Otto Rühle [1992].pdf
http://de.internationalism.org/revo/237
G. Koenen, L. Kopelev (Hg.) : Deutschland und die Russische Revolution – 1917‑1924 (Bibliographie ►).
[65]. Kommunistische Internationale (Hg.) : Leitsätze und Statuten der Kommunistischen Internationale. Beschlossen vom II. Kongress der Kommunistischen Internationale, Moskau, vom 17. Juli bis 7 August 1920 (Bibliographie ►).
[66]. F. Hirschinger : Kommunistische Parteisäuberungen in Saxe-Anhalt 1918‑1953, S. 34 (Bibliographie ►).
http://library.fes.de/fulltext/bibliothek/chronik/band2/e235f234.html
http://library.fes.de/fulltext/bibliothek/chronik/band2/e235f235.html
M.‑L. Goldbach : Karl Radek und die deutsch-sowjetischen Beziehungen…, S. 70 (Bibliographie ►).
[69]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/feh/feh1p/kap1_2/kap2_81/para3_7.html
http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/feh/feh1p/kap1_2/kap2_88/para3_4.html
http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/feh/feh1p/kap1_2/kap2_90/para3_1.html
M.‑L. Goldbach : Karl Radek und die deutsch-sowjetischen Beziehungen…, S. 70 (Bibliographie ►).
[70]. D. Engelmann, H. Naumann : Zwischen Spaltung und Vereinigung – die Unabhängige Sozialdemokratische Partei Deutschlands in den Jahren 1917‑1922 (Bibliographie ►).
SPD (Hg.) : Sozialdemokratische Partei Deutschlands/Unabhängige Sozialdemokratische Partei Deutschlands – Parteitage 1922 – Protokolle (Bibliographie ►).
[71]. W. T. Angress : Die Kampfzeit der KPD…. (Bibliographie ►).
M. Hájek, H. Mejdrová : Die Entstehung der III. Internationale (Bibliographie ►).
Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 1 (Bibliographie ►).
Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2, S. 105 (Bibliographie ►).
[80]. Dans le système fédératif allemand, les entités réunies dans l’État fédéral (le Reich, littéralement Empire) sont les Länder (singulier Land, littéralement pays). Les parlements respectifs sont le Reichstag et le Landtag. Du point de vue de l’étymologie, les origines de Tag et du terme utilisé en français Diète se rencontrent : Tag signifie jour, et Diète dérive du mot latin de même signification dies. Le Reich est gouverné par un président du Reich [Reichspräsident] ainsi qu’un gouvernement du Reich [Reichsregierung], lequel est composé de ministres [Reichsminister] et dirigé par un chancelier du Reich [Reichskanzler]. Les Länder sont gouvernés par un gouvernement local [Staatsministerium], lequel est composé de ministres [Staatsminister] et dirigé par un premier ministre [Ministerpräsident]. Berlin, Brême et Hambourg constituent des cas spécifiques : ce sont des Stadtstaaten [littéralement États-ville], c’est-à-dire des villes qui ont un statut de Land. Dans ce cadre, le parlement est désigné par le terme d’Abgeordnetenhaus [chambre de députés] (pour Berlin) ou Bürgerschaft [Bürger signifie citoyen] (pour Brême et Hambourg), et le gouvernement est nommé Senat.
[87]. http://www.dadaweb.de/wiki/Märzrevolution
[89]. http://www.deutsche-revolution.de/kapp-putsch-18.html
E. Lucas : Märzrevolution 1920 – Band 1 – Vom Generalstreik gegen den Militärputsch zum bewaffneten Arbeiteraufstand März‑April 1920, S. 127 (Bibliographie ►).
[90]. http://www.scharf-links.de/49.0.html?&tx_ttnews[tt_news]=12165&cHash=bd15fb88bd
E. Lucas : Märzrevolution 1920 – Band 1, S. 129 (Bibliographie ►).
[91]. http://www.deutsche-revolution.de/kapp-putsch-147.html
[92]. http://www.dadaweb.de/wiki/Märzrevolution
http://www.deutsche-revolution.de/kapp-putsch-147.html
[93]. http://www.dadaweb.de/wiki/Märzrevolution
[94]. http://www.trend.infopartisan.net/trd0200/t200200.html
[95]. http://www.trend.infopartisan.net/trd0301/t120301.html
http://www.trend.infopartisan.net/trd0200/t200200.html
[97]. E. Könnemann, G. Schulze (Hg.) : Der Kapp-Lüttwitz-Ludendorff-Putsch : Dokumente, S. 641-642 (Bibliographie ►).
[98]. http://www.deutsche-revolution.de/kapp-putsch-188.html
[99]. http://www.deutsche-revolution.de/kapp-putsch-190.html
[100]. http://www.trend.infopartisan.net/trd0200/t200200.html
[101]. http://www.deutsche-revolution.de/kapp-putsch-4.html
[103]. À ne pas confondre avec Georg von Oven (cousin d’Ernst), mentionné plus haut au sujet des évènements d’avril 1919 en Bavière.
[104]. http://www.trend.infopartisan.net/trd0200/t200200.html
[105]. http://www.trend.infopartisan.net/trd0200/t200200.html
http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/bau/bau1p/kap1_2/para2_220.html
[106]. http://www.trend.infopartisan.net/trd0200/t200200.html
[107]. http://www.trend.infopartisan.net/trd0200/t200200.html
H. M. Bock : Syndikalismus und Linkskommunismus von 1918 bis 1923 (1969) (Bibliographie ►).
[108]. À ne pas confondre ni avec Ernst ni avec Georg von Oven, mentionnés plus haut.
[109]. http://www.dhm.de/lemo/html/1920/
[111]. H. v. Ooyen : Heute gehört uns Deutschland… die lange Geschichte der faschistischen Machtergreifung (Bibliographie ►).
Institut für Marxismus-Leninismus beim ZK der SED (Hg.) : Die Märzkämpfe 1921 – mit Dokumentenanhang (Bibliographie ►).
[112]. http://www.aufbau.org/index.php/schlagzeilen-topmenu-64/1102-max-h-der-unbeugsame
http://www.naumburg-geschichte.de/geschichte/leuna.htm
[113]. http://www.karin-kramer-verlag.de/lp/237-7-lp.html
http://library.fes.de/jportal/servlets/MCRFileNodeServlet/jportal_derivate_00020254/afs-1975-331.pdf
Archiv für Sozialgeschichte – Band 14 (Bibliographie ►).
M. Giger : Über Max Hoelz – "Vom Weißen Kreuz zur roten Fahne" (Bibliographie ►).
P. Giersich, B. Kramer : Max Hoelz – sein Leben und sein Kampf (Bibliographie ►).
M. Gebhardt : Max Hoelz – Wege und Irrwege eines Revolutionärs (Bibliographie ►).
[114]. http://www.karin-kramer-verlag.de/lp/237-7-lp.html
E. Könnemann, G. Schulze (Hg.) : Der Kapp-Lüttwitz-Ludendorff-Putsch : Dokumente, S. 670 (Bibliographie ►).
[115]. "An die revolutionären Arbeiter Deutschlands (Moskau, 6. April 1921.)",
Exekutivkomitee der Kommunistischen Internationale (Hg.) : Die Kommunistische Internationale – 2. Jahrgang – Nummer 17, S. 413‑415 (Bibliographie ►).
[116]. Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 1 (Bibliographie ►).
Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2, S. 109 (Bibliographie ►).
[117]. S. Weber : Ein kommunistischer Putsch? – Märzaktion 1921 in Mitteldeutschland, S. 201 (Bibliographie ►).
http://www.marxismus-online.eu/display/dyn/x191360e0-f4d1-4407-affe-f8f404af4f8f/content.html
P. Levi : Unser Weg wider den Putschismus (Bibliographie ►).
[118]. Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 1, S. 456 (Bibliographie ►).
[120]. Exekutivkomitee der Kommunistischen Internationale (Hg.) : Die Kommunistische Internationale – 2. Jahrgang – Nummer 17 (Bibliographie ►).
[122]. H. Schumacher : Die Kommunistische Internationale (1919-1943) – Grundzüge ihres Kampfes für Frieden, Demokratie, nationale Befreiung und Sozialismus (Bibliographie ►).
Exekutivkomitee der Kommunistischen Internationale (Hg.) : Bericht über die Tätigkeit des Präsidiums und der Exekutive der Kommunistischen Internationale für die Zeit vom 6. März bis 11. Juni 1922 (Bibliographie ►).
[123]. Exekutivkomitee der Kommunistischen Internationale (Hg.) : Bericht über die Tätigkeit… 6. März bis 11. Juni 1922 (Bibliographie ►).
A. Reisberg : Der Kampf der KPD um die Aktionseinheit in Deutschland 1921‑1922 – Band 1, S. 197 (Bibliographie ►).
Archiv für die Geschichte des Sozialismus und der Arbeiterbewegung – Band 13 (Bibliographie ►).
[124]. Kommunistischen Internationale – Dritter Weltkongress (22. Juni – 12. Juli 1921) – Thesen und Resolutionen, pp. 31‑63 (Bibliographie ►), ici p. 52.
http://www.marxismus-online.eu/debatte/programm/einheitsfront/taktik3KI.html
Librairie du Travail (Éd.) : Internationale Communiste – Quatre premiers congrès (1919‑1923) – Manifestes, thèses et résolutions (Bibliographie ►).
http://classiques.uqac.ca/classiques/Internationale_communiste/Quatre_premiers_congres_IC/Quatre_premiers_congres_IC.doc
[125]. "Rede zur Verteidigung der Taktik der Kommunistischen Internationale", 1. Juli 1921, in :
W. I. Lenin : Werke – Band 32 – Dezember 1920‑August 1921, S. 491‑500 (Bibliographie ►), ici S. 496.
"Discours en faveur de la tactique de l’Internationale communiste", 1er juillet 1921, in :
V. I. Lénine : Oeuvres – Tome 32 – Décembre 1920‑août 1921, p. 498‑508 (Bibliographie ►), ici p. 503.
[126]. "Brief an die deutschen Genossen", 14. August 1921, in :
W. I. Lenin : Werke – Band 32, S. 537‑548 (Bibliographie ►), ici p. 541.
"Lettre aux communistes allemands", 14 aout 1921, in :
V. I. Lénine : Oeuvres – Tome 32 – Décembre 1920‑août 1921, p. 545‑556 (Bibliographie ►), ici p. 549‑550.
[127]. "Notizen eines Publizisten", Februar 1922, in :
W. I. Lenin : Werke – Band 33 – August 1921 – März 1923, S. 188‑196 (Bibliographie ►), ici p. 192‑193.
"Note d’un publiciste", février 1922, in :
V. I. Lénine : Oeuvres – Tome 33 – Aout 1921‑mars 1923, p. 205‑213 (Bibliographie ►), ici p. 209‑210.
[129]. Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 1, S. 560 (Bibliographie ►).
[130]. Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 1, S. 533 (Bibliographie ►).
[131]. S. Koch-Baumgarten : Die Märzaktion der KPD 1921, S. 147 (Bibliographie ►).
E. Wolowicz : Linksopposition in der SPD von der Vereinigung mit der USPD 1922 bis zur Abspaltung der SAPD 1931 – Band 1, S. 77 (Bibliographie ►).
G. Watermeier : Die Verdrängung der ursprünglichen Führungskräfte der kommunistischen Partei Deutschlands (1919‑1929), S. 8 (Bibliographie ►).
H. J. Reichhardt : Ernst Reuter, S. 79 (Bibliographie ►).
Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2, S. 124 (Bibliographie ►).
[132]. Curt Geyer est fils de Friedrich Geyer, également membre du KPD.
KPD 1933-1945 – 1923-1932, réaction et contre-attaque
1933 1945 : Le KPD dans la lutte contre la dictature national-socialiste |
1923‑1932 : Réaction et contre-attaque |
De 1923 à 1932 : Le SPD s’efforce de maintenir jusqu’au bout une politique de coalition avec les autres partis bourgeois. Le KPD, en 1923 entreprend une tentative d’insurrection dans le but de renverser le pouvoir de la bourgeoisie; il échoue. La prétention du SPD de rester le parti dominant sur l’échiquier parlementaire est progressivement contrariée par les modifications qui s’opèrent parmi les forces politiques en présence. Pour rester fidèle à son rôle de soutien à la bourgeoisie, la social-démocratie s’engage à partir de 1930 dans une attitude d’accompagnement de la transition vers un régime de plus en plus ouvertement dictatorial, s’acheminant vers l’association du NSDAP au gouvernement.
Coalition gouvernementale : scénario par intermittence
1922‑1923 : Persistance des clivages au sein du KPD
"Gouvernements ouvriers" et actions insurrectionnelles
Les gouvernements bourgeois imposent leur "normalisation"
Brüning – Papen – Schleicher – Hitler
Coalition gouvernementale : scénario par intermittence
Depuis la constitution, le 13 février 1919, du gouvernement dirigé par Philippe Scheidemann (SPD) qui avait pris la relève du Conseil des mandatés du peuple, le SPD maintient une politique de coalition avec la droite. Seul le gouvernement dirigé par Konstantin Fehrenbach en place de juin 1920 à mai 1921 faisait exception.
Face aux menaces du gouvernement français d’occuper la région de la Ruhr en rapport avec le litige touchant à la question des réparations, le capital monopoliste allemand vise au renforcement de son influence sur la politique, par une participation plus large du Parti populaire allemand (Deutsche Volkspartei, DVP) au gouvernement. Puisque la direction du SPD, pour des raisons tactiques et malgré la résolution en faveur d’une coalition, prise au congrès de Görlitz en septembre 1921 [1], ne peut pas d’emblée adhérer à une telle perspective, le gouvernement Joseph Wirth (Parti du centre ‑ Zentrumspartei) démissionne le 14 novembre 1922. Le 22 novembre, est constitué un nouveau gouvernement avec Wilhelm Cuno, directeur général de la compagnie de navigation la plus importante d’Allemagne, la Hapag (Hamburg-Amerika-Linie), en tant que nouveau chancelier. Le SPD ne participe pas au gouvernement; mais sa direction dans son ensemble le tolère.
Fin 1922 le gouvernement de W. Cuno fait trainer les livraisons venues à échéance à titre de réparations, et se conforme en cela aux intentions provocatrices de Hugo Stinnes et August Thyssen, représentants du capital de l’industrie lourde. Le 11 janvier 1923 des troupes françaises et belges entrent dans la région de la Ruhr. Le gouvernement réagit par la politique de la "résistance passive" [Chronologie ► ► ►]. Il ordonne la cessation de toutes les contributions à titre de réparations, à la France et la Belgique, et appelle les ouvriers, employés et fonctionnaires à ne pas suivre les ordres des puissances d’occupation. L’état de siège renforcé est déclaré dans la région de la Ruhr.
Globalement la direction du SPD consent à une politique de trêve avec la grande bourgeoisie, néanmoins la question fait surgir quelques dissensions au sein du groupe à l’assemblée nationale[2]. Lors du vote à l’assemblée nationale du 13 janvier 1923, Hermann Müller et Otto Wels, les deux présidents du parti, approuvent du point de vue de principe les intentions du gouvernement. Cependant, le 26, Rudolf Breitscheid, un des présidents du groupe, déclare[3] : "Nous nous gardons de laisser resurgir de nouveau d’une manière quelconque l’idée de la trêve, car trêve ne signifie rien d’autre que silence d’église." D’ailleurs, tout en prenant cette précaution de pure forme, il laisse apparaitre implicitement la proximité des positions de la social-démocratie par rapport aux partis bourgeois puisqu’en s’adressant à ceux-ci il indique : "Nous ne savons pas si nos objectifs ultimes dans cette riposte sont les mêmes que les vôtres". Le comité directeur de la Confédération syndicale générale allemande (Allgemeiner deutscher Gewerkschaftsbund, ADGB), dans un appel en commun avec les unions patronales, lance une grande collecte ‑ l’“aide à la Ruhr“ (“Ruhrhilfe”); mais la réalisation pratique échoue à cause de réticences considérables de la part des organisations syndicales locales [Chronologie ►].
Cependant les forces situées le plus à droite, au sein du SPD, ne se contentent pas de simplement tolérer le gouvernement de W. Cuno. Carl Severing demande la constitution d’un gouvernement de grande coalition afin de, selon ses mots[4] : "réaliser l’unité du peuple tout entier contre l’occupation de la région du Ruhr" [citation dans l’original ►]. Le président Friedrich Ebert (SPD) déclare dans le même esprit[5] : "Dans ces journées, où une force étrangère a fait irruption dans notre pays, tout ce qui nous sépare sur le plan de la conception du monde et de l’opinion politique, doit passer au second plan."
Parmi les défenseurs les plus influents d’une grande coalition au sein du SPD comptent Rudolf Hilferding, Otto Braun, Wilhelm Sollmann[6]. Déjà en 1922 était parue une brochure intitulée "“Grande coalition” et Social-démocratie", de Hugo Sinzheimer. Il expose les "nécessités vitales pour la classe ouvrière" [citation dans l’original ►], parmi lesquelles il mentionne la stabilisation du Mark, un accroissement de la production et la solution de la question des réparations. Dans cette perspective il considère comme inéluctable le recours à une participation gouvernementale des cercles liés au DVP.
Le KPD s’oppose de front au gouvernement Cuno. La question des gouvernements ouvriers et de l’armement des travailleurs apparait fréquemment dans le cadre des efforts, impulsés par le KPD, de radicalisation et de structuration du mouvement ouvrier[7]. C’est le cas au Congrès national des Conseils d’entreprise révolutionnaires tenu du 23 au 25 novembre 1922, de même qu’à une Assemblée plénière à Berlin des Conseils d’entreprise révolutionnaires tenue le 11 janvier 1923. Des initiatives semblables se produisent au cours des mois suivants. Le 3 mai le Comité national [Reichsausschuß] des Conseils d’entreprises allemands publie un appel à la formation d’unités de défense prolétariennes [proletarische Abwehrhundertschaften] et de comités de contrôle [Kontrollausschüsse][8] . Le 11 aout la Centrale du Parti ensemble avec le Comité national des conseils d’entreprise allemands [Reichsausschuß der Deutschen Betriebsräte] décide de lancer un appel à la grève générale[9]. Les exigences formulées comprennent notamment le renversement du gouvernement, la formation d’un gouvernement ouvrier et paysan, la reconnaissance des comités de contrôle prolétariens [proletarische Kontrollausschüsse], la levée de l’interdiction frappant les unités d’intervention prolétariennes [proletarische Hundertschaften], la dissolution de l’assemblée nationale, la réquisition de vivres pour assurer l’alimentation, un salaire minimal, la réembauche des chômeurs, la levée de l’état d’exception et des interdictions de manifester, la libération immédiate des prisonniers politiques. Un tract en ce sens est diffusé le 12 [Documents ►].
Le 12 aout 1923, le gouvernement Cuno donne sa démission. Le 13, un nouveau gouvernement est constitué. Gustav Stresemann, issu de l’Union d’Industriels de Saxe (Verband Sächsischer Industrieller) et président du DVP, devient chancelier. Il forme un gouvernement auquel appartiennent des représentants du DVP, du Zentrum, du Parti démocratique allemand (Deutsche Demokratische Partei, DDP) et du SPD. Stresemann occupe le ministère des Affaires étrangères. Le SPD est représenté par quatre ministres : Robert Schmidt devient ministre de la reconstruction ainsi que vice-chancelier, R. Hilferding ministre des Finances, W. Sollmann ministre de l’Intérieur et Gustav Radbruch ministre de la Justice. Stresemann ne sera chancelier que quelques mois à peine, mais il détiendra le portefeuille des Affaires étrangères dans tous les gouvernements qui se succèderont jusqu’à sa mort, en 1929.
La social-démocratie se conforme ainsi au principe suivant formulé par Karl Kautsky[10] :
Dans son célèbre article "Au sujet de la critique du programme du Parti social-démocrate Marx dit : "Entre la société capitaliste et la société communiste, se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci. À quoi correspond une période de transition politique où l’État ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat." Aujourd’hui, sur la base des expériences de ces dernières années relatives à la question du gouvernement, nous pouvons varier cette phrase en ce sens que nous disons : "Entre les époques de l’État gouverné sur des bases, respectivement purement bourgeoises et purement prolétariennes, se situe une période de transformation de l’un en l’autre. À cela correspond aussi une période de transition politique, dont le gouvernement sera constitué en règle générale sous la forme d’un gouvernement de coalition." Cela sera valable partout où la conquête du pouvoir politique par le prolétariat s’accomplit sur la voie de la démocratie, et cela est, après l’écroulement des grandes monarchies militaires, la voie normale à cette fin. Qui aujourd’hui encore rejette par principe la politique de coalition, celui-là est aveugle vis-à-vis des signes du temps. Il est incapable de répondre aux tâches de celui-ci.
[Citation dans l’original ►.]
K. Kautsky soigne ici son image de théoricien marxiste, en ayant recours à un rappel d’un des textes fondamentaux du marxisme. La ressemblance formelle entre les deux passages ne peut évidemment pas cacher que, quant au contenu, ils n’ont absolument rien en commun. Cependant, ce procédé de faire passer frauduleusement un glissement de sens est utilisé régulièrement par les révisionnistes qui s’emploient à remplacer le marxisme-léninisme par l’idéologie bourgeoise sous sa forme social-démocrate, réformiste. Toutefois, ce qui distingue le cas de K. Kautsky (ainsi que ses consorts de l’époque) de leurs avatars ultérieurs, c’est qu’ils ont le privilège de réaliser la dénaturation originelle du marxisme-léninisme, alors qu’à tous leurs successeurs, jusqu’à aujourd’hui, il ne reste plus qu’à plonger de plus en plus profondément dans le bourbier de la phraséologie purement bourgeoise.
1922‑1923 : Persistance des clivages au sein du KPD
Au printemps de 1923, le KPD s’engage en Saxe et Thüringen dans une tentative de front uni avec des représentants du SPD, dans le cadre de gouvernements caractérisés comme "gouvernement ouvrier" (cf. la section suivante "“Gouvernements ouvriers” et actions insurrectionnelles" ►). Toute la période qui précède cette expérience depuis les évènements de mars 1922 (cf. dans le texte "1918‑1922 : révolution et contrerévolution", la section "L’offensive de mars 1921" ►) est traversée par des débats d’orientation, tournant plus largement autour de la question des luttes et revendications partielles.
Voici à ce sujet un extrait du document "Thèses sur la tactique" adopté le 12 juillet 1921 au cours du 3e Congrès de l’Internationale communiste[11] :
V. Combats et revendications partielles
[…] Si ces revendications répondent aux besoins vitaux des larges masses prolétariennes, si ces masses sont pénétrées du sentiment que sans la réalisation de ces revendications leur existence est impossible, alors la lutte pour ces revendications deviendra le point de départ de la lutte pour le pouvoir. A la place du programme minimum des réformistes et des centristes, l’Internationale Communiste met la lutte pour les besoins concrets du prolétariat, pour un système de revendications qui dans leur ensemble démolissent la puissance de la bourgeoisie, organisent le prolétariat et constituent les étapes de la lutte pour la dictature prolétarienne et dont chacune en particulier donne son expression à un besoin des larges masses, même si ces masses ne se placent pas encore consciemment sur le terrain de la dictature du prolétariat.
Dans la mesure où la lutte pour ces revendications embrasse et mobilise des masses de plus en plus grandes, dans la mesure où cette lutte oppose les besoins vitaux des masses aux besoins vitaux de la société capitaliste, la classe ouvrière prendra conscience de cette vérité que si elle veut vivre, le capitalisme doit mourir. Cette constatation fera naitre en elle la volonté de combattre pour la dictature. […]
[Citation dans l’original ►.]
Un document intitulé "Lignes directrices sur le Front uni des travailleurs et sur les relations avec les travailleurs qui sont membres de la 2e Internationale, de l’Internationale 2 1/2 et de l’Internationale d’Amsterdam, ainsi qu’avec les travailleurs qui soutiennent les organisations anarchosyndicalistes" est adopté par le Comité exécutif de l’Internationale communiste, le 28 décembre 1921. Voici un extrait[12] :
9. En Allemagne, le Parti Communiste, à la dernière session de son Conseil National, s’est prononcé pour l’unité du front prolétarien et a reconnu possible d’appuyer un « gouvernement ouvrier unitaire » qui serait disposé à combattre sérieusement le pouvoir capitaliste. L’Exécutif de l’Internationale Communiste approuve sans réserve cette décision, persuadé que le Parti Communiste Allemand, tout en sauvegardant son indépendance politique, pourra ainsi pénétrer dans de plus larges couches prolétariennes et y fortifier l’influence communiste. En Allemagne plus que partout ailleurs, les grandes masses comprennent de mieux en mieux que leur avant-garde communiste avait raison de se refuser à déposer les armes dans les moments les plus difficiles et de dénoncer l’inanité absolue des remèdes réformistes à une situation que la révolution prolétarienne seule peut dénouer. En persévérant dans cette voie, le Parti Allemand ne tardera pas à rallier à lui tous les éléments anarchistes et syndicalistes qui sont restés jusqu’à présent en dehors de la lutte des masses.
[Citation dans l’original ►.]
Du 7 au 11 juin 1922 se tient le 2e plénum, élargi, du Comité exécutif de l’Internationale communiste (le 1er plénum, élargi, s’était tenu du 21 février au 4 mars)[13] . Il forme une commission chargée d’élaborer un projet de programme pour l’IC. Le KPD délègue August Thalheimer pour y participer, et constitue par ailleurs en automne de 1922 une commission en vue de l’élaboration d’un programme pour le Parti[14]. Cette dernière est dirigée par Thalheimer et comprend Heinrich Brandler, Edwin Hoernle, Wilhelm Koenen, Emil Ludwig, Clara Zetkin.
En ce qui concerne la question des gouvernements ouvriers, certains aspects significatifs de la controverse ressortent d’un texte écrit par E. Hoernle dans le cadre de la discussion au sujet du projet de programme. Voici un extrait[15] :
[…] Nous posons donc la question : Est-ce qu’il y a des stades dans lesquels le prolétariat, certes, ne possède pas encore le pouvoir mais où la bourgeoisie n’en dispose plus entièrement? L’histoire de la révolution russe répond par un oui clair. Dans la révolution allemande aussi nous avions cette période; elle s’est terminée par l’écrasement de l’insurrection de Spartakus, par le désarmement du prolétariat et l’étranglement des conseils d’ouvriers. De cette période a surgi le programme de Spartakus, et doivent être interprétées ses revendications de transition. D’ailleurs en termes purement conceptuels, considéré du point de vue de la pensée dialectique, aucune autre voie n’est possible. Pour prendre le pouvoir, le prolétariat nécessite une conscience du pouvoir tout à fait déterminée et des organes de pouvoir tout à fait déterminés, et il ne peut développer ces deux éléments dans le vide en dehors de la démocratie bourgeoise, ce qui voudrait dire en dehors de l’histoire, mais uniquement à l’intérieur de cette démocratie, c’est-à-dire dans une lutte acharnée avec cette démocratie.
[…]
Le concept même de démocratie change. Des mesures dictatoriales, telles que des lois d’exception, des mesures de répression policières et militaires en deviennent des composants essentiels. En même temps elle se trouve contrainte à tolérer dans son cadre des organes de classe des masses travailleuses révolutionnaires qui sont destinés à faire éclater son cadre. Elle tente de les restreindre, les limiter dans leur effet, les neutraliser politiquement, mais elle ne peut pas les empêcher des reprendre conscience, dans les moments décisifs, de leur tâche de classe, de déferler pardessus les barrages légaux et de se retourner contre la démocratie. Le corps entier de la démocratie bourgeoise est maintenant rempli avec la fermentation des forces sociales, avec le conflit entre bourgeoisie et prolétariat et les hauts et bas agités, les avancées et revers d’une lutte de classe tournant à la guerre civile ouverte. Et dans le cadre de cette démocratie, de cette période de transition, des moments peuvent se produire où effectivement "le prolétariat, certes, ne possède pas encore le pouvoir mais où la bourgeoisie n’en dispose plus entièrement".
[…]
Là où le prolétariat en lutte, dans un assaut foudroyant, met à terre les organisations illégales et des mesures dictatoriales de la démocratie bourgeoise, décomposée, mourante, où dans cette lutte il s’empare des moyens de pouvoir d’État, là évidemment il est possible – et personne ne dit plus que cela – que dans un premier temps les masses, auxquelles on a servi durant des décennies des phrases socialo-réformistes, recule une fois de plus devant l’acte final, se contentent des succès provisoires et s’adonnent à l’espoir qu’il suffise de reprendre simplement l’appareil d’État bourgeois, de jeter dehors les gardes blancs et de mettre à leur place des travailleurs. C’est cela le moment où un gouvernement ouvrier, auquel participent aussi des communistes, est possible – à savoir en tant que fait très concret, historique.
Mais à ce moment-là commence aussi déjà la lutte pour le dépassement de ce gouvernement ouvrier, pour son épuration de socialo-réformistes chancelants, pour sa consolidation par des organes de classe prolétariens en dehors du parlement, une lutte qui nous est imposée par la nécessité de détruire les organisations illégales de la bourgeoisie, de briser le sabotage des entrepreneurs et bureaucrates et d’obtenir la satisfaction des plus importantes parmi ces revendications de transition dont le Manifeste communiste dit qu’en elles-mêmes elles paraissent économiquement insuffisantes et intenables, mais poussent nécessairement, au cours du mouvement, au-delà d’elles-mêmes.
La lutte pour le gouvernement ouvrier tourne donc à la lutte pour le capitalisme d’État prolétarien. Dans cette deuxième partie de la lutte, dans la lutte pour l’activité fonctionnelle du gouvernement ouvrier, les masses travailleuses se débarrassent de leurs dernières illusions démocratiques et social-pacifistes. On termine le désarmement de la contrerévolution par l’armement organisé du prolétariat. Le contrôle prolétarien de l’armement et des actes législatifs donne vie à l’organe des conseils d’ouvriers, pousse les germes déjà existants à un développement rapide. Le contrôle de la production et la tentative d’un recensement des biens aboutit finalement à l’expropriation des capitalistes, à la socialisation révolutionnaire.
[Citation dans l’original ►.]
Le projet est publié le 7 octobre 1922. La Centrale du KPD décide, par 29 voix contre 23, de le soumettre au 4e Congrès de l’IC[16].
Le 4e Congrès de l’Internationale communiste se tient du 5 novembre au 5 décembre 1922. A. Thalheimer intervient en tant que membre de la commission de programme qui avait été formée par le Comité exécutif de l’IC[17].
Ruth Fischer expose la position qu’elle avait déjà exprimée au cours des débats antérieurs au sein du KPD. Elle récuse l’idée d’un gouvernement ouvrier comme type particulier de gouvernement, distinct de la dictature du prolétariat[18] :
la formulation d’un gouvernement ouvrier comme revendication de transition entre démocratie et dictature de conseils signifierait la supposition d’un développement dans lequel des changements radicaux de la société capitaliste seraient possible dans le cadre de la démocratie. Donc une révision pure et simple de ce qui a été élaboré jusqu’ici.
[Citation dans l’original ►.]
Un texte adopté par le congrès intitulé "Thèses sur la tactique de l’Internationale communiste", concernant le rapport de Grigori Zinoviev, comporte une partie traitant du gouvernement ouvrier [Documents ►]. Voici des extraits :
Le gouvernement ouvrier (éventuellement le gouvernement paysan) devra partout être employé comme un mot d’ordre de propagande général. Mais, comme mot d’ordre de politique actuelle, le gouvernement ouvrier présente la plus grande importance dans les pays où la situation de la société bourgeoise est particulièrement peu sûre, où le rapport des forces entre les partis ouvriers et la bourgeoisie met la solution de la question du gouvernement ouvrier à l’ordre du jour comme une nécessité politique.
Dans ces pays, le mot d’ordre du " gouvernement ouvrier" est une conséquence inévitable de toute la tactique du front unique.
[…]
Le programme le plus élémentaire d’un gouvernement ouvrier doit consister à armer le prolétariat, à désarmer les organisations bourgeoises contre-révolutionnaires, à instaurer le contrôle de la production, à faire tomber sur les riches le principal fardeau des impôts et à briser la résistance de la bourgeoisie contre-révolutionnaire.
[…] Un gouvernement ouvrier résultant d’une combinaison parlementaire, peut aussi fournir l’occasion de ranimer le mouvement ouvrier révolutionnaire. Mais il va de soi que la naissance d’un gouvernement véritablement ouvrier et le maintien d’un gouvernement faisant une politique révolutionnaire doivent mener à la lutte la plus acharnée et, éventuellement, à la guerre civile contre la bourgeoisie. La seule tentative du prolétariat de former un gouvernement ouvrier se heurtera dès le début à la résistance la plus violente de la bourgeoisie. Le mot d’ordre du gouvernement ouvrier est donc susceptible de concentrer et de déchaîner des luttes révolutionnaires.
[Citation dans l’original ►.]
Le congrès décide de ne pas adopter de programme lui-même et renvoie la question au congrès suivant. (Cependant, le 5e congrès de l’IC, en juin 1924, ne tranchera pas non plus la question du programme[19]; finalement, un programme sera adopté au 6e congrès en juillet-septembre 1928.) À ce sujet, la délégation russe présente la déclaration suivante, signée par Vladimir I. Lénine, Léon Trotsky, G. Zinoviev, Karl Radek, Nikolaï Boukharine[20] :
Au vu du fait que la controverse sur la question quelle formulation doit être donnée aux revendications de transition et dans quelle partie du programme elles doivent être intégrées, a de façon complètement erronée donné l’impression d’une opposition de principe, la délégation russe confirme à l’unanimité que l’établissement des revendications de transition dans les programmes des sections nationales ainsi que leur formulation générale et leur justification théorique dans la partie générale du programme ne peut pas être considéré comme de l’opportunisme.
[Citation dans l’original ►.]
Est également adopté une résolution présentée par le présidium, qui apporte des précisions de principe concernant la question de ce qui est désigné comme "revendications de transition". Elle stipule notamment[21] :
Résolution sur le programme de l’Internationale Communiste
[…]
3. Dans le programme des sections nationales, la nécessité de la lutte pour les revendications transitoires doit être motivée avec précision et netteté; les réserves sur les rapports de ces revendications avec les conditions concrètes de temps et de lieu doivent être mentionnées.
4. Les fondements théoriques de toutes les revendications transitoires et partielles doivent absolument être formulées dans le programme général. Le 4e Congrès se prononce tout aussi résolument contre la tentative de représenter l’introduction de revendications transitoires dans le programme comme de l’opportunisme, que contre toute tentative d’atténuer ou de remplacer les objectifs révolutionnaires fondamentaux par des revendications partielles.
[…]
[Citation dans l’original ►.]
Le congrès constitue un Comité exécutif composé de la façon suivante[22]. Comme président : G. Zinoviev (Russie soviétique); comme membres : W. Andrews (Afrique du Sud), N. Boukharine (Russie soviétique), L.‑O. Frossard (France), J. Garden (Australie), E. Gennari (Italie), A. Gramsci (Italie), E. Hoernle (Allemagne), Z. Höglund (Scandinavie), S. Katayama (Orient), L. E. Katterfeld (pseudonyme J. Carr) (USA), V. Kolarov (Balkans), O. Kuusinen (Finlande), A. MacManus (Grande Bretagne), A. Neurath (Tchécoslovaquie), E. Próchniak (Pologne), K. Radek (Russie soviétique), G. Safarov (Orient), O. Scheflo (Scandinavie), B. Šmeral (Tchécoslovaquie), B. Souvarine (France), E. Woog, alias A. Stirner (Amérique du Sud); C. Zetkin (Allemagne), L. Chatskine (Internationale communiste des Jeunes), R. Schüller (Internationale communiste des Jeunes), comme candidats : A. Bordiga (Italie), P. Böttcher (Allemagne), F. Koral (pseudonyme J. Duret) (France), V. I. Lénine (Russie soviétique), M. Macavei (Balkans), A. Muna (Tchécoslovaquie), W. Newbold (Grande Bretagne), M. N. Roy (Orient), C. E. Ruthenberg (pseudonyme D. Damon) (USA), L. Trotsky (Russie soviétique).
Du 28 janvier au 1er février 1923 se tient à Leipzig le 8e Congrès du KPD. (Pour les congrès précédents du KPD, cf. le texte "1918‑1921 : révolution et contrerévolution", à commencer par la section "Création du Parti communiste" ►.) Une résolution, "Lignes directrices sur la tactique du front uni et du gouvernement ouvrier", présentée par H. Brandler, est adoptée par 118 voix contre 59 [23] [Documents ►]. Elle stipule :
Le gouvernement ouvrier n’est ni la dictature du prolétariat ni une ascension pacifique vers elle. Elle est une tentative de la part de la classe ouvrière de mener une politique ouvrière, dans le cadre et dans un premier temps avec les moyens de la démocratie bourgeoisie, appuyé sur des organes prolétariens et des mouvements de masse.
[Citation dans l’original ►.]
Un certain nombre de membres du Parti autour de R. Fischer, Arkadij Maslow, Werner Scholem, Ernst Thälmann, s’opposent à cette orientation[24]. Ils disposent d’une base majoritaire dans les districts Berlin et Wasserkante (qui ensemble comprennent près d’un quart des membres du Parti) et dans les districts Mittelrhein (Köln) und Hessen-Frankfurt. Un texte alternatif "Thèses sur le front uni et le gouvernement ouvrier" [citation dans l’original ►] est soumis au congrès par les districts Berlin-Brandenbourg, Wasserkante– Hambourg, Mittelrhein, Hessen-Frankfurt, Lausitz. Cependant, le congrès élit à la Centrale principalement des représentants en accord avec l’orientation proposée, comme H. Brandler, Hugo Eberlein, Paul Frölich, A. Thalheimer, Jakob Walcher, C. Zetkin, ainsi que quelques membres se situant sur des positions intermédiaires comme Wilhelm Pieck et Walter Ulbricht[25]. Les candidats de l’opposition, R. Fischer, Ottomar Geschke, Iwan Katz et Arthur König, ne sont pas élus. Les seuls représentants à la Centrale proche de l’opposition sont Rudolf Lindau, Hans Pfeiffer et Arthur Ewert qui avait été présentés sur la liste de la majorité.
La Centrale élue est composée comme suit[26] : Karl Becker, Paul Böttcher, H. Brandler, H. Eberlein, A. Ewert, P. Frölich, Fritz Heckert, E. Hoernle, August Kleine (Guralski), W. Koenen, R. Lindau, H. Pfeiffer, W. Pieck, Hermann Remmele, Felix Schmidt[27], Georg Schumann, Walter Stoecker, A. Thalheimer, W. Ulbricht, J. Walcher, C. Zetkin.
En mai, les délégués des deux tendances du KPD se rendent à Moscou pour discuter avec le Bureau de l’Internationale communiste. Les thèses du congrès sont condamnées. Le 17 mai, R. Fischer, O. Geschke, A. König et E. Thälmann sont cooptés à la Centrale comme représentants de l’orientation divergente au sujet de la question des gouvernements ouvriers[28].
Jusqu’à la prise du pouvoir par les national-socialistes le KPD tiendra encore quatre congrès qui seront évoqués plus loin : du 7 au 10 avril 1924 (section "Hambourg" ►); du 12 au 17 juillet 1925 (section "KPD : luttes d’orientation" ►); du 2 au 7 mars 1927 (section "KPD : luttes d’orientation" ►); du 8 au 15 juin 1929 (section "Le KPD cible du SPD" ►).
"Gouvernements ouvriers" et actions insurrectionnelles
En Saxe, en décembre 1922, le KPD décide de tolérer la constitution d’un gouvernement minoritaire dirigé par Wilhelm Buck (SPD)[29] . En janvier 1923, le Parti dépose une motion de censure contre le ministre de l’Intérieur régional, Richard Lipinski (SPD). La police de Leipzig avait protégé une manifestation du Parti populaire allemand de la liberté (Deutschvölkische[30] Freiheitspartei, DVFP ‑ parti d’extrême droite fondé en décembre 1922), et Lipinski avait justifié l’intervention. La motion est votée par une majorité incluant des députés de la droite et le 30 janvier, le gouvernement démissionne. Parallèlement, le 29 janvier, la direction du KPD au niveau régional adresse au gouvernement encore en exercice ainsi qu’à la direction du SPD au niveau régional une proposition en vue de la constitution d’un gouvernement ouvrier. Depuis les élections qui avaient eu lieu en novembre 1922, avec 40 députés du SPD et 10 du KPD sur un total de 96, les deux partis disposent ensemble de la majorité. Au niveau national, la direction du SPD est favorable à la constitution, en Saxe, d’un gouvernement de coalition entre SPD et DDP lequel, étant minoritaire, devrait s’appuyer sur le soutien du DVP. Au cours de mars, SPD et KPD, au niveau régional, se mettent d’accord sur la formation d’unités de défense contre l’extrême droite et sur la constitution d’un gouvernement minoritaire du SPD toléré par le KPD. Le 21 mars Erich Zeigner (SPD) est désigné comme premier ministre.
En Thüringen également, le KPD oeuvre dans une perspective similaire. En mai, la direction du district Grand-Thüringen adopte un texte qui formule les "Conditions préalables à l’entrée des communistes à un gouvernement ouvrier en Thüringen"[31] [citation dans l’original ►]. Il postule les exigences suivantes : convocation en commun d’un Congrès de Conseils d’entreprises chargé de définir le programme du gouvernement et investi de la capacité de proposer des lois; formation en commun d’unités d’intervention prolétariennes dans les entreprises; effort en commun en vue du développement des comités de contrôle et de l’élargissement de leurs compétences; combat en commun contre les gouvernements de coalition entre la social-démocratie et la bourgeoisie, aux niveaux national et régional; lutte en commun en vue du renversement du gouvernement Cuno, pour la constitution d’un gouvernement ouvrier au niveau national également. Le KPD fait connaitre publiquement cette position. Sur cette base il entame des négociations avec la direction du SPD au niveau régional, laquelle rejette la proposition.
Les causes qui, en aout, amènent les puissantes actions de combat de la classe ouvrière et la chute de Cuno (cf. plus haut), persistent aussi pendant le gouvernement Stresemann[32]. Après l’arrêt de la grève générale démarrent des représailles contre les participants à la grève. C. Severing (SPD), ministre de l’Intérieur de Prusse, en prend l’initiative, avec l’interdiction du Comité national des Conseils d’Entreprise allemands, l’organisateur le plus important du mouvement de grève. Le 4 septembre le ministre de l’Intérieur du Reich W. Sollmann (SPD) interdit la parution de l’organe central du KPD et de quelques autres journaux communistes.
En Bavière, depuis le putsch Kapp, l’extrême-droite a pris racine. Lorsque le 21 juillet 1922 l’Assemblée nationale vote une loi sur la protection de la République, la Bavière y voit une atteinte à sa souveraineté et applique un décret, de teneur similaire mais édicté de façon indépendante. Les organisations d’extrême droite Casque d’acier (Stahlhelm), Union pangermanique (Alldeutscher Verband), Ordre des Jeunes-Allemands (Jungdeutscher Orden, Jungdo) n’y sont pas interdites. D’ailleurs malgré l’insistance des puissances vainqueurs de la guerre et du gouvernement national, les milices d’autodéfense locale [Einwohnerwehren] continuent de détenir des armes, d’organiser des tirs publics, etc.
Le 26 septembre 1923 le gouvernement de Bavière, agitant le spectre d’un renforcement des forces de la gauche radicale au niveau national, et pouvant s’appuyer sur le développement des organisations d’extrême droite au niveau régional, instaure l’état d’exception[33]. Le pouvoir exécutif est conféré à Gustav von Kahr, du Parti bavarois du peuple (Bayerische Volkspartei, BVP), nommé maintenant commissaire général au niveau régional (il avait été nommé premier ministre le 29 février 1920, mais avait démissionné le 11 septembre 1921). Le gouvernement national craint alors un putsch bavarois dirigé contre Berlin et le président instaure l’état d’exception au niveau national. Ainsi les querelles de compétences entre le Reich et la Bavière se poursuivent. Cependant, Kahr, constatant que l’armée fait de toute façon du bon travail au service de la réaction, ne brusque pas les évènements. Sur la base de l’état d’exception, le pouvoir exécutif national incombe au ministre de la défense Otto Geßler. Les unités d’intervention prolétariennes sont interdites, de même que les comités de contrôle.
Au début d’octobre, le DVP exige la démission du ministre des finances R. Hilferding et avant tout le démantèlement de la journée de huit heures. Cela occasionne une controverse au sein de la direction du SPD, mais elle concerne simplement les modalités de mise en oeuvre de ce processus : soit dans le cadre d’une loi accordant les pleins pouvoirs, soit par la voie parlementaire habituelle. Les adversaires d’un règlement au moyen d’une loi accordant les pleins pouvoirs emportent la majorité de justesse. Le gouvernement Stresemann démissionne et trois jours plus tard, le 6 octobre, Stresemann présente un gouvernement légèrement remanié, avec Hans Luther aux Finances. Le SPD accepte le largage de Hilferding et en outre, capitule à l’égard de la journée de huit heures. La discipline obligatoire au sein de la fraction du SPD concourt à assurer à la loi accordant les pleins pouvoirs [Ermächtigungsgesetz] l’assentiment des députés du SPD, le 13 octobre[34]. Ainsi le gouvernement est autorisé à mettre en oeuvre "toutes les mesures requises contre des situations d’urgence dans les domaines des finances, de l’économie et de l’assistance sociale" [citation dans l’original ►].
À partir de la fin d’aout 1923, émerge une tendance portée conjointement par certains dirigeants du KPD ainsi que de l’Internationale communiste, considérant que les conditions en Allemagne sont propices à mettre en oeuvre une insurrection armée. Parallèlement le KPD intensifie ses efforts pour concrétiser les plans d’établir des gouvernements ouvriers. En Thüringen, le 11 septembre, il décide de retirer sa confiance au gouvernement minoritaire formé par le SPD et l’USPD, dirigé par August Frölich[35]. En même temps, la direction du district de Grand-Thüringen du KPD, la fraction du KPD à l’Assemblée régionale et le Comité régional [Landesausschuß] des Conseils d’entreprises et des comités de contrôle de Thüringen publient en commun un programme de lutte proposant la formation d’un gouvernement ouvrier[36] [Documents ►]. Les grandes lignes sont les suivantes : formation d’un gouvernement ouvrier et petit-paysan; convocation du congrès des conseils d’entreprise de Thüringen en y associant des délégués des petits paysan; ce congrès établit le programme du gouvernement et les groupes du SPD et du KPD à l’assemblée régionale doivent s’engager de façon ferme à le mettre en oeuvre; constitution d’unités d’intervention prolétariennes [proletarische Hundertschaften] communes; comités de contrôle de travailleurs, petits paysans et petits commerçants; abolition de tous les décrets d’exception qui entravent le mouvement prolétarien. Le KPD en Saxe, le 29 septembre, formule des propositions similaires[37] [Documents ►].
Le 4 octobre, la Centrale du KPD publie un "appel à la lutte contre l’offensive de la dictature militaire, pour la préparation de la grève générale et la constitution de comités d’action"[38] [citation dans l’original ►], et le 6 elle adopte une résolution proclamant la disponibilité du KPD pour participer à des gouvernements ouvriers en Saxe et en Thüringen[39]. Le 7, le comité national [Reichsausschuß] des Comités d’entreprises allemands et le congrès des Conseils d’entreprises de Grand-Thüringen publient un appel commun en vue de la préparation de la grève générale, de la formation de comités d’action et de la consolidation des unités d’intervention prolétariennes[40].
Le 10 octobre en Saxe, le premier ministre E. Zeigner fait entrer au gouvernement trois communistes : le dirigeant du KPD de Saxe de l’Ouest et président du groupe communiste à l’assemblée régionale P. Böttcher comme ministre des Finances, F. Heckert comme ministre de l’économie ainsi que H. Brandler comme chef de la chancellerie [Staatskanzlei][41] [Chronologie ►]. Le 13, le commandant des troupes de l’armée en Saxe, le lieutenant général Alfred Müller, interdit les unités d’intervention prolétariennes et toutes les unités similaires[42]. Le ministre de l’économie Böttcher appelle au contraire à l’armement de ces formations[43]. Le 16, Müller informe le gouvernement régional qu’il place avec effet immédiat la police de Saxe directement sous les ordres de l’armée. Le même jour en Thüringen, le premier ministre A. Frölich fait entrer trois communistes dans le gouvernement social-démocrate : Karl Korsch comme ministre de la Justice, Albin Tenner comme ministre de l’économie ainsi que Theodor Neubauer comme conseiller régional [Staatsrat]. Dans les assemblées de ces deux régions, KPD et SPD détiennent la majorité absolue.
Le gouvernement national ordonne la révocation des ministres communistes. Le gouvernement de Saxe ignore l’ordre de même que la dissolution des unités d’intervention prolétariennes, et le 20 octobre, sur ordre d’O. Geßler, des troupes de l’armée se préparent à entrer dans Saxe[44]. Ce jour-là, A. Müller informe E. Zeigner[45] :
J’ai été chargé, avec les moyens de pouvoir dont je dispose ainsi que ceux qui m’ont été attribués à titre de renforcement, de rétablir et maintenir une situation d’ordre conforme à la constitution.
[Citation dans l’original ►.]
Le KPD maintient sa position, formulée par exemple dans un appel par la direction de Saxe du Parti et la fraction du KPD à l’Assemblée régionale, publié le 26[46] :
Nous communistes déclarons : Nous nous en fichons de l’interdiction des unités d’intervention par monsieur le général, nous nous en fichons de toutes les interdictions et décrets encore à venir. Nous sommes entrées au gouvernement pour mobiliser, ensemble avec les social-démocrates, les masses travailleuses pour la lutte contre le gouvernement militaire, le fascisme, et contre la situation où nous sommes réduits à la famine. Nous mobiliserons les masses, quelque soient les performances du général pour danser au son du sifflet de l’industrie lourde, des Junker, des spéculateurs et des fascistes. Nous appelons les travailleurs à répondre à l’interdiction des unités d’intervention par la formation d’innombrables unités d’intervention nouvelles, à l’interdiction des comités d’action par la formation de comités d’action dans chaque entreprise. Les travailleurs de Saxe en lien avec le reste des travailleurs allemands sont assez forts pour terrasser tous leurs ennemis et de conquérir le pain et les pommes de terres suffisants pour simplement exister. Aux travailleurs de Saxe et d’Allemagne nous adressons l’appel à être en alerte. Il est possible que demain ou après-demain il soit nécessaire de répondre à l’action de la dictature militaire par la grève générale en Saxe, Thüringen et dans le pays. Les travailleurs d’Allemagne et de Saxe ne se rendront pas sans résistance aux généraux; si les généraux de l’industrie lourde veulent jouer un air pour danser, eh bien, les travailleurs allemands sont préparés.
[Citation dans l’original ►.]
Le 29 octobre le gouvernement national a recours, à l’encontre de Saxe, à un dispositif prévu par la constitution (article 48), qui autorise le président à suspendre temporairement certains droits fondamentaux et à utiliser la force armée[47]. C’est ce qu’on appelle communément une “Reichsexekution”. Des troupes de l’armée entrent dans Dresde et Weimar. Des affrontements entre soldats et manifestants ont pour résultat plusieurs dizaines de morts et de blessés. Le 1er novembre est formé un gouvernement minoritaire SPD sous Alfred Fellisch toléré par le DDP[48]. Le 2, les représentants du SPD au sein du gouvernement national démissionnent en signe de protestation contre l’intervention de l’armée en Saxe et Thüringen[49]. Des mesures contraignantes sont également appliquées en Thüringen, le 6 novembre [Chronologie ►]. Le 12, le KPD quitte le gouvernement de Thüringen. Dans un premier temps, le gouvernement dirigé par A. Frölich reste en place, mais pour éviter une application directe de l’article 48 comme en Saxe, il est contraint d’accepter l’intervention d’une commission nationale d’enquête, ce qui ne lui laisse que peu d’autonomie[50]. Des élections auront lieu le 10 février 1924, et le 21, un gouvernement sera formé par les partis autrefois dans l’opposition, avec Richard Leutheußer (DVP) comme premier ministre occupant également les fonctions de la Justice et de l’éducation[51].
Le 20 octobre 1923, compte tenu de la situation en Saxe, la Centrale du KPD décide "que sur la base des informations sur une entrée de l’armée doit être émise la consigne de la grève générale, qui inclut la lutte armée"[52] [citation dans l’original ►]. Pour le lendemain, à Chemnitz, était convoquée depuis plusieurs jours par le gouvernement régional une conférence des conseils d’entreprise, à laquelle les ministres Georg Graupe (SPD), F. Heckert et P. Böttcher (tous les deux KPD) comptent discuter des évènements avec les délégués de diverses organisations ouvrières. La Centrale décide d’utiliser cette conférence, au cas où l’état esprit régnant s’y présenterait favorablement, pour déclencher l’action. À cette conférence participent des délégués de Saxe et Thüringen, en partie aussi d’autres régions : 66 représentants du KPD, 140 membres de conseils d’entreprise, 122 syndicalistes, 79 membres de comités de contrôle et 15 membres de comités d’action, 20 représentants de l’ADGB de Saxe, 16 représentants des organisations de sans emploi, 26 représentants de coopératives ouvrières, 7 représentants du SPD, 1 de l’USPD[53]. Quelques participants interviennent effectivement en faveur de l’appel à une grève générale, et H. Brandler demande alors un vote sur cette question. La proposition ne rencontre pas d’écho favorable, par contre Graupe réplique que les participants social-démocrates quitteraient immédiatement la conférence si le KPD insiste sur sa proposition. Les communistes présents, après discussion, se plient à cet état des choses.
À Hambourg, dès le 20 octobre, se produisent des heurts entre les travailleurs et la police[54]. Le 22, lorsqu’est connue la nouvelle de l’arrivée de l’armée en Saxe, les travailleurs du port et des chantiers navals entament la grève. Durant la nuit du 22 au 23, un texte émanant du comité national des conseils d’entreprise [Reichsbetriebsräteausschuß], transmis par la Centrale du KPD, est diffusé[55]. Il explique :
[…] que tout élément retardant équivaut la mort et qu’il est absolument nécessaire d’engager la lutte simultanément dans tout le pays, parce que la lutte isolée des travailleurs en Allemagne du Centre peut conduire à la défaite. Ce ne sera pas la répétition de la révolution de novembre 1918. L’heure décisive est venue. De deux choses l’une : Ou bien le peuple travailleur sauve l’Allemagne du Centre, transforme l’Allemagne en une république des ouvriers et des paysans, qui conclut une alliance avec l’Union soviétique, ou viendra une terrible détresse.
[Citation dans l’original ►.]
De nombreuses entreprises sont paralysées. Des manifestations se déroulent, la situation est tendue notamment dans le quartier ouvrier de Barmbeck. La direction du district Wasserkante du KPD décide de déclencher l’insurrection le matin du 23. L’action débute par la proclamation de la grève des cheminots. Des unités du Parti bloquent des routes principales importantes. Elles réussissent à investir 17 postes de police. La grève des ouvriers des chantiers navals démarrée le 20 avait aussi déclenché des manifestations de chômeurs. Le matin du 22, les moyens de transport sont paralysés. Cependant les combats restent circonscrits aux quartiers du Nord et de l’Est : Barmbek, Eimsbüttel et Schiffbek. Le 23, la police reçoit des renforts, comprenant des navires de guerre. Cependant une des unités de matelots refuse d’intervenir. À Barmbeck, 300 combattants ouvriers affrontent un effectif de 6000 policiers et militaires équipés d’armement lourd. La nuit du 23 au 24 se passe sans combats notables. Le KPD met un terme à l’action dans la nuit du 24 au 25 octobre. On compte 24 morts parmi les insurgés et 17 parmi la police[56].
La tentative d’insurrection produit aussi des répercussions dans la région de Brême, entre autre aux aciéries Stahlwerk Augustfehn, ainsi qu’à Varel et à Rüstringen/Wilhelmshaven[57].
Suite aux évènements de Hambourg ainsi que de Saxe et Thüringen (cf. plus haut) le KPD sera interdit entre le 23 novembre 1923 et le 1er mars 1924[58].
Dans les mois qui suivent, la tentative d’insurrection d’octobre fait l’objet de discussions prolongées de la part du KPD et de la direction de l’Internationale communiste[59]. La Centrale se réunit clandestinement à Berlin les 3 et 4 novembre et, par 40 voix contre 13, adopte des thèses, rédigées par H. Brandler et K. Radek[60]. En décembre, le Comité exécutif de l’IC adresse au KPD une lettre très critique, point de départ de la remise en question de la résolution du 4 novembre. Par la suite, trois textes s’opposent les uns aux autres devant la Centrale, celui de R. Fischer et ses partisans, qui se déclarent d’accord avec la lettre du Comité exécutif[61], celui de Brandler et A. Thalheimer, qui repoussent fermement ses critiques[62], et celui du groupe autour de H. Remmele, W. Koenen, H. Eberlein et A. Kleine, qui tient compte des critiques de l’IC sans pour autant reprendre l’intégralité de la position formulée par Fischer[63]. Fischer obtient six voix, Brandler et Thalheimer deux ‑ les leurs, en l’absence de C. Zetkin ‑ et la troisième position rallie le reste de l’ancienne majorité de la Centrale, dix-sept voix[64].
Les dirigeants du KPD sollicitent alors le présidium du Comité exécutif de l’IC pour une médiation[65]. Des discussions ont lieu entre le présidium et des représentants du KPD, du 8 au 21 janvier 1924. Parmi les participants figurent, pour le présidium : Vasil Kolarov, Otto Kuusinen, Osip Pjatnitskij, K. Radek, Robert Stewart, Umberto Terracini, C. Zetkin, G. Zinoviev[66]. W. Pieck et J. Walcher étaient arrivés à Moscou au début de décembre et considèrent qu’ils représentent la Centrale dans son ensemble; pour le KPD participent en outre[67] : H. Brandler, Joseph Eisenberger, R. Fischer, Max Hammer, Max Hesse, Karl Jannack, A. Kleine, W. Koenen, A. König, A. Maslow, Wilhelm Münzenberg, H. Remmele, W. Scholem, E. Thälmann. Le 11, comme base pour la discussion, Radek, Brandler, Remmele et Fischer présentent chacun un rapport sur la question de l’Allemagne, Zinoviev intervient ensuite[68]. Pour élaborer une résolution politique, l’assemblée désigne une commission comprenant Kuusinen (qui la préside), Koenen, Maslow, Pieck, Remmele, Thälmann. Celle-ci, le 19 janvier présente son rapport devant le présidium. Celui-ci adopte le rapport contre deux voix, celles de Zetkin et de Radek[69]. De la délégation allemande, votent pour : Fischer, Hesse, Koenen, König, Maslow, Remmele, Thälmann; votent contre : Brandler, Eisenberger, Hammer, Jannack, Pieck, Walcher. Les réunions reprennent le 21, et finalement les partisans de Brandler déclarent accepter le résultat des discussions. Cependant Brandler, Eisenberger, Hammer, Jannack, Pieck, Welcher, Zetkin, remettent à Zinoviev, président du Comité exécutif de l’IC, une déclaration dans laquelle ils exposent les arguments fondant leur désaccord avec les thèses du comité exécutif[70].
Il convient de mentionner deux prises de position de J. Staline concernant les évènements.
Le 7 aout il écrit, dans une lettre adressée à G. Zinoviev :
Est-ce que les communistes (au moment actuel) devraient s’efforcer à aller vers la prise du pouvoir sans les social-démocrates. Est-ce qu’ils sont déjà mûrs pour cela? Voilà ce qui est, à mon avis, la question. […] Il ne s’agit pas de ce que Brandler veut "éduquer les masses", mais de ce que la bourgeoisie plus les social-démocrates de droite transformerait la pièce éducative en une contre-attaque et les détruiraient au sol (ce pour quoi ils ont pour l’instant toutes les possibilités). […] À mon avis il faut retenir les Allemands, pas les encourager.
[Citation dans l’original ►.]
Et rétrospectivement (en aout 1927), il aborde la question de la manière suivante :
Dans la lettre a été abordée avant tout la question de la prise du pouvoir immédiate par les communistes. En juillet ou début aout 1923 n’était pas encore présent en Allemagne cette crise révolutionnaire profonde, qui mobilise des masses par millions, démasque la coutume de pactiser de la social-démocratie, désorganise totalement la bourgeoisie et met à l’ordre du jour la question de la prise du pouvoir immédiate. Évidemment, étant donnée la situation en juillet-aout en Allemagne il ne pouvait pas être question d’une prise de pouvoir immédiate par les communistes, lesquels, qui plus est, étaient en minorité dans les rangs de la classe ouvrière.
Une telle position est-elle correcte? Je pense qu’elle est correcte. C’est la même position que défendait le bureau politique à l’époque.
|…]
Or deux mois plus tard s’effectue en Allemagne un changement brusque de la situation dans le sens que la crise révolutionnaire s’accentue. Poincaré entreprend une attaque militaire contre l’Allemagne; la crise financière en Allemagne revêt un caractère catastrophique, au sein du gouvernement allemand débutent décomposition et changement continu de ministres; la vague révolutionnaire monte et menace de faire éclater la social-démocratie; commence un passage en masse des travailleurs de la social-démocratie vers les communistes; la question de la prise du pouvoir par les communistes vient à l’ordre du jour. Dans cette situation je me prononçais, de même que les autres membres de la commission du Komintern, résolument et fermement pour la prise du pouvoir immédiate par les communistes.
Comme on sait, il y avait au sein de la commission allemande, créée à l’époque, à laquelle appartenaient Zinoviev, Boukharine, Staline, Trotsky, Radek et une série de camarades allemands, un certain nombre de décisions concrètes sur l’aide directe pour les camarades allemands en vue de la prise du pouvoir. Est-ce qu’à l’époque les membres de cette commission étaient d’accord sur tout? Non, ce n’était pas le cas. Les différences d’opinion tournaient à l’époque autour de la question de l’organisation de soviets en Allemagne. Moi-même et Boukharine, nous affirmions que les conseils d’entreprise ne pouvaient pas remplacer les soviets, et proposions l’organisation immédiate de soviets prolétariens en Allemagne. Trotsky et Radek ainsi que quelques camarades allemands, étaient contre l’organisation de soviets, parce qu’ils croyaient que les conseils d’entreprise suffiraient pour la prise du pouvoir. Zinoviev hésitait entre ces deux groupes.
[Citation dans l’original ►.]
(Pour des réflexions rétrospectives formulées par E. Thälmann en octobre 1925, cf. Documents ►.)
Le 19 février se tient une réunion de la Centrale du KPD[71]. Elle approuve la résolution du 21 janvier, et décide de modifier la distribution des responsabilités de direction. La nouvelle Centrale comprend cinq membres de la majorité, ainsi que R. Fischer et E. Thälmann. H. Remmele prend la place de H. Brandler, avec E. Thälmann comme suppléant.
Du 7 au 10 avril 1924, se réunit clandestinement le 9e Congrès du KPD, à Francfort-sur-le-Main[72]. Le groupe autour de R. Fischer et A. Maslow obtient qu’E. Hoernle, W. Koenen, W. Stoecker, W. Ulbricht et C. Zetkin ne sont pas réélus à la Centrale. La nouvelle Centrale est composée de 15 membres[73] : H. Eberlein, R. Fischer, Wilhelm Florin, O. Geschke, F. Heckert, I. Katz, A. König, Maslow, W. Pieck, H. Remmele, Arthur Rosenberg, Ernst Schneller, W. Scholem, Max Schütz, E. Thälmann. Dimitrij Manuilskij, représentant du Comité exécutif de l’Internationale communiste, est préoccupé par le manque d’unité du Parti et préconise ‑ sans succès ‑ l’inclusion dans la nouvelle Centrale de quelques dirigeants écartés[74]. Fischer est désignée comme Présidente du Bureau politique du Comité central, qui comprend en outre Katz, Maslow, Rosenberg, Paul Schlecht[75], Scholem, Schütz, Thälmann. Le Secrétariat est composé de Fischer, Maslow et Scholem. Après l’arrestation de Maslow le 20 mai, Remmele, qui avait été inclus à la Centrale comme représentant du groupe intermédiaire mais s’était ensuite rapproché des positions du groupe autour de Fischer, est coopté au bureau politique[76].
Dans le cadre des réflexions entamées après la tentative d’insurrection d’octobre 1923, le Comité exécutif de l’IC avait adopté le 21 janvier 1924 une résolution au sujet de l’organisation des cellules d’entreprises. Elle stipule notamment[77] :
La base des organisations du Parti, ce sont les cellules de Parti établies par entreprise, qui la forment. Tous les communistes qui travaillent dans une entreprise déterminée doivent appartenir à la cellule d’entreprise de celle-ci.
[Citation dans l’original ►.]
Au sein du KPD des discussions dans le même sens sont menées[78]. En décembre 1923, des lignes directrices relatives à l’organisation avaient été établies, puis avait été préparé un projet de nouveaux statuts pour le parti. Mais dans le contexte de divergences traversant le parti, aucune décision précise n’est prise au cours du 9e congrès.
Du 17 juin au 8 juillet 1924 se tient à Moscou le 5e Congrès de l’Internationale communiste. La représentation du KPD au Comité exécutif est modifiée. C. Zetkin, E. Hoernle et P. Böttcher sont remplacés par O. Geschke, P. Schlecht et A. Rosenberg comme membres, R. Fischer et E. Thälmann comme candidats (Zetkin garde un mandat individuel)[79].
(Pour l’intervention d’E. Thälmann au congrès, cf. Documents ►.)
La composition complète du Comité exécutif élu par le congrès est la suivante[80]. Comme président : G. Zinoviev (Russie soviétique); comme membres : A. Bordiga (Italie), N. Boukharine (Russie soviétique), Chen Tu-hsiu (ou Tschin Du-liu) (Chine), G. Cristescu (Roumanie), G. Fiala (Autriche); F. Filipovič (pseudonyme B. Boškovič) (Yougoslavie), W. Z. Foster (USA), M. Frunze (Ukraine), O. Geschke (Allemagne), F. Grzelszczak (pseudonyme M. Grzegorzewski) (Pologne), K. Höglund (Suède), J. Jaquemotte (Belgique), T. Kaclerovič (pseudonyme Marinovič) (Yougoslavie), L. Kamenev (Russie soviétique), S. Katayama (Japon), K. Kilbom (Suède), V. Kolarov (Bulgarie), O. Kuusinen (Finlande), A. MacManus (Grande-Bretagne), D. Manuilskij (Ukraine), A. Muna (Tchécoslovaquie), A. Neurath (Tchécoslovaquie), J. Penelón (Amérique du Sud), O. Perez Solis (Espagne), H. Pollitt (Grande-Bretagne), M. N. Roy (Inde), A. Rosenberg (Allemagne), C. E. Ruthenberg (USA), A. Rykov (Russie soviétique), O. Scheflo (Norvège), P. Schlecht (Allemagne), L. Sellier (France), Semaoen (Java), P. Sémard (France), J. Staline (Russie soviétique), B. Šmeral (Tchécoslovaquie), P. Togliatti (pseudonyme Ercoli) (Italie), A. Treint (France), D. Wijnkoop (Pays-Bas), C. Zetkin (mandat individuel); comme candidats : P. Bogucki (Pologne), G. Brilliant (pseudonyme G. Sokolnikov) (Russie soviétique), G. Dimitrov (Bulgarie), F. Dobrovolný (Tchécoslovaquie), J. Doriot (France), W. Dunne (USA), R. Fischer (Allemagne), W. Gallacher (Grande-Bretagne), S. Girault (France), A. Hansen (Norvège), G. Jerram (France), B. Kun (mandat individuel), P. Ladan (pseudonyme Niedobyty) (Pologne), J. Larkin (Irlande), A. Lozovskij (Russie soviétique), F. Maffi (Italie), S. Markovič (pseudonyme Simič) (Yougoslavie), V. Mickiewicz-Kapsukas (Finlande et États baltes), O. Pjatnitskij (Russie soviétique), Karl Volk (pseudonyme Robert) (Allemagne), O. Samuelson (Suède), M. Scoccimarro (pseudonyme Marco) (Italie), R. Stewart (Grande-Bretagne), A. Tasca (pseudonyme Rienzi) (Italie), E. Thälmann (Allemagne), L. Trotsky (Russie soviétique), J. Vercik (Tchécoslovaquie), A. Zápotocký (Tchécoslovaquie).
Le présidium élu par le Comité exécutif lors du 4e plénum, élargi, tenu à l’issue du congrès, les 12‑13 juillet (le 3e plénum, élargi, s’était tenu du 12 au 23 juin 1923), est composé de la manière suivante. Comme membres : Boukharine, Geschke, Katayama, Kolarov, Kuusinen, MacManus, Manuilskij, Pollitt, Scheflo, Sémard, Staline, Šmeral, Thälmann, Togliatti, V. Vujovič, Zinoviev; comme candidats : Fischer, Frunze, Hansen, S. Hessen, Kamenev, Muna, Neurath, Rienzi, Roy, Rykov, Schlecht, Sokolnikov, Treint, Zetkin, et un représentant du American Workers’ Party. Le secrétariat est formé par Geschke, J. Humbert-Droz, Kuusinen, Pjatnitskij, Treint, avec MacManus et Neurath comme candidats.
Les gouvernements bourgeois imposent leur "normalisation"
Le 8 novembre 1923, Adolf Hitler entreprend une tentative de putsch à Munich, visant à pousser G. v. Kahr à accaparer le pouvoir central, au niveau national [Chronologie ►]. Parmi les participants à ce putsch, on trouve en premier lieu des représentants du NSDAP. En outre on y trouve le dirigeant de corps- franc Gerhard Rossbach, ainsi que Friedrich Weber, dirigeant de l’organisation “Bund Oberland”. Le 9 novembre, la police de Bavière met en échec cette entreprise. Le président F. Ebert charge le commandant de l’armée, le général Hans von Seeckt, des pouvoirs exécutifs. Le 23 novembre, Seeckt décrète l’interdiction, au niveau national, du NSDAP, du DVFP et du KPD. Toutes les organisations communistes sont dissoutes. La mesure restera en vigueur jusqu’à la levée de l’état d’exception par Ebert, le 28 février 1924 (en Bavière le KPD reste interdit entre le 11 novembre 1923 et le 14 février 1925), mais les unités d’intervention prolétariennes resteront interdites aussi après cette date.
Afin d’empêcher que son influence de masse recule davantage, le 2 novembre la direction du SPD décide de retirer ses ministres du gouvernement discrédité [Chronologie ►]. Le 23 novembre, l’Assemblée nationale refuse la confiance au gouvernement dirigé par G. Stresemann, celui-ci démissionne. Le 28, a lieu la constitution du premier gouvernement dirigé par Wilhelm Marx (député depuis 1899, depuis 1920 président du Zentrum), minoritaire formé de Zentrum, DVP, DDP. Le 3 décembre, le nouveau chancelier réunit les dirigeants des partis pour obtenir du SPD qu’il vote la loi des pleins pouvoirs. Aussi ce compromis n’est-il pas accepté sans résistances : le groupe parlementaire du SPD ne décide de voter les pleins pouvoirs, le 8 décembre, que par 73 voix contre 53.
En novembre 1918, le conseil des mandatés du peuple avait déclaré la mise en oeuvre de la durée journalière du travail de huit heures, puis cette disposition avait été confirmée par l’accord sur le Groupe central de travail constitué en décembre 1918. Des décrets avaient matérialisé ce principe, mais dans le cadre de dispositions transitoires venant à expiration en novembre 1923. À l’approche de l’échéance, employeurs et syndicats négocient des accords [Chronologie ► ►]. Le 29 novembre un accord est conclu dans le secteur des mines : la durée des équipes de 7 heures est prolongée à 8 heures. Les 13 et 14 décembre, des négociations aboutissent entre les syndicats de la métallurgie et le Groupe Nord-Ouest de l’Association d’industriels du fer et de l’acier allemands : la durée hebdomadaire du travail ‑ pour une semaine de six jours ‑ dans l’industrie sidérurgique, en excluant les pauses, est fixée à 59 heures en moyenne, dans les entreprises de transformation à 57 heures 1/2. Sur la base de la loi des pleins pouvoirs, le ministre du travail Heinrich Braun, le 21 décembre, édicte un décret sur le temps de travail. La durée journalière de huit heures est maintenue, mais de façon purement formelle : elle est assortie de diverses dispositions sur les heures supplémentaires, le dépassement peut aller jusqu’à une limite de 10 heures journalières. Sur cette base une partie importante des conventions collectives inclura des dispositions concernant des heures supplémentaires de 6 heures, voire de 12 [81]. Une étude menée par les syndicats en mai 1924 constate que près de 55 % des employeurs recensés ont instauré une durée du travail supérieure à 48 heures, 13 % supérieure à 54 heures.
Le 18 février 1924, un accord intervient entre H. v. Seeckt et l’armée bavaroise. Le 19, l’état de siège est levé. Le procès des responsables du putsch du 8 novembre 1923 commence le 26 février [Chronologie ►]. Il est clos le 1er avril par la condamnation d’A. Hitler à 5 ans de prison; il sera cependant relâché après huit mois.
En avril 1925 se tiennent des élections présidentielles, le deuxième tour a lieu le 26. P. v. Hindenburg est élu. La direction du SPD n’avait fait aucune offre de négociation au KPD. Avant même que le KPD, conformément à une recommandation du Comité exécutif de l’IC de début avril, ait pu soumettre au SPD la proposition de présenter en commun un candidat appartenant au SPD ou aux syndicats, la décision de soutenir la candidature de Wilhelm Marx (Zentrum) avait déjà été prise par la direction du SPD[82]. Le candidat du KPD, E. Thälmann, obtient 6,4 % des voix.
Ainsi, ce fut au bout de 5 ans environ que la bourgeoisie allemande aura réussi à rétablir les assises de son pouvoir, momentanément ébranlées par la situation de guerre et ses conséquences. Cette période sera la prémisse de celle qui lui succèdera, et qui sera caractérisée par un développement du capitalisme allemand dans un cadre relativement stable. Mais en même temps, les bases auront été jetées sur le plan politique, des facteurs qui se conjugueront ultérieurement avec la situation de crise économique apparaissant en 1929. En ce qui concerne le sujet dont nous traitons ici, il s’agit essentiellement du fait que les forces politiques d’extrême-droite ont pu tirer profit de circonstances favorables pour traverser une période de gestation, leur permettant de se structurer en vue de la prise du pouvoir. En résumé, non seulement la social-démocratie aura fait le lit du fascisme : sans vergogne, elle aura couché avec.
Le 31 mai 1924 se tient à Halle une réunion de la Centrale du KPD[83]. Le 11 mai les unités de défense liées au DVFP et au NSDAP avaient mobilisé pour une “Journée allemande” dans cette ville. Les communistes avaient entrepris de perturber la marche, la police avait ouvert le feu, causant 8 morts et 16 blessés graves. La Centrale aboutit à la conclusion de constituer des unités de défense propres, capables de protéger le mouvement ouvrier contre des attaques de la part de la police ou de l’extrême droite. Il est décidé de créer une telle organisation sous le nom de “Ligue rouge de combattants du Front” (“Roter Frontkämpferbund”, RFB)[84]. C’est ainsi que s’intitulèrent à Halle les unités d’intervention prolétariennes, interdites[85]. Afin de mettre en oeuvre l’édification du RFB de façon progressive, sont choisies d’abord les régions de Halle-Merseburg et Grand-Thüringen. Le premier groupe du RFB est formé en juillet 1924 à Hildburghausen, en Thüringen, puis à Halle le même mois, ensuite en aout à Chemnitz et à Dresde, en septembre à Leipzig. Le 1er février 1925 se tient à Berlin la 1e conférence nationale du RFB[86]. Elle désigne E. Thälmann comme président, avec Willi Leow comme adjoint. Le 21 mai se tient à Berlin la 2e Conférence nationale, puis le 3 juin 1927 la 3e[87]. Une réunion pour établir le RFB en Bavière est convoquée à Nürnberg en juillet 1925, mais elle est interdite par les autorités[88]. Ce n’est que le 2 avril 1928 que l’interdiction du groupe local de Dortmund sera levée et que des unités du RFB pourront être créées en Bavière.
Du 12 au 17 juillet 1925 se tient le 10e Congrès du KPD à Berlin. Depuis le printemps une partie du groupe autour de R. Fischer et A. Maslow, notamment W. Scholem, I. Katz et A. Rosenberg avaient formé une nouvelle opposition[89]. Au congrès Fischer, soutenue par E. Thälmann, E. Schneller et H. Remmele, les critiquent. Une nouvelle direction, appelée maintenant Comité central, est élue[90]. Sont membres Konrad Blenkle, Philipp Dengel, H. Eberlein, Fischer, W. Florin, O. Geschke, A. Gohlke, F. Heckert, Maslow, W. Pieck, Remmele, Fritz Schimanski, Joseph Schlaffer, P. Schlecht, F. Schmidt, Schneller, Scholem, Wilhelm Schwan, Thälmann, Hugo Urbahns; et candidats : Paul Bertz, A. Ewert, Otto Kühne, Josef Lenz (pseudonyme Joseph Winternitz), John Schehr, Max Strötzel, Jean Winterich[91]. D. Manuilskij, présent au congrès au nom de l’Internationale communiste, avait demandé en vain que la direction ne soit pas composée exclusivement de membres du groupe autour de Fischer, mais que soient représentées également les deux autres orientations. En novembre 1925 le bureau politique est composé comme suit : Blenkle, Dengel, Ewert, Geschke, Schneller, Schwan, Remmele, Thälmann.
[Interventions de E. Thälmann au congrès : Documents ► ► ►.]
Du 12 au 14 aout 1925, des discussions ont lieu entre le présidium du Comité exécutif de l’IC et des représentants du Comité central du KPD[92]. Il en résulte une Lettre ouverte du Comité exécutif de l’Internationale communiste critiquant la situation qui prévaut au sein du KPD [Documents ►]. Le 20 aout une majorité du Comité central approuve la lettre ouverte contre la voix de J. Lenz (Winternitz); font partie de cette majorité entre autre K. Blenkle, Ph. Dengel, H. Eberlein, A. Ewert, W. Florin, O. Geschke, F. Heckert, W. Pieck, H. Remmele, E. Thälmann, J. Schehr, E. Schneller, J. Winterich. Les 31 octobre et 1er novembre se tient la 1e Conférence nationale du KPD[93]. Les délégués ont été désignés sur la base de cellules d’entreprise. Le 11 novembre, E. Thälmann devient président du Bureau politique. La direction comprend notamment Dengel, Schneller, Ernst Meyer, Ewert. R. Fischer, A. Maslow et W. Scholem sont exclus du Comité central, puis le seront du Parti (Fischer et Maslow en aout 1926, Scholem en novembre 1926)[94]. Seront également exclus I. Katz (en janvier 1926) et H. Urbahns (en novembre 1926); A. Rosenberg quittera le Parti en avril 1927.
Dans le domaine syndical, le 3e congrès de l’Internationale syndicale rouge (ISR) en juillet 1924, puis le congrès du KPD de juillet 1925 avaient adopté des résolutions en vue de l’intégration de toutes les organisations particulières dans les unions correspondantes de l’ADGB[95]. En septembre 1921 avait été constituée l’“Union des travailleurs manuels et intellectuels” (“Verband der Hand- und Kopfarbeiter”), par la fusion de trois syndicats n’appartenant pas à l’ADGB, qui s’étaient constitués après novembre 1918 : l’Union des travailleurs manuels et intellectuels ayant son siège à Berlin, l’Union libre de travailleurs tendance Gelsenkirchen (Freie Arbeiter-Union Richtung Gelsenkirchen, FAU-Gelsenkirchen) ‑ distincte de l’Union libre de travailleurs d’Allemagne (Freie Arbeiter-Union Deutschlands, FAUD), anarchosyndicaliste ‑, et l’Union de travailleurs agricoles (Landarbeiterverband) ayant son siège à Braunschweig[96]. Au niveau international, l’Union ainsi créée avait adhéré à l’ISR. Suite à la réévaluation de la situation opérée en 1924-1925, la dissolution de l’Union des travailleurs manuels et intellectuels est mise en oeuvre. Le processus est achevé pour l’essentiel en automne 1925; des restes de l’Union dissoute existeront encore jusqu’en 1929.
Le 25 novembre 1925, le KPD publie un projet de loi prévoyant l’expropriation sans dédommagement des dynasties princières au pouvoir jusqu’en 1918[97]. Le 4 décembre le Rote Fahne publie une lettre ouverte du Comité central du KPD au SPD et aux syndicats libres les appelant à exiger en commun avec le KPD un référendum (Volksentscheid)[98] sur cette question. Le 23 janvier 1926, KPD, SPD et ADGB déposent officiellement le projet de loi. Un plébiscite (Volksbegehren) pour appuyer la démarche a lieu du 14 au 17 mars et obtient plus de 12 millions de voix, mais le 6 mai le Parlement rejette le projet de loi. Le 20 juin est organisé le référendum correspondant, qui en cas de succès confèrerait force de loi au texte. La procédure obtient plus de 14 millions de voix favorables, mais le seuil nécessaire (situé à près de 20 millions) n’est pas atteint.
Du 17 février au 15 mars 1926 se tient le 6e plénum, élargi, du Comité exécutif de l’IC (le 5e plénum, élargi, s’était tenu du 21 mars au 6 avril 1925)[99]. Pour le KPD, H. Remmele, E. Thälmann et C. Zetkin sont élus comme membres du Présidium (et pas de candidat). Thälmann est désigné comme adjoint du président du Comité exécutif, O. Geschke comme membre du secrétariat. Les problèmes posés par la situation au sein du KPD occupent une place importante dans les discussions. Thälmann intervient à plusieurs reprises [Documents ► ►]. On peut encore citer un certain nombre de discours de Thälmann dans les mois consécutifs [Documents ► ► ►]. Thälmann intervient également au 7e plénum, élargi, tenu du 22 novembre au 16 décembre 1926 [Documents ► ► ►]. À ce dernier plénum, la décision est prise d’écarter G. Zinoviev de la direction de l’IC[100]; pour le KPD, outre les membres du présidium élus au 6e plénum, Geschke est désigné comme candidat, et Remmele entre au secrétariat.
Du 2 au 7 mars 1927 se tient à Essen le 11e Congrès du KPD. E. Thälmann intervient à plusieurs reprises [Documents ► ► ►]. Le congrès adopte de nouveaux statuts du Parti. Le Comité central désigné comprend K. Becker, Adolf Betz, K. Blenkle, Franz Dahlem, Ph. Dengel, Paul Dietrich, H. Eberlein, A. Ewert, Leo Flieg, W. Florin, Max Gerbig, O. Geschke, Arthur Golke, Walter Hähnel, F. Heckert, Wilhelm Hein, Paul Merker, E. Meyer, W. Münzenberg, Michael Niederkirchner, Helene Overlach, W. Pieck, H. Remmele, J. Schlaffer, E. Schneller, Hans Schröter, Fritz Schulte, G. Schumann, W. Stoecker, E. Thälmann, W. Ulbricht, J. Winterich, John Wittorf, C. Zetkin, Julius Biefang[101]. À cela s’ajoutent comme candidats : Albert Bassüner, Franz Bellemann, Gerhart Eisler, Karl Fischer, Heinrich Galm, Paul Grasse, Ernst Grube, Joseph Hark, Erich Hausen, Hans Kollwitz, W. Leow, Heinz Neumann, Paul Maslowski, Alfred Noll, J. Schehr, Heinrich Süßkind, Heinrich Wesche, J. Lenz (Winternitz). Le Bureau politique est composé de Thälmann comme président, Dengel, Eberlein, Ewert, Heckert, Merker, Meyer, Remmele et Schneller comme membres ainsi qu’Eisler, Pieck et Süßkind comme candidats; en outre Flieg occupe la fonction de secrétaire du Bureau politique. Le Secrétariat politique est formé de Dengel, Ewert, Meyer et Thälmann.
Du 9 au 25 février 1928, se tient le 9e plénum, non élargi, du Comité exécutif de l’IC. (Le 8e plénum, non élargi, s’était tenu du 18 au 30 mai 1927.) Les délégués du PCUS(b) et du KPD adoptent une résolution commune relative à la situation du KPD[102] [Documents ►]. Les signataires pour le KPD sont Ph. Dengel, G. Eisler, A. Ewert, H. Neumann, H. Remmele et E. Thälmann. La délégation du KPD au présidium reste inchangée.
Du 17 juillet au 1er septembre 1928 se tient le 6e Congrès de l’Internationale communiste. Il adopte un Programme de l’IC, commun à l’ensemble des sections nationales. Thälmann intervient à plusieurs reprises [Documents ► ►]. Après le congrès, il en rend compte dans un article publié par le Rote Fahne [Documents ►].
Le Comité exécutif de l’IC désigné par le congrès comprend pour le KPD : Ph. Dengel, W. Pieck, H. Remmele, E. Thälmann, C. Zetkin comme membres; A. Ewert, F. Heckert, E. Schneller, W. Ulbricht comme candidats[103]. Remmele, Thälmann, Zetkin sont élus comme membres du Présidium (et pas de candidat).
La composition complète du Comité exécutif est la suivante.
Les membres sont : H. Barbé (France), Th. Bell (Grande-Bretagne), N. Boukharine (URSS), J. Campbell (Grande-Bretagne), R. Carillo (Mexique), Chatterji (Inde), Chung‑fa Hsiang (Hsiang) (Chine), Chü Chiu‑pai/Qu Qiubai (pseudonyme Tsiu Vito) (Chine), Ph. Dengel (Allemagne), H. Ferdi (Turquie), Fermin-Araja (Chili), F. Filipovič (pseudonyme B. Boškovič) (Yougoslavie), W. Foster (USA), P. Furubotn (Norvège), R. Ghioldi (Argentine), E. Gómez (Uruguay), K. Gottwald (Tchécoslovaquie), J. Jaquemotte (Belgique), B. Jilek (Tchécoslovaquie), S. Manabu (pseudonyme Kato) (Japon), K. Kilbom (Suède), V. Kolarov (Bulgarie), B. Kun (Hongrie), J. Koplenig (Autriche), F. Lacerda (pseudonyme Amerigo Ledo) (Brésil), J. Leszczyński (pseudonyme Leński) (Pologne), J. Lovestone (USA), A. Lozovskij (URSS), K. Manner (Finlande), D. Manuilskij (URSS), V. Mickiewicz-Kapsukas (Pays Baltes), V. Molotov (URSS), Musso (Indonésie), M. Pauker (pseudonyme Popescu) (Roumanie), W. Pieck (Allemagne), O. Pjatnitskij (URSS), E. Próchniak (Pologne), H. Remmele (Allemagne), A. Rykov (URSS), O. Samuelson (Suède), P. Sémard (France), N. Skrypnik (URSS), B. Šmeral (Tchécoslovaquie), M. Spector (Canada), J. Staline (URSS), Su Chao‑cheng/Su Zhaozheng (pseudonyme Li‑Kuang) (Chine), Syphneios (Grèce), A. Tasca (pseudonyme Serra) (Italie), E. Thälmann (Allemagne), M. Thorez (France), P. Togliatti (pseudonyme Ercoli) (Italie), F. Wieser (Suisse); pour l’International communiste des Jeunes : C. Blenkle, R. Chitarov, W. Rust; mandat individuel : J. Humbert-Droz, S. Katayama, O. Kuusinen, C. Zetkin.
Les candidats sont : Chang Kuo‑tau (pseudonyme Chang Piao) (Chine), Chou En‑lai (pseudonyme Chen Kuang) (Chine), Darsono (Indonésie), G. Dimitrov (Bulgarie), D. Djaković (pseudonyme Bosnić) (Yougoslavie), J. Doriot (France), I. Drabkin (pseudonyme S. Gusev) (URSS), A. Ewert (Allemagne), B. Frachon (France), B. Gitlow (USA), S. Gopner (URSS), R. Grieco (pseudonyme Garlandi) (Italie), A. Hansen (Norvège), F. Heckert (Allemagne), A. Horner (Grande-Bretagne), M. Hubelmann (pseudonyme E. Jaroslavskij) (URSS), O. Huiswoud (USA), J. Kavanagh (Australie), G. Knorin (pseudonyme Sokolik) (Pologne), López (Cuba), T. Malaka (Afrique du Sud), V. Mojrova (URSS), G. Monmousseau (France), D. Naoradji (Inde), Pascal (Espagne), H. Pollitt (Grande-Bretagne), N. Popov (pseudonyme Lovickij) (Pologne), L. Purman (Pologne), P. Reiman (Tchécoslovaquie), Riasco‑Giulio (Colombie, Équateur), E. Schneller (Allemagne), Shauki/Šauki (Égypte, Palestine, Syrie), H. Sillen (Suède), Th. Thögersen (Danemark), Turini (Italie), W. Ulbricht (Allemagne), J. Vercik (Tchécoslovaquie), L. de Visser (Pays-Bas), M. Watanabe (pseudonyme Asano) (Japon), A. Zápotocký (Tchécoslovaquie); pour l’International communiste des Jeunes : F. Billoux, Hwan Li/Guan‑li; mandat individuel : J. Varga.
Un présidium est désigné composé de la manière suivante. Les membres sont : Barbé, Sémard, Bell, Boukharine, Lozovskij, Manuilskij, Molotov, Pjatnitskij, Staline, Jilek, Šmeral, Remmele, Thälmann, Manabu, Kolarov, Kun, Próchniak, Chü Chiu‑pai, Gitlow, Musso, Kilbom, Tasca, Togliatti, Katayama, Kuusinen, Zetkin, Humbert-Droz; pour l’International communiste des Jeunes : Chitarov. Les candidats sont : Pollitt, Heckert, Leszczyński, Purman, Chang Kuo‑tau, Foster, Hansen; pour l’International communiste des Jeunes : Rust.
Le présidium désigne un secrétariat politique. Sont membres Barbé, Bell, Boukharine, Kuusinen, Molotov, Pjatnitskij, Remmele, Tasca, Chü Chiu‑pai, Šmeral, Humbert-Droz; sont candidats Manuilskij, Lozovskij, Chitarov.
En septembre, E. Thälmann fait l’objet d’une controverse[104]. Au printemps de l’année, John Wittorf, membre du Comité central du KPD et secrétaire politique de la direction du district Wasserkante ainsi que candidat du Parti pour les élections à l’Assemblée nationale qui s’étaient déroulées en mai, avait détourné des sommes d’argent collectées pour la campagne électorale. E. Thälmann ainsi que quelques autres dirigeants étaient informés des faits. Compte tenu de la campagne électorale en cours, ils considéraient préférable de ne pas donner de la résonance à ce problème dans l’immédiat. Cependant, durant l’absence de Thälmann du fait de sa participation au congrès de l’IC, l’affaire fut dévoilée. Le 26 septembre, le Comité central décide de suspendre Thälmann dans l’exercice de ses fonctions et de saisir le Comité exécutif de l’IC conformément aux statuts de celui-ci, Thälmann en étant membre. Or, au-delà de cette mesure interne au Parti, toute la question est exposée publiquement le lendemain dans le Rote Fahne. Le 6 octobre le présidium du Comité exécutif de l’IC adopte une résolution critiquant la mesure prise à l’encontre de Thälmann. Le 18, le Comité central du KPD délibère de nouveau et cette fois-ci annule la suspension de Thälmann, par un vote de 26 voix pour et 6 contre (9 pour et 3 contre chez les candidats).
À la suite du 6e congrès de l’Internationale communiste, se tient les 3 et 4 novembre 1928 à Berlin la 2e Conférence du KPD. Elle adopte deux résolutions relatives au congrès de l’IC.
Extraits de la résolution sur le 6e congrès de l’IC[105] :
IX.
Le 6e Congrès mondial a attiré l’attention de tous les communistes sur l’importance accrue du danger opportuniste de droite dans notre propre camp. […] La fraction de droite dans le KPD (groupe Brandler-Thalheimer-Walcher-Frölich-Hausen) […] tente de pousser le Parti de la voie de la révolution prolétarienne vers la voie du réformisme démocratique, et d’effectuer, à la place de la lutte contre la social-démocratie contrerévolutionnaire, un rapprochement à la social-démocratie, en particulier à leurs dirigeants “de gauche”, ces agents les plus dangereux de la bourgeoisie dans la classe ouvrière. […] La fraction de droite a rompu idéologiquement et politiquement avec les principes du communisme et se trouve dans un même front avec les ennemis de la révolution prolétarienne.
X.
Le 6e Congrès mondial engage tous les communistes à mener, simultanément avec la lutte contre le danger opportuniste de droite, la lutte "systématique" contre la position conciliatrice envers les courants de droite; il a souligné la nécessité de cette lutte systématique en particulier pour le KPD. Les groupes conciliatrices dans le KPD sous la direction des camarades Ewert et Gerhart a commencé déjà avant le 6e Congrès mondial, […] de réviser le cours à l’intérieur du Parti en faveur des éléments opportunistes, de droite.
[Citation dans l’original ►.]
Extraits de la résolution au sujet du programme de l’IC [106] :
Le CC du KPD voit dans le programme du Komintern adopté à l’unanimité par le 6e congrès mondial un exposé clair, conséquent, des principes du marxisme-léninisme et leur application correcte à notre époque, l’époque de la révolution mondiale. Le CC salue la création de ce document de signification historique mondiale comme un signe de la maturité et l’unité du Parti communiste mondial. Le CC déclare que ce programme doit former la base de l’ensemble de l’activité du KPD ainsi que de toutes les autres sections du Komintern.
[Citation dans l’original ►.]
Le 19 décembre 1928, le présidium du Comité exécutif de l’Internationale communiste adopte une Lettre ouverte à tous les membres du KPD sur le danger de droite dans le Parti communiste d’Allemagne[107]. Le 21, le Bureau politique du KPD approuve la lettre, en son sein seul E. Meyer vote contre[108]. Le Bureau politique exclut du Parti J. Walcher, P. Frölich, August Enderle, Max Köhler, Albert Schreiner, Hans Tittel, Alfred Schmidt[109] et Karl Rehbein. H. Brandler et A. Thalheimer, formellement membres du PCUS(b), sont exclus de leur côté en janvier 1929. Finalement, le Comité central du KPD adopte une résolution au sujet de la lettre ouverte, durant une réunion tenue les 24-25 janvier 1929[110].
Le 29 décembre un certain nombre de ces exclus du KPD ensemble avec des opposants encore membres de celui-ci, forment le “Parti communiste d’Allemagne (Opposition)” (“Kommunistischen Partei Deutschlands (Opposition)”, KPO). Parmi les fondateurs figurent des anciens membres du Comité central[111] : A. Thalheimer 1919–1924, P. Frölich 1919–1923, H. Brandler 1919–1924, J. Walcher 1920–1924, Rosi Wolfstein 1920–1923, Heinrich Galm 1927–1928, Erich Hausen 1927–28. Venant du KPD, participent également Otto Engert, Dagobert Lubinski, Irmgard Rasch, Robert Siewert. Un rapprochement s’opère entre le KPO et une autre organisation fondée précédemment par un groupe d’exclus du KPD, la Ligue Lénine (Leninbund). Cette dernière s’était constituée les 8 et 9 avril, avec H. Urbahns comme président [112]. Au départ, elle s’était fixé comme objectif le "regroupement organisationnel de tous les communistes au sein et en dehors du Parti communiste d’Allemagne qui, en rejetant le stalinisme, sur le terrain des principes léninistes, luttent pour la réunification de tous les communistes en Allemagne et dans l’Internationale communiste" [citation dans l’original ►]. Mais rapidement elle avait modifié son orientation en se dirigeant vers la constitution d’un parti communiste comme alternative au KPD. Il en résulta la défection d’un certain nombre de membres fondateurs, à savoir W. Scholem, M. Hesse, R. Fischer, A. Maslow, P. Schlecht, F. Schimanski et Bruno Mätzchen. Bien qu’ayant des points communs avec les positions propagées par L. Trotsky, la Ligue Lénine divergeait de la perspective envisagée par celui-ci, de réorienter de l’intérieur l’Internationale communiste et ses partis membres. Ainsi les militants trotskistes proprement dits seront exclus de la Ligue Lénine en 1930.
Le 13 décembre 1928, le préfet de police de Berlin Karl Zörgiebel (SPD) interdit pour un temps indéterminé les manifestations et rassemblements en plein air. Sous une forme modifiée, la mesure restera en vigueur jusqu’au 3 juin 1929. Le 21 mars 1929, le ministre de l’intérieur de Prusse Albert Grzesinski (SPD) étend cette interdiction à toute la Prusse. Il complète cette décision par une campagne de menaces. Ainsi, dans un appel diffusé le 23 par voie de presse ‑ le texte parait notamment le 24 dans l’organe du SPD, le Vorwärts ‑, il précise[113] :
Je réitère donc aujourd’hui une fois de plus très sérieusement ma mise en garde à toutes les organisations politiques, unions et aux dirigeants des partis politiques qui leur sont proches […]. Au cas où il se trouverait que cette ultime tentative […] se perde sans être entendue, alors, pour le bien de la population pacifique et désireuse de paix, je procèderai impitoyablement contre les organisations radicales par tous les moyens à ma disposition. Ce faisant, je ne reculerai pas devant la dissolution d’unions et associations qui en même temps ont la forme de partis politiques. […]
Le 12 avril, le KPD adopte un appel à manifester le 1er mai qui indique notamment : "La social-démocratie est la meilleure troupe de protection pour la bourgeoisie allemande, est le large bélier d’attaque du fascisme et de l’impérialisme." [Documents ►.] [Citation dans l’original ►.] Pour préparer la manifestation du 1er mai, des comités sont constitués dans de nombreux quartiers de Berlin[114]. Le premier est organisé le 26 mars à l’usine de turbines d’AEG; le 12 avril est formé le Comité de Grand-Berlin, le “Comité de Mai des travailleurs berlinois” [“Maikomitee der Berliner Arbeiterschaft”], avec 60 membres venant de plus de 600 organisations, notamment de syndicats d’entreprises.
Le 26 avril, le Comité de Grand-Berlin publie un appel à manifester le 1er mai malgré l’interdiction [Documents ►] :
Dans toutes les entreprises les travailleurs berlinois ont décidé de cesser le travail le 1er Mai et de manifester en toutes circonstances. Cette année encore, malgré Zörgiebel, les travailleurs berlinois resteront fidèles à la tradition du défilé de lutte le 1er Mai.
Le préfet de police social-démocrate Zörgiebel procède fébrilement à des préparatifs, pour faire intervenir sa police contre les masses des travailleurs en manifestation. Selon l’aveu de journaux sociaux-démocrates eux-mêmes Zörgiebel prépare "de sang-froid l’assassinat de travailleurs pour le 1er Mai" et procède à des préparatifs pour "faire du 1er mai une journée de morts". Le comité de mai des travailleurs berlinois, élu par les représentants des principales grandes entreprises et de nombreuses organisations ouvrières, met en garde le préfet de police. Même à Munich réactionnaire, même à Hambourg, à Kiel, en Schleswig-Holstein ‑ partout les interdictions de manifester ont été levées pour le 1er mai. Seul le préfet Zörgiebel veut provoquer le 1er mai un bain de sang parmi la manifestation non armée des travailleurs berlinois. Le comité de mai berlinois déclare au nom des travailleurs berlinois, que le personnel des entreprises répondra par la grève politique de masse le 2 mai, si Zörgiebel ose faire couler du sang d’ouvrier le 1er mai.
[Citation dans l’original ►.]
Le 27 avril, K. Zörgiebel confirme l’interdiction des manifestations et rassemblements, en menaçant ceux qui pourraient passer outre[115] : "Car je suis décidé à imposer l’autorité de l’État à Berlin par tous les moyens à ma disposition." Ces déclarations visent précisément les organisations communistes qui affirment leur volonté de manifester à l’occasion de la journée du 1er mai. Ainsi Zörgiebel, dans l’article cité, appelle la population à ne pas suivre les appels du KPD, puisque celui-ci agit selon les orientations de Moscou et : "Ainsi selon la volonté des communistes, le 1er mai dans les rues de Berlin le sang doit couler!". Le Vorwärts aussi formule ce type d’accusations[116].
Le 30 avril, le Rote Fahne publie un appel s’adressant aux membres des forces de police [117] :
Nous, les communistes, vous disons à vous, les fonctionnaires, que les travailleurs ayant une conscience de classe, qui demain sortiront dans la rue sous les drapeaux du Parti communiste, n’ont aucun intérêt à des affrontements; c’est pourquoi ils marcheront sans armes; il vous appartient de montrer que vous n’êtes pas des instruments sans volonté, des officiers. […] Ne matraquez pas, ne tirez pas sur vos frères de classe marchant sans armes!
[Citation dans l’original ►.]
Le 1er mai, dès le matin, se forment des cortèges dans différents lieux de la ville, pour se rendre des quartiers périphériques vers le centre. La police intervient, utilisant matraques, canons à eau, et aussi armes à feu. Les manifestants rejoignent les participants des réunions syndicales à la sortie des salles. Ils se comptent par dizaines de milliers; selon des estimations, jusqu’à 200 000 manifestants se trouvent ainsi entre Alexanderplatz et Potsdamer Platz, à un moment ou un autre de la journée. En milieu de journée, en faisant l’usage des armes, la police investit l’une des principales salles de réunion (Kliems Festsäle) où sont rassemblés 3000 participants. À différents endroits des affrontements violents ont lieu entre manifestants et police. La police fait intervenir des véhicules blindés. L’après-midi, dans les quartiers Wedding et Neukölln, des manifestants passent à l’offensive, érigeant des barricades.
Le 2 mai, le KPD lance un appel à la grève avec notamment les consignes : "Décidez la grève politique de masse contre les assassins de travailleurs!", "À bas la social-démocratie, le parti d’assassins taché de sang!" [Citation dans l’original ►]. [Documents ►.] Les affrontements se prolongent jusque dans la nuit du 3 au 4 mai. Le matin du 3, l’état d’exception est déclaré dans les quartiers Wedding et Neukölln[118] : "Des personnes qui se déplacent dans la rue sans destination déterminée seront arrêtées. Il est interdit que trois personnes ou plus se déplacent ensemble. […] Les personnes qui ne respectent pas ces dispositions risquent leur vie." Cette mesure restera en vigueur jusqu’au 6. Le bilan des affrontements est de plus de 30 morts, et plus de 1200 personnes arrêtées[119]. Pour protester contre le massacre, 25 000 travailleurs à Berlin et 50 000 dans toute l’Allemagne se mettent en grève. Le 2 mai, le gouvernement de Prusse interdit l’organe du KPD, Rote Fahne; la mesure restera en vigueur sept semaines. La Ligue rouge de combattants du Front (RFB) et les organisations associées ‑ Front rouge de la jeunesse (Rote Jungfront), Marine rouge (Rote Marine) ‑ seront interdites en Prusse et en Bavière le 6, les jours suivants également en Saxe, Hambourg, Lippe-Detmold, Mecklenburg-Strelitz, Baden et Thüringen. A. Grzesinski préconise également l’interdiction du KPD mais C. Severing, devenu ministre de l’intérieur du Reich l’année précédente, considère la mesure difficile à mettre en oeuvre[120]. Ainsi, le RFB sera contraint à se maintenir dans la clandestinité, et ceci jusqu’à la prise du pouvoir par les national-socialistes. L’existence de structures organisationnelles sera désormais fortement limitée. Néanmoins, par exemple, le 27 novembre, des groupes du RFB en uniforme défilent à Nürnberg[121].
Après les évènements de début de mai, le SPD poursuit sa campagne de propagande contre le KPD. Il diffuse une brochure intitulée "Der Mai-Putsch ‑ Die Schuld der Kommunisten an den blutigen Maivorgängen 1929 in Berlin". Voici des extraits [122] :
La direction centrale du Parti communiste a profané la grande idée de la journée de fête mondiale prolétarienne, par une campagne de dénigrement dépourvue de sens et de dignité, de travailleurs contre travailleurs, il a trainé l’idée de lutte puissante du 1er mai dans la boue d’une comédie de barricades criminelle, dans la folie d’une "action armée".
Or, plus gravement encore que notre accusation pèse la responsabilité et le crime de ceux qui portent la responsabilité des évènements sanglants. La culpabilité et la responsabilité pour ce qui est arrivé et arrivera encore, doivent être établies de façon claire et implacable dans l’intérêt de l’unité et de la pureté du mouvement ouvrier. Car ici il s’agit d’un crime envers l’ensemble des travailleurs allemands. Les évènements des premiers journées de mai n’ont pas été l’éruption spontanée d’une volonté de masse unifiée, ils n’ont pas été le signe avant-coureur ni la conséquence de grands évènements se déroulant inexorablement. Plutôt, la tragédie sanglante du 1er Mai a été le résultat, préparé de façon planifié et voulu consciemment, d’un travail d’excitation marqué de rage aveugle, dont la raison plus profonde est l’impuissance, devenant toujours plus clair, de l’Internationale communiste, et dont l’objectif est la destruction de la social-démocratie et l’instauration de la dictature communiste.
[Citation dans l’original ►.]
Du 8 au 15 juin 1929 se tient à Berlin-Wedding le 12e congrès du KPD. Il publie un manifeste, qui se réfère notamment aux évènements du 1er mai :
Le social-démocrate Grzesinski menace de prononcer l’interdiction du KPD et du RFB. Sur Berlin et Hambourg est déjà instauré l’état de siège. Des interdictions de manifester de la part des préfets de police social-démocrates sont déjà annoncées pour une série d’autres villes. Le préfet de police social-démocrate de Berlin, Zörgiebel, s’allie avec les dirigeants de l’ADGB en vue de l’interdiction du 1er mai. Ce qui n’a pas réussi avec l’Allemagne de Guillaume, ce que Jagow[123] et Keudell[124] n’ont pas accompli ‑ les laquais social-démocrates de la bourgeoisie des trusts veulent l’accomplir.
[Citation dans l’original ►.]
Le congrès adopte également une résolution, dont voici un extrait :
La bourgeoisie a de plus en plus recours, de plus en plus sciemment, de plus en plus rapidement, à des méthodes fascistes et dictatoriales de défense de sa domination de classe contre le prolétariat. La liquidation des vestiges de la pseudo-démocratie bourgeoisie a été engagée. L’instauration de la dictature ouverte du capital financier, débarrassée des limites de la démocratie formelle a été mise à l’ordre du jour.
[Citation dans l’original ►.]
Le Comité central [Zenralkomitee] élu par le congrès est composé de la manière suivante[125] : sont membres Joseph Büser, F. Dahlem, Ph. Dengel, L. Flieg, W. Florin, O. Geschke, Ernst Grube, A. Golke, Walter Häbich, Margarete Hahne, Fritz Hastenreiter, F. Heckert, W. Hein, Wilhelm Kasper, Robert Klausmann, W. Koenen, Karl Küll, J. Lenz, Willy Leow, Friedrich Lux, P. Merker, W. Münzenberg, Heinz Neumann, M. Niederkirchner, Gustav Nitsche, H. Overlach, W. Pieck, Gustav Pötsch, H. Remmele, Rudolf Renner, Helene Rosenhainer, J. Schlaffer, F. Schulte, W. Stoecker, E. Thälmann, W. Ulbricht, Karl Winter, J. Winterich; sont candidats Paul Bertz, Klara Blinn, Philipp Daub, Karl Fischer, Walter Kassner, Hans Kippenberger, Willi Koska, Frida Krüger, Karl Kübler, Albert Kuntz, Kurt Müller, Alfred Noll, Max Opitz, H. Pfeiffer, Siegfried Rädel, J. Schehr, Albert Schettkat, Heinrich Schmidt[126], Hermann Schubert, Fritz Schuldt, Franz Stenzer, Arthur Ullrich, Otto Voigt, Willi Voigt, Erna Weber.
Le Bureau politique est composé comme suit. Comme président : E. Thälmann; comme secrétaire : L. Flieg; comme membres : F. Dahlem, W. Florin, F. Heckert, P. Merker, W. Pieck, H. Remmele, F. Schulte, W. Ulbricht, J. Winterich; comme candidats : W. Hein, W. Kasper, H. Neumann, H. Overlach. Le secrétariat politique est composé de Thälmann, Remmele et Neumann.
Pour les interventions d’E. Thaelmann, cf. Documents ► ► ►.
En juillet 1929 Thaelmann participe au 10e plenum du Comité exécutif de l’IC : Documents ► ►. En octobre se tient un plenum du Comité central du KPD : Documents ►. Le 12 congrès est le dernier avant la prise du pouvoir par les national-socialistes. Ce n’est qu’en octobre 1935 que se tiendra la dénommée Conférence de Bruxelles du KPD, considérée comme 13e congrès.
La confrontation avec les agissements des dirigeants social-démocrates se manifeste en particulier dans le domaine de l’activité syndicale. Du 17 mars au 3 avril 1928 se tient le 4e congrès de l’Internationale syndicale rouge qui discute de cette problématique, laquelle est traitée également au 6e congrès de l’Internationale communiste qui se tient du 17 juillet au 1er septembre[127]. L’accent est mis sur la nécessité de contrer plus efficacement l’emprise des réformistes sur la conduite des luttes pour des revendications économiques, et de lever notamment l’obstacle considérable que constitue la ligne de conduite répandue selon laquelle il faut respecter aussi bien la légalité que la discipline vis-à-vis des consignes émanant des directions syndicales. Concernant ce dernier aspect, la modification de la tactique revient à abandonner la position antérieure, formulée par exemple dans une résolution adoptée en mars 1926 par le Comité exécutif de l’IC en relation avec la formation par le Parti de fractions au sein des organisations syndicales[128]. En effet il était précisé [129] : "Ce travail syndical communiste s’effectue dans le cadre des statuts et des décisions des syndicats concernés." [Citation dans l’original ►.]
Comme élément important pour aller dans le sens voulu, les décisions adoptées par l’IC, l’ISR ainsi que le KPD insistent désormais sur le besoin, en cas de conflit revendicatif, de mettre en place des directions de grève élus comprenant des travailleurs de la base, indépendamment de leur appartenance politique ou syndicale, y compris des inorganisés. Ultérieurement, cette approche du problème mènera dans une certaine mesure à la constitution d’une structure d’“Opposition syndicale révolutionnaire” (“Revolutionäre Gewerkschafts-Opposition”, RGO) destinée à regrouper les militants communistes exclus des syndicats dominés par les social-démocrates.
Ainsi le 9e plénum, non élargi, du Comité exécutif de l’IC, tenu du 9 au 28 février 1928, adopte une résolution sur la question syndicale (25 février). Voici des extraits [130] :
Avec la centralisation particulièrement rapide du capital durant la période actuelle de la croissance des organisations capitalistes (Trusts, groupes etc.) et l’imbrication de ces organisations avec l’appareil du pouvoir d’État bourgeois, les grèves ont tendance à revêtir rapidement un caractère politique, faisant entrechoquer les forces du prolétariat avec les forces de l’État bourgeois. Dans ces circonstances la tâche des communistes consiste à éclairer les masses sur les perspectives de la lutte, de mobiliser des couches aussi large que possible des travailleurs, de promouvoir de toute force leur regroupement révolutionnaire et de porter toute la lutte sur une échelle plus élevée. […]
C’est pourquoi les communistes ont la tâche de prendre la voie d’une tactique qui rend possible d’arracher aux réformistes la direction des grèves. On doit faire tout pour prendre en main l’initiative en vue de la formation de directions de grève et pour se placer à leur tête. […]
Chaque grève doit devenir une arène de la lutte pour la direction, entre communistes et réformistes. En conséquence de cela, l’attitude des communistes doit viser à assurer aux communistes la direction dans la grève. Il est nécessaire de mobiliser les masses sous des mots d’ordre communistes et de travailler à ce que par les organisations syndicales la propre tactique soit mise en oeuvre, à ce que l’attitude traitre des réformistes soit démasquée sur le plan de la lutte, et à ce que dans des moments propices soit organisé des grèves contre la volonté de la bureaucratie syndicale; à cette fin on doit former des directions de grève, se saisir de la direction des comités de grève et par là la direction de l’ensemble de la grève. […]
[Citation dans l’original ►.]
Le 6e congrès de l’IC (juillet-septembre 1928), adopte une résolution "sur la situation internationale et les tâches de l’Internationale communiste" qui aborde aussi la question syndicale [131] :
35. Dans les pays capitalistes " avancés " où se dérouleront les combats les plus décisifs pour la dictature prolétarienne et pour le socialisme, la tactique générale des partis communistes doit être orientée contre toute " intégration " des organisations ouvrières dans les organisations capitalistes privées ou étatiques, contre l’union des syndicats avec les trusts, contre la " Paix industrielle ", contre l’arbitrage obligatoire, contre le pouvoir gouvernemental de la bourgeoisie et contre les trusts. […]
36. Étant données la trustification intense de l’industrie, les tendances au capitalisme d’Etat, l’interpénétration des organisations de l’État et des trusts et de l’appareil des syndicats réformistes, étant donnée la nouvelle idéologie complètement bourgeoise et activement impérialiste de la social-démocratie, il faut également intensifier la lutte contre ces "partis ouvriers de la bourgeoisie". […]
38. Dans le domaine du mouvement syndical, le congrès fait le plus énergique appel à tous les partis pour intensifier au maximum le travail, précisément sur ce secteur du front. La lutte pour l’influence des communistes dans les syndicats doit actuellement se faire d’autant plus énergique que, dans plusieurs pays, les réformistes poussent à l’exclusion des communistes (et des éléments de gauche en général) des organisations syndicales. […] Dans ces luttes, les partis communistes, l’opposition syndicale révolutionnaire et les syndicats révolutionnaires ne pourront conquérir le rôle dirigeant que par une lutte acharnée contre la social-démocratie et la bureaucratie syndicale politiquement corrompue. […]
Devant le front unique de l’État bourgeois, des organisations patronales et de la bureaucratie syndicale réformiste qui, ensemble, s’efforcent d’étouffer les mouvements de grève par l’arbitrage obligatoire, la tâche essentielle consiste à donner libre cours à l’énergie et à l’initiative des masses et, si la situation s’y prête, à déclencher un mouvement de grève, même contre la volonté de la bureaucratie syndicale réformiste. […] Organiser les inorganisés, conquérir les syndicats réformistes, organiser les exclus, rattacher à la Fédération syndicale révolutionnaire, si les conditions sont propices (dans les pays où le mouvement syndical est scindé), les organisations locales qui auront été gagnées au mouvement syndical révolutionnaire, telles sont les tâches qui sont à l’ordre du jour. […] Par suite de l’aggravation de la lutte entre le communisme et le réformisme, il est de toute importance de développer l’action des fractions syndicales communistes, de l’opposition syndicale, des syndicats révolutionnaires et de renforcer par tous les moyens le travail et l’activité de l’Internationale Syndicale Rouge.
[…]
[Citation dans l’original ►.]
En décembre 1928, J. Staline aborde ce sujet de la manière suivante :
Le mérite des communistes allemands consiste justement en ce qu’ils ne se sont pas laisser intimider par le bavardage au sujet du "cadre syndical" et qu’ils ont dépassé ce cadre, en organisant contre la volonté des bureaucrates syndicaux la lutte des travailleurs inorganisés. Le mérite des communistes allemands consiste justement en ce qu’ils ont cherché et trouvé des formes nouvelles de la lutte et de l’organisation des travailleurs inorganisés. Il est possible qu’en cela ils ont commis une série d’erreurs non essentielles. Mais une chose nouvelle ne se passe jamais sans erreur. Du constat que nous devons travailler dans les syndicats réformistes ‑ en supposant que ces syndicats soient des organisations de masse ‑, ne découle cependant nullement que nous devrions réduire notre travaille de masse à l’activité dans les syndicats réformistes, que nous devrions devenir des esclaves des normes et exigences de ces unions. Si la direction réformiste fusionne avec le capitalisme (cf. la résolution du 6e congrès de l’Internationale communiste et du 4e congrès de l’Internationale syndicale rouge), tandis que la classe ouvrière lutte contre le capitalisme, est-ce qu’alors on peut prétendre que la classe ouvrière, avec à sa tête le Parti communiste, puisse mener la lutte sans faire éclater jusqu’à un certain point le cadre réformiste existant? Il est clair qu’on ne peut pas prétendre cela sans verser dans l’opportunisme. On pourrait donc imaginer très bien une situation qui rende nécessaire de créer des associations de masse parallèles de la classe ouvrière, contre la volonté des bonzes syndicaux qui se sont vendus aux capitalistes. Une telle situation, nous l’avons déjà en Amérique. Il est tout à fait possible qu’en Allemagne également, le développement s’orientera dans cette direction.
[Citation dans l’original ►.]
La conférence convoquée par l’Internationale syndicale rouge, à Strasbourg, fin de janvier 1929, adopte une résolution sur la question de la tactique de grève, dont voici des extraits [132] :
[…]
Il est hors de doute qu’en rapport avec la rationalisation progressive, l’offensive du capital et l’activité croissante des masses de travailleurs, nous nous trouvons au début d’une vague montante d’affrontements politiques et économiques entre travail et capital, et que seulement une direction véritablement révolutionnaire de ces luttes peut amener la réussite dans l’épreuve de force. Cette circonstance engage les partisans de l’ISR à mettre tout en oeuvre pour arracher aux traitres réformistes la direction de la lutte et pour reprendre la direction autonome des luttes économiques.
[…] Ces déviations et tendances opportunistes sont :
– légalisme syndicale (la peur d’outrepasser les dispositions statutaires, la soumission sous les prescriptions de la bureaucratie syndicale réformiste etc.)
[…]
Dans le cas d’une situation propice à la grève et de la présence d’une motivation pour la lutte parmi les masses il faut mettre à l’avant-plan la création de la direction de grève élu par l’ensemble du personnel (y compris quand la grève est dirigée par un syndicat révolutionnaire). À ces élections doivent participer les travailleurs de toutes les tendances, et ce qu’ils soient organisés ou inorganisés.
[…]
En tant qu’organe élu par toute la masse, la direction de grève consiste forcément de travailleurs de différentes tendances.
[…]
C’est pourquoi il est nécessaire de veiller tout particulièrement à ce que les directions de grève soient protégées contre l’influence exercée par la social-démocratie et la bureaucratie syndicale réformiste, ce en quoi on doit lutter de manière décidée contre l’éventualité que des représentants officiels des fédérations réformistes soient cooptés aux directions de grève. À toutes les tentatives des réformistes de s’introduire dans les directions de grève, les partisans de la RGI doivent opposer l’exigence que la totalité des membres de la direction de grève soient élus par l’ensemble des travailleurs organisés et non organisés. De même les tentatives des réformistes de faire élire les directions de grève uniquement par des membres de fédération, doivent être combattues.
[…]
Dans la totalité des organes éligibles doivent être élu les travailleurs les meilleurs et les plus aguerris de toutes les directions : communistes, social-démocrates, chrétiens, non organisés etc.
[…]
La politique du réformisme international, qui est orienté vers un règlement “pacifique” de toutes les luttes économiques par la procédure de conciliation impérative, vers un sabotage systématique et l’étouffement des revendications des travailleurs par l’appareil fédéral réformiste, pose devant les larges masses de travailleurs le problème de la lutte pour les revendications les plus élémentaires, sans et contre la volonté de la bureaucratie syndicale réformiste. Les grèves dites “sauvages” et non officielles, c’est-à-dire des grèves telles qu’elles sont proclamées par les travailleurs sans l’aval et contre la volonté des organes centraux officiels de la fédération concernée, des grèves qui autrefois enfreignaient de temps en temps les règles syndicales, constituent maintenant la seule issue pour agir contre l’exploitation toujours plus intense et la pression croissante de la part des entrepreneurs. Des grèves sans l’aval et contre la volonté de la fédération deviennent de plus en plus fréquentes. Elles sont déjà devenues un phénomène de masse et le deviendront encore plus dans l’avenir. À cet égard résulte la tâche de reconnaitre les grèves dites “sauvages” et “non officielles”, tandis que la bureaucratie syndicale s’oriente vers le renoncement aux grèves. […]
[Citation dans l’original ►.]
Le 10e plénum, non élargi, du Comité exécutif de l’IC, tenu du 13 au 19 juillet 1929, adopte des thèses intitulées "La lutte économique et les tâches des Partis communistes", relatives aux rapports présentés par Thälmann et Lozovskij [133], dont voici des extraits :
[…]
Les expériences de la lutte de grève depuis le 6e Congrès du Komintern ont justifié pleinement et entièrement l’orientation vers une direction autonome des luttes économiques, par les communistes. Une direction autonome de la lutte de grève et l’implication des non organisés dans la lutte est en premier lieu possible par la formation de directions de lutte sur une base large (directions de grève, comités pour la lutte contre les lockouts etc.), et qui doivent être élus par l’ensemble du personnel, autant par les travailleurs et travailleuses organisés que par ceux et celles non organisés. Aux temps de conflits économiques les directions de grève sont les organes principaux de la direction afin de rassembler autour d’eux les larges masses de travailleurs sur la base d’une plateforme de lutte politique et économique. […] Les directions de lutte qui mènent les masses dans leurs actions économiques et politiques, doivent être des organisations de masse larges, sans parti, puisqu’ils ont vocation à unir des travailleurs appartenant à différents partis et à différents syndicats, ainsi que des non organisés. En tant qu’organisations de masse sans parti elles ne peuvent pourtant pas être politiquement neutres, indifférentes ou apolitiques. […] La plateforme politique des directions de lutte est formée à partir des mots d’ordre politiques tels que les formulent les masses de travailleurs dans leurs actions. (p. ex. : lutte contre la rationalisation capitaliste, lutte contre le système de conciliation impérative, lutte contre les formations de blocs bourgeois et bourgeois-démocratiques etc.). En cela les directions de lutte doivent relier ces mots d’ordre politiques le plus étroitement possible avec la lutte contre la détresse économique immédiate de la classe ouvrière. Dans les directions de lutte seront élus des travailleurs et travailleuses tels qu’ils se placent sur cette plateforme politique.
[…]
Les directions de lutte sont des organes de l’action de masse prolétarienne. En cela réside leur valeur principale pour la classe ouvrière. Dans les directions de lutte doivent être représenté les masses de travailleurs touchés par le conflit respectif, sans distinction d’appartenance de Parti et de syndicat, autant des travailleurs et travailleuses organisés que ceux et celles non organisés. […]
[Citation dans l’original ►.]
À Berlin entre autre, la situation est conflictuelle entre la direction locale de la Fédération allemande de travailleurs de la métallurgie (Deutscher Metallarbeiter-Verband, DMV) et les directions des branches des installateurs [Rohrleger] et des tourneurs [Dreher][134]. En mars 1929 le DMV de Berlin exclut le dirigeant de la branche des installateurs, Michael Niederkirchner. Une partie des syndiqués de cette branche se rallient à l’orientation oppositionnelle, de même que les tourneurs sur machine à revolver [Eisen- und Revolverdreher] ainsi que les serruriers du bâtiment et de coffres-forts [Bau- und Geldschrankschlosser]. Le 10 mars le KPD, dans la Ruhr, appelle à une conférence de l’opposition. Le 14, le Comité central décide de registrer l’ensemble des militants syndicaux subissant des mesures d’exclusion, pour assurer une coopération avec les directions de fractions. Niederkirchner constitue une “Organisation d’aide pour les exclus” (“Hilfsorganisation für Ausgeschlossene”) qui se considère comme un “comité de défense” (“Abwehrkomitee”). Durant avril, à Berlin et dans la Ruhr, de tels comités organisent des conférences de délégués. Le comité de Berlin est préside par Niederkirchner et Paul Peschke, celui de la Ruhr par Willi Agatz qui est président du conseil d’entreprise de la mine König Ludwig. Ils appellent à des actions de grève. En aout une assemblée des militants organisés autour de Niederkirchner décide de ne plus verser les cotisations au DMV et d’émettre des cartes d’adhérents propres. Cette structure s’appelle “Union des installateurs et assistants” (“Vereinigung der Rohrleger und Helfer”). Les branches des serruriers du bâtiment et de coffres-forts ainsi que des tourneurs du DMV de Berlin suivent majoritairement la même démarche. Au même moment la fédération des charpentiers [Zimmerer] exclut le comité exécutif de la section de Berlin, en ayant recours aux tribunaux. Jusqu’en automne, s’y ajoutent quelques autres sections dominées par les communistes, comme les charpentiers à Duisburg et Düsseldorf, le DMV à Limbach en Saxe, la fédération des mineurs (Bergarbeiterverband, BAV) à Essen. À partir d’octobre, se constituent des comités de district de l’opposition syndicale révolutionnaire, notamment dans la région de Rhénanie-Palatinat et à Brême.
Les 30 novembre se réunit un congrès syndical national convoqué au nom d’un Comité national de l’opposition syndicale révolutionnaire [Reichskomitee der revolutionären Gewerkschaftsopposition], présidé par P. Merker[135]. Il compte 1117 participants, dont les deux tiers membres du KPD ou de l’Union des jeunesses communiste d’Allemagne (Kommunistischer Jugendverband Deutschlands, KJVD); 759 sont organisés dans les syndicats traditionnels. Le congrès maintient le principe que l’opposition syndicale doit se structurer au sein des syndicats existants, autour des fractions communistes, en lien avec la création de “comités de promotion de l’opposition syndicale révolutionnaire” (“Ausschüsse zur Förderung der revolutionären Gewerkschaftsopposition”) locaux. Il élit un Comité national [Reichskomitee] correspondant destiné à regrouper les comités locaux. Durant le début de 1930 la question des militants syndicaux inorganisés continue à être discutée[136]. L’idée de les organiser explicitement est écartée, mais dans la pratique ils sont associés puisque les structures mises en place incluent les conseils d’entreprise oppositionnels et les travailleurs qui les ont élus. En aout se réunit le 5e congrès de l’ISR à Moscou[137]. Il décide de consolider les groupes syndicaux oppositionnels comme unités autonomes. En octobre, des grèves ont lieu dans la métallurgie à Berlin. Confrontés à l’obstruction de la part de la direction syndicale officielle, les syndicats oppositionnels constituent la “Fédération unitaire des travailleurs de la métallurgie de Berlin” (“Einheitsverband der Metallarbeiter Berlins”). Les 15‑16 novembre, la RGO tient son 2e congrès national, avec 340 participants. Il est décidé de transformer la RGO en une organisation indépendante réunissant aussi bien des membres des syndicats que des travailleurs en dehors des syndicats existants. L’importance de la poursuite de l’activité au sein des syndicats libres est réaffirmée. Le 11 janvier 1931 la RGO constitue la “Fédération unitaire des travailleurs des mines d’Allemagne” (“Einheitsverband der Bergarbeiter Deutschlands”)[138], et le 18 janvier la “Fédération unitaire des travailleurs des ports et des marins” (“Einheitsverbandes der Hafenarbeiter und der Seeleute”) issu de la Fédération allemande des transports” (“Deutscher Verkehrsbund”, DVB)[139].
Brüning – Papen – Schleicher – Hitler
Le 28 juin 1928 avait été formé un gouvernement de grande coalition, sous la direction de H. Müller (SPD), avec des représentants du SPD, du DDP, du Zentrum, du BVP et du DVP. À l’époque, la dernière participation du SPD au gouvernement du Reich datait de 1923 lorsque ce parti participait au gouvernement Gustav Stresemann (DVP), qu’il avait cependant quitté le 23 novembre 1923. Le 31 mars 1930 le gouvernement dirigé par Müller est remplacé. Heinrich Brüning comme chancelier constitue un gouvernement se situant délibérément en dehors d’une coalition parlementaire figée. En Prusse est toujours en place le gouvernement de coalition entre SPD, Zentrum, DDP, DStP, avec O. Braun (SPD) comme premier ministre. C. Severing (SPD) avait occupé le poste de ministre de l’intérieur de Prusse de 1920 à 1926 puis avait été remplacé par A. Grzesinski (SPD) le 6 octobre 1926; il reprendra la fonction le 21 octobre 1930.
Avec H. Brüning s’ouvre ainsi la période des dénommés “gouvernements présidiaux” [“Präsidialkabinette”].
Le 18 juillet 1930, le gouvernement fait en sorte que les mesures qu’il propose, faute d’être approuvées par l’Assemblée nationale, soient édictées par voie de décrets d’urgence [Notverordnung] du président du Reich (il s’agit d’un dispositif prévu par l’article 48 de la constitution)[140]. Mais suite à des motions présentées séparément par le SPD et le KPD, l’Assemblée nationale annule immédiatement ces décrets par 236 voix contre 222, ce qui impose au président l’obligation de signer lui-même un décret d’annulation. Or H. Brüning présente alors des décrets signés d’avance par P. v. Hindenburg, un qui dissout le Parlement, et un qui annonce la tenue d’élections à l’Assemblée nationale à la date du 14 septembre. À ces élections, le SPD obtient 143 sièges sur un total de 577, le NSDAP 107, le KPD 77, le Zentrum 68. Le gouvernement dirigé par Brüning reste en place.
Le KPD adopte une position d’opposition ouverte. E. Thälmann en janvier 1931 : "Le gouvernement Brüning dans sa phase de développement actuelle est le gouvernement de la mise en oeuvre du fascisme." [Citation dans l’original ►.] [Documents ►.] (L’analyse du KPD au sujet du fascisme est exposée plus en détail dans le texte "SPD et fascisme " ►.) Le SPD, dans un premier temps, avait soumis à l’Assemblée nationale une motion de censure contre le gouvernement constitué en mars. Mais par la suite il choisit une politique de tolérance, s’abstenant de participer à des votes susceptibles d’aboutir à un renversement du gouvernement[141]. Ainsi les 18‑19 octobre, le groupe social-démocrate à l’Assemblée nationale aide à repousser des motions de censure contre H. Brüning et des motions demandant l’abrogation des décrets-lois, déposées par le groupe du KPD[142].
Les autorités sont évidemment hostiles au KPD, au niveau national et également en Prusse. Vis-à-vis du NSDAP leur position est fluctuante. Des différences d’approche existent parmi les représentants de la bourgeoisie, qu’il s’agisse des personnalités politiques ou des dirigeants économiques. Plus ou moins selon les cas, ils considèrent le NSDAP comme un partenaire potentiellement utile mais certainement incommode. Tout en cherchant une alliance avec lui, ils tentent de le faire d’une façon leur permettant de garder la maitrise des évènements.
Ainsi des mesures dirigées dans une certaine mesure contre le NSDAP sont appliquées. Ce qui les caractérise en général, c’est qu’elles se situent dans un double jeu intentionnel, visant en même temps le KPD qui au fond est le seul et véritable ennemi. Ainsi par exemple le ministère d’État prussien interdit à tous les fonctionnaires prussien l’appartenance au KPD et au NSDAP, en formulant le motif suivant : "Selon le développement qu’ont emprunté le Parti ouvrier national-socialiste allemand et le Parti communiste d’Allemagne, les deux partis sont à considérer comme organisations dont l’objectif est le renversement par la force de l’ordre étatique existant."[143]. Le 29 janvier 1931 le ministre de la défense Wilhelm Groener (sans parti) édicte un décret selon lequel le service dans l’armée est interdit aux "membres de partis et groupements qui selon leur programme ou leur attitude effective sont disposés à modifier la constitution par des mesures de force"[144]. Le KPD est désigné nommément en ce sens puisqu’il s’agit "des partis qui, comme le Parti communiste, ont fait dans leur programme de l’esprit révolutionnaire et l’hostilité envers l’État le fondement permanent de leur parti".
Le 9 novembre 1930, l’organe du KPD, Rote Fahne, est interdit de parution. Ensuite ce type de mesure sera prononcé de façon répétée jusqu’au passage dans la clandestinité du KPD en 1933.
Le 5 octobre 1930, le chancelier H. Brüning rencontre A. Hitler et W. Frick [Chronologie ►]. Au cours de l’année 1931, à diverses occasions, des dirigeants économiques rencontreront des représentants du NSDAP : en janvier Hjalmar Schacht et Fritz Thyssen rencontrent Hitler, Hermann Göring et Joseph Goebbels; le 11 septembre, Hitler est reçu par Emil Kirdorf en présence d’Albert Vögler, Ernst Brandi, Friedrich Springorum jr., Ernst Poensgen et Friedrich Thyssen; le 9 décembre Thyssen et Vögler rencontrent Hitler [Chronologie ► ► ►]. Par ailleurs Hitler est aussi reçu par des responsables politiques : le 10 octobre 1931, le président P. v. Hindenburg reçoit Hitler et Göring; le même jour, Kurt von Schleicher, qui occupe le principal poste de direction au sein du ministère de l’armée, rencontre Hitler, avec lequel il s’entretiendra de nouveau vers le 22 octobre [Chronologie ►]. De multiples rencontres des principaux acteurs politiques et économiques avec Hitler suivront tout au long de la période jusqu’en janvier 1933, dans le but de trouver d’une manière ou d’une autre une formule l’associant au gouvernement.
Des élections pour la présidence du Reich ont lieu en mars-avril 1932. P. v. Hindenburg est candidat, A. Hitler également; le KPD présente E. Thälmann. Hindenburg est élu. Le 1er juin est constitué un gouvernement dirigé par Franz von Papen. Le gouvernement déclare explicitement ne pas être une émanation des partis. Le 20 juillet, il destitue le gouvernement de Prusse, le chancelier du Reich assume la fonction de commissaire du Reich pour la Prusse [Chronologie ►]. Le 31 juillet ont lieu de nouvelles élections à l’Assemblée nationale. Le NSDAP obtient 230 sièges sur un total de 608, le SPD 133, le KPD 89, le Zentrum 75. Puis encore des élections le 6 novembre. Cette fois le NSDAP obtient 196 sièges sur un total de 584, le SPD 121, le KPD 100, le Zentrum 70.
F. v. Papen songe à écarter encore plus fondamentalement le Reichstag et à procéder à une révision de la constitution. Mais K. v. Schleicher considère que les mesures répressives nécessaires pour face à un éventuel mouvement de résistance populaire risqueraient de dépasser les capacités de l’armée. Le 2 décembre, Schleicher remplace Papen et constitue un nouveau gouvernement. Il tente de trouver une solution au fait que le régime souffre du manque d’une base de masse. Il s’efforce à établir une alliance regroupant les national-socialistes, mais aussi les syndicats et les social-démocrates. Il échoue dans sa démarche, et n’obtenant pas de P. v. Hindenburg la dissolution, une fois de plus, du Reichstag, il démissionne le 28 janvier 1933.
Parallèlement aux tractations qui ont lieu à la fin de 1932 et le début de 1933 autour de la formation d’un gouvernement, les attaques des national-socialistes contre le KPD s’accentuent. En témoigne par exemple une action contre le siège du KPD à Berlin, le 22 janvier : une manifestation de la SA ‑ Section d’assaut (Sturmabteilung), formation paramilitaire du NSDAP ‑ réunissant 16 000 participants se déroule sur les lieux sous la protection de la police.
Des mouvements de grève importants marquent cette période : en juillet 1930, jusqu’à 25 000 grévistes dans la région minière de Mansfeld; en octobre la quasi-totalité des entreprises de la métallurgie est en grève, on compte environ 140 000 grévistes. En janvier 1931, des grèves éclatent dans la Ruhr, sans le soutien de l’ADGB. La situation conflictuelle se prolonge jusqu’en octobre. La grève qui se déroule du 3 au 8 novembre 1932 à la Société des transports de Berlin (Berliner Verkehrsgesellschaft, BVG) est marquée par un contexte particulier [Chronologie ►]. Après une décision de baisse de salaires annoncée par la direction, la fédération concernée (Gesamtverband der Arbeitnehmer der öffentlichen Betriebe und des Personen- und Warenverkehrs) procède à une consultation de la base, qui n’obtient pas le résultat officiellement nécessaire de 75 %. Le syndicat n’appelle donc pas à l’action, mais le 3 novembre la grève éclate malgré lui. Une direction de grève est constituée avec la participation notamment du KPD à travers la RGO, mais aussi l’organisation de cellules d’entreprise national-socialiste (Nationalsozialistische Betriebszellenorganisation). Au point culminant la paralysie des transports publics urbains est quasi totale, mais finalement le mouvement échoue.
Enfin il faut noter que de fin janvier à début février 1933, face à l’accaparement du pouvoir par les national-socialistes, des actions de résistance ont lieu malgré l’attitude du SPD et de l’ADGB. (Cf. dans le texte "Dictature et libération", la section "Les national-socialistes accaparent le pouvoir" ►.)
Le KPD identifie clairement le danger que le NSDAP représente en tant que force politique au niveau du Reich. Certes, passagèrement apparaissent des appréciations sous-estimant la capacité des national-socialistes d’imposer durablement leur éventuelle domination. (Cf. le texte "SPD et fascisme" ►.) Mais dans tous les cas le KPD affirme sa détermination de combattre ces forces visant à instaurer la dictature. Concernant l’orientation politique face à la menace que représentait l’influence croissant du NSDAP parmi les travailleurs, le KPD s’efforce à formuler un programme approprié destiné à servir de base à la propagande. Une des principales manifestations de cet effort est la "Déclaration de programme au sujet de la libération nationale et sociale du peuple allemand" publié le 24 aout 1930 [Documents ►]. Par ailleurs le KPD publie aussi, le 29 mai 1931 un "plan de création d’emplois" portant le sous-titre "Contre le programme de rapine et la politique de catastrophe du capital financier – Travail et pain pour des millions"[145] [citation dans l’original ►].
Après les mesures d’interdiction frappant le RFB en mai 1929, le KPD cherche à maintenir des organisations d’autodéfense pour faire face aux national-socialistes[146]. Le 24 aout 1930, il adopte une "ligne directrice au sujet du travail de politique de défense" [Citation dans l’original ►], puis le 28 septembre, il fonde la “Ligue de combat contre le fascisme” (“Kampfbund gegen den Faschismus”), H. Remmele étant désigné comme président. En 1931 sont également constitué des unités d’autodéfense du Parti au niveau des directions de district, mais la tentative sera abandonnée l’année suivante. Une résolution adoptée par le Comité central le 10 novembre 1931 vise à déterminer l’attitude du KPD face à la violence exercée par les national-socialistes [Documents ►]. À la fin de mai 1932, le KPD appelle à la formation d’un rassemblement large sans structure d’adhésion formelle, nommé “Action antifasciste” (“Antifaschistische Aktion”), auquel participe la Ligue de combat contre le fascisme[147]. Le 10 juillet se tient un congrès national de l’Action antifasciste, à Berlin. Parmi les 1465 délégués venus de toute l’Allemagne se trouvent des membres du KPD, du SPD, du Parti ouvrier socialiste d’Allemagne (Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands, SAP, fondé en octobre 1931 par des membres de l’aile gauche du SPD, suite à l’exclusion de Max Seydewitz et Kurt Rosenfeld), de l’organisation Bannière du Reich Noir-Rouge-Or (Reichsbanner Schwarz-Rot-Gold, une organisation d’autodéfense fondée en 1924 à l’initiative du SPD, appuyée également par le Zentrum, le DDP et les syndicats), de leurs organisations de jeunesse, ainsi que des sans-parti.
À l’occasion de la grève des employés de la BVG le KPD avait été amené à assumer une situation où il se trouvait associé avec le NSDAP. C’est le cas également en juillet 1931 en rapport avec une procédure de référendum au sujet de la dissolution du Landtag de Prusse. Le 4 février 1931, l’organisation Casque d’acier initie une procédure de plébiscite en ce sens, soutenue notamment par le NSDAP. Le plébiscite se déroule en avril et obtient le nombre de signatures nécessaires, mais le Landtag rejette la demande de dissolution. Le KPD décide alors de s’associer à la mise en oeuvre du référendum. Pour motiver cette attitude, le parti demande sous forme d’ultimatum au premier ministre de Prusse Otto Braun (SPD) et au ministre de l’intérieur de Prusse C. Severing, de lever l’interdiction du RFB, ce à quoi le gouvernement ne donne pas suite. Cependant, le référendum qui a lieu le 9 aout n’atteint pas la majorité exigée.
Pendant cette période, la situation en Allemagne continue à être amplement discutée au sein de l’Internationale communiste. Pour les interventions d’E. Thälmann dans ce cadre, cf. notamment : Documents ► ► ► ►, et au niveau du KPD : Documents ► ►. Du 26 mars au 11 avril 1931 se tient le 11e plénum, non élargi, du Comité exécutif de l’IC. (Le 10e plénum, non élargi, s’était tenu du 3 au 19 juillet 1929.) Le présidium nouvellement élu comprend, pour l’Allemagne : W. Pieck, H. Remmele, Thälmann et C. Zetkin comme membres, W. Florin, Kurt Müller et H. Neumann comme candidats[148]. Pieck et Thälmann sont désignés comme membres du secrétariat politique.
La composition complète du présidium est la suivante[149]. Comme membres : R. Arnot, H. Barbé, M. Cachin, V. Cemodanov, Chuan-Pin/Huang Ping, W. Z. Foster, K. Gottwald, R. Grieco, J. Guttmann, S. Katayama, V. Kolarov, B. Kun, O. Kuusinen, J. Leszczyński, A. Lozovskij, D. Manuilskij, W. Pieck, O. Pjatnitskij, H. Pollitt, E. Próchniak, H. Remmele, H. Sillen, B. Šmeral, J. Staline, Su, E. Thälmann, M. Thorez, P. Togliatti, W. Weinstone (pseudonyme Randolph), C. Zetkin; comme candidats : E. Browder, P. Célor, G. Dozza (pseudonyme Furini), I. Drabkin, F. Filipovič, W. Florin, P. Furubotn, G. Knorin, J. Koplenig, K. Müller, H. Neumann, J. Sochacki (pseudonyme Bratkowski).
Le Secrétariat politique est composé de la manière suivante. Comme membres : Chuan-Pin, Guttmann, Knorin, Kuusinen, Leszczyński, Manuilskij, Pieck, Pjatnitskij, Pollitt, Thälmann, Thorez, Togliatti, Weinstone; comme candidats : Arnot, Cemodanov, Célor, Dozza, Lozovskij, Sochacki.
Du 14 au 17 mai 1932 des discussions ont lieu dans le cadre du présidium du comité exécutif de l’IC au sujet du KPD[150]. Comme résultat, H. Neumann et L. Flieg sont écartés du secrétariat du Parti; cette instance est maintenant composée de E. Thälmann comme président, H. Remmele, et J. Schehr, ainsi que des candidats W. Pieck et W. Ulbricht. En octobre, Remmele est écarté à son tour du secrétariat, il est remplacé par Ulbricht, tandis que W. Florin devient candidat.
Du 27 aout au 15 septembre 1932 se tient le 12e plénum, non élargi, du Comité exécutif de l’IC. Du 15 au 17 octobre 1932 se tient une conférence du KPD, qui adopte une résolution au sujet du plénum de CE de l’IC [Documents ►].
Notes
[1]. T. Raithel : Das schwierige Spiel des Parlamentarismus, S. 119 (Bibliographie ►).
Chronologie ►.
[2]. G. Hortzschansky : Der nationale Verrat der deutschen Monopolherren während des Ruhrkampfes 1923, S. 119 (Bibliographie ►).
[6]. A. Kastning, Die deutsche Sozialdemokratie zwischen Koalition und Opposition 1919 bis 1923, S. 113 (Bibliographie ►).
[7]. Beiträge zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, Band 9, S. 1039 (Bibliographie ►).
E. Reidegeld : Sozialpolitik in Demokratie und Diktatur 1919‑1945, S. 110-111 (Bibliographie ►).
[8]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 2 – Januar 1922‑Dezember 1923, S. 295 (Bibliographie ►).
[9]. E. Reidegeld : Sozialpolitik…, S. 110-111 (Bibliographie ►).
IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien…, Reihe 2 – Band 7 – Halbband 2, S. 389‑412 (Bibliographie ►).
[11]. Kommunistische Internationale – Dritter Weltkongress (22. Juni – 12. Juli 1921) – Thesen und Resolutionen, pp. 31‑63 (Bibliographie ►), ici p. 46.
http://www.marxismus-online.eu/debatte/programm/einheitsfront/taktik3KI.html
Librairie du Travail (Éd.) : Internationale Communiste – Quatre premiers congrès (1919‑1923) – Manifestes, thèses et résolutions (Bibliographie ►).
http://classiques.uqac.ca/classiques/Internationale_communiste/Quatre_premiers_congres_IC/Quatre_premiers_congres_IC.doc
[12]. http://www.marxismus-online.eu/debatte/programm/einheitsfront/leitsaetzeKI.html
Kommunistische Internationale – Exekutivkomitee : Die proletarische Einheitsfront, pp. 11‑25 (Bibliographie ►), ici p. 16.
Librairie du Travail (Éd.) : Internationale Communiste – Quatre premiers congrès (1919‑1923) (Bibliographie ►).
http://classiques.uqac.ca/classiques/Internationale_communiste/Quatre_premiers_congres_IC/Quatre_premiers_congres_IC.doc
[13]. http://www.neue-impulse-verlag.de/media/marxblaetter_altesarchiv/2004/04-3-15.html
[14]. Beiträge zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, Band 9, S. 1039 (Bibliographie ►).
http://www.neue-impulse-verlag.de/media/marxblaetter_altesarchiv/2004/04-3-15.html
H.‑J. Krusch, Um die Einheitsfront und eine Arbeiterregierung, S. 32 (Bibliographie ►).
[15]. http://www.marxismus-online.eu/archiv/klassiker/schriftenzumprogramm/uprog6.html
[17]. http://www.neue-impulse-verlag.de/media/marxblaetter_altesarchiv/2004/04-3-15.html
[18] A. Reisberg : Der Kampf der KPD um die Aktionseinheit in Deutschland 1921‑1922 – Band 2, S. 634 (Bibliographie ►).
[19]. Thesen und Resolutionen des V. Weltkongresses der Kommunistischen Internationale (Moskau, 17. Juni bis 8. Juli 1924), S. 80 (Bibliographie ►).
[20]. http://www.marxismus-online.eu/archiv/klassiker/schriftenzumprogramm/uprog7.html
Kommunistische Internationale – Vierter Weltkongress (5. November – 5. Dezember 1922) – Bericht (Bibliographie ►).
[21]. http://www.marxismus-online.eu/archiv/klassiker/schriftenzumprogramm/uprog7.html
Kommunistische Internationale – Vierter Weltkongress (5. November – 5. Dezember 1922) – Protokoll (Bibliographie ►).
Librairie du Travail (Éd.) : Internationale Communiste – Quatre premiers congrès (1919‑1923) (Bibliographie ►).
http://classiques.uqac.ca/classiques/Internationale_communiste/Quatre_premiers_congres_IC/Quatre_premiers_congres_IC.doc
[22]. H. Weber : Die Kommunistische Internationale, S. 371 (Bibliographie ►).
J. T. Degras (Ed.) : The Communist International, 1919-1943 – Documents – Volume 1 – 1919‑1922, p. 453 (Bibliographie ►).
[23]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2 – Von 1917 bis 1945 (Bibliographie ►).
http://www.neue-impulse-verlag.de/media/marxblaetter_altesarchiv/2004/04-3-15.html
[24]. A. Reisberg : Der Kampf der KPD um die Aktionseinheit in Deutschland 1921‑1922 – Band 2, S. 683 (Bibliographie ►).
H.‑U. Ludewig : Arbeiterbewegung und Aufstand (Bibliographie ►).
H. Weber : Kommunismus in Deutschland, 1918-1945, S. 90 (Bibliographie ►).
[25]. http://www.nikolaus-brauns.de/verpasste_chance_1923.htm
[26]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2… (Bibliographie ►).
[27]. À ne pas confondre :
Alfred Schmidt (né 1891) : adhère au KPD en 1919; en 1928 exclu du Parti; en 1929 adhère au KPO.
Felix Schmidt (né 1885) : en novembre 1918 membre de l’organisation “Internationale Kommunisten” à Brême; participe à la fondation du KPD; élu à la Centrale en 1921 au 7e congrès et en 1923 au 8e congrès; en 1929 exclu du Parti; adhère au KPO.
Heinrich Schmidt : (né 1894) : adhère au KPD en 1921; élu candidat au Comité central en 1929 au 12e congrès.
[28]. http://www.nikolaus-brauns.de/verpasste_chance_1923.htm
http://baseportal.de/cgi-bin/baseportal.pl?htx=/jarmerdhm/main&localparams=1&db=main&cmd=list&range=40,10&cmd=all&Id=79
[29]. J. Pommert : In der Revolution geboren – In den Klassenkämpfen bewahrt – Geschichte der KPD-Bezirksorganisation Leipzig-Westsachsen, S. 108 (Bibliographie ►).
C. Voigt : Das Reichsbanner schwarz-rot-gold und der rote Frontkämpferbund in Sachsen 1924‑1933, S. 51-59 (Bibliographie ►).
E. Wolowicz : Linksopposition in der SPD von der Vereinigung mit der Uspd 1922 bis zur Abspaltung der Sapd 1931 – Band 2, S. 196 (Bibliographie ►).
"Arbeiterregierung oder “Deutscher Oktober”? Die sozialdemokratisch-kommunistischen Arbeiterregierungen in Sachsen und Thüringen und ihr gewaltsamer Sturz im Oktober"
[http://www.lulu.com/items/volume_64/4815000/4815667/1/print/4815667.pdf (S. 164ff der Datei)]
http://www.dhm.de/lemo/html/weimar/innenpolitik/oktober/index.html
[30]. La traduction des noms des partis pose quelques problèmes sémantiques. Syntaxiquement, “Volkspartei” correspond à “Parti du peuple” et “Völkische Partei” à “Parti populaire”. Cependant, en allemand, “völkisch” en tant qu’adjectif ne correspond pas simplement à “Volk”, mais comporte une nuance rattachée à “Volkstum”, qui signifie "caractéristiques d’un nation".
[31]. Wissenschaftliche Zeitschrift der Friedrich-Schiller-Universität Jena/Thüringen – Gesellschafts- und sprachwissenschaftliche Reihe – Band 17, S. 426 (Bibliographie ►).
[33]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/str/str1p/kap1_2/kap2_83/para3_3.html
http://www.historisches-lexikon-bayerns.de/artikel/artikel_44521
E. Kolb : Gustav Stresemann, S. 81 (Bibliographie ►).
[34]. H. Niemann (Hg.) : Geschichte der deutschen Sozialdemokratie 1917 bis 1945, S. 123-124 (Bibliographie ►).
[35]. À ne pas confondre avec Paul Frölich, du KPD.
[36]. W. Ulbricht : Zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – aus Reden und Aufsätzen – Band 1, S. 115 (Bibliographie ►).
IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Band 3 : Von 1917 bis 1923, S. 660 (Bibliographie ►).
F. Hammer : Theodor Neubauer, ein Kämpfer gegen den Faschismus, S. 37 (Bibliographie ►).
F. Hammer : Theodor Neubauer : Aus seinem Leben, S. 84 (Bibliographie ►).
IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien… – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 2, S. 414 (Bibliographie ►).
Quellen zur Geschichte Thüringens – Band 3 : 1918-1945, S. 106 (Bibliographie ►).
[38]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien… – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 2, S. 440 (Bibliographie ►).
[39]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien… – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 2, S. 445 (Bibliographie ►).
[40]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien... – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 2, S. 446 (Bibliographie ►).
[42]. K. Nuss : Militär und Wiederaufrüstung in der Weimarer Republik – zur politischen Rolle und Entwicklung der Reichswehr, S. 202 (Bibliographie ►).
[43]. H. Michaelis, E. Schraepler (Hg.) : Ursachen und Folgen, Band 5 – Die Weimarer Republik 1923, S 488 (Bibliographie ►).
H. Weiler : Die Reichsexekution gegen den Freistaat Sachsen Oktober 1923, S. 213 (Bibliographie ►).
[45]. W. Fabian : Klassenkampf um Sachsen – Ein Stück Geschichte 1918‑1930, S. 172 (Bibliographie ►).
[47]. http://www.dhm.de/lemo/html/weimar/innenpolitik/oktober/index.html
C. Voigt : Das Reichsbanner schwarz-rot-gold…, S. 51-59 (Bibliographie ►).
[48]. http://www.geschichte.sachsen.de/748.htm
C. Voigt : Das Reichsbanner schwarz-rot-gold…, S. 51-59 (Bibliographie ►).
[52]. B. Bayerlein : Deutscher Oktober 1923 – ein Revolutionsplan und sein Scheitern, S. 26-28 (Bibliographie ►).
C. Voigt : Das Reichsbanner schwarz-rot-gold…, S. 51-59 (Bibliographie ►).
http://www.nikolaus-brauns.de/Deutscher_Oktober.htm
[54]. W. Ulbricht : Zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – aus Reden und Aufsätzen – Band 1, S. 139- (Bibliographie ►).
[55]. E. Reidegeld : Sozialpolitik…, S. 110-111 (Bibliographie ►).
W. Ulbricht : Zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – aus Reden und Aufsätzen – Band 1, S. 139- (Bibliographie ►).
[56]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/str/str2p/kap1_1/para2_54.html
B. Langer : Revolution und bewaffnete Aufstände in Deutschland 1918-1923, S. 350 (Bibliographie ►).
[57]. http://www.klausdede.de/index.php?content=weserundjade&sub=51
[58]. B. Bayerlein : Deutscher Oktober 1923 – ein Revolutionsplan und sein Scheitern, S. 26-28 (Bibliographie ►).
[59]. K. Kinner : Der deutsche Kommunismus – Selbstverständnis und Realität, S. 68- (Bibliographie ►).
W. T. Angress : Die Kampfzeit der KPD – 1921‑1923, S. 495 (Bibliographie ►).
H.‑U. Ludewig : Arbeiterbewegung und Aufstand, S. 110 (Bibliographie ►).
[60]. H. B. (Brandler), "Die Tagung des Zentralausschusses", Die Internationale, n° 18, 30 November 1923, S. 517.
IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien… – Reihe 2 – Band 7 – Halbband 2, S. 471 (Bibliographie ►).
[61]. "Skizze zu Thesen über die politische Situation und über die Lage der Partei", vorgelegt vom Polbüro der Bezirksleitung Berlin-Brandenburg, Die Internationale, Ergänzungsheft n°1, Januar 1924, S. 54‑57.
Ruth Fischer, "Zur Lage in Deutschland und zur Taktik der Partei". Ebenda, S. 57‑64.
E. Collotti : Die Kommunistische Partei Deutschlands – 1918‑1933, S. 115‑116 (Bibliographie ►).
[62]. A. Thalheimer, H. Brandler, "Thesen zur Oktoberniederlage und zur gegenwärtigen Lage", Die Internationale, Ergänzungsheft n°1, Januar 1924, S. 1‑14.
E. Collotti : Die Kommunistische Partei Deutschlands…, S. 115‑116 (Bibliographie ►).
[63]. "Thesen zur Taktik des Oktoberrückzugs und zu den nächsten Aufgaben der Partei", Die Internationale, Ergänzungsheft n°1, Januar 1924, S. 14‑19.
E. Collotti : Die Kommunistische Partei Deutschlands…, S. 115‑116 (Bibliographie ►).
[64]. A. Thalheimer, H. Brandler, "Erklärung", Die Internationale, n° 2/3, 28. März 1924, S. 135.
http://www.marxists.org/francais/broue/works/1971/00/broue_all_42.htm
[65]. http://www.marx-forum.de/geschichte/deutschland/1923.html
[66]. On trouve mention également de N. Boukharine.
Cf. http://marxists.catbull.com/francais//broue/works/1971/00/broue_all_42.htm
[67]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2…, S. 159 (Bibliographie ►).
[68]. Ces textes figurent dans :
Exekutivkomitee der Kommunistischen Internationale (Hg.) : Die Lehren der deutschen Ereignisse – Januar 1924, S. 5 80 (Bibliographie ►).
[69]. EKKI (Hg.) : Die Lehren der deutschen Ereignisse…, S. 82 (Bibliographie ►).
Le texte de la résolution : ibid., p. 94.
[70]. K. Kinner : Der deutsche Kommunismus – Selbstverständnis und Realität (Bibliographie ►).
Le texte de la déclaration :
EKKI (Hg.) : Die Lehren der deutschen Ereignisse…, S. 90 (Bibliographie ►).
[71]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Band 4 : Von 1924 bis Jan. 1933, S. 20 (Bibliographie ►).
[72]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2…, S. 164 (Bibliographie ►).
[73]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2…, S. 164 (Bibliographie ►).
H. Weber : Der deutsche Kommunismus – Dokumente, S. 648 (Bibliographie ►).
[74]. H. Weber : Die Stalinisierung der KPD in der Weimarer Republik – Band 1, S. 72 (Bibliographie ►).
[75]. Schlecht ne figure pas dans la composition de la Centrale donné par Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik.
H. Weber, Die Stalinisierung der KPD in der Weimarer Republik précise :
"Ont été élus 11 représentants des gauches et 4 du groupe centriste : Ruth Fischer, Arkadij Maslow, Werner Scholem, Iwan Katz, Arthur Rosenberg, Ernst Thälmann, Paul Schlecht, Wilhelm Florin, Ottomar Geschke, Arthur König et Max Schütz des gauches; Hugo Eberlein, Hermann Remmele, Wilhelm Pieck et Ernst Schneller du groupe centriste." "Les membres élus de la Centrale n’ont pas été rendus publiques de façon nominative (Rapport, p. 357). Le SED a publié pour la première fois la liste des membres dans la "Chronique", p. 164. Cependant, ici Heckert figure à la place de Schlecht; mais Heckert n’a été coopté à la Centrale qu’après l’arrestation de Maslow."
[79]. H. Weber : Die Kommunistische Internationale, S. 371 (Bibliographie ►).
Protokoll des V. Weltkongresses der Kommunistischen Internationale (Moskau, 17. Juni bis 8. Juli 1924), S. 371 (Bibliographie ►).
[80]. H. Weber : Die Kommunistische Internationale, S. 371 (Bibliographie ►).
J. T. Degras (Ed.) : The Communist International, 1919-1943 – Documents – Volume 2 – 1923‑1928, S. 572 (Bibliographie ►).
V. Kahan : Bibliography of the Communist International (1919-1979) (Bibliographie ►).
[81]. Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik – Band 60, S. 139‑140 (Bibliographie ►).
J. Frerich, M. Frey : Handbuch der Geschichte der Sozialpolitik in Deutschland – Band 1, S. 189 (Bibliographie ►).
[84]. La dénomination Roter Frontkämpferbund est fréquemment traduite par Ligue des Combattants du Front Rouge, ce qui prête à confusion, puisque rouge devient ainsi épithète de front, comme dans les expressions front uni, front antifasciste etc. Or le terme Frontkämpferbund se décompose en Bund et Frontkämpfer, et ce dernier terme est directement lié aux soldats qui combattaient au front pendant la guerre. Cf. par exemple un appel diffusé par le KPD peu avant la création du RFB : "Chaque prolétaire qui réfléchit un tant soit peu au sujet de la faim et de la misère laquelle lui et ses semblables subissent largement de trop à leur propre corps, chaque combattant du front rouge [désignation réunissant l’adjectif "rouge" et le substantif composé accolant "front" et "combattant"] qui, après avoir durant des années été allongé dans la tranchée, pour le capitalisme et ses Ludendorff et Lehmann, est aujourd’hui disposé à mettre en jeu sa force corporelle et ses capacités pour les intérêts du prolétariat, doit adhérer." [H. Weber : Der deutsche Kommunismus – Dokumente, S. 93 (Bibliographie ►)]. [Citation dans l’original ►.] Le qualificatif rouge se rapporte donc à Ligue, pour distinguer le RFB des organisations de combattants du front constitués par les forces politiques réactionnaires.
[85]. http://www.nikolaus-brauns.de/RFB.htm
[86]. http://www.luise-berlin.de/kalender/jahr/1925.htm
[87]. http://www.luise-berlin.de/kalender/jahr/1927.htm
[88]. http://www.historisches-lexikon-bayerns.de/artikel/artikel_44799
[89]. http://www.ifz-muenchen.de/heftarchiv/1961_4.pdf (S. 362).
[90]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Chronik – Band 2… (Bibliographie ►).
IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Band 4, S. 103 (Bibliographie ►).
H. Weber : Die Stalinisierung der KPD… – Band 1, S. 117 (Bibliographie ►).
[91]. La liste donnée par H. Weber : Die Stalinisierung der KPD comporte des différences : Bertz, Schmidt n’y figurent pas; figurent en plus Arthur Rosenberg, Hans Weber; Schimanski figure comme candidat (au lieu de membre).
[92]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Beiträge zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Band 8, S. 598 (Bibliographie ►).
[94]. http://www.stiftung-aufarbeitung.de/wer-war-wer-in-der-ddr-%2363%3B-1424.html?ID=4286
http://www.stiftung-aufarbeitung.de/wer-war-wer-in-der-ddr-%2363%3B-1424.html?ID=4552
http://www.stiftung-aufarbeitung.de/wer-war-wer-in-der-ddr-%2363%3B-1424.html?ID=4759
http://www.stiftung-aufarbeitung.de/wer-war-wer-in-derddr-%2363%3B-1424.html?ID=5003
http://www.stiftung-aufarbeitung.de/wer-war-wer-in-der-ddr-%2363%3B-1424.html?ID=5326
[95]. Jahrbuch für Forschungen zur Geschichte der Arbeiterbewegung – 4. Jahrgang, Heft 1, S. 106 (Bibliographie ►).
[96]. H. M. Bock : Syndikalismus und Linkskommunismus von 1918 bis 1923, S. 106 (Bibliographie ►).
P. v. Oertzen : Betriebsräte in der Novemberrevolution 1918/19, S. 212 (Bibliographie ►).
K. Tenfelde : Geschichte der deutschen Gewerkschaften von den Anfängen bis 1945, S. 308 (Bibliographie ►).
[97]. M.‑L. Ehls : Demonstrationen in Berlin zur Zeit der Weimarer Republik, S. 113 (Bibliographie ►).
http://www.nikolaus-brauns.de/Furstenenteignung.htm
[98]. Volksentscheid (littéralement décision émanant du peuple) et Volksbegehren (littéralement demande émanant du peuple) constituent un procédé attribuant à l’ensemble des citoyens la faculté d’introduire une disposition législative. Dans un premier temps, le Volksbegehren peut soumettre au Parlement un projet de loi. Si ce projet est rejeté par les députés, un Volksentscheid peut statuer sur la question et, si le nombre nécessaire de votes favorables est atteint, donner force de loi au texte proposé.
[99]. G. Hortzschansky, K. Haferkorn : Ernst Thälmann – eine Biographie, S. 281 (Bibliographie ►).
J. T. Degras (Ed.) : The Communist International… – Volume 2, S. 572 (Bibliographie ►).
H. Weber : Die Kommunistische Internationale, S. 371 (Bibliographie ►).
Pour le 5e plénum (21 mars – 6 avril 1925), il n’y a pas de liste publiée relative à la composition du présidium.
[101]. H. Weber : Der deutsche Kommunismus – Dokumente, S. 12 (Bibliographie ►).
IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Band 4, S. 140 (Bibliographie ►).
[102]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Beiträge zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Band 33, S. 776 (Bibliographie ►).
[103]. H. Weber : Die Stalinisierung der KPD… – Band 1, S. 295 (Bibliographie ►).
H. Weber : Die Kommunistische Internationale, S. 371 (Bibliographie ►).
[104]. http://www.thaelmannreport.de/dokumentation-zur-wittorf-affaere.html
H. Weber, B. Bayerlein (Hg.) : Der Thälmann-Skandal, S. 165 (Bibliographie ►).
H. Weber : Die Stalinisierung der KPD… – Band 1, S. 207 (Bibliographie ►).
[105]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 2 – Band 8 – Januar 1924‑Oktober 1929, S. 748 (Bibliographie ►).
[106]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien… – Reihe 2 – Band 8, S. 760 (Bibliographie ►).
[107]. H. A. Winkler : Arbeiter und Arbeiterbewegung in der Weimarer Republik – Band 2 – 1924‑1930, S. 669 (Bibliographie ►).
H. Weber : Die Stalinisierung der KPD… – Band 1, S. 217 (Bibliographie ►).
[108]. Le texte de la résolution : H. Weber : Der deutsche Kommunismus – Dokumente, S. 242 (Bibliographie ►).
[109]. Cf. plus haut, la note au sujet de Felix Schmidt.
[110]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien… – Reihe 2 – Band 8, S. 774 (Bibliographie ►).
[111]. http://www.arbeiterpolitik.de/Broschueren/Gegen%20den%20Strom%20-%20Besprechung2.pdf
H. A. Winkler : Arbeiter und Arbeiterbewegung… – Band 2, S. 670 (Bibliographie ►).
[112]. http://www.trotskyana.net/GuestContributions/engelhardt_entwicklung.pdf
H. A. Winkler : Arbeiter und Arbeiterbewegung… – Band 2, S. 440 (Bibliographie ►).
[114]. http://www.luise-berlin.de/bms/bmstxt99/9905proc.htm
[117]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Band 4, S. 514 (Bibliographie ►).
[120]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0000/mu2/mu21p/kap1_2/kap2_197/para3_1.html
[121]. http://www.historisches-lexikon-bayerns.de/artikel/artikel_44799
[122]. http://library.fes.de/pdf-files/bibliothek/bestand/x-04512_1.pdf
[123]. En février 1910, le SPD décide une campagne de mobilisation en rapport avec les débats au sujet de la loi électorale. Il annonce une manifestation pour le 6 mars. Le 13 février, le préfet de police de Berlin Traugott von Jagow interdit les rassemblements en pleine air. Il annonce par voie d’affichage : "Est prononcé le droit à la rue. La rue sert seulement à la circulation. En cas de résistance contre les pouvoirs publics est fait usage des armes. Je mets en garde les curieux." [Citation dans l’original ►] Des manifestations massives ont néanmoins lieu, et en avril l’interdiction est levée.
IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Reihe 1 – Band 4 – März 1889‑Juli 1914, S. 304 (Bibliographie ►).
H. Wilderotter : Das Haus der Abgeordneten – Ein Denkmal preußischer Geschichte in der Mitte Berlins, S. 36 (Bibliographie ►).
[124]. Le 16 avril 1928, le ministre de l’Intérieur Walter von Keudell (DNVP) demande aux gouvernements régionaux d’interdire le RFB. Mais ceux-ci, dans le contexte de la campagne électorale en cours à l’époque, jugent peu opportune une telle initiative. Ils s’adressent à la Cour suprême [Reichsgericht] qui, le 2 mai, statue qu’il n’y a pas de base juridique pour une interdiction globale du RFB au niveau national.
Th. Kurz : "Blutmai", S. 69 (Bibliographie ►).
H. Dünow : Der Rote Frontkämpferbund : die revolutionäre Schutz- und Wehrorganisation des deutschen Proletariats in der Weimarer Republik, S. 82 (Bibliographie ►).
[125]. H. Weber : Die Stalinisierung der KPD in der Weimarer Republik – Band 2, S. 13 (Bibliographie ►).
[126]. Cf. plus haut, la note au sujet de Felix Schmidt.
[127]. http://www.ubbo-emmius-gesellschaft.de/seeleute.pdf
[128]. W. Müller : Ziele und Grenzen der "Revolutionären Gewerkschafts-Opposition" (RGO) in Deutschland 1928 bis 1933, S. 51 (Bibliographie ►).
[129]. Dokumente und Analysen zur kommunistischen Arbeiterbewegung – Band 1, S. 195 (Bibliographie ►).
[130]. Kommunistischen Internationale – Exekutivkomitee – Neuntes Plenum (9.‑25. Februar 1928) – Resolutionen und Beschlüsse, S. 13 (Bibliographie ►).
[131]. Kommunistischen Internationale – Sechster Weltkongress (17. Juli – 1. September 1928) – Thesen, Resolutionen, Programm, Statuten, S. 29 (Bibliographie ►).
Internationale Communiste – Sixième congrès (17 juillet – 1er septembre 1928) – Thèses et résolutions (Bibliographie ►).
[132]. http://ciml.250x.com/rilu/archive/archive_german/rgi_1929_strassburger_konferenz_streikstrategie.html
Dokumente und Analysen zur kommunistischen Arbeiterbewegung – Band 5, S. 101 (Bibliographie ►).
[133]. Kommunistischen Internationale – Exekutivkomitee – Zehntes Plenum (3.‑19. Juli 1929) , S. 913 (Bibliographie ►).
[134]. W. Müller : Ziele und Grenzen der "Revolutionären Gewerkschafts-Opposition"…, S. 88 (Bibliographie ►).
[135]. W. Müller : Ziele und Grenzen der "Revolutionären Gewerkschafts-Opposition"…, S. 106 (Bibliographie ►).
L. Heer‑Kleinert : Die Gewerkschaftspolitik der KPD in der Weimarer Republik, S. 356 (Bibliographie ►).
http://library.fes.de/gmh/main/pdf-files/gmh/1979/1979-08-a-509.pdf
[137]. http://www.ubbo-emmius-gesellschaft.de/seeleute.pdf
[138]. http://www.vvn-bda-re.de/pdf/AlbertFunk.pdf.
H.‑H. Hartwich : Arbeitsmarkt, Verbände und Staat 1918‑1933, S. 176 (Bibliographie ►).
[139]. http://www.ubbo-emmius-gesellschaft.de/seeleute.pdf
[140]. http://www.bundesarchiv.de/aktenreichskanzlei/1919-1933/0010/bru/bru1p/kap1_1/para2_3.html
http://www.glasnost.de/hist/wr/weimar.html
H. A. Winkler : Weimar 1918‑1933, S. 377 (Bibliographie ►).
Décrets d’urgence du président du Reich :
http://alex.onb.ac.at/cgi-content/anno-plus?apm=0&aid=dra&datum=19300004&seite=00000207 et suiv.
http://alex.onb.ac.at/cgi-content/anno-plus?apm=0&aid=dra&datum=19300004&seite=00000212 et suiv.
Présentation des décrets :
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w4_bsb00000112_01271.html
Motion d’annulation des décrets :
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w4_bsb00000127_00974.html
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w4_bsb00000127_00978.html
Motions de censure :
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w4_bsb00000127_00973.html
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w4_bsb00000127_00977.html
Retrait provisoire des motions de censure :
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w4_bsb00000112_01308.html et suiv.
Vote sur l’annulation des décrets :
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w4_bsb00000112_01309.html
Résultat du vote :
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w4_bsb00000112_01310.html et suiv.
Décret d’annulation des décrets :
http://www.documentarchiv.de/wr/1930/aufhebung-verordnungen-reichspraesident_vo.html
Lecture du décret de dissolution :
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w4_bsb00000112_01309.html
Décret de dissolution du Reichstag
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w4_bsb00000127_01028.html
http://www.documentarchiv.de/wr/1930/aufloesung-reichstag-reichspraesident_vo.html
Décret sur les nouvelles élections :
http://www.documentarchiv.de/wr/1930/neuwahl-reichstag_vo.html
[142]. Voir à ce sujet les démarches des députés communistes au Reichstag :
Le 18 octobre 1930 :
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w5_bsb00000128_00131.html
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w5_bsb00000132_01025.html
Le 6 décembre 1930 :
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w5_bsb00000128_00440.html
Le 5 février 1931 :
http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w5_bsb00000133_00788.html
[145]. http://www.brangsch.de/projekt3/gesch2.htm
[146]. http://www.historisches-lexikon-bayerns.de/artikel/artikel_44734
[147]. IML beim ZK der SED (Hg.): Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Band 4, S. 344 (Bibliographie ►).
H. Niemann (Hg.): Geschichte der deutschen Sozialdemokratie…, S. 285 (Bibliographie ►).
[148]. IML beim ZK der SED (Hg.): Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Band 4, S. 288-289 (Bibliographie ►).
[149]. H. Weber: Die Kommunistische Internationale, S. 371 (Bibliographie ►).
J. T. Degras (Ed.): The Communist International, 1919-1943 – Documents – Volume 3 – 1929‑1943, p. 483 (Bibliographie ►).
H. Schumacher: Die Kommunistische Internationale (1919-1943) – Grundzüge ihres Kampfes für Frieden, Demokratie, nationale Befreiung und Sozialismus (Bibliographie ►).
H. Weber: Hauptfeind Sozialdemokratie – Strategie und Taktik der KPD 1929‑1933, S. 89 (Bibliographie ►).
KPD 1933-1945 – 1933-1945, dictature et libération
1933 1945 : Le KPD dans la lutte contre la dictature national-socialiste |
1933 1945 : Dictature et libération |
À partir de la prise du pouvoir par les national-socialistes, les communistes poursuivent leur combat pour la révolution prolétarienne. Ils affrontent la dictature national-socialiste, au prix de lourds sacrifices. La dictature en Allemagne sera éliminée finalement, avec la fin de la guerre. À cette victoire, l’URSS, le peuple soviétique, auront apporté une contribution primordiale.
Les national-socialistes accaparent le pouvoir
Reconsidération de l’orientation
Raffermissement de la résistance
Actions de résistance 1936-1937
Tentatives de structuration sur le plan national
Résistance dans la situation de guerre contre l’URSS
Les national-socialistes accaparent le pouvoir
Le 30 janvier 1933 se réalise l’ultime épisode du scénario de mise en selle d’Adolf Hitler : le président Paul von Hindenburg le nomme chancelier. Hitler constitue un gouvernement qui va rester en place quelque mois, le temps que les national-socialistes parachèvent la dictature ouverte. Ce gouvernement compte trois national-socialistes, Hitler, Wilhelm Frick (ministre de l’Intérieur), Hermann Göring (sans portefeuille, et aussi commissaire du Reich [Reichskommissar] pour l’aéronautique). Franz von Papen est vice-chancelier, Alfred Hugenberg (depuis 1928 président du Parti national-allemand du peuple [Deutsch-nationale Volkspartei], DNVP) ministre de l’économie et de l’agriculture, Franz Seldte (de l’organisation Casque d’acier [Stahlhelm]) ministre du travail. Le Commissariat du Reich [Reichskommissariat] pour la Prusse a Papen à sa tête, avec Göring chargé de l’Intérieur. Dès le lendemain, Hitler dissout l’Assemblée nationale, fixant de nouvelles élections pour le 5 mars.
Le 30 janvier même, le KPD publie à Berlin un appel diffusé par voie de tract, dont voici des extraits :
[…]
Sortez dans la rue!
Paralysez les entreprises!
À l’attaque des chiens sanguinaires fascistes répondez immédiatement par la grève, par la grève de masse, par la grève générale!
Travailleurs et travailleuses, jeunes travailleurs, prenez immédiatement position dans tous les syndicats, dans toutes les organisations de travailleurs, dans tous les bureaux de pointage.
Pour la grève générale contre la dictature fasciste!
Décidez la cessation de travail!
Décidez des manifestations de masse!
Élisez des comités d’unité et des directions de grève!
Organisez la lutte!
Devant l’ensemble du public prolétarien le Parti communiste d’Allemagne s’adresse avec l’appel simultanément à l’ADGB, à l’Afa-Bund, au SPD et les syndicats chrétiens avec la demande à mettre en oeuvre ensemble avec les communistes la grève générale contre la dictature fasciste des Hitler-Hugenberg-Papen, contre la destruction des organisations de travailleurs, pour la liberté de la classe ouvrière.
Le KPD en appelle aux millions de travailleurs social-démocrates, des syndicats libres, chrétiens et de l’organisation Reichsbanner, en ville et à la campagne de même qu’aux masses de travailleurs inorganisées.
Ensemble avec vos camarades communistes mettez en oeuvre dans toutes les entreprises et quartiers ouvriers, des manifestations de masse, la grève, la grève de masse, la grève générale!
[…] Vive la lutte pour une république d’ouvriers et de paysans!
[Citation dans l’original ►.]
Le 30 janvier, un rassemblement se tient à Berlin, réunissant 2000 représentants de conseils d’entreprises[1]. Ils adoptent à l’unanimité une résolution appelant notamment à la convocation d’assemblées dans les entreprises en vue de l’organisation de la grève politique de masse et d’autres mesures de lutte. Le texte dit : "Par la puissance de notre grève générale de 1920 le putsch Kapp s’est effondré. De la même manière doit être renversé le gouvernement Hitler. Unissons-nous sans égard à l’appartenance de parti et de syndicat." [Citation dans l’original ►.]
Dès l’après-midi du 30 janvier, suite aux appels lancés par le KPD, des manifestations ont lieu à Berlin (Prenzlauer Berg, Mitte, Friedrichshain), dans la région de Rhein-Ruhr (notamment Dortmund, Düsseldorf, Duisburg, Essen, Hagen, Lüdenscheid, Oberhausen, Wuppertal)[2]. Souvent des affrontements violents se produisent avec les national-socialistes, par exemple à Francfort sur le Main ou à Mannheim.
Les 30 et 31 janvier et le 1er février, des affrontements se produisent notamment à Berlin, Chemnitz, Duisburg, Kaiserslautern, Solingen, Wernigerode; des manifestations ont lieu aussi à Bochum, Braunschweig, Brême, Breslau, Chemnitz, Cologne, Dortmund, Düsseldorf, Eßlingen (partie de Wuppertal), Frankfurt sur le Main, Hagen, Halle, Hambourg, Homburg/Moers, Karlsruhe, Konstanz, Leipzig, Lüdenscheid, Mainz, Mannheim, Munich, Solingen, Stuttgart et ailleurs[3].
À Düsseldorf, des communistes et des antifascistes repoussent une attaque de 300 national-socialistes contre le siège et l’imprimerie du KPD[4]. À Wuppertal des communistes et des antifascistes forcent une manifestation national-socialiste à se disperser[5]. À Hambourg, des grèves partielles se déroulent dans le secteur portuaire, et quelques affrontements armés opposent des travailleurs à la SA (Section d’assaut [Sturmabteilung]) et la police[6]. À Berlin, les personnels de cinq dépôts du service de ramassage des ordures se mettent en grève, à Heidelberg des travailleurs des Stadtwerke, à Pirmasens des travailleurs d’une usine de chaussures, à Karlsruhe les travailleurs d’une aciérie, à Stuttgart les employés des ateliers de réparation des chemins de fer d’Esslingen[7].
À Dresde, après l’assassinat de 9 antifascistes, suite à l’enterrement des victimes le 31 janvier, environ 30.000 travailleurs manifestent[8]. Le 31 janvier également, à Stuttgart, à la suite d’un rassemblement organisé par le KPD, environ 10.000 personnes participent à une manifestation; à Kassel des communistes et des membres de l’organisation Bannière du Reich (Stahlhelm) obligent un défilé de la SA à se disperser[9]. En Thüringen, des manifestations ont lieu du 31 janvier au 2 février[10], notamment à Arnstadt[11], Greiz, Zella-Mehlis[12]. Le 1er février, 2000 travailleurs manifestent à Suhl[13], puis le 2 février, plus de 1000 à Erfurt[14].
Le 31 janvier, le KPD du district Württemberg diffuse un tract appelant à la grève de masse. Dans le village de Mössingen (en Baden-Württemberg) plusieurs centaines de personnes organisent une manifestation qui réussit à entrainer un certain nombre de travailleurs à quitter leur travail pour s’y joindre[15]. À la suite de cette action, 80 participants sont condamnés à des peines de prison allant de 3 mois à 2 ans et demi.
Dans la nuit du 30 au 31 janvier, à Lübeck, un groupe de national-socialistes attaquent un député à l’assemblée nationale du SPD, Julius Leber, et il s’en suit un affrontement entre les agresseurs et des membres de l’organisation Bannière du Reich[16] Un national-socialiste est tué, tandis que Leber, grièvement blessé, est arrêté par la police. En réaction à ces évènements, le 3 février, les travailleurs de la ville organisent une grève d’une heure, et la conférence des conseils d’entreprise exige la démission immédiate du président de police, lui-même social-démocrate.
Le 5 février à Tangermünde, en protestation contre un assassinat perpétré par les national-socialistes, une grève se produit ainsi qu’une manifestation à laquelle participent 3000 travailleurs; à Stettin 25.000 antifascistes participent à une manifestation[17]. Le 6 février à Rudolstadt, communistes et social-démocrates empêchent une manifestation des national-socialistes[18]. Le 7 février, une manifestation contre Hitler organisée par le SPD à Berlin rassemble 200.000 participants[19]. Le même jour à Harburg a lieu un rassemblement de 20.000 communistes et antifascistes lors de l’enterrement d’un syndicaliste assassiné[20]. En début de février, quand Joseph Goebbels vient à Kassel tenir un discours, des antifascistes tranchent la ligne électrique approvisionnant le lieu du rassemblement[21].
Le 5 février, à Staßfurt, le maire social-démocrate Hermann Kasten est mortellement blessé par un national-socialiste[22]. À titre de protestation, le lendemain les travailleurs de la ville organisent une grève.
Le 15 février, quand A. Hitler tient un discours dans la salle municipale de Stuttgart, des communistes rendent inutilisables des câbles, empêchant ainsi la diffusion du discours à la radio[23]. Le 19 février à Leipzig une manifestation rassemble 20.000 participants[24].
Le 19 février à Lübeck une manifestation rassemble 15.000 participants[25].
Le 21 février à Hanovre, des ouvriers membres de l’organisation Bannière du Reich sont assassinés par des national-socialistes[26]. Les travailleurs organisent alors, le 25 février, une grève de protestation.
À la fin de février dans différentes parties de Hambourg, se produisent des affrontements armées de membres de la Ligue rouge de combattants du Front (Roter Frontkämpferbund, RFB) avec des groupes de la SA[27]. Le 4 mars à Düsseldorf, des antifascistes réussissent à obliger un rassemblement du SA à se disperser; durant huit jours, ils repoussent les tentatives des national-socialistes de s’emparer du siège du KPD. À Wuppertal également des travailleurs mettent en échec un défilé de la SA. Près de Zittau des communistes et antifascistes occupent pendant quelque temps le siège des syndicats, de même à Riesa une grève oblige la SA à libérer la maison syndicale.
En guise de résumé partiel, on peut citer les estimations incomplètes données au début de l’été par Fritz Heckert, du KPD[28]. Il donne les chiffres suivants pour le nombre de grèves organisées. En février : 287 grèves (dont 225 à caractère politique déclaré); en mars : 19 (10); en avril : 60 (52); en mai : 58 (35).
De façon générale, on peut constater que la direction du SPD, partout où elle dispose d’une influence prépondérante dans les préfectures de police, emploie les forces de répression contre les travailleurs en lutte[29]. Même des manifestations à l’initiative d’instances du SPD sont entravées dans le but de faire barrage à une éventuelle participation du KPD. Le 12 février, Friedrich Stampfer, rédacteur en chef de l’organe du SPD, le Vorwärts, adresse au KPD une lettre ouverte proposant un pacte de non-agression entre le SPD et le KPD[30]. Pour le KPD, Ernst Torgler, président du groupe communiste à l’Assemblée nationale, répond que cette modalité n’est pas appropriée, mais qu’il faut entamer une coopération pratique dans les entreprises entre les travailleurs des deux partis, notamment en organisant l’autodéfense et des comités d’action communs. Le fait est que, encore en février, il arrive que des préfets de police membres du SPD, à Dortmund, Hambourg, Hanovre et d’autres villes, interdisent des manifestations antifascistes et ordonnent des arrestations de militants du KPD[31]. Ainsi à Hanovre, le 30 janvier, alors que les national-socialistes défilent pour célébrer leur victoire, le préfet de police Erwin Barth (SPD) interdit les actions de protestation que veut organiser notamment le KPD[32].
Le 7 février se tient une réunion clandestine du Comité central du KPD à la Maison de Sports Ziegenhals, aux environs de Berlin[33]. Y participent environ 40 personnes, dont Ernst Thälmann et d’autres membres du Comité central ainsi que des cadres dirigeants du Parti[34]. Elle est close de façon anticipée, grâce à quoi les participants échappent aux membres de la SA qui arrivent deux heures plus tard. Le Parti réussit encore à organiser quelques rassemblements publics, le dernier grand meeting ayant lieu le 23 février au Palais des Sports de Berlin, avec une intervention de Wilhelm Pieck, en présence de plusieurs milliers d’assistants[35].
Le 23 février, la police investit la maison Karl-Liebknecht [Karl-Liebknecht-Haus] à Berlin, depuis 1926 siège du Comité central du KPD et où se trouvent également la rédaction du journal Rote Fahne ainsi qu’une imprimerie. La maison est fermée le lendemain puis ultérieurement expropriée pour être mise à disposition d’abord de l’État de Prusse, finalement de la SA.
Le 27 février E. Thälmann adresse une "lettre ouverte" "aux travailleurs social-démocrates et chrétiens d’Allemagne, aux collègues des syndicats libre et des camarades de l’organisation Reichsbanner"[36]. [Documents ►].
La nuit du 27 au 28, se produit l’incendie de l’assemblée nationale (Reichstag). Les national-socialistes procèdent immédiatement à environ 1500 arrestations de communistes à Berlin, 10.000 dans le pays, notamment des cadres dirigeants et des députés à l’Assemblée nationale. Le 28, est émis un "décret du président du Reich pour la protection du peuple et de l’État", signé par le président P. v. Hindenburg, le chancelier A. Hitler, le ministre de l’Intérieur W. Frick et le ministre de la Justice Franz Gürtner (DNVP). Ce texte se fixe comme objet la "défense contre les actes communistes de violence mettant en danger l’État" et déclare notamment[37] :
Ainsi il sera admissible y compris en dehors des limites légales déterminées par ailleurs à cet égard, de restreindre les libertés individuelles ainsi que le droit à la liberté d’expression ‑ y compris la liberté de presse, le droit d’association et de réunion ‑, de porter atteinte au secret de la communication par courrier, poste, télégraphe et téléphone, d’ordonner des perquisitions à domicile et de confisquer ainsi que de limiter la propriété.
[Citation dans l’original ►.]
Des mandats d’arrêt sont émis visant 24 membres du Comité central du KPD[38]. Un bilan estimatif de la répression durant les quatre premières semaines de la dictature donne les chiffres suivants quant au nombre de morts suite à des affrontements : 20 communistes, 14 social-démocrates, 9 travailleurs sans parti, ainsi que 17 national-socialistes et 2 policiers[39].
Le KPD n’est pas formellement interdit, mais subit les interdictions de manifestation et de publication découlant de cette mesure, et surtout la répression physique : au cours des semaines qui suivent, des milliers de militants communistes sont assassinés, arrêtés, contraints à fuir le pays. Les chiffres des arrestations par la police et la SA jusqu’en avril, parmi les cadres du Parti, sont les suivants : dans la région Rhein-Ruhr 8000, en Bavière 3000, dans le district de Halle plus de 1400, en Baden 900, en Mecklenburg 260, etc.[40]. Le 3 mars, E. Thälmann est appréhendé.
Néanmoins le Parti participe encore aux élections à l’Assemblée nationale qui ont lieu le 5 mars. Le NSDAP obtient 288 sièges sur un total de 647, le SPD 120, le KPD 81. En Prusse, aux élections à l’Assemblée régionale tenues le même jour, le NSDAP obtient 211 sièges sur un total de 476, le SPD 80, le KPD 63. Mais le KPD est cible d’une répression totale. Ses mandats sont bloqués, les députés ne peuvent les exercer, sous peine d’arrestation immédiate. 41 députés seront effectivement arrêtés[41].
En ce mois de mars, le KPD publie un appel de son Comité central : "En avant courageusement pour l’action antifasciste" dont voici un extrait :
Camarades! La création du front uni de lutte des travailleurs est l’exigence de l’heure, est la question de vie et de mort de la classe ouvrière allemande. Pour cela organisez partout des réunions d’entreprise et de sans-emploi pour la discussion ensemble avec les membres des syndicats et les travailleurs social-démocrates sur les mesures de lutte en commun pour la libération du camarade Thälmann et de tous les travailleurs arrêtés, pour la levée des décrets d’urgence concernant les interdictions de réunion, de presse et de manifestation, la détention préventive, la police auxiliaire etc.
Déployez l’assaut de masse contre la dictature fasciste, par une vague de grèves politiques et économiques contre l’oppression et exploitation fasciste, par des actions d’autodéfense de masse contre la terreur fasciste. Par une vague de luttes partielles conduisez les masses de travailleurs vers la grève générale politique. Convainquez les collègues des syndicats, les travailleurs social-démocrates et de l’organisation Reichsbanner de la nécessité que dans ces organisation soient adoptés de résolutions concrètes de lutte en vue de grèves et manifestation en faveur des revendications mentionnées.
En même temps nous en appelons à tous les membres du parti d’oeuvrer de toutes leurs forces, pour que soit déployée la capacité de lutte antifasciste des syndicats afin d’empêcher la mise en oeuvre des plans de Hugenberg. Par un travail d’éducation en bons camarades, dans les syndicats, par le renforcement de ce travail, par l’entrée des communistes dans les syndicats, nous devons réussir de gagner les masses des membres des syndicats et les organisations syndicales pour le front uni antifasciste.
[Citation dans l’original ►.]
Le 24 mars, A. Hitler fait adopter par l’Assemblée nationale la "Loi visant à mettre fin à la détresse du peuple et de l’État" ("Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich")[42]. 444 des 647 députés qui composent théoriquement l’Assemblée votent en faveur de la loi. Ceux du KPD sont absents. De par cette loi, l’Assemblée, en autorisant le gouvernement à se substituer à lui, renonce à son propre pouvoir exclusif d’adopter des lois et d’exercer un contrôle. Les pouvoirs attribués ainsi au gouvernement ont pour effet de soustraire celui-ci au respect des dispositions constitutionnelles. Initialement, l’application de la loi est limitée à une période de quatre ans, mais elle sera prorogée en 1937 et 1939, et en 1943 exempte de toute durée limitative. Puis, le 31 mars, par la loi de "alignement des Länder avec le Reich" ("Gleichschaltung der Länder mit dem Reich") toutes les assemblées régionales (Landtage) à l’exception de celle de Prusse sont dissoutes et reconstituées dans une composition conforme à celle de l’Assemblée nationale (excluant ainsi les communistes); cette loi est suivi le 7 avril par une deuxième, de même intitulé[43].
Après avoir, le 10 avril, déclaré par voie législative le Premier Mai comme “fête du travail national” [“Fest der nationalen Arbeit”] (le 27 février 1934, la dénomination sera changée en “fête nationale du peuple allemand” [“Nationalfeiertag des deutschen Volkes”]), les national-socialistes organisent la célébration officielle de cette journée. Puis, le 2 mai, ils procèdent à la dissolution par la force des principales organisations syndicales et confisquent leurs biens. Sont frappés l’ADGB, l’ADB et l’Afa-Bund.
Avant la prise du pouvoir, les national-socialistes n’avaient pas organisé de syndicat rattaché au NSDAP, mais s’étaient efforcés, à partir de 1927, de constituer des cellules d’entreprises, à Berlin notamment. Sur la base de ces cellules, avait été créée en septembre 1929 l’“Organisation national-socialiste de cellules d’entreprise” (“National-Sozialistische Betriebszellen-Organisation”, NSBO). En mars 1933 se tiennent des élections aux conseils d’entreprise (Betriebsräte). Les premiers résultats s’avèrent nullement favorables aux national-socialistes. Le KPD, à travers l’Opposition syndicale révolutionnaire (Revolutionäre Gewerkschafts-Opposition, RGO) obtient 4,9 %, les syndicats de l’ADGB sont largement majoritaires avec 73,4 %, la NSBO n’atteint que 11,7 %. Les national-socialistes interrompent alors le processus électoral. Par ailleurs, depuis la nomination d’A. Hitler comme chancelier, ils avaient constitué un “Comité d’action pour la protection du travail allemand” (“Aktionskomitee zum Schutze der Deutschen Arbeit”) sous la direction de Robert Ley. Avec la dissolution des syndicats, ils passent à l’étape suivante et le 10 mai ils créent, toujours avec Ley à la tête, le “Front allemand du travail” (“Deutsche Arbeitsfront”, DAF) dans lequel doivent s’intégrer les syndicats existants. Les unions chrétiennes et celles dites de “Hirsch-Duncker”, qui avaient été épargnées lors des interventions du 2 mai, décident eux-mêmes dans les semaines qui suivent leur propre mise au pas.
Le 12 mai, le Rundschau de Basel, organe de l’Internationale communiste, publie un texte du KPD formulant des lignes directrices pour le travail syndical révolutionnaire dans les NSBO, mais ce texte était en fait antérieur au 2 mai et ne pouvait donc pas prendre en compte la situation nouvelle[44].
Il deviendra rapidement clair que le DAF n’exerçait aucune fonction syndicale. En juin seront instaurés les “fiduciaires du travail” (“Treuhänder der Arbeit”), subordonnés au gouvernement à travers le ministère du Travail associé à celui de l’Économie. Ils ont pour attribution de prendre des décisions en rapport avec les négociations salariales et les règlements d’entreprise ainsi que les litiges du travail. Le 27 novembre un accord sera conclu entre R. Ley et les ministères du Travail et de l’Économie, assurant que le DAF n’est pas habilité à représenter les intérêts économiques et sociaux des travailleurs ni de prendre des décisions concernant la vie quotidienne au travail[45]. Le DAF doit se consacrer à l’endoctrinement idéologique des travailleurs. Le lendemain 28 novembre, le président de la “Corporation nationale de l’industrie allemande” (“Reichsstand der deutschen Industrie”, qui avait été fondée en 1931 comme “Reichsverband”, c’est-à-dire “association nationale”) Gustav Krupp von Bohlen und Halbach donnera son accord pour l’adhésion des entrepreneurs au DAF[46]. La "Loi sur le règlement du travail national" ("Gesetz zur Ordnung der nationalen Arbeit") du 10 janvier 1934 établira la répartition définitive des compétences[47].
Le 10 mai 1933, sont confisqués les biens du SPD. Le 26, une "Loi sur la confiscation des biens communistes" est adoptée[48]; elle se fixe comme objectif de "soustraire durablement à une utilisation hostile à l’État, tout bien servant à des menées communistes" et prévoit la possibilité de "confisquer au profit du pays les biens et droits du Parti communiste allemand et de ses organisations auxiliaires et substitutives ainsi que les biens et droits qui sont utilisés ou destinés à la promotion d’intentions communistes" [citation dans l’original ►]. Le 22 juin, le SPD sera déclaré organisation hostile au peuple et à l’État, et interdit, puis entre le 27 juin et le 5 juillet sera mis en oeuvre un processus d’autodissolution de tous les autres partis à l’exception du NSDAP, et finalement le 14 juillet sera adoptée la "Loi contre la formation de nouveaux partis" ("Gesetz gegen die Neubildung von Parteien")[49]. Conjointement avec cette dernière loi, une autre, la "loi sur la confiscation des biens hostiles au peuple et à l’État"[50]déclare l’extension des dispositions de la loi du 26 mai, aux biens et droits du SPD et aux "biens et droits utilisés pour ou destinés à la promotion d’intentions marxistes ainsi que de toute autre intention déclarée comme hostile au peuple et à l’État par le ministre de l’Intérieur" [citation dans l’original ►.] Le 1er décembre, la "Loi pour la sauvegarde de l’unité du parti et de l’État" ("Gesetz zur Sicherung der Einheit von Partei und Staat")[51] confirmera le NSDAP dans son statut de parti unique dominant.
Le 23 février 1933 le secrétariat du Comité central du KPD adresse une directive aux directions de district, qui souligne notamment[52] :
Il est d’une importance décisive pour une politique et un travail correctes de nos organisations, que nous réussissons d’amener l’ensemble de nos membres et au-delà les larges masses, à la pleine conscience du fait que depuis le 30 janvier, avec l’instauration de la dictature fasciste ouverte sur l’Allemagne, un changement fondamentale de la situation s’est établi, et qu’il en résulte la nécessité de changements fondamentaux au même titre par rapport à la lutte de classe du prolétariat et par là pour la politique et le travail de nos organisations.
[Citation dans l’original ►.]
Le 1er avril, le Présidium du Comité exécutif de l’Internationale communiste adopte une résolution sur "la situation en Allemagne" faisant suite à un rapport présenté par F. Heckert, du KPD :
Le Présidium du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste, après avoir entendu le rapport du camarade Heckert, sur la situation en Allemagne, constate que la ligne politique, la politique d’organisation du comité central du Parti communiste allemand, avec le camarade Thaelmann à sa tête ont été parfaitement justes, avant et au moment du coup d’État hitlérien.
Dans quelles conditions la bourgeoisie allemande a-t-elle chargé le fasciste Hitler et son parti "national-socialiste" de réaliser la dictature fasciste ouverte?
C’est dans des conditions d’aggravation extrême de la situation économique et politique, en Allemagne : d’une part le Parti communiste était déjà devenu une force formidable dans la classe ouvrière et la crise révolutionnaire mûrissait rapidement; d’autre part, de profondes contradictions s’étaient révélées parmi les classes dominantes, et la dictature fasciste, sous la forme des gouvernements de von Papen et Schleicher, n’avait pas été en état d’arrêter les progrès du communisme ni de trouver une issue à la crise économique toujours plus aiguë. […]
Une particularité caractéristique de la situation au moment du coup d’État de Hitler, c’est que ces conditions de l’insurrection victorieuse n’avaient pas encore eu le temps de mûrir et n’existaient qu’en germe.
L’avant-garde du prolétariat ‑ le Parti communiste ‑ ne désirant pas se lancer dans une aventure, ne pouvait évidemment compenser ce facteur manquant par ses actes à elle seule.[…]
L’accalmie actuelle, après la victoire du fascisme, n’est qu’un phénomène momentané. La poussée révolutionnaire grandira inévitablement en Allemagne, malgré la terreur fasciste. La résistance des masses au fascisme ne peut pas ne pas grandir. L’instauration de la dictature fasciste ouverte, dissipant toutes les illusions démocratiques des masses et libérant celles-ci de l’influence, de la social-démocratie, accélère la marche de l’Allemagne vers la révolution prolétarienne.
La tâche des communistes doit être d’expliquer aux masses que le gouvernement Hitler conduit le pays à la catastrophe. Il faut maintenant avertir les masses, avec plus d’énergie que jamais, que le seul moyen pour les travailleurs d’échapper à une misère encore plus grande, que le seul moyen d’éviter la catastrophe, c’est la révolution prolétarienne et la dictature du prolétariat. Il faut lutter pour le ralliement de toutes les forces du prolétariat et la création du front unique des ouvriers social-démocrates et communistes, en vue de la lutte contre les ennemis de classe. Il faut raffermir le parti et renforcer toutes les organisations de masse du prolétariat, en préparant les masses aux batailles révolutionnaires décisives, au renversement du capitalisme, au renversement de la dictature fasciste par l’insurrection armée.
Partant de ce qui a été dit, le présidium du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste, approuve le programme d’activité pratique fixé par le Comité Central du Parti Communiste d’Allemagne.
[Citation dans l’original ►.]
Au cours du mois de mai, est formée à Berlin la "Direction d’intérieur" (Inlandsleitung) du KPD, composée des membres du Bureau politique suivants : John Schehr, Hermann Schubert, Fritz Schulte et Walter Ulbricht[53]. Les autres membres du Bureau politique, à savoir Franz Dahlem, Wilhelm Florin et Wilhelm Pieck, se rendent à Paris pour y former la "Direction à l’étranger" (Auslandsleitung). Le Comité central du KPD adopte une résolution "Au sujet de la situation et de nos tâches immédiates" :
Malgré la ligne politique absolument correcte du CC du KPD avant et pendant le coup d’État de Hitler […] notre Parti doit examiner de façon autocritique toutes les causes qui ont entravé le développement plus rapide des conditions subjectives préalables pour la crise révolutionnaire. […]
L’élimination complète des social-fascistes de l’appareil d’État, la répression brutale y compris contre les organisations social-démocrates et leur presse ne change rien au fait qu’ils représentant tout comme avant l’appui social principal de la dictature du capital. Autant les élections au Reichstag que les élections aux conseils d’entreprise prouvent que les couches décisives du prolétariat se trouvent encore majoritairement sous l’influence du SPD et de la bureaucratie syndicale social-fasciste et non pas sous celui du national-socialisme. […] Les social-fascistes ouverts, brutaux dont les représentants les plus résolus sont Wels, Leipart, Tarnow, Graßmann, Höltermann et Geliert, sont passés ouvertement du côté des services auxiliaires fascistes […]. Les social-fascistes "de gauche" […] maintiennent – enrichis par des dirigeants SAP et des Brandleriens repentis revenus au bercail – en paroles un faux-semblant d’opposition au fascisme, sabotent tout comme avant tout pas vers le front uni prolétarien, luttent contre les communistes, paralysent les masses par des théories sur l’expectative et la déconfiture qui se produirait d’elle-même, trouvent milles excuses pour la trahison ignoble des dirigeants du parti et de l’ADGB.
[Citation dans l’original ►.]
Du 28 novembre au 12 décembre 1933 se tient le 13e plénum, non élargi, du Comité exécutif de l’Internationale communiste, à Moscou. Otto W. Kuusinen présente le rapport du Présidium. W. Pieck y présente un rapport sur la situation en Allemagne et l’activité du KPD. Il déclare :
Aujourd’hui la social-démocratie remplit son rôle d’appui social principal de la bourgeoisie par le fait qu’elle tente d’ériger une digue contre la nouvelle vague de l’essor révolutionnaire , en maintenant la division au sein de la classe ouvrière. Le dirigeant de la social-démocratie allemande, Wels, a déclaré à la conférence de Paris de la IIe Internationale : "La tâche de grande lutte libératrice ne peut pas être d’aboutir, en quittant l’enfer fasciste, à la prison bolchéviste." Cette social-démocratie de Wels et Noske, Löbe et Scheidemann, qui dans les années 1918/19 a étranglé la révolution prolétarienne, qui a fait assassiner les fondateurs du Parti communiste d’Allemagne Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, qui, il y a dix ans, a interdit le Parti communiste pour aider la bourgeoisie – cette social-démocratie se trouve aujourd’hui aussi au service du capitalisme pourrissant contre les masses travailleuses d’Allemagne. […]
La dictature fasciste en Allemagne a été instaurée contre une classe ouvrière invaincue, qui certes a reculé passagèrement mais se rassemble de nouveau pour l’attaque.
[Citation dans l’original ►.]
Concernant l’interprétation que "la dictature fasciste en Allemagne a été instaurée contre une classe ouvrière invaincue", on peut rappeler l’appréciation suivante formulée en janvier 1933, dans L’Internationale communiste[54] :
La différence la plus importante et décisive par rapport aux autres pays avec une dictature fasciste, c’est que la dictature fasciste en Allemagne doit être mise en oeuvre contre une classe ouvrière invaincue et au cours d’une lutte permanente contre la résistance croissante de la part de celle-ci.
[Citation dans l’original ►.]
Le Comité exécutif de l’Internationale communiste adopte des thèses relatives au rapport [Documents ►].
Du 4 au 6 juin 1933 se tient le "Congrès antifasciste des travailleurs d’Europe" (Antifaschistischer Arbeiterkongreß Europas), à Paris[55]. Y participent environ 3500 délégués, dont 120 d’Allemagne. W. Florin présente le rapport principal. Un "Comité central antifasciste" est élu dont le secrétariat s’établit à Paris. Le 20 aout, le Comité mondial contre la guerre impérialiste (Weltkomitee gegen den imperialistischen Krieg) fondé en aout 1932 à Amsterdam, et le Comité central des Unions ouvrières antifascistes d’Europe (Zentralkomitee der Antifaschistischen Arbeitervereinigungen Europas), formé en juin 1933 à Paris, fusionnent pour constituer le Comité mondial contre la guerre et le fascisme (Weltkomitee gegen den Krieg und Faschismus) (dit Comité Amsterdam-Pleyel) qui établit son siège à Paris et nomme Henri Barbusse président[56].
Le 2 juin, un tribunal spécial fasciste établi à Altona prononça une condamnation à mort à l’encontre d’August Lütgens, Walter Möller, Karl Wolff et Bruno Tesch[57]. Il s’agit d’une machination dont l’origine réside dans les évènements du 17 juillet 1932 : durant des affrontements à Altona entre un cortège du SA et des habitants du quartier, deux membres du SA avaient été tués [Chronologie ►]. Peu après déjà, la justice avait construit des accusations alléguant un complot communiste et en automne 1932 les quatre personnes citées avaient été placées en détention provisoire, puis la procédure avait été abandonnée, mais les résultats de l’enquête servent de base à la justice fasciste. Le tribunal condamne encore six autres inculpés à de longues peines de prison, et trois autres ‑ bien qu’acquittés ‑ sont transférés dans un camp de concentration. Suivront six procès consécutifs contre plus de 100 inculpés, dont un grand nombre seront condamnés à de longues peines de prison. Lütgens, Möller, Wolff et Tesch seront exécutés le 1er aout.
Le 21 juin, à Berlin-Köpenick, des unités du SA déclenchent une campagne de terreur se prolongeant durant plusieurs jours[58]. Plus de 500 personnes sont arrêtées, souvent torturées, 91 assassinées, 70 resteront portées disparues. Parmi les victimes figurent les militants du KPD Josef Spitzer et Franz Wilczoch, les social-démocrates Johann Schmaus et Johannes Stelling, ainsi que des membres de l’Association communiste de la Jeunesse d’Allemagne (Kommunistischer Jugendverband Deutschlands, KJVD) et des Jeunesses ouvrières socialistes (Sozialistische Arbeiterjugend).
En automne 1933 la direction du KPD décide que, pour des raisons de sécurité, tous les membres de la direction se trouvant encore en Allemagne, à l’exception de J. Schehr, ‑ c’est-à-dire H. Schubert, F. Schulte et W. Ulbricht ‑ doivent quitter le pays[59]. En 1932, la direction du KPD avait été composée de la façon suivante[60]. Le Bureau politique comprenait 11 membres et 4 candidats et désignait un secrétariat composé de 5 membres (en mai 1932 : E. Thälmann, Hermann Remmele et Schehr comme membres, W. Pieck et Ulbricht comme candidats, à partir d’octobre 1932 : Thälmann, Schehr et Ulbricht comme membres, Pieck et W. Florin comme candidats). Au moment du transfert du Bureau politique à Paris, des 15 membres et candidats de 1932, Thälmann, Wilhelm Kasper et Helene Overlach sont en prison, F. Heckert se trouve en URSS, Leopold Flieg, Heinz Neumann et Remmele et sont demis de leurs fonctions (Flieg et Neumann depuis avril 1932, Remmele depuis avril 1933)[61]. Wilhelm Hein a été expulsé du Parti pour avoir rejoint le NSDAP. En janvier 1935 le Comité central et le Bureau politique seront transférés à Moscou, tandis qu’une direction opérationnelle pour l’intérieur (comprenant F. Dahlem, Paul Merker, Ulbricht et les candidats Anton Ackermann et Herbert Wehner)[62] sera établie à Prague. En septembre 1936, cette dernière instance s’installera de nouveau à Paris.
En automne 1933 donc, J. Schehr est chargé de former une nouvelle direction, dite “direction nationale” (“Landesleitung”)[63]. Celle‑ci, en tant qu’organe du Bureau politique du Comité central se trouvant à Paris et en liaison avec lui, dirige les organisations clandestines du Parti entre octobre 1933 et mars 1935. À partir d’été 1933, et jusqu’en 1935, existent des “bases frontalières” (“Grenzstützpunkte”) responsables de la direction des districts dans la clandestinité[64]. Pour Berlin et Allemagne du centre cette base frontalière siège d’abord à Reichenberg, puis à Prague en Tchécoslovaquie; pour l’Allemagne du Sud à Bâle, puis Zurich; pour Hessen et le Rheinland dans le Saargebiet; pour le Ruhrgebiet et Niedersachsen, à Amsterdam; et pour l’Allemagne du Nord à Copenhague. Schehr est arrêté en novembre (ainsi que les secrétaires de district Hans Fladung à Saxe et Lambert Horn à Ber)[65]. Le 1er février 1934 la Gestapo fusille Schehr ensemble avec les militants communistes Eugen Schönhaar, Rudolf Schwarz et Erich Steinfurth. Horn meurt le 2 juin 1939 dans le camp de concentration de Sachsenhausen. Après l’arrestation de Schehr, la direction nationale est dirigée par H. Wehner, en coopération avec Wilhelm Kox et Philipp Daub (qui l’intègre en début de 1934)[66], puis par Otto Wahls envoyé à Berlin en avril 1934 [67]. En été 1934 Daub, Kox et Wehner sont transférés au Saarland, et remplacés par Adolf Rembte, P. Merker et Werner Eggerath; ce dernier est arrêté fin 1934. Wahls et Merker sont remplacés au printemps 1935 par Robert Stamm et Max Maddalena. Arrivé à Berlin le 3 mars, Stamm entreprend avec Rembte, Maddalena, Käthe Lübeck et Walter Griesbach la mise en place d’une nouvelle direction nationale. Le 27 mars il est arrêté en même temps que les quatre autres. Il sera exécuté en novembre 1937.
Malgré la répression le KPD parvient à maintenir des structures organisationnelles, territoriales et aussi dans les entreprises. À titre d’indications succinctes et partielles, voici quelques exemples. À Berlin, le Parti poursuit l’action dans des grandes entreprises comme AEG, Siemens et BVG[68]. À Hambourg c’est le cas dans de grandes entreprises, notamment les chantiers navals[69]. La direction du district de Wasserkante doit être réorganisée à sept reprises entre mars 1933 et automne 1935, pour des raisons de sécurité et d’arrestations. En juin 1935 débutent des arrestations de masse dont sont victimes jusqu’en automne, environ 1000 militants du KPD de Hambourg. Dans le district de Niederrhein/Ruhrgebiet, après des arrestations subies en juillet 1933, le parti rétablit une direction[70]. Il agit notamment dans des grandes entreprises, dont Mannesmann-Konzern à Düsseldorf, et les Krupp-Werke à Essen. Il intervient également à Duisburg, Hamborn, Oberhausen, Mülheim, Wuppertal. À Cologne, des organisations du KPD existent dans les Humboldt-Deutz Motoren-Werke et les ateliers centraux des chemins de fer [Eisenbahnhauptwerkstätten] à Cologne-Nippes[71].
En Saxe, des organisations du KPD sont reconstituées dans la période jusqu’au printemps 1934 [72]. C’est le cas dans des entreprises de l’industrie automobile, par exemple Wanderer-Werke et Auto-Union, dans les chemins de fer (Reichsbahn), dans la plupart des puits de la région minière de Zwickau-Oelsnitz, ainsi que dans presque toutes les grandes entreprises de Zwickau. Des cellules opèrent dans la région de Halle, dans des usines d’armement comme Gummi-Elbe, Sprengstoffwerk Wasag à Reinsdorf, Stickstoffwerk Piesteritz; dans la région de Magdeburg, dans des grandes entreprises comme Krupp-Gruson, R. Wolf, Fahlberg-List. À la fin de 1934 et au début de 1935, le Gestapo arrête à Leipzig environ 2000 membres du KPD, du KJVD et d’autres organisations rattachées au Parti, mais l’activité se poursuit.
En Thüringen, après les arrestations de mars 1933, le parti poursuit l’activité notamment à Erfurt, Gera, Gotha, Jena et Weimar[73]. Vers la fin de 1933, des cellules sont constituées dans des entreprises comme Zeiss à Jena, des usines d’armement à Suhl et dans les Bayrische Motoren-Werke à Eisenach. Des arrestations ont lieu de nouveau, puis vers avril 1934 les organisations peuvent être reconstituées.
En Mecklenburg et Pommern, le KPD intervient dans des entreprises à Rostock, Wismar, Stettin, ainsi que le port de Stettin[74].
En Silésie, le KPD intervint en premier lieu dans les puits de la région industrielle de Haute Silésie[75]. Les principales organisations existent à Beuthen, Gleiwitz et Hindenburg. Des arrestations frappent le Parti en mars 1935.
Dans différentes régions, des organisations syndicales clandestines se constituent, composées de communistes, social-démocrates, anciens membres de l’ADGB et de la RGO[76]. À Wuppertal se forment en 1934-1935 61 groupes de l’Union textile et de l’Union de métallurgistes. À Düsseldorf des employés du tramway s’organisent en syndicats. En été 1935, dans l’industrie du textile et celle de la métallurgie, existent plus de 100 organisations syndicales à Berlin, à Hambourg, dans les régions de Saxe, Rhein-Ruhr, Haute-Silésie et d’autres. Sur environ 70 navires allemands existent de tels groupes. Un certain nombre de grèves sont organisés, en général d’une durée de quelques heures, parfois de jours, parfois avec la participation aussi de membres des organisations national-socialistes. En général le nombre de grévistes n’atteint pas 100, très rarement il dépasse 1000. On peut citer comme exemple en 1934, AEG Berlin-Treptow, Maschinenfabrik Stuttgart-Eßlingen, Fliegerwerft Gotha, Dixi-Werke Eisenach, et en 1935, Völklinger Hütte, Autowerk NSU Neckarsulm, Krupp-Werk Essen. Se produisent également quelques grèves de travailleurs agricoles, comme à la fin d’avril 1934 dans le district Burg près de Magdeburg. Des grèves et actions de protestation sont également organisées parmi les travailleurs occupés dans la construction des autoroutes. Une grève a lieu sur un tronçon entre Hambourg et Brême, en octobre 1934. En été et automne 1935 des travailleurs des autoroutes se mettent en grève sur plusieurs chantiers pour protester contre des arrestations ou licenciements de collègues, notamment le 25 juin, tous les travailleurs du chantier Groß-Rödersdorf en Prusse de l’Est, le 26 juin ceux du chantier Diedersdorf près de Berlin.
Le KJVD contribue substantiellement à l’action organisée dans les entreprises[77]. C’est le cas dans les Siemens- et les AEG-Werke à Berlin, le Krupp-Werk à Essen et les chantiers navals à Hambourg. Il organise la résistance dans les camps du Service du travail national (Reichsarbeitsdienst). Dans certains camps, en 1933, la résistance est si forte que les fascistes sont contraints de les dissoudre, entre autre autour de Berlin, Brême, Germersheim en Baden, Schmalkalden en Thüringen.
En été 1934, existent dans la région de Wuppertal 34 groupes de résistance dans diverses entreprises, que le KPD avait réussi à coordonner dans un cadre unifié, ensemble avec des social-démocrates et des sans-parti[78]. Ces groupes rassemblent plusieurs centaines de travailleurs et interviennent directement dans les conflits au sein des entreprises, publient des journaux et déclenchent des grèves de courte durée. Ils englobent les entreprises de l’industrie du textile et de la métallurgie, l’IG Farben Wuppertal (Bayer), les Elberfelder Elektrizitätswerke et les Wuppertaler Bahnen. Au début de 1936, 628 syndicalistes de la région de Wuppertal sont condamnés à des fortes peines de prison[79].
Dans la région de Rhein-Main, l’activité du KPD est coordonnée jusqu’en 1935 par la direction établie dans la Saar, laquelle, placée sous la responsabilité de H. Wehner, couvre toute l’Allemagne du Sud-Ouest (Pfalz, Hessen, Württemberg, Baden et le Saar)[80]. Dans la région de Rhein-Main, les principaux centres sont Francfort, Offenbach, Darmstadt et Mainz. Dès le printemps 1933, la direction du district Hessen-Frankfurt est frappée par de multiples arrestations, jusqu’à être virtuellement éliminée en 1936-1937.
En Allemagne du Sud, en Baden, Württemberg et Bayern le développement des organisations du Parti suit un chemin similaire[81].
La répression frappe durement les organisations du Parti. À la conférence du Parti dite de Bruxelles, en octobre 1935, un bilan sans doute incomplet est présenté[82]. De 422 cadres dirigeants (membres et collaborateurs du Comité central, cadres dirigeants de district et des organisations associées), 24 ont été assassinés, 219 emprisonnés. Parmi eux, on peut citer : Erich Baron, secrétaire générale de la société des amis de la Russie nouvelle (Gesellschaft der Freunde des neuen Rußlands); Albert Funk, président de la Fédération unitaire des travailleurs des mines d’Allemagne (Einheitsverband der Bergarbeiter Deutschlands); Helene Glatzer, membre de la direction du district Halle; Ernst Putz, président du Comité national paysan (Reichsbauernkomitee); Fiete Schulze, un des dirigeants de l’insurrection de Hambourg en 1923; Franz Stenzer, secrétaire de la direction du district Bavière Sud; Paul Suhr, secrétaire politique de la direction de district Halle-Merseburg; ainsi que Sepp Götz, Walter Häbich, Christian Heuck, Martin Hoop, August Lüttgens, John Schehr, Eugen Schönhaar, Walter Schütz, Rudolf Schwarz, Erich Steinfurth, Georg Stolt. En outre, 125 se trouvent en exil, 41 ont quitté le Parti. Ainsi, des anciens cadres dirigeants seulement 13 continuent à participer à la lutte dans la clandestinité à l’intérieur de l’Allemagne. Pour l’ensemble des membres du Parti, les chiffres sont les suivants : 393 assassinés, 29 condamnés à mort, 21 condamnés à prison à vie, 860 condamnés à de lourdes peines de prison totalisant 3980 années.
Dès juin 1933, 17 directions de district sur 22 ont été arrêtées[83]. Les dirigeants des sections de politique militaire des districts Wasserkante (Hambourg) Friedrich Lux, Prusse de l’Est (Königsberg) Ernst Jordan et Bavière-Sud (Munich) Alfred Fruth ont été assassinés. Particulièrement sévère ont été les arrestations de masse de cadres dirigeants en Prusse de l’Est, Pommern, Berlin et Brandenburg. En automne 1933 la Gestapo a arrêté le dirigeant du comité national de la RGO, Roman Chwalek, et jusqu’en janvier 1934 d’autres cadres dirigeants de la RGO ont arrêtés appréhendés[84]. Durant les années 1933-1935 également, des centaines de membres du KJVD, dont le président Fritz Große, ont été arrêtés[85].
Selon des estimations, au cours des années 1933‑1934, 60.000 communistes ont été arrêtés, 2.000 assassinés, en 1935 le nombre d’arrestations de communistes s’est élevé à environ 15.000 [86]. Jusqu’à la fin de 1935 près de 3.000 procès ont été intentés contre au moins 18.243 communistes au motif de "reconstitution du KPD illégal" ("Wiederaufbau der illegalen KPD")[87]. À Berlin, jusqu’à la fin de l’année 1936, dans plus de 20 procès plus de mille membres du Parti ont été condamnés pour haute trahison[88]. Notamment à Köpenick, après l’arrestation en automne 1936 de Friedrich Brückner et d’autres dirigeants, des procès aboutissent à la condamnation de 36 membres du Parti. Pour la région du Rhein-Ruhr, on peut citer les chiffres suivants concernant la répression de militants antifascistes[89] : en 1933, 1.408 inculpations, 9 condamnations à mort, 7 condamnations à prison à vie, total des peines de prison 2.022 années; en 1934, 2.141 inculpations, 4 condamnations à prison à vie, total des peines de prison 4.071 années; en 1935, 2.763 inculpations, 3 condamnations à mort, 3 condamnations à prison à vie, total des peines de prison 7519 années; en 1936, 873 inculpations, 3 condamnations à mort, 2 condamnations à prison à vie, total des peines de prison 2.427 années. À la fin de 1936 la majorité des groupes de résistance communiste sont démantelés[90].
De nombreux militants du RFB sont frappés par la répression[91]. Sont arrêtés : immédiatement après l’incendie de l’Assemblée nationale du 27 février, Ernst Schneller, ainsi que Christian Heuck, dirigeant à Schleswig-Holstein; le 5 mars Etkar André, dirigeant du secteur Wasserkante; le 24 avril, Emil Paffrath, dirigeant national de la Jeunesse; le 21 juin ‑ durant ce qu’on désigne comme la “semaine sanglante de Köpenick” [“Köpenicker Blutwoche”] ‑ Josef Spitzer, qui décèdera le 26 juin; le 16 juillet Max Grande, dirigeant du secteur Thüringen; en novembre, August Hoffmann, dirigeant du secteur Saxe de l’Ouest; en juin 1934, Max Benkwitz, dirigeant du secteur Halle-Merseburg. Durant la période 1934/1935, sous la direction du dirigeant national Willi Perk, les groupes du RFB encore existants dans la clandestinité s’intègrent progressivement dans les groupes de lutte antifasciste organisés par le KPD; en 1935 le RFB cesse d’exister en tant qu’organisation propre.
Un grand nombre de militants ayant exercé des fonctions dirigeantes au RFB et de l’organisation de la Jeunesse associée, le “Front de Jeunes rouge” (“Rote Jungfront”, RJ) perdront leur vie avant la victoire sur la dictature fasciste. Du RFB, notamment : André; Hoffmann; A. Lüttgens (cf. plus haut); Bernhard Bästlein, dirigeant à Remscheid; Gustav Brandt, dirigeant de la “Marine rouge” (“Rote Marine”) ‑ associée au RFB ‑ pour la section Wasserkante; Johannes Eggert, dirigeant local à Königsberg; Ewald Jahnen, membre de la direction du secteur Ruhr; Ernst Schneller, membre de la direction nationale. Du RJ : Rudi Arndt, dirigeant de section à Berlin-Mitte; Wilhelm Boller, dirigeant à Hambourg; Erwin Fischer, dirigeant du secteur Pommern; Rudolf Schwarz, dirigeant à Berlin-Brandenburg.
Durant les années de la dictature national-socialiste, des environ 300.000 membres que comptait le KPD en 1932, environ 150.000 subirent des peines de prison[92]. Le nombre total de communistes assassinés et exécutés s’élève à environ 20.000.
Reconsidération de l’orientation
En mai 1934, dans le cadre du Comité exécutif de l’Internationale communiste sont formées deux commissions en vue de la préparation du rapport d’activité et du rapport de G. Dimitrov pour le 7e Congrès de l’IC[93]. À ces travaux participent entre autres F. Heckert, M. Maddalena et W. Pieck. En juin, Dimitrov adresse une lettre à la commission de préparation de son rapport. En voici des extraits[94] :
D’après le brouillon ci-joint vous voyez comment je conçois le caractère de l’exposé au sujet du 2e point de l’ordre du jour du congrès. En outre je voudrais […] poser les questions suivantes :
I. Sur la social-démocratie
1. Est-il correct de qualifier la social-démocratie en bloc de social-fascisme? Par cette position nous nous barricadons souvent le chemin vers les travailleurs social-démocrates.
2. Est-il correct de qualifier partout et dans toutes circonstances la social-démocratie d’appui social principal de la bourgeoisie?
3. Est-il correct de considérer tous les groupements social-démocrates de gauche dans tous les cas comme danger principal?
4. Est-il correct de traiter tous les cadres dirigeants du parti social-démocrate et des syndicats réformistes sans exception comme personnes trahissant délibérément la classe ouvrière? Après tout il faut bien supposer qu’au cours de la lutte ensemble avec les travailleurs social-démocrates un bon nombre des cadres à responsabilité actuels du parti social-démocrate et des syndicats réformistes passeront aussi à la voie révolutionnaire; il est dans notre intérêt de leur facilité ce passage par tous les moyens et d’accélérer par là aussi le passage de notre côté des travailleurs social-démocrates.
5. N’est-il pas temps d’en finir avec les palabres inutiles autour de la possibilité ou impossibilité de la conquête des syndicats réformistes, et de formuler plutôt de façon claire et nette parmi leurs membres la tâche de transformer ces syndicats en un outil de la lutte de classe prolétarienne?
6. La question de l’unification des syndicats révolutionnaires et réformistes sans que soit posée la reconnaissance de l’hégémonie du Parti communiste comme condition préalable.
II. Sur le front uni
1. En rapport avec la situation changée notre tactique, elle aussi, doit être changée. Plutôt que de l’utiliser exclusivement comme une manoeuvre pour démasquer la social-démocratie, ans des tentatives sérieuses d’aboutir à l’unité véritable des travailleurs dans la lutte, nous devons la transformer en un facteur efficace du développement de la lutte de masse contre l’offensive du fascisme.
2. Il faut en finir avec l’orientation que le front uni ne peut être créé que par en bas et que toute appel simultané dirigé à la direction du parti social-démocrate est considéré comme opportunisme.
3. L’initiative combattive des masses doit être déployée sans tutelle mesquine des organes de front uni par le Parti communiste; pas de déclamations sur l’hégémonie du Parti communiste, mais réalisation de la direction par le Parti communiste dans la pratique.
4. Note approche des travailleurs social-démocrates et sans-parti doit changer de fond en comble, en ce qui concerne tout notre travail de masse, l’agitation, la propagande. Nous ne devons pas nous limiter à des affirmations générales sur la trahison de la social-démocratie, mais devons expliquer aux travailleurs concrètement, patiemment et de façon convaincante, où mène et a déjà mené, la politique social-démocrate de coopération avec la bourgeoisie. Ne pas rejeter la faute pour tout sur les dirigeants social-démocrates, mais souligner aussi la responsabilité des travailleurs social-démocrates eux-mêmes, les obliger à réfléchir au sujet de leur propre responsabilité, les obliger à chercher le chemin correcte pour la lutte, etc.
[Citation dans l’original ►.]
Face à la situation concrète qui s’impose durablement, le KPD tente de déterminer progressivement les positions appropriées. Ainsi la question de l’activité syndicale est soumise à une révision. Fin juillet-début aout, se tient une réunion du Comité central du KPD, à laquelle participent des cadres dirigeants de district et d’entreprises[95]. Le 1er aout, est adoptée la résolution "La création du front uni des masses travailleuses dans la lutte contre la dictature de Hitler" [Documents ►]. Le Parti abandonne l’orientation consistant à maintenir une structure syndicale séparée propre au Parti, et la RGO sera dissoute en février 1935 [96].
À l’occasion du soi-disant référendum populaire au sujet de la loi procédant à la fusion des fonctions de président et de chancelier en la personne d’A. Hitler, qui doit se tenir le 19 aout 1934, le Comité central du KPD appelle à la création du front populaire antifasciste[97]. Voici un extrait d’un tract allant en ce sens[98] :
Nous communistes nous adressons à tous les ennemis de la dictature hitlérienne, à tous les social-démocrates, syndicalistes, à tous les actifs, à tous les groupes et organisations qui sont prêts à lutter contre le fascisme, à édifier ensemble avec nous la grande unité de lutte antifasciste, le front populaire contre Hitler, contre la dictature fasciste du capital.
[Citation dans l’original ►.]
Au cours de l’automne 1934, des divergences se maintiennent au sein du Bureau politique quant à la façon d’adapter les positions du Parti à la nouvelle situation[99]. La majorité du Bureau politique (H. Schubert, F. Schulte, W. Florin, F. Dahlem et F. Heckert) est réticente vis-à-vis d’un changement de ligne, d’autres (Paul Bertz, P. Merker, W. Pieck, W. Ulbricht et H. Wehner) y sont favorables. Le 27 octobre le Secrétariat politique du Comité exécutif de l’IC critique certains aspects des positions majoritaires au sein du CC du KPD[100].
En janvier 1935, le secrétariat politique du Comité exécutif de l’IC mène des discussions avec le Bureau politique du Comité central du KPD, des responsables nationaux et de Berlin, ainsi que du KJVD[101]. Le 19 janvier est adoptée une résolution critiquant la ligne de la majorité du Bureau politique. Fin janvier se tient, à Moscou, une réunion du Comité central du KPD. Autour de W. Florin, F. Dahlem, F. Heckert, W. Pieck et W. Ulbricht, une majorité se constitue au sein du Bureau politique en opposition aux orientations en vigueur. H. Schubert et F. Schulte restent isolés. Le 30 janvier, une résolution "Front uni prolétarien et Front populaire antifasciste pour le renversement de la dictature fasciste" est adoptée à l’unanimité par le CC. Elle affirme :
Révolution populaire pour une Allemagne libre et socialiste du pouvoir des conseils.
[Citation dans l’original ►.]
À la fin de 1934 et en 1935 un certain nombre d’accords de front unique sont conclus au niveau local, entre le KPD et d’autres forces politiques, par exemple à Mannheim, München-Gladbach, Wuppertal, dans la région à l’ouest du Rhin, en Haute-Silésie, en Niedersachsen[102].
Du 21 au 25 juin 1935 se tient le “Congrès international des écrivains pour la défense de la culture" (“Internationaler Schriftstellerkongreß zur Verteidigung der Kultur”), à Paris[103]. À cette occasion, Wilhelm Koenen, au nom de la direction du KPD, tente d’arriver à une entente avec des dirigeants social-démocrates et des écrivains bourgeois de gauche, au sujet d’une action commune contre le régime hitlérien et la constitution d’une organisation à cet effet. Divers discussions sont par ailleurs menées dans un sens similaire au cours de l’été 1935 entre personnalités politiques susceptibles de participer à une telle initiative. Un cercle se cristallise qui se conçoit dans un premier temps comme “Comité provisoire pour la préparation d’un front populaire allemand” (“Vorläufiger Ausschuß zur Vorbereitung einer deutschen Volksfront”) et se consolide en septembre comme “Comité préparatoire pour la création d’un front populaire allemand” (“Vorbereitender Ausschuß zur Schaffung einer deutschen Volksfront”)[104]. Il apparait publiquement comme “Comité d’action pour la liberté en Allemagne” (“Aktionsausschuß für Freiheit in Deutschland”). Ce comité est présidé par l’écrivain Rudolf Leonhard. Il compte parmi ses membres : Koenen, Rudolf Breitscheid (ex-président de la fraction du SPD à l’Assemblée nationale), Max Braun (ex-président du SPD dans le Saargebiet), les écrivains Heinrich Mann et Lion Feuchtwanger.
Du 25 juillet au 20 aout 1935 se tient le 7e Congrès mondial de l’Internationale communiste, à Moscou[105]. Il réunit 371 délégués avec voix délibérative et 139 délégués avec voix consultative, représentant 65 des 76 partis adhérant à l’IC. Le rapport d’activité du Comité exécutif est présenté par W. Pieck [Documents ►] et une résolution correspondante est adoptée [Documents ►]. G. Dimitrov présente un rapport sur "L’offensive du fascisme et les tâches de l’Internationale communiste dans la lutte pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme" [Documents ► et ►]. Palmiro Togliatti présente un rapport sur "La préparation de la guerre impérialiste et les tâches de l’Internationale communiste". Dimitri S. Manuilskij présente un rapport sur "Les résultats de l’édification socialiste en Union soviétique". La délégation allemande comprend 30 membres, notamment A. Ackermann, F. Dahlem, Philipp Dengel, Hugo Eberlein, W. Florin, Walter Hähnel, F. Heckert, Karl Mewis, W. Pieck, Elli Schmidt, W. Ulbricht, Kurt Siegmund[106].
Parmi les 47 membres du Comité exécutif de l’IC élu à l’unanimité par le congrès, on peut citer : G. Dimitrov en tant que secrétaire général, Jacques Duclos, William Foster, Klement Gottwald, O. W. Kuusinen, Julian Leński, D. S. Manuilskij, Harry Pollitt, Luis Carlos Prestes, Maurice Thorez, P. Togliatti; parmi les 33 candidats, Dolores Ibárruri[107]. En ce qui concerne le KPD, on peut noter : parmi les membres W. Florin, F. Heckert, W. Pieck, E. Thälmann; parmi les candidats, F. Dahlem et W. Ulbricht; en outre Ph. Dengel faisait partie de la Commission internationale de contrôle. Pieck est également élu membre du Présidium et du Secrétariat du Comité exécutif[108]. La composition complète du Comité exécutif est la suivante[109].
Comme membres : B. Bortnowski (pseudonyme Bronkowski), E. Browder, T. Buck, M. Cachin, Chang Kuo‑tau, Chen Shao-Yü (pseudonyme Wang Ming), Chou En-lai, J. Díaz, G. Dimitrov, J. Duclos, N. Ezov, W. Florin, W. Z. Foster, W. Gallacher, B. Gonçalves (pseudonyme A. Quierós), K. Gottwald, G. Greenberg (pseudonyme Green), R. Grieco (pseudonyme Garlandi) , R. Guyot (Raymond, pour l’ICJ), F. Heckert, Sh. Ichikawa, V. Kolarov, J. Koplenig, B. Köhler, B. Kun, O. Kuusinen, Lé Hông Phong (pseudonyme Chayen), J. Leszczyński (pseudonyme Leński), S. Linderot, D. Manuilskij, Mao Tse-tung, A. Marty, S. Nosako (pseudonyme S. Okano), W. Pieck, H. Pollitt, L. Prestes, M. Rákosi, Salim‑Abud, J. Staline, B. Stefanov, E. Thälmann, M. Thorez, P. Togliatti (pseudonyme Ercoli), M. A. Trilisser (pseudonyme M. Moskvin), L. de Visser, N. Zachariades (pseudonyme Dimitriu), A. Zdanov.
Comme candidats : B. Bradley, F. Calderio (pseudonyme Blas Roca), J. Campbell, V. Cemodanov, Chin Pang-hsien (pseudonyme Po Ku ou Bo Gu), J. Cizinski (pseudonyme M. Gorkič), F. Dahlem, K. Dernberger, S. Dimitrov (pseudonyme Stojnov), G. Dozza (pseudonyme Furini), R. P. Dutt, J. Ford, B. Frachon, R. Ghioldi, S. Gopner , D. Ibárruri Gómez (Dolores), J. Jaquemotte, Kang-Sheng (pseudonyme Kon Sin), J. Krumins, A. Lozovskij, E. Lövlien, J. Paszyn (pseudonym Bielewski), B. Popov, E. Próchniak, C. Schalker, L. Sharkey, V. Siroký, J. Sverma, A. Tuominen, W. Ulbricht, J. Varga, M. Wolf (pseudonyme Michal), A. Zápotocký,
Le présidium est compose de la façon suivante. Comme membres : Cachin, Dimitrov, Togliatti, Florin, Foster, Gottwald, Kolarov, Koplenig, Kuusinen, Leszczyński, Manuilskij, Marty, Trilisser, Nosako, Pieck, Pollitt, Staline, Thorez, Chen Shao-Yü; comme candidats : Bortnowski, Browder, Gallacher, Grieco, Heckert, Köhler, Kang-Sheng, Linderot, Lozovskij, Wolf, Guyot, Tuominen.
Dimitrov est désigné comme secrétaire général, les membres du secrétariat sont Gottwald, Kuusinen, Manuilskij, Marty, Pieck, Togliatti, avec comme candidats Chen Shao-Yü, Florin, Trilisser.
Le 26 septembre 1935 se tient une rencontre entre opposants au régime, à l’hôtel Lutetia à Paris[110]. Elle est le résultat de négociations menées à Paris après le 7e Congrès de l’Internationale communiste, au nom de la direction du KPD, par W. Koenen et Wilhelm Münzenberg avec des cadres social-démocrates, dont M. Braun, R. Breitscheid, Victor Schiff, ainsi que des représentants de l’opposition bourgeoise, dans la prolongation du Comité d’action pour la liberté en Allemagne (cf. plus haut). La réunion est présidée par H. Mann. Parmi les 51 participants on compte 4 communistes (dont Koenen et Münzenberg), 22 social-démocrates (dont Braun, Schiff, et des représentants de deux autres organisations, le Parti ouvrier socialiste d’Allemagne (Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands, SAP) et les Socialistes révolutionnaires (Revolutionäre Sozialisten), ainsi que 25 représentants de l’opposition bourgeoise. À l’issue des délibérations, est formé un bureau présidé par H. Mann, comprenant Münzenberg, Braun, Georg Bernhard, Leopold Schwarzschild, Otto Klepper (coopté en son absence), Emil Julius Gumbel; des sièges sont réservés pour des représentants (un dans chaque cas) respectivement des catholiques, du comité exécutif du SPD à Prague et des syndicats dits libres (c’est-à-dire l’ADGB, et les fédérations associées que sont l’Afa-Bund et l’ADB)[111]. Ce bureau est chargé d’organiser des discussions ultérieures à une échelle plus large. Schwarzschild et Bernhard sont chargés d’élaborer un "projet de programme" et une "constitution pour l’Allemagne nouvelle".
Du 3 au 15 octobre se tient la 4e Conférence nationale du KPD, près de Moscou, appelée pour des raisons de clandestinité “Conférence de Bruxelles”[112]. Ultérieurement, elle est considérée comme 13e Congrès du KPD. C’est la première conférence du Parti depuis la prise du pouvoir par les national-socialistes.
À cette conférence participent 38 délégués avec voix délibérative ainsi que quelques observateurs, en tout environ 45 à 50 communistes, dont notamment des membres du Comité central et du Bureau politique, des représentants d’organisations clandestines du Parti en Allemagne et dans des pays d’émigration, ainsi que des cadres d’organisations de masse du Parti. Parmi eux on peut citer : Alexander Abusch, A. Ackermann, F. Dahlem, Ph. Dengel, W. Florin, Richard Gladewitz, W. Hähnel, F. Heckert, Erich Jungmann, Wilhelm Knöchel, Robert Lehmann, P. Merker, K. Mewis, Ulrich Osche, W. Pieck, E. Schmidt, Emil Schmittinger, H. Schubert, F. Schulte, Sepp Schwab, Walter Trautzsch et W. Ulbricht.
Le Comité exécutif de l’Internationale communiste est représenté par P. Togliatti, membre du Présidium et du Secrétariat du CE. En outre assiste à une partie des réunions, D. S. Manuilskij, membre du Présidium et du Secrétariat du CE. Quelques collaborateurs du CE ainsi que des représentants des Partis communistes de France, d’Angleterre et de Chine y participent également.
Les délégués allemands viennent de différents districts, entre autres : Berlin, Brême, Danzig, Frankfurt (Main), Hambourg, Niederrhein, Haute Silésie, Ruhrgebiet, Saargebiet, Saxe[113]. Certains ont participé au 7e Congrès de l’Internationale communiste.
Le rapport principal du bureau politique, sur "L’expérience et les enseignements du travail du parti allemand en rapport avec les résolutions du 7e Congrès mondial de l’Internationale communiste" est présenté par W. Pieck[114] [Documents ►]. W. Florin présenta un rapport du bureau politique sur "l’application concrète des résolutions du 7e Congrès mondial de l’Internationale communiste" [Documents ►]. Au nom du Bureau politique, trois autres rapports furent présentés par W. Ulbricht, A. Ackermann et F. Dahlem. Celui d’Ulbricht, membre du Bureau politique, avait pour sujet "le travail dans le Front du travail allemand et la reconstruction des syndicats libres" ("Die Arbeit in der Deutschen Arbeitsfront und der Wiederaufbau der freien Gewerkschaften"); celui d’Ackermann "le combat du Parti pour gagner la jeunesse travailleuse" ("Der Kampf der Partei um die werktätige Jugend"); et celui de Dahlem "Édification du Parti et travail de masse" ("Parteiaufbau und Massenarbeit"). Durant les discussions, 38 délégués présentent 54 contributions, dont K. Mewis, P. Bertz, R. Gladewitz, W. Trautzsch, W. Knöchel[115].
P. Togliatti, membre du Présidium et du Secrétariat du Comité exécutif de l’Internationale communiste, déclare :
L’expérience que votre Parti a acquise avant et après l’instauration de la dictature fasciste, se trouvaient au centre du Congrès (7e Congrès de l’IC). D’autant plus est posé devant vous la responsabilité de la tâche de créer toutes les conditions nécessaires à la mise en oeuvre des décisions du 7e Congrès mondial.
[Citation dans l’original ►.]
Les documents élaborés par la Conférence pour fixer l’orientation du Parti, notamment la Résolution "La voie nouvelle pour la lutte en commun de tous les travailleurs. Pour le renversement de la dictature de Hitler!" [Documents ►] et le Manifeste "Au peuple travailleur allemand" [Documents ►], sont adoptés à l’unanimité. Ces textes sont examinés par ailleurs, dans le texte "1933-1945 : Démocratie populaire" ►.
Le Comité central élu à la Conférence de Bruxelles est composé de 15 membres, à savoir : A. Ackermann, P. Bertz, F. Dahlem, L. Flieg, W. Florin, W. Hähnel, F. Heckert, P. Merker, W. Münzenberg, W. Pieck, E. Schmidt, E. Thälmann, W. Ulbricht, H. Wehner, Heinrich Wiatrek, et de 3 candidats, à savoir : W. Knöchel, Wilhelm Kowalski, K. Mewis[116]. E. Thälmann est confirmé en tant que dirigeant du Parti, et Pieck est chargé de le remplacer en tant que président, tant qu’il reste en prison. Le Bureau politique est composé de Dahlem, Florin, Heckert, Merker, Pieck, Thälmann et Ulbricht comme membres, ainsi qu’Ackermann et Wehner comme candidats. Le siège du Comité central est établi à Moscou.
Raffermissement de la résistance
Au cours de la première réunion du Comité central élu à la Conférence de Bruxelles, le 15 octobre 1935, le Bureau politique constitue une direction opérationnelle à l’étranger [Auslandsleitung][117]. Elle est présidée par les membres du Bureau politique F. Dahlem, P. Merker et W. Ulbricht; en font partie en outre les candidats du Bureau politique A. Ackermann et H. Wehner. Y sont rattachés également P. Bertz et E. Schmidt[118]. Wehner en sera révoqué quelques mois plus tard pour infraction aux impératifs de la clandestinité.
En juin 1936, les attributions des membres de cette direction opérationnelle à l’étranger sont redéfinies, en particulier Ulbricht est désigné comme secrétaire du bureau politique[119]. Le 1er octobre 1936 l’organisme devient "secrétariat du comité central" et son siège est transféré de Prague à Paris. Ses membres rencontrent régulièrement les membres du Bureau politique restant à Moscou, W. Florin, F. Heckert et W. Pieck, pour des délibérations[120]. Le but de ces réunions est de maintenir une liaison continue avec le Comité exécutif de l’Internationale communiste et les autres sections de l’IC, d’organiser la formation de cadres dans les écoles de l’IC en Union soviétique et de mettre en place un système de liaison avec les organisations du Parti en Allemagne qui puisse fonctionner même en temps de guerre. La direction opérationnelle à l’étranger du Bureau politique est chargée de la direction directe des organisations du Parti en Allemagne et dans les pays d’émigration. Dans ce but, elle publie le Rote Fahne, l’Internationale ainsi que d’autres matériaux et s’appuie dans son activité sur des directions de section créées fin 1935‑début 1936 dans les pays limitrophes de l’Allemagne puisqu’il n’est pas pour l’instant possible de créer une direction opérationnelle en Allemagne même.
En effet, la dernière Direction de l’intérieur [Landesleitung] du KPD à Berlin a été arrêtée peu après sa mise en place, ses dirigeants assassinés[121]. La direction des groupes de résistance restés intacts avec lesquels la direction en exil était encore en contact, est assumée à partir de 1935 par les directions de section [Abschnittsleitungen]. La direction de section Centre est établie à Prague, elle est responsable de Berlin, Allemagne du Centre et de l’Est (en 1938 elle se transfèrera à Malmö). La direction de section Nord a son siège à Copenhague et s’occupe de l’Allemagne du Nord. La direction de section Ouest se trouve à Amsterdam et est en charge du Rheinland et de Westfalen, avant tout du Ruhrgebiet. La direction de section Sud-Ouest est établie à Bruxelles et est responsable d’une partie de l’Allemagne de Sud-Ouest (Mittelrhein). La direction de section Sud a son siège à Zürich et s’occupe de l’Allemagne du Sud. En octobre 1935, Wilhelm Firl et Martin Hoffmann sont chargés par la direction d’extérieur d’agir comme centre de liaison à l’intérieur à partir de Berlin, pour diriger les organisations du Parti dans quelques régions[122]. Mais le 30 janvier 1936 Firl st arrêté, puis exécuté le 17 aout 1937.
Parmi les cadres appartenant aux directions de section on peut citer Willi Adam, Hans Beimler, Conrad Blenkle, Philipp Daub, Erich Gentsch, K. Mewis, Otto Niebergall, Siegfried Rädel, S. Schwab, Paul Verner et Herbert Warnke[123]. La direction opérationnelle à Paris entretient aussi des relations directes avec des organisations du Parti dans d’importantes usines d’armement, par exemple dans le Siemens-Konzern, les Borsig-Werke et d’autres usines à Berlin. Progressivement sont formés des organisations du Parti dans des usines et dans les organisations de masse fascistes, à Berlin, Hambourg, dans la région du Rhein-Ruhr, dans la Saar, en Saxe et ailleurs.
À Berlin existent des organisations du Parti par exemple dans les Werner-, Schalt-, Elektromotoren- et Dynamo-Werke du Siemens-Konzern et dans la Berliner Verkehrsgesellschaft[124] À Cologne, au printemps de 1936 des cadres dirigeants de l’organisation du Parti sont arrêtés (notamment Otto Kropp à la fin de mars, il sera exécuté le 25 mai 1937), mais des militants et cadres isolés et des groupes du Parti établissent des relations entre eux et reconstituent des organisations dans les entreprises, par exemple dans les Ford-Werke, la Gasmotoren-Fabrik Deutz et les entreprises municipales, en particulier le tramway. À Leipzig les communistes sont organisés dans environ 20 grandes entreprises, dont la Hasag, les Köllmann-Werke, la Pittler AG. À Dresde l’activité du Parti est organisée notamment par Herbert Bochow, Albert Hensel, Fritz et Eva Schulze ainsi que Karl Stein. Des groupes organisés existent dans des grandes entreprises à Chemnitz. Dans la région de Mansfeld des groupes existent entre autre dans la centrale de la Kochhütte et le Wolfschacht ainsi qu’à Helbra. À Magdeburg des organisations du Parti existent dans plus de 20 entreprises; l’un des principaux militants du Parti y est Hermann Danz.
À Mannheim Georg Lechleiter, Jakob Faulhaber et d’autres cadres établissent des organisations du Parti dans des entreprises. À Stuttgart des organisations existent dans les entreprises des Bosch-, AEG- et Daimler-Konzerns. Edward Funke de la direction de section Sud entretient des liaisons avec Stuttgart; il est arrêté en mai 1936, il sera exécuté le 4 mars 1938. À Munich existaient des organisations du Parti dans les Agfa- et les BMW-Werke. À Stettin des organisations du Parti existent dans le port, et dans les Oder-Werke. En Silésie des organisations du Parti existent à Gleiwitz, Groß-Strehlitz, Kosel. Avec un effort particulier porté aux entreprises d’armement, l’activité du Parti se développe à Bitterfeld, Halle et dans la Saar.
Après la conférence de Bruxelles, la direction du KPD renouvèle ses efforts pour arriver à un accord d’action commune avec le comité exécutif en exil du parti social-démocrate[125]. Le 23 novembre 1935 un entretien eut lieu à Prague entre F. Stampfer et Hans Vogel représentant la direction social-démocrate, et F. Dahlem et W. Ulbricht du Comité central du KPD, au sujet de la proposition faite par le CC de décider des actions communes contre la terreur fasciste et la politique de guerre du régime national-socialiste. Stampfer et Vogel transmettent à leurs interlocuteurs la réponse négative, décidée par la direction social-démocrate au motif qu’un tel accord pourrait empêcher des relations entre les sociaux-démocrates et les forces politiques bourgeoises.
Le 22 novembre 1935 se tient une deuxième rencontre à l’hôtel Lutetia, réunissant 44 opposants au régime national-socialiste[126]. Le social-démocrate V. Schiff se prononce en faveur du front uni avec le KPD, se démarquant ainsi du comité exécutif en exil du parti social-démocrate. Le représentant du SAP, Paul Frölich, se prononce contre la politique de front populaire du KPD et se déclare uniquement prêt pour des arrangements limités dans l’émigration, comme par exemple une action commune de protection contre les espions. La session n’adopte pas de résolutions. R. Breitscheid reste à l’écart.
Le 2 février 1936 se tient une troisième rencontre d’opposants au régime national-socialiste, à Paris[127]. Y participent environ 100 personnes, dont 20 communistes, 27 social-démocrates, 3 cadres du SAP, 1 représentant de la Ligue de combat socialiste internationale (Internationaler sozialistischer Kampfbund, ISK), 4 catholiques et 37 représentants de l’opposition bourgeoise. Parmi les communistes, on peut citer W. Münzenberg, F. Dahlem, Adolf Deter[128]; parmi les social-démocrates, M. Braun et R. Breitscheid. Au cours des discussions, Breitscheid se prononce en faveur d’un rapprochement entre communistes et social-démocrates. Une commission est chargée d’élaborer une plateforme pour le rassemblement de tous les groupes oppositionnels et un programme relatif au futur régime politique de l’Allemagne. Dans le cadre de cette commission, se déroulent des discussions prolongées sur le caractère du document à élaborer ainsi que sur la nature de l’ordre qui devrait être établi après le renversement de la dictature[129]. Certains représentants bourgeois visent à un État similaire à la République instaurée en 1918. Quelques représentants du SAP demandent l’instauration immédiate de la dictature du prolétariat. Les participants adoptent un manifeste [Documents ►].
En été 1935 encore, la direction du KPD affirme son intention d’élaborer un programme concernant l’Allemagne après le renversement du régime national-socialiste, uniquement quand seraient présentes certaines prémisses. Comme le note un membre de la direction du Parti (W. Pieck ou W. Florin) : "Lettre à tous les adversaires du fascisme, dans laquelle sont traitées les questions de la voie vers le renversement de Hitler. (Programme seulement plus tard quand données des prémisses"[130] [citation dans l’original ►]. Or, rapidement le Parti se laisse entrainer, sous la pression des alliés en puissance, sur une autre voie. Dans les conversations avec les représentants de certaines forces d’opposition, à Paris, ceux-ci abordent, dès aout 1935, la question de savoir ce qui devra se passer après la chute de Hitler. Toutefois au sein du KPD ces questions font surgir des divergences. Ainsi par exemple un rapport du KPD sur les pourparlers avec la direction du SPD, en novembre 1935, regrette que les représentants social-démocrates "mettent au centre l’adoption de positions de principe concernant la démocratie" au lieu d’aborder "les questions concrètes des prochains pas dans la lutte contre le fascisme"[131] [citation dans l’original ►]. Voici ce que note W. Pieck au sujet de la position KPD[132] :
[Le 21 janvier 1936, la partie du Bureau politique présent à Prague a donné] instruction pour la position de nos camarades à cette discussion [la conférence à l’Hôtel Lutetia le 2 février 1936] […] que les discussions doivent être axées principalement sur l’aide pour le pays et que le centre du débat doit porter sur l’examen de tâches d’actualité, lutte contre hausse des prix et terreur,. En outre la rencontre devait être mise à profit pour amener les sociale-démocrates présents à prendre position sans équivoque sur la question du front uni, en particulier en ce qui concerne un accord du CC du KPD avec le comité exécutif du SPD.
[Citation dans l’original ►.]
En février 1936, W. Ulbricht déclare que l’adoption d’un accord avec la direction du SPD a échoué avant tout parce qu’une position commune au sujet de "ce qui viendra après Hitler", une question qui pour les représentants du SPD est "manifestement ce qu’il y a de plus important", est impossible à réaliser[133] [citation dans l’original ►]. Ulbricht, dans un mémorandum daté du 11 mars à destination du CE de l’IC, fait valoir que le Bureau politique du KPD a adopté en novembre 1935 une directive contre l’éventualité d’élaboration d’un programme[134].
En mars 1936, le présidium du Comité exécutif de l’Internationale communiste met en place une commission afin de résoudre ces problèmes[135]. Y participent G. Dimitrov, D. S. Manuilskij, P. Togliatti, Mikhail A. Trilisser sous le pseudonyme M. Moskvin et F. Dahlem. Les débats tenus les 14 et 15 mars, aboutissent à l’adoption, le 17, d’une résolution par le Secrétariat du CE de l’IC[136] :
En partant de la nécessité de réaliser un large front des adversaires d’Hitler, le Parti doit déclarer que nous communistes, qui sommes pour le pouvoir des soviets, sommes prêts à lutter avec toutes les forces opposées à Hitler, pour une Allemagne démocratique dans laquelle le peuple allemand décidera lui-même du régime. Nous sommes prêts à conclure des accords en ce sens avec tous les adversaires de Hitler et nous engager sérieusement pour leur mise en oeuvre. En ce sens le Parti doit prendre l’initiative de proposer un projet d’une plateforme du front populaire contre le fascisme et la guerre. Le point de départ de cette plateforme doit être le danger de guerre. En lien avec une perspective claire offerte par cette plateforme en vue du renversement de Hitler et avec l’engagement pour une Allemagne démocratique, doivent y être contenues aussi les revendications les plus actuelles des travailleurs et des différentes couches de la population travailleuse (ainsi que des revendications relatives à la culture, la jeunesse, l’église etc.).
[Citation dans l’original ►.]
Suite à cette résolution, le Bureau politique du KPD publie une déclaration "Après la duperie électorale de Hitler. Déclaration du bureau politique du KPD pour le regroupement de toutes les forces antihitlériennes"[137] :
Le KPD veut le front populaire antifasciste pour le renversement de Hitler, et il est prêt à lutter ensemble avec toutes les forces antihitlériennes, pour une Allemagne démocratique dans laquelle le peuple allemand décidera lui-même du régime. Le KPD considère comme un progrès important le rétablissement de droits bourgeois-démocratiques, malgré le fait qu’il s’efforce à atteindre des objectifs allant au-delà. La lutte pour les libertés démocratiques, pour la plus grande liberté d’action aujourd’hui, est étroitement liée à la réalisation d’un régime démocratique après le renversement de Hitler. Ces tâches peuvent être résolues seulement sur la voie du mouvement de masse pour la liberté, la paix et le pain.
[Citation dans l’original ►.]
Du 21 au 31 mars 1936 se tient une réunion du Présidium du Comité exécutif de l’Internationale communiste au sujet de la question du danger de guerre. W. Pieck présente un rapport au nom du KPD. Le 1er avril est adoptée un texte "Résolution au sujet de la question du danger de guerre" :
[…] Le fascisme qui impose le maintien de son pouvoir par une guerre intérieure contre les masses populaires de son propre pays, est devenu un danger de guerre direct pour les pays du monde entier. Après avoir soumis à sa servitude son propre peuple, il avance maintenant flambeau de la guerre en main vers l’attaque d’autres peuples. C’est pourquoi aujourd’hui la tâche centrale pour l’ensemble du prolétariat international est de réfréner les incendiaires fascistes et la lutte pour préserver la paix. […] Les communistes qui inlassablement doivent souligner que seul le pouvoir du prolétariat peut garantir une défense fiable du pays ainsi que son indépendance, s’engageront face à une menace immédiate de la part de l’agresseur fasciste, en faveur de la formation d’un gouvernement de front populaire qui en prenant des mesures énergiques contre le fascisme et les éléments réactionnaires dans le pays, contre les agents et larbins des fauteurs de guerre et en assurant le contrôle des masses organisées sur la défense nationale, favorisera la capacité de défense du peuple contre l’agresseur fasciste. Dans la mesure cependant où aujourd’hui le pouvoir se trouve aux mains de gouvernements bourgeois qui n’offrent aucune garantie pour une défense nationale véritable et qui ont recours aux forces armées de l’État contre la population travailleuse, les communistes ne sont pas en position d’assumer une quelconque responsabilité pour les mesures de défense de ces gouvernements et par conséquences prennent position contre la politique militaire du gouvernement et contre le budget militaire. […] Dans les pays avec un gouvernement fasciste, qui agissent en incendiaires, les communistes doivent mettre au centre de la lutte des masses contre la dictature fasciste, l’objectif de démasquer la démagogie chauvine ainsi que la préparation idéologique de la guerre, et doivent mobiliser toutes les forces pour empêcher la catastrophe d’une guerre dans laquelle le fascisme vise à précipiter le peuple. […]
En opposition aux résolutions de la conférence de Londres de la IIe Internationale et de l’Internationale syndicale d’Amsterdam, les communistes déclarent leur disposition à la lutte en commun pour la revendication d’un pacte général d’assistance mutuelle et de garantie de sécurité en incluant l’Union soviétique, pour la revendication du démantèlement des armements et pour des mesures efficaces contre les fauteurs de guerre.
[Citation dans l’original ►.]
Durant la réunion du cercle de Lutetia tenue le 2 février 1936, un comité restreint a été mis en place, initialement composé de 12 membres; le 22 avril il est élargi à 15 membres, puis encore remanié en mai[138]. Les 8 et 9 juin se tient à Paris une session, partiellement élargie, des représentants des partis ouvriers et du Comité préparatoire pour la création d’un front populaire allemand. Elle adopte officiellement la dénomination "Comité pour la préparation d’un front populaire allemand" ("Ausschuß zur Vorbereitung einer deutschen Volksfront"). Parmi ses membres figurent alors W. Münzenberg, H. Wehner (en remplacement de W. Koenen auquel s’était substitué dans un premier temps Ph. Dengel), A. Deter (en remplacement de F. Dahlem) pour les communistes; R. Breitscheid, Albert Grzesinski, M. Braun pour les social-démocrates[139]. La question du programme reste ouverte. Le 17 juin, au cours de plusieurs discussions de W. Pieck avec des cadres social-démocrates, des partisans des Socialistes révolutionnaires et des cadres du SAP, est examiné une esquisse de ce que devra être la plateforme politique du front populaire, soumise par Pieck[140]. Ensuite Pieck communique ces propositions à H. Mann, président du Comité. Celui-ci les approuve. Pour ses discussions avec G. Dimitrov et P. Togliatti, Pieck note néanmoins : "Ici cependant quelques problèmes – si la question de l’expropriation – si le socialisme comme but"[141] [citation dans l’original ►].
Entre le 11 et le 24 juin 1936 se tient une réunion élargie du Bureau politique du KPD, à Paris, avec la participation de trois cadres dirigeants d’Allemagne[142]. W. Pieck et W. Florin arrivent de Moscou. D’Allemagne participent pour quelques jours les dirigeants de section suivants : E. Schmidt alias Irene Gärtner pour Berlin, K. Mewis alias Karl Arndt pour le Wasserkante, "Kurtz" (vraisemblablement Willy Langrock, de Leipzig) pour la région de Saxe. Pieck présente un document matérialisant la proposition au sujet de laquelle il avait recueilli l’avis précédemment au Comité de front populaire, les "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique pour le front populaire allemand" [Documents ►]. La réunion adopte les "Lignes directrices". Est également adoptée un texte "Résolution au sujet du déploiement renouvelé du mouvement des syndicats libres" ("Beschluß zur Wiederentfaltung der freigewerkschaftlichen Bewegung"). Elle se prononce pour la construction d’un mouvement syndical unitaire réunissant des communistes, social-démocrates, militants des syndicats dits libres et des syndicats chrétiens. Elle inclut parmi les moyens que les syndicalistes assument des fonctions dans le DAF. Est adopté un texte "Manifeste : Front populaire contre la politique de guerre de Hitler, pour la préservation de la paix et pour une Allemagne démocratique" [Documents ►].
Du 8 au 10 mai 1936 se tient à Paris une réunion du Bureau international pour l’unité socialiste révolutionnaire (Internationales Büro für revolutionäre sozialistische Einheit), dont fait partie le SAP[143]. La majorité des partis rejette l’éventualité d’un rapprochement vis-à-vis du mouvement de front populaire. Du 16 au 18 mai, se tient à Bruxelles une réunion de l’exécutif de l’Internationale socialiste ouvrière (Sozialistische Arbeiterinternationale, SAI). Il refuse de participer à des actions communes avec l’Internationale communiste[144].
Le 29 juillet 1936, les représentants des partis ouvriers dans la commission de programme du Comité de front populaire décident d’élaborer un appel au peuple allemand, plutôt qu’un programme du front populaire; puis le 17 aout, ils adoptent un projet de texte en ce sens, devant servir de base à une élaboration ultérieure[145]. Une discussion importante à ce sujet a lieu le 21 octobre[146]. La décision de publier un appel commun est confirmée; il est décidé qu’il ne fera pas référence à la république démocratique. Sur ce point les positions majoritaires diffèrent de l’orientation à laquelle le KPD a abouti au cours des débats mentionnés plus-haut. (Cf. à ce sujet le texte "1933-1945 : Démocratie populaire" ►.) Finalement, le 21 décembre, le Comité de front populaire adopte l’appel "Formez le front populaire allemand! Pour la paix, la liberté et le pain!"[147] [Documents ►]. Il est signé par 14 représentants du KPD, dont A. Ackermann, F. Dahlem, Ph. Dengel, W. Florin, W. Koenen, P. Merker, W. Pieck, W. Ulbricht, 20 représentants du SPD, dont M. Braun, R. Breitscheid, A. Grzesinski, 10 représentants du SAP et 28 intellectuels.
Dans la période consécutive, des changements ont lieu dans la composition de la représentation du KPD au Comité de front populaire[148]. À la fin de 1936, F. Dahlem se rend en Espagne en tant qu’émissaire du Comité exécutif de l’International communiste et du Bureau politique du KPD; H. Wehner se rend à Moscou au début de 1937 et sera finalement mis à disposition du Secrétariat du Comité exécutif de l’IC; W. Münzenberg sera écarté durant l’année 1937, le 22 mars 1938 il sera exclu du Comité central du KPD et dessaisi de toutes les fonctions, le 6 mars 1939 il sera exclu du Parti. À l’issue de ces évènements, le KPD est représenté au Comité de front populaire par W. Ulbricht et P. Merker.
Les 10 et 11 avril 1937, se tient une réunion du Comité de front populaire, à Paris. Elle élabore un document "Adresse au peuple allemand"[149] :
Lorsque Hitler affirme que l’Allemagne nécessiterait de l’espace nouveau pour créer de nouvelles possibilités d’existence pour le peuple allemand – alors nous répondons : Notre peuple nécessite la paix! Il suffit d’abolit l’économie de guerre obligatoire à la campagne, et il n’y aura plus de pénurie de vivres. Si les forces économiques et financières du pays n’étaient pas gaspillées pour la production de guerre, alors il y aurait tout le nécessaire pour l’approvisionnement du peuple. […] Socialistes, communistes, démocrates, adeptes de toutes confessions, agissons ensemble, aidons-nous mutuellement, mettons fin à toute éclatement qui ne fait que favoriser Hitler! Unissons-nous dans le grand Front populaire allemand, qui seul peut amener et amènera notre peuple allemand au renversement de Hitler
[Citation dans l’original ►.]
Durant l’année 1937 se développent à Paris des "Cercles d’amis du front populaire allemand" réunissant des opposants au régime national-socialiste émigrés d’Allemagne. Des cadres social-démocrates et des représentants du SAP dans le Comité de front populaire attaquent ces cercles comme "majoritairement communistes", alors que le Comité central de travail (Zentraler Arbeitsausschuß) de ces cercles se compose de 7 communistes, 7 social-démocrates et 6 sans-parti. Différent groupes bourgeois ou social-démocrates combattent ouvertement les communistes. C’est le cas notamment du Parti allemand de la liberté (Deutsche Freiheitspartei) dont les principaux représentants à Paris sont les anciens membres du Zentrum Otto Klepper (ancien ministre des Finances de Prusse) et Karl Spiecker, ainsi que du Front noir (Schwarze Front) d’Otto Strasser. Il y a aussi le Mouvement socialiste populaire réunissant des social-démocrates de droite comme Emil Franzel, Wenzel Jaksch et Wilhelm Sollmann qui préconisaient des actions communes avec le Front noir. Des cadres du SAP et de la ISK déclarent que le mot d’ordre de la lutte pour la république démocratique est opportuniste, certains parmi eux exigent la lutte pour une "république des soviets allemande". Willi Eichler, le président de la direction à l’extérieur de la ISK, désigne le KPD comme "l’élément le plus gênant" pour la création du front populaire. Dans ce contexte, le Comité de front populaire devient de moins en moins actif. En avril 1938 encore des discussions auront lieu en vue d’aplanir les divergences, mais sans succès.
Les 13 et 14 novembre 1937 se tient une Conférence européenne pour le droit et la liberté en Allemagne (Europäische Konferenz für Recht und Freiheit in Deutschland), à Paris[150]. Y participent 169 délégués de différentes opinions politiques et philosophiques de nombreux pays d’Europe. La conférence constitue un Centre international pour le droit et la liberté en Allemagne. Celui-ci est composé de représentants de 84 partis, syndicats et associations religieuses. Il est dirigé par Marcel Cachin, Léon Jouhaux, André Malraux, Thomas Mann et Romain Rolland.
Le 23 mars 1938, est constituée une Commission allemande auprès du Comité exécutif de l’Internationale communiste, formée de représentants du KPD et chargée de suivre l’activité du KPD en collaboration avec le CE de l’IC[151]. Les discussions menées en avril et début de mai aboutissent à l’élaboration d’une résolution du Comité central du KPD, publiée le 14 mai [Documents ►]. Le même jour, les membres du secrétariat du CE de l’IC G. Dimitrov, D. Manuilskij et M. Moskvin discutent avec F. Dahlem, Ph. Dengel, W. Florin, W. Pieck et W. Ulbricht au sujet des problèmes de la lutte antifasciste en Allemagne. Il est décidé qu’Ulbricht représente le KPD auprès de l’IC et qu’à ce titre il s’installe à Moscou; la direction du secrétariat du KPD à Paris est transférée à Dahlem[152].
Le 16 septembre 1938, le CC du KPD publie un texte "Proposition pour l’unification de l’opposition allemande"[153] [Documents ►].
Actions de résistance 1936-1937
En 1936 existent à Berlin des organisations syndicales dans l’industrie de la métallurgie, de la construction, du bois, dans l’industrie graphique, aux chemins de fer (Reichsbahn) et aux transports publics (Berliner Verkehrsbetriebe, BVG)[154]. En Allemagne de l’Ouest existent des groupes dans les mines du Ruhr, chez les travailleurs des ports, les marins. Les 23‑24 mai 1936 des représentants de groupes syndicaux des mineurs, principalement des régions de la Ruhr, de la Wurm et de la Saar se réunissent à Paris avec le soutien du syndicat des mineurs français et de la fédération internationale des mineurs[155]. Ils adoptent un appel "Aux mineurs allemands" ("An die deutschen Bergarbeiter") et constituent le Comité de travail des mineurs des syndicats libres d’Allemagne (Arbeitsausschuß der freigewerkschaftlichen Bergarbeiter Deutschlands), avec son siège à Amsterdam, composé de quatre membres, respectivement deux communistes et deux social-démocrates : W. Knöchel et Hans Mugrauer ainsi que Richard Kirn et Franz Vogt. En aout 1936 deux représentants de ce Comité de travail sont intégrés au Comité exécutif de l’Internationale des mineurs.
Le 20 mars 1937 se tient à Paris une rencontre de 21 représentants de diverses branches syndicales, qui fond le “Comité de coordination de syndicalistes allemands” (“Koordinationsausschuß deutscher Gewerkschafter”)[156]. Celui-ci est dirigé par une commission de travail, composé de 13 syndicalistes ‑ communistes, social-démocrates, chrétiens et sans-parti et présidé par le social-démocrate Gustav Schulenburg ancien secrétaire du Comité de district [Bezirksausschuß] Baden de l’ADGB. Ce comité de coordination a pour objectif de rassembler tous les syndicalistes allemands vivant en France et de soutenir la lutte illégale dans les territoires de l’ouest de l’Allemagne. Un mémorandum "Pour la construction d’un mouvement syndical antifasciste unitaire, indépendant en Allemagne" stipule[157] : "Dans le mouvement syndical allemand unitaire, les partisans de toutes les orientations antifascistes et de toutes les confessions ont leur place, et tous sont habilités et appelés à une participation à responsabilité." [Citation dans l’original ►.]
Les autorités national-socialistes constatent que durant l’année 1936 les actions de grève s’accentuent fortement par rapport à 1934-1935 [158]. Pour l’été 1936, voici quelques exemples. À Rüsselsheim, 300 ouvriers de Adam Opel AG se mettent en grève, de même qu’à Berlin-Spandau 500‑600 ouvriers du Auto-Union et environ 300 ouvriers du DKW-Werke. Des grèves interviennent chez les ouvriers de la construction dans le district Torgau, à la construction de l’aéroport de Glücksburg, aux travaux de régulation de l’Elbe dans le district Wittenberg et au nord de Halle. Durant l’été et l’automne 1936, des travailleurs agricoles effectuent des grèves dans quelques localités de Prusse de l’Est et de l’Ouest, de Pommern, de Saxe et dans la région de Braunschweig. La plupart du temps ces actions sont étouffées rapidement par les forces de répression. Dans quelques cas, des ouvriers du service obligatoire pour la construction d’ouvrages militaires refusent sous divers prétextes l’affectation ou s’abstiennent d’y retourner après un congé de fin de semaine. Des ouvriers participant à la construction d’autoroutes poursuivent également la lutte, en particulier contre les mauvaises conditions de vie. En aout 1936, les ouvriers de la construction d’autoroute à Hohenwarthe près de Magdeburg assomment un commissaire politique [Amtswalter] national-socialiste, ce qui entraine une intervention armée de la police et l’arrestation de plusieurs ouvriers pour mutinerie. Autre exemple : les marins luttent avec succès pour le paiement d’heures supplémentaires et l’amélioration des conditions de travail. Des actions de sabotage sont également organisées. Dans les Leuna-Werke, des ouvriers communistes et social-démocrates font exploser quelques tuyaux et réservoirs. Des actions de sabotage ont lieu dans quelques entreprises d’armement à Leipzig, par exemple le Metallguß-Gesellschaft, et le Junkers-Werke à Dessau. Des antifascistes sectionnent à plusieurs reprises les câbles de téléphone vers la base aérienne Barth à Mecklenburg et endommagent des avions sur l’aéroport militaire près de Merseburg.
En février 1937, des mineurs qui habitent dans la Saar mais travaillent en Lorraine manifestent ‑ avec le soutien du poste de frontière Forbach du Comité de travail des mineurs des syndicats libres d’Allemagne ‑ contre la Lois sur les devises de décembre 1936 [159]. Cette loi les oblige à convertir en mark leur salaire versé en francs, à un taux imposé réduit, ce qui résulte en une perte de salaire jusqu’à 30 %. 3000 mineurs, au retour du travail, forcent le contrôle de frontière. Quelques mineurs sont sanctionnés, mais les protestations consécutives obtiennent l’annulation de ces mesures, et finalement l’administration national-socialiste concède la compensation des pertes dues au change.
En 1937, des mineurs de quelques puits dans la Ruhr et en Haute-Silésie s’opposent à l’extension des horaires de travail. Ils obtiennent des succès partiels, notamment au moyen d’une pression exercée sur les représentants du DAF et de votes du personnel[160]. Dans certains cas des mineurs de la Ruhr refusent les tournées d’équipes de dix heures. Dans le cas d’un puits, 268 mineurs montent au jour après huit heures de travail. Par ailleurs, les travailleurs résistent contre la déduction imposée d’un salaire d’une heure par semaine destiné au Secours d’hivers [Winterhilfswerk]; dans certaines entreprises ils profitent des possibilités légales dans le DAF et rejettent cette mesure par un vote au cours des assemblées de cette organisation. En juin 1937 les équipages des navires de pêche de Hambourg, par une grève de quatre jours, mettent en échec la tentative d’abaisser leur solde; en septembre la lutte des marins et chauffeurs obtient même une augmentation.
Au début de janvier 1938, 40.000 mineurs de la Saar imposent un vote dans le cadre du DAF au sujet des tournées d’équipes de dimanche, que les autorités veulent imposer sans compensation de salaire pour rattraper les tournées perdues du fait de Noël et du Nouvel An; la mesure est annulée[161]. Durant l’année 1938, des ouvriers résistent contre des diminutions de salaire, au moyen de grèves ou de l’augmentation intentionnelle du taux de rebuts; par exemple dans des entreprises du Siemens-Konzern à Berlin et Dresde, dans la Ludwig Loewe AG Berlin et dans le laminoir à Laband en Haute-Silésie. Quelques actes de sabotages se produisent en 1937‑1938, par exemple dans la production de grenades dans la Krautheim AG à Chemnitz et dans la fabrication d’instruments optiques pour l’armée dans les Zeiss-Werke à Jena.
Voici des chiffres concernant les arrestations[162] : en 1936, 11.687 communistes, 1374 social-démocrates; en 1937, respectivement 8068 et 733; en 1938, respectivement 3864 et 721.
Tentatives de structuration sur le plan national
Du 30 janvier au 1er février 1939, se réunit une Conférence du KPD, sous forme d’une réunion élargie du Comité central, à Draveil, près de Juvisy-sur-Seine[163]. Pour des raisons de clandestinité, la conférence est appelée “Conférence de Berne”. Postérieurement, elle sera considérée comme 14e Congrès du KPD. En tout participent 22 cadres, à savoir : A. Abusch, A. Ackermann, P. Bertz, F. Dahlem, Gerhart Eisler, Paul Elias, Arthur Emmerlich, E. Gentsch, W. Hähnel, E. Jungmann, W. Knöchel, P. Merker, K. Mewis, O. Niebergall, W. Pieck, S. Rädel, E. Schmidt, Willi Seng, Josef Wagner, H. Wiatrek, ainsi que Johann Koplenig et Johann Mathieu, représentants du Parti communiste d’Autriche (Kommunistische Partei Österreichs, KPÖ). Des 15 membres et 3 candidats du CC qui ont été élu à la conférence de Bruxelles en 1935, 12 sont présents (10 du CC), dont les dirigeants des sections de Berlin et de Wasserkante, trois ont été exclus (dont W. Münzenberg et L. Flieg)[164]. Alors qu’à la conférence de Bruxelles avaient assisté des représentants des organisations clandestines en Allemagne, tous les participants de la conférence de Berne sont des émigrés.
W. Pieck présente un rapport sur "La situation actuelle et les tâches du parti"[165].
L’orientation concernant le front populaire est définie dans les termes suivants.
Cette alliance est non seulement dirigée contre le fascisme hitlérien, mais vise aussi l’instauration et la consolidation d’une république populaire démocratique, dans laquelle ce ne sera plus la bourgeoisie mais le front populaire qui aura la direction.
[Citation dans l’original ►.]
Front populaire, ce n’est donc pas simplement la conclusion d’une alliance ou de plusieurs alliances, mais la politique particulière de l’union, temporaire ou encore durable, avec toutes les forces progressistes de notre peuple en vue du renversement de la dictature fasciste et l’instauration d’une république démocratique.
[Citation dans l’original ►.]
Au cours de la discussion, sont présentés en outre les rapports suivants : sur la front unique et le front populaire, par F. Dahlem; sur la situation de la classe ouvrière et les luttes économiques, par P. Merker; sur des questions du travail du Parti, par P. Bertz; sur la politique économique et la politique étrangère fasciste, par G. Eisler; sur le travail de formation du Parti, par A. Ackermann; sur les expériences des organisations illégales du Parti et des forces qui leur sont alliées dans la lutte antifasciste, interviennent des dirigeants de section notamment O. Niebergall [Documents ►], E. Gentsch, K. Mewis, et J. Wagner, ainsi que les instructeurs A. Emmerlich [Documents ►] et W. Seng.
La conférence adopte une Résolution "La voie vers le renversement de Hitler et la lutte pour une république nouvelle, démocratique". Elle précise :
Cette alliance n’est pas seulement dirigée contre le fascisme hitlérien, mais vise aussi à instaurer et à assurer une république populaire démocratique, dans laquelle ce ne sera plus la bourgeoisie qui tiendra la direction, mais le Front populaire.
[Citation dans l’original ►.]
La conférence désigne un nouveau Comité central composé de 17 membres et 3 candidats[166]. Le 31 janvier a lieu une session à huis clos du Comité central pour décider la composition de la direction du Parti[167]. En font partie : A. Ackermann, P. Bertz, F. Dahlem, W. Florin, W Hähnel, W Knöchel, P Merker, K Mewis, W. Pieck, S Rädel, E Schmidt, Emil Svoboda, E. Thälmann, W. Ulbricht, H. Wehner, H Wiatrek; en outre trois candidats doivent être choisis ultérieurement par la direction opérationnelle à l’étranger, parmi les jeunes membres du parti. Y participe également J Koplenig en tant que représentant du Comité central du Parti communiste d’Autriche. Le Bureau politique est composé de Dahlem, Florin, Merker, Pieck, Thälmann, Ulbricht en tant que membres et Ackermann et Wehner comme candidats. Pieck est de nouveau désigné pour remplacer Thälmann comme président du parti, tant que celui-ci est en prison.
En ce qui concerne la direction installée à Paris, pratiquement tous ses membres seront arrêtés ou internés au cours d’une action mise en oeuvre sur ordre du gouvernement français entre le 30 aout et le 8 septembre 1939, notamment Paul Bertz, Franz Dahlem, Ph. Daub, Gerhart Eisler, Hilde Maddalena, Paul Merker, Cläre Muth, Heinrich Rau, Siegfried Rädel, Heinz Renner et Maria Weiterer[168]. Le 7 octobre 1939 le CC du KPD décide que les membres du Comité central se trouvant à Moscou soient chargés de la direction politique du Parti (c’est-à-dire Pieck, Ulbricht, Florin et à partir de 1940 A. Ackermann).
Le 27 février, W. Pieck rend compte de la conférence de Berne, à G. Dimitrov, secrétaire général du Comité exécutif de l’Internationale communiste et aux membres du présidium du CE D. S. Manuilskij et W. Florin[169]. Le 1er mars, il rend compte à des membres du Bureau politique du Comité central du KPD et d’autres cadres, à Moscou. À titre d’information, les membres du secrétariat du CE de l’IC et la représentation du KPD auprès du CE de l’IC reçoivent la résolution et le rapport de Pieck, ainsi que l’article rédigé par celui-ci, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien et réalisée la république démocratique?" [Documents ►].
Le 3 avril 1939 le Comité central du KPD soumet au comité exécutif en exil du SPD une proposition d’accord concernant des actions communes dans la lutte contre le danger de guerre et le régime national-socialiste[170]. Les deux directions devraient publier une déclaration dénonçant Hitler comme fauteur de guerre; au cas où l’Allemagne provoquerait la guerre, un accord devrait être établi en vue d’oeuvrer par tous les moyens pour le renversement de la dictature et le rétablissement de la paix. Au milieu de juin, par voie de presse, le groupe dirigeant autour de Kurt Geyer, Rudolf Hilferding, F. Stampfer déclare qu’il s’en tient de façon inchangée à sa position de refus de toute coopération avec les communistes.
Après l’enlisement du Comité pour un front populaire, le KPD s’adresse à H. Mann dans le but de progresser malgré tout dans le rassemblement des opposants au régime national-socialiste[171]. Le 20 septembre 1938 se tient à Paris une réunion à laquelle participent entre autre Mann, Hermann Budzislawski (directeur de publication du Neue Weltbühne), Georg Bernhard (président de l’Association centrale d’émigrants antifascistes d’origine allemande [Zentralvereinigung Antifaschistischer Emigranten deutscher Herkunft]), Otto Pick, Eugen Spiro, Kurt Grossmann, Helmuth Klotz, R. Leonhard, Robert Breuer, H. Rau. Deux textes sont adoptés : "Appel au peuple allemand" ["Aufruf an das deutsche Volk"] et "Appel aux peuples des pays démocratiques" ["Aufruf an die Völker der demokratischen Länder"]. Il est décidé de constituer le “Comité de l’opposition allemande” [“Ausschuß der deutschen Opposition”], et il s’en suit une réunion tenue le 25 mars 1939 à l’hôtel Lutetia. Mann, Budzislawski et Albert Norden (KPD) sont désignés pour diriger le comité. Parmi les membres se trouvent Bernhard, Felix Boenheim, Lion Feuchtwanger, Leonhard Frank, Kurt Kersten, Leonhard, P. Merker (KPD), Alfred Meusel, Karl O. Paetel, S. Rädel (KPD), Maximilian Scheer, Paul Westheim. L’existence du comité sera de courte durée. Le 2 septembre se tient une réunion au cours de laquelle Norden, au nom du KPD, refuse de signer la déclaration exigée par le comité, de condamner le traité de non-agression conclu entre l’Allemagne et l’Union soviétique. Par conséquent, les autres membres considèrent impossible une poursuite de la coopération avec les communistes; ils décident la dissolution du comité.
Le KPD s’efforce à mettre en place à l’intérieur de l’Allemagne une coordination nationale et régionale de l’activité illégale. Voici quelques indications concernant la situation durant la première moitié de 1939.
À Berlin se forment des organisations du Parti d’importance variée, dans le cadre de cinq directions territoriales [Gebietsleitungen] établies durant la période 1937-1939 [172]. Celles-ci sont en contact avec la direction de section Centre du KPD ayant son siège en Suède. Divers instructeurs se rendent à Berlin à de multiples reprises, afin d’informer les organisations illégales du Parti au sujet des décisions de la conférence de Bern et de leur prêter assistance : A. Emmerlich, Rudolf Hallmeyer, Willi Gall, Charlotte Krone, Johannes Müller, Heinrich Schmeer. Des organisations clandestines du KPD sont rétablies à Adlershof, Baumschulenweg, Moabit, Neukölln, Niederschöneweide, Oberschöneweide, Prenzlauer Berg, Reinickendorf et Spandau. Emmerlich maintient la liaison avec la direction territoriale à Berlin-Spandau, dont font parti Johannes Gloger, Alfred Grünberg et Kurt Steffelbauer, et qui dirige notamment l’organisation du Parti dans le Siemens-Konzern. Hallmeyer maintient la liaison avec la direction territoriale Moabit qui dirige notamment des cellules dans les entreprises Ludwig Loewe & Co., AEG Turbinenfabrik, Osram, Werk A, Daimler-Benz AG à Marienfelde et Genshagen, BVG. Ici s’est développée depuis 1938 l’organisation du Parti dirigée par Robert Uhrig, qui établit des contacts avec des organisations du Parti à Hambourg, Leipzig et Mannheim. Schmeer maintient la liaison avec la direction territoriale Reinickendorf qui dirige notamment des cellules dans les entreprises Argus, Deutsche Waffen- und Munitionsfabriken, Borsig-Werke, Veltener Maschinenfabrik AG. Ici une organisation importante du Parti s’établit à Berlin-Neukölln sous la direction de John Sieg. Georg Gläser maintient la liaison avec la direction territoriale Prenzlauer Berg. Gall maintient la liaison avec la direction territoriale Adlershof qui dirige notamment des cellules dans les entreprises Dürener Metallwerke AG, Henschel Flugzeugwerke AG in Schönefeld, Schering AG, Berliner Maschinenbau AG. En mai 1939 Gall prend en charge lui-même la direction des groupes illégaux du Parti dans la périphérie Sud-Est de Berlin.
À Hamburg-Harburg, rattaché à la direction de section Nord existent des organisations du Parti qui comportent notamment quelques cellules dans des entreprises d’armement[173]. À Leipzig se développe un regroupement de militants du Parti relativement important, impulsé notamment par A. Hoffmann, Georg Schumann. À Dresde, les efforts d’organisation du Parti sont dirigés par Herbert Bochow, Albert Hensel, Fritz Schulze et Karl Stein; à Francfort-sur-le-Main, agissent en ce sens Anton Breitinger, Otto Häuslein et Adam Leis; à Stettin c’est le cas de Werner Krause et Walter Empacher.
La lutte contre la dictature national-socialiste est de plus en plus marquée par la politique de fauteur de guerre que déploie le régime. Par conséquent, les actions qui se déroulent dans ce contexte visent en particulier à contrarier le danger de déclenchement d’une guerre.
Des luttes revendicatives ont lieu parmi les ouvriers employés dans la construction de la ligne de défense appelée “Westwall” (littéralement “rempart de l’ouest”)[174]. En juin 1939, après avoir effectué des grèves et d’autres actions, ils obtiennent une compensation pour des retenues de salaire en rapport avec la nourriture et le logement; le DAF doit prendre en charge des indemnités, pour un effectif de 250.000 ouvriers. Dans le secteur des mines dans la Saar, ainsi que la Ruhr et Haute-Silésie, les mineurs refusent le travail du dimanche, mènent quelques grèves contre des salaires insuffisants, protestent contre la prolongation des tournées d’équipes, refusent des heures supplémentaires, allongent les pauses, se mettent en maladie, arrivent plus tard au travail ou partent plus tôt. Le KPD diffuse les mots d’ordre "Travailler plus lentement!" ["Langsamer arbeiten!"], "Moins de charbon – moins de canons!" ["Weniger Kohle – weniger Kanonen!"]. À Hambourg, en juillet 1939, les travailleurs des chantiers navals, entre autre chez Blohm & Voss, luttent avec succès pour imposer une augmentation de salaire de 10 %.
Dans quelques cas renaissent des relations entre les organisations communistes et des social-démocrates[175]. Ainsi dans une des entreprises des Siemens-Werke à Berlin, au début de 1939 s’initie une coopération en ce sens, et en mai est constitué un comité de front uni qui s’appuie sur des Hommes de confiance dans 16 sections. Ce comité diffuse un tract, dont voici un extrait[176] :
Les impérialistes allemands veulent dominer le monde. À eux la guerre apporte de millions supplémentaires – mais nous devrions verser notre sang. L’Allemagne n’est menacée par aucun autre pays, mais Hitler menace les États épris de paix. Nous déclarons : Hitler déshonore la réputation du peuple allemand. Le peuple allemand ne veut pas de guerre. Aujourd’hui tout comme avant s’applique la parole de notre Karl Liebknecht : L’ennemi se trouve dans notre propre pays! À bas la guerre!
[Citation dans l’original ►.]
À Berlin se développe une coopération entre communistes et social-démocrates. En avril 1939 le groupe diffuse un tract mettant en garde contre le danger de guerre; en mai il publie le premier de trois numéros d’une feuille intitulée Lettre de liberté [Freiheitsbrief][177]. À Hambourg, des communistes et coopèrent avec des social-démocrates du groupe dit “Mahnruf” (“Exhortation”). Des coopérations se développent aussi à Bielefeld, Dortmund, Düsseldorf, Essen. Parfois des social-démocrates soutiennent des instructeurs des directions de section du KPD, comme à Hambourg, Oberhausen et Recklinghausen.
Les jeunes communistes participent également à ces activités dirigées en particulier contre le danger de guerre, et ceci en coopération avec de jeunes social-démocrates et d’autres[178]. Parmi les modalités d’action comptent notamment le boycott du service dans les organisations de jeunesse national-socialistes, déclaré obligatoire depuis mars 1939. Dans quelques villes ils mettent aussi en oeuvre des actions de protestation contre l’année de service domestique obligatoire [Haushaltspflichtjahr] et le service de travail. En 1938, la jeune communiste Liselotte Herrmann de Stuttgart est exécutée par les national-socialistes, en même temps que trois autres camarades. À Berlin, le jeune travailleur communiste Heinz Kapelle organise un groupe antifasciste composé de 60 jeunes communistes, social-démocrates et catholiques.
Durant la période 1938‑1939 est formé un regroupement antifasciste reliant d’une part l’organisation dirigée par J. Sieg du KPD et d’autre part le réseau développé autour d’Arvid Harnack, haut fonctionnaire (Regierungsrat) au ministère de l’économie, et Harro Schulze-Boysen, lieutenant en premier au ministère de l’aéronautique[179].
De façon générale, à cause des difficultés résultant de la dictature, les connections des militants communistes à l’intérieur de l’Allemagne avec les directions à l’extérieur rattachées à la direction centrale du Parti, s’affaiblissent[180]. Les différents groupes régionaux de résistance disposent de leurs propres directions à l’étranger. Dans certains cas, les dirigeants de ces groupes sont des cadres qui après plusieurs années d’emprisonnement ont retrouvé leur liberté. La situation est aussi caractérisée par une prédominance de l’activité clandestine au détriment des actions de masse ouvertes.
La répression continue à frapper durement les militants communistes[181]. Voici quelques données concernant la période de janvier 1938 à mai 1939. Les chiffres indiquent le total d’arrestations suivi entre parenthèses par le nombre respectivement de communistes/social-démocrates. En janvier 1938 : 562 (496/42); février : 470 (386/61); mars : 555 (303/90); septembre : 611 (326/45); octobre : 1630 (683/83); novembre : 527 (276/55); décembre : 416 (256/36); avril 1939 : 357 (223/35); mai : 478 (263/51);
Après la sortie de l’Allemagne de la Société des Nations en 1933, est envisagé par la France et l’URSS un projet de traité entre l’URSS, Tchécoslovaquie, Pologne, Finlande, Lettonie, Estonie, Lituanie et Allemagne. En 1934 l’Allemagne et la Pologne donnent une réponse négative. Le 2 mai 1935, la France et l’URSS signent un Traite d’assistance mutuelle. Le 16 mai l’URSS signe également un Traité d’assistance mutuelle avec la Tchécoslovaquie, qui est lié à celui conclu avec la France. L’interdépendance entre les deux traités bloquera l’application de l’accord avec la Tchécoslovaquie en réaction à l’annexion par l’Allemagne des territoires de Sudète à population allemande, du fait de l’accord de Munich conclu le 29 septembre 1938 entre l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie. Le 9 septembre 1936 27 États (dont l’URSS, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Allemagne) constituent un comité international de non-ingérence à travers lequel ils s’engagent à la neutralité envers la guerre civile éclatée en Espagne. Le 23 octobre, l’URSS quitte le comité en réaction à la violation de l’accord par l’Italie et l’Allemagne. Le 25 novembre 1936 l’Allemagne et le Japon signent le “Pacte pour combattre le communisme mondial” (“Pakt zur Bekämpfung des Weltkommunismus”). À ces deux signataires se joignent : l’Italie le 6 novembre 1937, la Hongrie et le Mandchoukouo (ou Manzhouguo) le 24 février 1939 et l’Espagne le 27 mars 1939. Du 12 au 17 aout 1939 ont lieu à Moscou des négociations militaires secrètes entre l’URSS, la France et la Grande-Bretagne. Elles sont suspendues le 17 aout et devraient être reprises le 24, mais sont finalement abandonnées suite à la conclusion du traité de non-agression entre l’URSS et l’Allemagne.
Pour la teneur de ce dernier traité, cf :
Traité de non-agression entre l’URSS et l’Allemagne, du 23 aout 1939 ►
Traité d’amitié et de frontière entre l’URSS et l’Allemagne, du 28 septembre 1939 ►
La direction du KPD approuve l’attitude adoptée par l’URSS[182]. Le Comité central publie une déclaration dont voici un extrait :
[…]
6. […] Le peuple allemand salue le pacte de non-agression entre l’Union soviétique et l’Allemagne, parce qu’il veut la paix et voit dans ce pacte un acte de paix couronnée de succès de la part de l’Union soviétique. Il salue le pacte parce que, contrairement à l’alliance de Hitler avec Mussolini et les militaristes japonais il n’est pas un instrument de guerre et de soumission d’autres peuples par la force, mais un pacte pour la préservation de la paix entre l’Allemagne et l’Union soviétique.
7. Cependant la situation de politique étrangère et intérieure créée par le pacte place devant tous les antifascistes, tous les Allemands épris de paix et de liberté de grandes tâches qui doivent être résolues dans une lutte renforcée contre la dictature de Hitler (dictature nazi).
[…]
Hitler a conclu le pacte de non-agression seulement dans une situation d’urgence difficile. (Le peuple allemand ne doit pas avoir la moindre lueur de confiance en la signature de Hitler. Il n’a jamais tenu parole et jusqu’ici déchiré tout accord sournoisement comme un chiffon de papier. Mais Hitler n’est pas l’Allemagne. Hitler est un homme qui passe, dont la chute approche.) Le peuple allemand tout entier doit être le garant pour le respect du pacte de non-agression entre l’Union soviétique et l’Allemagne. Seulement si le peuple allemand lui prend entre ses mains le destin de la nation allemande, la paix sera garantie. Ne confiez qu’en votre propre force!
[…]
[Citation dans l’original ►.]
À Berlin, des communistes diffusent en aout 1939 un tract intitulé "Travailleurs, concitoyens, soldats! À la population de Berlin!"][183] :
Travailleurs, concitoyens et soldats! À la population de Berlin!
Le pacte de non-agression entre l’Union soviétique et le gouvernement de Hitler est une contribution extraordinaire de l’Union soviétique au maintien de la paix. […] L’Union soviétique a signé ce pacte de non-agression parce que Chamberlain et Daladier ont livré traitreusement à Hitler et Mussolini l’Espagne, l’Autriche, la Tchécoslovaquie et l’Albanie, parce qu’à Munich ils voulaient échanger la “paix à l’Ouest” contre la guerre des puissances fascistes contre l’Union soviétique. […] mais le danger de guerre continue à exister tant qu’existe un impérialisme allemand rapace et une dictature fasciste. […] Dans toutes les circonstances, dans la guerre comme à la paix, notre mot d’ordre est : À bas Hitler et les fauteurs de guerre en Allemagne.
[Citation dans l’original ►.]
L’organisation du KPD dans la périphérie Sud-Est de Berlin, dirigée par W. Gall et Otto Nelte, édite un matériel d’information "La politique extérieure de l’Union soviétique"[184] :
Nous aussi, en tant que travailleurs allemands avons intérêt à ce que l’Union soviétique ne se laisse pas entrainer dans une guerre isolée et que ces plans de Chamberlain ait été mis en échec.
[Citation dans l’original ►.]
La direction de section Sud publie le 25 aout un article "La politique de l’Union soviétique est la politique de la paix. Le pacte de non-agression n’est pas un pacte d’alliance ni d’assistance."[185] :
L’Union soviétique est prête à créer un front de défense de la paix véritable, mais il doit être sans faille, afin qu’aucun rat munichois ne puisse se faufiler. Maintenant la prévention de la guerre dépend en premier lieu des puissances occidentales. L’Union soviétique a fait ce qu’elle pouvait pour la préservation de la paix.
[Citation dans l’original ►.]
La déclaration de guerre à la France par l’Allemagne, le 3 septembre 1939, entraine quelques errements dans l’attitude des dirigeants du KPD installés en France[186]. Les membres de la direction d’extérieur suivent un appel du gouvernement de se faire registrer comme étrangers, et sont internés. Ce faisant ils ont passé outre l’instruction émise par l’Internationale communiste, de quitter la France pour échapper à l’internement. F. Dahlem, P. Merker, P. Bertz, G. Eisler et Lex Ende sont sévèrement critiqués par la direction de l’IC, qui décide de dissoudre le secrétariat de Paris et de conférer la direction exclusivement aux dirigeants présents à Moscou.
Résistance dans la situation de guerre contre l’URSS
À la suite de la conférence de Berne, et malgré le déclenchement de la guerre, le Comité central du KPD à Moscou s’efforce à favoriser la structuration d’une direction intérieure agissant comme émanation du CC[187].
En décembre 1939, la direction du KPD dissout les directions de sections et désigne une direction à l’extérieur [Auslandsleitung] du Comité central composée de K. Mewis, H. Wehner et H. Wiatrek, avec pour tâche de consolider à partir de Stockholm les liaisons avec les organisations en Allemagne, puis de se rendre elle-même dans le pays afin d’agir à partir de Berlin comme direction opérationnelle du KPD. La direction à l’extérieur débute son activité en janvier 1940, avec à sa tête Mewis. Elle charge des préparatifs organisationnels les instructeurs et collaborateurs de la direction de section Milieu, laquelle en novembre 1938 s’est transférée de Prague en Suède et qui couvre l’aire géographique de Berlin, Brandebourg, Magdeburg, Niedersachsen, Saxe, Silésie et Thüringen. Comme premier responsable arrive en juin 1940 R. Hallmeyer, suivi en juillet-aout de Johannes Müller, H. Schmeer et Georg Henke, puis à la fin d’aout, A. Emmerlich. À cela s’ajoutent G. Gläser, Ch. Krone, K. Siegmund. W. Gall est arrivé précédemment et n’a pas pu quitter le pays à cause du déclenchement de la guerre. Au bout du compte, les membres de la direction à l’extérieur ne peuvent pas comme prévu se rendre en Allemagne. À partir de l’été de 1940 les responsables envoyés par le CC, à savoir Alfons Kaps, Alfred Kowalke, Seng et Erna Wilke, suivis d’autres en 1942, entreprennent de préparer le terrain pour le travail de W. Knöchel, membre du Comité central, qui doit ensuite se rendre lui-même en Allemagne. La responsable envoyée par le CC, Charlotte Bischoff, arrive en Allemagne en juillet 1941. Jusqu’en été 1941, des responsables envoyés par le CC interviennent à Berlin, Brême, Gera, Hambourg, Jena, Kiel, Cologne, Königsberg, Lübeck, Magdeburg, Mannheim, Munich, Stuttgart et d’autres villes. Gall est arrêté en décembre 1939, Hallmeyer en aout 1940, Schmeer en septembre, Emmerlich en mai 1941. Des succès dans l’organisation des cadres du KPD et des travailleurs se manifestent dans la région Rhein-Ruhr, à Dortmund, Duisburg, Düsseldorf, Oberhausen, Remscheid et Wuppertal, à Wasserkante à Hambourg, en Saxe principalement à Dresde et Leipzig, en Thüringen à Gotha et Jena, dans la région de Mansfeld, en Bayern entre autre à Munich ainsi que partiellement en Brandebourg, Mecklenburg et Pommern. En 1941‑1942 se développent des centres d’organisation dirigés par des cadres du KPD au niveau des sections à Berlin, en Sachsen, Allemagne du Sud, Thüringen et à Wasserkante. Le groupe autour de Robert Uhrig établi à Berlin tente de jouer un rôle centralisateur; il est démantelé en février 1942. Knöchel arrive en Allemagne en janvier 1942 venant des Pays-Bas, suivi d’autres, notamment Jakob Welter, qui interviennent dans la Saar, et Wilhelm Beuttel, qui intervient en Hessen et développe à partir de Durlach des liaisons avec Francfort-sur-le-Main, et aussi Duisburg et Wuppertal. Au printemps de 1942, les contacts de l’intérieur avec la direction à l’extérieur à Stockholm sont interrompus. En janvier 1943 sont arrêtés Kaps, Luise Rieke, Seng et Welter, au début de février Beuttel, Knöchel et Kowalke, en avril à Amsterdam E. Gentsch. En mars 1943 arrive de Moscou Franz Zielasko, qui intervient dans la Ruhr, mais il est arrêté en aout. Au printemps de 1943 se met en place une coopération plus étroite entre les directions du KPD Berlin, Thüringen, Leipzig-Saxe de l’Ouest et Magdeburg-Anhalt, c’est-à-dire Franz Jacob et Anton Saefkow, Theodor Neubauer, Georg Schumann ainsi que Martin Schwantes.
Les 12 et 13 juillet 1943 se tient à Krasnogorsk près de Moscou une conférence au cours de laquelle est constitué le “Comité national "Allemagne libre"” (“Nationalkomitee "Freies Deutschland"”, NKFD). Erich Weinert est désigné comme président, le comité édite un hebdomadaire intitulé Freies Deutschland qui, dans son premier numéro publie un "Manifeste à la Reichswehr et au peuple allemand" adopté le 10 juillet 1943 [188]. Les 11‑12 septembre, un certain nombre d’officiers qui ne souhaitent pas adhérer au NKFD fondent dans le camp Lunjowo près de Moscou l’“Ligue d’officiers allemands” (“Bund deutscher Offiziere”, BDO), qui cependant peu après est intégré dans le NKFD.
Le NKFD se présente sous la dénomination “Mouvement "Allemagne libre"” (“Bewegung "Freies Deutschland"”) Des structures sur des bases voisines se développent également à l’intérieur de l’Allemagne[189]. À l’initiative des organisations du Parti dans un certain nombre de villes se constituent des groupes du “Mouvement "Allemagne libre"”. Les principales organisations régionales, notamment Saefkow-Jacob, Neubauer-Poser, ainsi que les regroupements à Leipzig, en avaient connaissance. Ils discutent de la prise en compte de l’approche et dans une certaine mesure l’intègrent dans leur positionnement. Ainsi Franz Jacob et Anton Saefkow rédigèrent une plate-forme qui, après des consultations avec d’autres dirigeants communistes, fut achevée en mai 1944 et circula sous le titre "Nous, communistes, et le Comité national Allemagne libre" ("Wir Kommunisten und das Nationalkomitee Freies Deutschland").
En septembre 1944 la direction du KPD présente un document intitulé "Programme de lutte pour mettre fin à la guerre, pour la paix et la création d’une Allemagne nouvelle, libre"[190]. En ce sens est entamée la préparation d’un "Programme d’action du bloc de la démocratie combattive" ["Aktionsprogramm des Blocks der kämpferischen Demokratie"]. Il sera remanié à plusieurs reprises. Le 21 octobre, à l’issu d’une discussion entre les membres du Bureau politique W. Pieck, W. Ulbricht et A. Ackermann, une troisième version est élaborée. Par la suite Ackermann est chargé d’élaborer un texte plus détaillé; il élabore un projet en conséquence, présenté à la fin de l’année. Il est prévu que ce document fasse l’objet de discussions publiques lorsque les conditions le permettront, et qu’il soit alors proposé qu’il serve de plateforme politique commune pour un bloc antifasciste et démocratique d’organisations, partis, groupes et personnalités. La version définitive du "Programme d’action" date du 4 février 1945 [191].
. Pour quelques extraits des versions successives, voir dans le texte "1933 1945 : La “démocratie populaire” comme objectif" la section "Démocratie combattive" ►.
Notes
[1]. W. Florin : Gegen den Faschismus – Reden und Aufsätze – mit einem biographischen Abriß (Bibliographie ►).
[2]. M. Schneider : Unterm Hakenkreuz – Arbeiter und Arbeiterbewegung 1933 bis 1939, p. 39 (Bibliographie ►).
[3]. K. Mammach : Die deutsche antifaschistische Widerstandsbewegung 1933-1939, S. 12 (Bibliographie ►).
IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, Band 5 : Von Januar 1933 bis Mai 1945, S. 6 (Bibliographie ►).
http://www.teachsam.de/geschichte/ges_deu_ns_33-45/ns_33-34/ns_machtueb/inf_txt/deu_ns_machtueb_2_1.htm
[4]. P. Heider : Antifaschistischer Kampf und revolutionäre Militärpolitik – Zur Militärpolitik der KPD von 1933 bis 1939 im Kampf gegen Faschismus und Kriegsvorbereitung, für Frieden, Demokratie und Sozialismus, S. 52 (Bibliographie ►).
[5]. D. Peukert, J. Reulecke (Hg.) : Die Reihen fast geschlossen – Beiträge zur Geschichte des Alltags unterm Nationalsozialismus (Bibliographie ►).
[7]. http://www.teachsam.de/geschichte/ges_deu_ns_33-45/ns_33-34/ns_machtueb/inf_txt/deu_ns_machtueb_2_1.htm
[8]. R. Müller, H. Paffrath : Machtergreifung der NSDAP in Deutschland 1933 und ihre Auswirkung im Meissner Land (Bibliographie ►).
[11]. A. Kirchschlager, U. Lappe, P. Unger (Hg.) : Chronik von Arnstadt – Zeittafel/Lexikon (Bibliographie ►).
[12]. http://suedthueringen.su.funpic.de/widerstand.html
[13]. M. Weissbecker : Gegen Faschismus und Kriegsgefahr – Ein Beitrag zur Geschichte der KPD in Thüringen 1933-1935 (Bibliographie ►).
[14]. M. Weissbecker : Gegen Faschismus und Kriegsgefahr… (Bibliographie ►).
Gutsche, Willibald (Hg.) : Geschichte der Stadt Erfurt (Bibliographie ►).
[15]. http://www.moessingen.de/ceasy/modules/cms/main.php5?cPageId=177
http://www.moessingen.de/ceasy/modules/cms/main.php5?cPageId=199
[16]. D. Siegfried : Zwischen Einheitspartei und “Bruderkampf” – SPD und KPD in Schleswig-Holstein 1945-46 (Bibliographie ►).
[17]. P. Heider : Antifaschistischer Kampf und revolutionäre Militärpolitik…, p. 53 (Bibliographie ►).
[26]. K. Mlynek, W. Röhrbein (Hg.) : Geschichte der Stadt Hannover – Band 2 (Bibliographie ►).
A. Dietzler : Hannover 1933 – eine Großstadt wird nationalsozialistisch (Bibliographie ►).
[27]. P. Heider : Antifaschistischer Kampf und revolutionäre Militärpolitik…, p. 66-67 (Bibliographie ►).
[28]. Fritz Heckert : "Die gegenwärtige Lage in Deutschland und die Aufgaben der KPD",
Exekutivkomitee der Kommunistischen Internationale (Hg.) : Die Kommunistische Internationale – 14. Jahrgang – Nummer 21, p. 1208‑1227 (Bibliographie ►).
[31]. P. Heider : Antifaschistischer Kampf und revolutionäre Militärpolitik…, p. 55 (Bibliographie ►).
[33]. G. Hortzschansky, S. Weber : Die Illegale Tagung des Zentralkomitees der KPD am 7. Februar 1933 in Ziegenhals bei Berlin (Bibliographie ►).
IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, Band 5, p. 20‑22 (Bibliographie ►).
[34]. Ernst Thälmann, Karl Barthel, Bernhard Bästlein, Hans Beimler, Willi Bohn, Jakob Boulanger, Albert Buchmann, Franz Dahlem, Philipp Daub, Wilhelm Florin, Fritz Große, Ernst Grube, Georg Handke, Lambert Horn, Walter Kaßner, Hans Kippenberger, Wilhelm Koenen, Albert Kunz, Hermann Matern, Theodor Neubauer, Michael Niederkirchner, Max Opitz, Wilhelm Pieck, Siegfried Rädel, Rudolf Renner, Augustin Sandtner, John Schehr, Ernst Schneller, Georg Schumann, Fritz Selbmann, Robert Stamm, Franz Stenzer, Walter Stoecker, Paul Suhr, Matthias Thesen, Walter Ulbricht, Lisa Ullrich.
http://www.etg-ziegenhals.de/Website_2/Teilnehmer.html
[36]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, Band 5, p. 25 (Bibliographie ►).
[37]. http://www.verfassungen.de/de33-45/reichstagsbrand33.htm
[39]. http://www.teachsam.de/geschichte/ges_deu_ns_33-45/ns_33-34/ns_machtueb/inf_txt/deu_ns_machtueb_2_1.htm
[40]. Hermann Weber, Kommunistischer Widerstand gegen die Hitlerdiktatur, 1933-1939, p. 7.
[http://www.gdw-berlin.de/fileadmin/bilder/publ/beitraege/B33.pdf]
[41]. Hermann Weber, Kommunistischer Widerstand…, p. 10.
[42]. http://www.verfassungen.de/de33-45/ermaechtigungsgesetz33.htm
[43]. http://www.verfassungen.de/de33-45/gleichschaltung33.htm
http://www.verfassungen.de/de33-45/gleichschaltung33-2.htm
[45]. http://www.boeckler.de/19654_19660.htm
[46]. http://www.shoa.de/drittes-reich/wirtschaft-und-gesellschaft/140-deutsche-arbeitsfront-daf.html
[47]. http://www.verfassungen.de/de33-45/arbeit34.htm
[48]. http://www.verfassungen.de/de33-45/parteivermoegen33.htm
[49]. http://www.verfassungen.de/de33-45/parteien33.htm
[50]. http://www.verfassungen.de/de33-45/parteivermoegen33-2.htm
[51]. http://www.verfassungen.de/de33-45/partei33.htm
[52]. S. Vietzke : Die KPD auf dem Wege zur Brüsseler Konferenz, p. 38 (Bibliographie ►).
K. Mammach : Die deutsche antifaschistische Widerstandsbewegung…, p. 58 (Bibliographie ►).
[53]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, Band 5, p. 29 (Bibliographie ►).
[54]. Die Kommunistische Internationale, 13. Jahrgang, H. 1, 10. 1. 1933.
Cf. O. Plöckinger : Adolf Hitlers "Mein Kampf" 1922‑1945, S. 525 (Bibliographie ►).
[55]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, Band 5, p. 37‑38 (Bibliographie ►).
U. Langkau‑Alex : Deutsche Volksfront 1932‑1939, Band 1, p. 93‑96 (Bibliographie ►).
[56]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, Band 5, p. 37 (Bibliographie ►).
[57]. http://www.nrw.vvn-bda.de/texte/0442_blutsonntag.htm
[59]. Hermann Weber, Kommunistischer Widerstand…, S. 9.
K. Mammach : Die deutsche antifaschistische Widerstandsbewegung…, p. 41 (Bibliographie ►).
[60]. Hermann Weber, Kommunistischer Widerstand…, p. 4.
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KPD 1933-1945 – 1933-1945, la « démocratie populaire » comme objectif
1933 1945 : Le KPD dans la lutte contre la dictature national-socialiste |
1933 1945 : La "démocratie populaire" comme objectif |
Dans la perspective de combattre la dictature national-socialiste, l’Internationale communiste et le KPD ont mise en avant la tâche de mettre en oeuvre un front populaire antifasciste. Un lien étroit, dans le temps et sur le fond, existe avec une autre époque cruciale, beaucoup plus récente : les révisions et trahisons qui au cours des années 1960 ont conduit à la scission au sein du mouvement marxiste-léniniste international. Certes, le centre de cette contrerévolution était incarnée par les révisionnistes au sein d PC(b)US. Mais elle était largement portée et renforcée justement par les partis communistes des pays du "bloc soviétique" de l’Europe de l’Est, dont la République démocratique d’Allemagne (RDA). Il s’agit ici de faire ressortir la façon dont la mise en oeuvre et la conceptualisation de l’“État de démocratie populaire” ont contribué à ce processus néfaste pour la révolution prolétarienne mondiale.
Le 7e Congrès de l’Internationale communiste
République démocratique et front uni
République bourgeoise – nuances
Confusion entre approche tactique et vision généralisée figée
Le 7e Congrès de l’Internationale communiste
La question centrale analysée ici est celle concernant l’orientation suivie par le KPD au sujet de la formation éventuelle d’un gouvernement tel qu’il pourrait résulter du renversement de la dictature national-socialiste à l’issue d’une lutte menée par une alliance de forces antifascistes. En toute généralité, au-delà de l’Allemagne et en référence notamment à l’Espagne et la France, cette perspective est exposée publiquement dans le cadre du 7e Congrès de l’Internationale communiste, qui s’est déroulé en juillet-aout 1935. Le KPD avait joué un rôle important dans les discussions menées au sein de l’IC durant la préparation de ce Congrès, et la conférence du Parti tenue en octobre 1935, dite conférence de Bruxelles, reprend à son compte et précise les positions adoptées, en ce qui concerne concrètement la lutte à mener en Allemagne même.
Nous reproduisons ci-après quelques extraits des principaux textes fixant les bases à partir desquelles évolueront les réflexions et l’action du KPD.
En premier lieu, est traitée de façon détaillée la nécessité de mettre en oeuvre le front uni de la classe ouvrière contre le fascisme, en agissant en direction des travailleurs tout en s’efforçant de gagner à la lutte commune les représentants des organisations social-démocrates. Plus largement, est fixé l’objectif d’établir une alliance de toutes les forces opposées au fascisme. À cet égard, apparaissent deux aspects, dans la mesure où les groupes de populations visés sont caractérisés non seulement par leur position sociale mais aussi par des liens avec des organisations politiques dominées à de degrés divers par la bourgeoisie.
Voici ce que dit Georgi Dimitrov au sujet du front uni prolétarien et du front populaire, dans son rapport au congrès ayant pour sujet "L’Offensive du fascisme et les tâches de l’Internationale communiste dans la lutte pour l’unité de la classe ouvrière contre le fascisme"[1] :
Dans l’oeuvre de mobilisation des masses travailleuses pour la lutte contre le fascisme, une tâche particulièrement importante consiste à créer un vaste Front populaire antifasciste sur la base du front unique prolétarien. Le succès de toute la lutte du prolétariat est étroitement rattaché à l’établissement d’une alliance de combat avec la paysannerie laborieuse et la masse fondamentale de la petite bourgeoisie urbaine, qui forment la majorité de la population même dans les pays d’industrie développée.
[…]
Le principal, le plus décisif pour établir le Front populaire antifasciste, c’est l’action résolue du prolétariat révolutionnaire pour la défense des revendications de ces couches sociales et, en particulier, de la paysannerie laborieuse, revendications qui sont en concordance avec les intérêts fondamentaux du prolétariat et qu’il importe de coordonner dans le cours de la lutte avec les revendications de la classe ouvrière.
Lors de la création du Front populaire antifasciste, il est d’une grande importance d’aborder de manière juste les organisations et les partis auxquels adhèrent en nombre considérable la paysannerie travailleuse et les masses fondamentales de la petite bourgeoisie urbaine.
Dans les pays capitalistes, la majorité de ces partis et de ces organisations, tant politiques qu’économiques, se trouvent encore sous l’influence de la bourgeoisie et continuent à la suivre. La composition sociale de ces partis et de ces organisations n’est pas homogène. On y trouve des koulaks de taille à côté de paysans sans terre, de grands brasseurs d’affaires à côté de petits boutiquiers, mais la direction y appartient aux premiers, aux agents du grand Capital.
Cela nous oblige à aborder d’une façon différente ces organisations en tenant compte du fait que, bien souvent, la masse des adhérents ne connait pas la physionomie politique réelle de sa direction. Dans des circonstances déterminées, nous pouvons et nous devons orienter nos efforts pour attirer, en dépit de leur direction bourgeoise, ces partis et ces organisations, ou certaines de leurs parties, aux côtés du Front populaire antifasciste. Telle est, par exemple, la situation actuelle en France, avec le Parti radical; aux États-Unis, avec diverses organisations paysannes; en Pologne, avec le Stronnictwo Ludowe [Parti paysan]; en Yougoslavie, avec le Parti paysan croate; en Bulgarie, avec l’Union agricole; en Grèce, avec les agrariens, etc. Mais, indépendamment de la question de savoir s’il existe des chances d’attirer de tels partis et de telles organisations aux côtés du Front populaire, notre tactique, dans toutes les conditions, doit être orientée de façon à entrainer les petits paysans, les petits producteurs, les artisans, etc., qui en font partie au Front populaire antifasciste.
[Citation dans l’original ►]
Dans le prolongement de cette analyse, est pris en considération le possible établissement d’un gouvernement basé sur un front uni prolétarien ou un front populaire antifasciste.
Dimitrov explique dans son rapport[2] :
A la question de savoir si, sur le terrain du front unique, nous, communistes, pour préconisons seulement la lutte pour les revendications partielles, ou si nous sommes prêts à partager les responsabilités même au moment où il s’agira de former un gouvernement sur la base du front unique, nous répondrons, pleinement conscients de nos responsabilités : oui, nous envisageons l’éventualité d’une situation telle que la formation d’un gouvernement de front unique prolétarien ou de Front populaire antifasciste devienne non seulement possible, mais indispensable dans l’intérêt du prolétariat. Et, dans ce cas, nous interviendrons sans aucune hésitation pour la formation d’un tel gouvernement.
Je ne parle pas ici du gouvernement qui peut être formé après la victoire de la révolution prolétarienne. Évidemment, la possibilité n’est pas exclue que, dans un pays quelconque, aussitôt après le renversement révolutionnaire de la bourgeoisie, un gouvernement soviétique puisse être formé sur la base d’un bloc gouvernemental du Parti communiste avec tel autre parti (ou son aile gauche) qui participe à la révolution. On sait qu’après la Révolution d’Octobre, le Parti des bolcheviks russes vainqueur a fait aussi entrer dans la composition du gouvernement soviétique les représentants des socialistes révolutionnaires de gauche. Telle fut la partie du premier gouvernement soviétique constitué après la victoire de la Révolution d’Octobre.
Il ne s’agit pas d’un cas de ce genre, mais de la formation possible d’un gouvernement de front unique à la veille de la victoire de la révolution soviétique et avant cette victoire. […]
Au moment propice, en s’appuyant sur le mouvement grandissant de front unique, le Parti communiste du pays donné interviendra pour la formation d’un tel gouvernement sur la base d’une plateforme antifasciste déterminée.
[Citation dans l’original ►]
Voici comment Dimitrov résume les caractéristiques nécessaires d’un tel gouvernement pour qu’il puisse trouver le soutien des communistes[3] :
C’est avant tout un gouvernement de lutte contre le fascisme et la réaction. Ce doit être un gouvernement qui prend naissance comme fruit du mouvement de front unique et ne limite en aucune manière l’activité du Parti communiste et des organisations de masse de la classe ouvrière, mais, au contraire, prend des mesures résolues contre les magnats contrerévolutionnaires de la finance et leurs agents fascistes. […]
Nous exigeons de chaque gouvernement de front unique une tout autre politique. Nous exigeons de lui qu’il réalise des revendications révolutionnaires radicales, déterminées, répondant à la situation. Par exemple, le contrôle de la production, le contrôle des banques, la dissolution de la police, son remplacement par la milice ouvrière armée, etc. […]
C’est pourquoi nous envisageons la possibilité de former dans les conditions d’une crise politique, un gouvernement de front unique antifasciste. Dans la mesure où ce gouvernement engagera réellement la lutte contre les ennemis du peuple, accordera la liberté d’action à la classe ouvrière et au Parti communiste, nous, communistes, nous le soutiendrons par tous les moyens et, en soldats de la révolution, nous nous battrons en première ligne.
[Citation dans l’original ►]
Dimitrov expose certaines conditions dont la concrétisation pourrait rapprocher cette éventualité[4] :
Dans quelles conditions objectives la formation d’un tel gouvernement sera-t-elle possible ? À cette question, on peut répondre sous la forme la plus générale : dans les conditions d’une crise politique, le jour où les classes régnantes ne sont plus en état de maitriser le puissant essor du mouvement antifasciste de masse. Mais ce n’est là que la perspective générale sans laquelle il ne sera guère possible en pratique de former un gouvernement de front unique. Seule, la présence de conditions particulières déterminées peut inscrire à l’ordre du jour la question de former ce gouvernement comme une tâche politiquement indispensable. Il me semble qu’en l’occurrence les conditions suivantes méritent la plus grande attention :
Premièrement, que l’appareil d’État de la bourgeoisie soit suffisamment désorganisé et paralysé, en sorte que la bourgeoisie ne puisse empêcher la formation d’un gouvernement de lutte contre la réaction et le fascisme.
Deuxièmement, que les grandes masses de travailleurs, et particulièrement les syndicats de masse, se dressent impétueusement contre le fascisme et la réaction, mais sans être encore prêtes à se soulever pour lutter sous la direction du Parti communiste pour la conquête du pouvoir soviétique.
Troisièmement, que la différenciation et l’évolution à gauche dans les rangs de la social-démocratie et des autres partis participant au front unique aient déjà abouti à ce résultat qu’une partie considérable d’entre eux exigent des mesures implacables contre les fascistes et les autres réactionnaires, luttent en commun avec les communistes contre le fascisme et interviennent ouvertement contre les éléments réactionnaires de leur propre Parti hostiles au communisme.
[Citation dans l’original ►]
Pour mettre en lumière la signification de ces conditions, Dimitrov se réfère aux expériences passées du KPD, au cours des années 1922-1924 [5] :
La première série de fautes résultait précisément du fait que la question du gouvernement ouvrier n’était pas rattachée clairement et fermement à l’existence d’une crise politique. Grâce à cette circonstance, les opportunistes de droite pouvaient interpréter les choses de façon à faire croire qu’il convient de viser à la formation d’un gouvernement ouvrier soutenu par le Parti communiste dans n’importe quelle situation, comme on dit : dans une situation “normale”, Les ultragauches, au contraire, ne reconnaissaient que le gouvernement ouvrier susceptible d’être créé uniquement par le moyen de l’insurrection armée, après le renversement de la bourgeoisie. L’un et l’autre point de vue était faux et c’est pourquoi, afin d’éviter la répétition de pareilles erreurs, nous mettons aujourd’hui si fortement l’accent sur le décompte exact des conditions concrètes particulières de la crise politique et de l’essor du mouvement de masse dans lesquelles la création d’un gouvernement de front unique peut s’avérer possible et politiquement indispensable.
La deuxième série de fautes résultait du fait que la question du gouvernement ouvrier n’était pas liée au développement d’un vaste mouvement combattif de front unique du prolétariat. C’est pourquoi les opportunistes de droite avaient la possibilité de déformer la question en la ramenant à une tactique sans principe de blocage avec les Partis social-démocrates sur la base de combinaisons purement parlementaires. Les ultragauches, au contraire, criaient : "Aucune coalition avec la social-démocratie contrerévolutionnaire!" en considérant, par essence, tous les social-démocrates comme des contrerévolutionnaires.
L’un et l’autre point de vue étaient faux ; et maintenant nous soulignons, d’une part, que nous ne voulons pas le moins du monde d’un “gouvernement ouvrier” qui soit purement et simplement un gouvernement social-démocrate élargi. Nous préférons même renoncer à la dénomination de “gouvernement ouvrier” et nous parlons d’un gouvernement de front unique, qui, par son caractère politique, est tout à fait différent, différent en principe, de tous les gouvernements social-démocrates qui ont coutume de s’intituler “gouvernement ouvrier”. Alors que le gouvernement social-démocrate représente une arme de la collaboration de classe avec la bourgeoisie dans l’intérêt de la conservation du régime capitaliste, le gouvernement de front unique est un organisme de collaboration de l’avant-garde révolutionnaire du prolétariat avec les autres partis antifascistes dans l’intérêt du peuple travailleur tout entier, un gouvernement de lutte contre le fascisme et la réaction. Il est clair que ce sont là deux choses foncièrement différentes. […]
La troisième série de points de vue erronés qui est apparue dans les débats précédents, concernait précisément la politique pratique du “gouvernement ouvrier”. Les opportunistes de droite estimaient que le “gouvernement ouvrier” doit se tenir "dans le cadre de la démocratie bourgeoise"; que, par conséquent, il ne doit entreprendre aucune démarche débordant de ce cadre. Les ultragauches, au contraire, se refusaient en fait à toute tentative de former un gouvernement de front unique.
[Citation dans l’original ►]
Enfin Dimitrov insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une étape intermédiaire entre la dictature de la bourgeoise et la dictature du prolétariat, mais d’une forme de transition vers la dictature du prolétariat à partir de la dictature de la bourgeoisie[6] :
Il y a quinze ans, Lénine nous appelait à concentrer toute notre attention sur la "recherche des formes de transition ou de rapprochement conduisant à la révolution prolétarienne". Le gouvernement de front unique s’avèrera peut-être, dans une série de pays, une des principales formes de transition. Les doctrinaires “de gauche” ont toujours passé outre à cette indication de Lénine; tels des propagandistes bornés, ils ne parlaient que du "but", sans jamais se préoccuper des "formes de transition". Quant aux opportunistes de droite, ils tendaient à établir un certain "stade intermédiaire démocratique" entre la dictature de la bourgeoisie et la dictature du prolétariat, pour inculquer aux ouvriers l’illusion d’une paisible promenade parlementaire d’une dictature à une autre. Ce "stade intermédiaire" fictif, ils l’intitulaient aussi "forme transitoire", et ils se référaient même à Lénine! Mais il n’était pas difficile de dévoiler cette filouterie; car Lénine parlait d’une forme de transition et de rapprochement conduisant à la "révolution prolétarienne", c’est-à-dire au renversement de la dictature bourgeoise, et non pas d’on ne sait quelle forme de transition entre la dictature bourgeoise et la dictature prolétarienne. […]
Mais nous le disons ouvertement aux masses : ce gouvernement-là ne peut pas apporter le salut définitif. Il n’est pas en mesure de renverser la domination de classe des exploiteurs, et c’est pourquoi il ne peut pas non plus écarter définitivement le danger de la contrerévolution fasciste. En conséquence, il est nécessaire de se préparer pour la révolution socialiste. Le salut ne viendra que du pouvoir soviétique, de lui seul !
[Citation dans l’original ►]
Dimitrov souligne cette double perspective aussi en évoquant la situation en France, précisant qu’un gouvernement antifasciste ne sortirait pas pour autant du cadre des gouvernements bourgeois[7] :
Et si, en France, le mouvement antifasciste aboutit à la création d’un gouvernement qui applique une lutte véritable, ‑ non pas en paroles, mais en fait, ‑ contre le fascisme français, qui fasse passer dans la réalité le programme de revendications du Front populaire antifasciste, les communistes, tout en restant les ennemis irréconciliables de tout gouvernement bourgeois et les partisans du pouvoir des Soviets, seront prêts, néanmoins, en face du danger fasciste grandissant, à soutenir un tel gouvernement.
[Citation dans l’original ►]
La conférence dite de Bruxelles du KPD reprend à son compte ces positions au sujet d’un gouvernement antifasciste. Dans l’immédiat nous relevons uniquement les positions qui sont en correspondance directe; nous soulignerons plus loin certains aspects qui introduisent des écarts.
Voici ce que dit Wilhelm Pieck au sujet du front uni prolétarien et du front populaire, dans son rapport à la conférence[8] :
Le VIIe congrès mondial a traité de la question complètement nouvelle, qu’au cours de l’avance du mouvement révolutionnaire de masse peut se produire une situation où les masses certes sont résolues en faveur du renversement de la dictature fasciste, mais ne sont pas encore prêtes à s’engager dans la lutte pour le pouvoir soviétique. Dans de telles conditions les communistes prendront fait et cause pour la création d’un tel gouvernement du front uni prolétarien ou du front populaire antifasciste, qui n’est pas encore un gouvernement de la dictature prolétarienne mais qui garantit la mise en oeuvre de mesures résolues contre le fascisme et la réaction, et défendront un tel gouvernement […]. La condition préalable essentielle à cela est la présence d’une crise politique qui existe quand les classes dominantes ne sont plus en mesure d’en finir avec le mouvement de masse prenant un essor puissant et ne peuvent plus empêcher la constitution d’un tel gouvernement. […]
Une telle situation, que le congrès mondial a considérée comme éventualité en rapport avec la constitution d’un gouvernement de front uni, peut se produire sous l’effet du développement du front uni et front populaire antifasciste en Allemagne accompagné de la mise en oeuvre de l’unité d’action des masses travailleuses pour le renversement de la dictature hitlérienne. Dans cette situation nous poserons des revendications révolutionnaires fondamentales qui visent à ébranler encore le pouvoir économique et politique, à accroitre les forces de classe ouvrière, à surmonter toutes les résistances contre l’accentuation de la lutte et à amener ainsi les masses immédiatement à la prise révolutionnaire du pouvoir.
Avec nos mots d’ordre en faveur des libertés et notre lutte pour les droits et libertés démocratiques nous gagnerons à la lutte commune des larges masses en Allemagne, qui certes ne sont pas encore d’accord avec notre but final révolutionnaire de la création du pouvoir soviétique, mais qui toutefois sont prêtes à lutter en commun avec nous pour le renversement de la dictature hitlérienne. Avec ces mots d’ordre nous associerons au front populaire même des parties de la bourgeoisie. Ce faisant nous agissons tout à fait selon l’enseignement de Lénine, que nous devons rechercher "les formes pour passer à la révolution prolétarienne ou l’aborder"[9]. […]
Le gouvernement de front uni ou de front populaire antifasciste prévu dans les résolutions du VIIe congrès mondial dans l’hypothèse d’une crise politique n’a rien à voir avec les gouvernements de coalition, les soi-disant gouvernements ouvriers social-démocrates ou la politique de coalition de la social-démocratie, mais est au contraire le stricte contraire, un gouvernement de la lutte contre le capital financier, contre les fascistes, contre la réaction.
[Citation dans l’original ►]
La résolution adoptée par la conférence déclare[10] :
La création du front populaire antifasciste, le rassemblement de tous les adversaires du régime fasciste sur la base d’un programme politique de lutte contre la dictature fasciste, la réalisation de l’alliance de lutte de la classe ouvrière avec les paysans, petit bourgeois et intellectuels, l’union de tous les travailleurs à la ville et la campagne en vue de la lutte pour la liberté, la paix et le pain est la condition préalable décisive pour le renversement de la dictature hitlérienne.
[…]
La grande aspiration du peuple travailleur à la liberté, que les fascistes tentent d’attirer sur la voie de leur politique aventurière de guerre, doit devenir sous l’effet du mouvement de front populaire antifasciste, une force ayant un impact puissant en vue du renversement de la dictature hitlérienne.
La conférence du Parti renvoie à ce sujet à la possibilité et nécessité envisagée par le VIIe congrès mondial de l’Internationale communiste, de la constitution d’un gouvernement de front uni prolétarien ou de front uni antifasciste, qui peut se produire sous l’effet de l’essor du mouvement de masse dans les conditions d’une crise politique avec le renversement de la dictature hitlérienne.
La libération définitive des masses travailleuses de l’exploitation et de l’oppression capitalistes ne peut résulter que de l’instauration du pouvoir soviétique, qui seul renverse la domination de classe des exploiteurs, édifie le socialisme et garantit au peuple tout entier la liberté et le bienêtre croissant.
[Citation dans l’original ►]
Et voici comment ce sujet est traité par le manifeste publié ultérieurement au nom de la conférence[11] :
Nous communistes sommes en faveur du front populaire le plus large! Ensemble avec le Parti social-démocrate, avec le Parti du Zentrum, les démocrates et avec toutes les organisations du peuple travailleur doit être créé le front populaire contre Hitler, contre la dictature fasciste, pour le renversement de celle-ci. Tous les hommes et groupes qui veulent cette lutte, doivent être réunis dans ce front.
[…]
Nous communistes voulons la victoire du pouvoir des soviets! La victoire définitive du socialisme en Union soviétique, accompagnée du bienêtre croissant de tous les actifs dans ce pays, de l’essor de la culture et du niveau vie, montre à tous les actifs la voie pour sortir de la servitude capitaliste, la voie vers la liberté et le bienêtre.
Nous communistes savons qu’au sujet de cet objectif de lutte existent encore des divergences d’opinion au sein du peuple travailleur, que la majorité n’est pas encore prête à la lutte pour cet objectif. Mais cela ne doit pas nous séparer maintenant, dans la lutte contre la réaction fasciste!
Nous n’excluons nullement qu’un gouvernement de front uni ou de front populaire puisse également s’avérer possible et nécessaire. En tout cas, lors du renversement de la dictature hitlérienne le peuple travailleur d’Allemagne devra décider lui-même au sujet du gouvernement, et le fera.
[Citation dans l’original ►]
L’évolution de la situation en Allemagne conduisant de la démission du gouvernement Hermann Müller (SPD) en mars 1930 à l’achèvement de la mise en place de l’appareil d’État de la dictature national-socialiste au cours de l’année 1934, avait produit au sein du KPD des controverses ‑ avec des répercussions également au sein de l’Internationale communiste ‑ au sujet de l’orientation (cf. le texte "1933‑1945 : Dictature et libération" ►). À l’occasion du 7e Congrès de l’IC et de la Conférence de Bruxelles du KPD, les positions du KPD durant cette période font l’objet d’un réexamen.
Dans son rapport au 7e Congrès de l’IC, W. Pieck expose la situation au moment de la prise du pouvoir par les national-socialistes de la manière suivante[12] :
Mais même dans les plus grands pays impérialistes est survenu un ébranlement profond du système impérialiste. Déjà au printemps 1931 le XIe plénum de la CEIC pouvait constater qu’en Allemagne murissent les conditions préalables de la crise révolutionnaire, qu’en Pologne croissent les éléments de la crise révolutionnaire. En automne 1932 le XIIe plénum de la CEIC constata que la stabilisation partielle et temporaire du capitalisme s’est terminée, et que s’accomplit la transition vers un nouveau cycle de révolutions et de guerres.
En cela, le XIIe plénum s’appuyait sur la croissance supplémentaire de l’essor révolutionnaire, sur le murissement de la crise révolutionnaire en Allemagne et en Pologne, sur les révolutions en Chine et en Espagne, sur le début de l’offensive du Japon contre la Chine. Le plénum s’appuyait en outre sur l’état profondément miné du système de Versailles, et le fait que l’entente entre les puissances victorieuses contre l’Allemagne s’est brisée, ainsi que le fait que l’entente entre l’Angleterre, le Japon, l’Amérique et la France au sujet de l’exploitation en commun de la Chine s’est également brisée. À cela s’ajoutait le murissement d’une nouvelle guerre impérialiste tandis qu’en même temps se consolidait le pouvoir politique, économique et militaire de l’Union soviétique. […]
Durant cette période, les communistes ont fait tout qui était en leur pouvoir pour mobiliser les masses travailleuses pour la lutte révolutionnaire, pour l’empêchement de la dictature fasciste. En cela, les communistes ont obtenu des succès considérables. Mais ils n’ont pas été en mesure à modifier le rapport de forces qui s’était établi auparavant, tant que la social-démocratie ne renonçait pas à sa position hostile au front uni et à la lutte.
[…] Se manifestent le genre de prétendus révolutionnaires de “gauche” qui affirment que les communises auraient malgré tout dû engager la lutte, sans égard au fait qu’une telle lutte de la minorité du prolétariat aurait conduit à la défaite. Ces héros de phraséologie pseudo-révolutionnaire ne veulent pas comprendre que cela aurait signifié une défaite encore plus grande et l’écrasement complet des cadres révolutionnaires du prolétariat allemand.
[Citation dans l’original ►]
Il convient de souligner deux points apparaissant dans ces explications. Pieck confirme la position selon laquelle à l’approche de l’instauration de la dictature national-socialiste se développaient des facteurs de crise révolutionnaire. Il ne rejette donc pas globalement l’idée qui avait fortement pesé dans les premières réactions du Parti face à la venue d’Adolf Hitler au gouvernement, à savoir que cette nouvelle situation pourrait accélérer le développement du mouvement de masse. Cependant, il fait valoir à juste titre qu’une telle appréciation n’autorise pas une interprétation volontariste et aventurier du rapport de forces face à la réaction au pouvoir.
Et dans son rapport à la conférence de Bruxelles du KPD, Pieck analyse l’orientation du Parti rétrospectivement en ces termes[13] :
Il y a trois moments décisifs qui nous montrent tout à fait clairement les effets de nos erreurs dans l’analyse et la tactique. Ce sont le 20 juillet 1932, le 20 janvier 1933 et le 30 juin 1934. C’étaient des jours pour mesurer à grande échelle les forces de classe, des jours qui, comme le disait Marx, équivalent des décennies. Dans chacun des trois cas il s’est avéré que le Parti ne portait pas un jugement correct sur la situation ni sur les perspectives qu’elle portait en elle. L’approche de ces évènements n’a pas été pronostiquée aux masses et le Parti n’a pas été orienté dans cette lutte vers l’accentuation de la lutte. Si cela avait été le cas, alors le Parti aurait été forcé à comprendre que son orientation tactique ancienne était erronée et qu’elle aurait dû réorienter sa tactique en vue de la lutte commune avec la social-démocratie et les syndicats contre le danger fasciste, qu’elle aurait dû passer de sa lutte contre la démocratie bourgeoise à la lutte pour la défense des droits et libertés démocratiques. Or cela ne s’est pas produit avant l’instauration de la dictature hitlérienne.
Mais même le 30 juin a montré que nous n’avons pas appris grand-chose des expériences faites en rapport avec l’instauration de la dictature hitlérienne. Une fois de plus faisait défaut une analyse marxiste de la situation sous la dictature hitlérienne, de ses mesures et de la différentiation croissante dans le camp de la bourgeoisie. Il suffit de lire nos documents et "le Rote Fahne" dans la première période de la dictature hitlérienne, pour se rendre compte que le Parti n’avait pas une idée claire de la situation concrète.
C’était la raison pourquoi nous avons aussi été surpris par les évènements du 30 juin et qu’en conséquence nous n’étions pas non plus en mesure de mettre à profit pour l’amplification du mouvement de lutte, les conditions objectivement plus favorables que créa cette différentiation dans le camp de la bourgeoisie. Nous n’avions pas compris l’importance du travail dans les organisations de masse fascistes et par conséquent ne connaissions pas non plus les états d’esprit présents dans ces organisations.
[Citation dans l’original ►]
Dans un premier temps divers facteurs pouvaient justifier le fait que le KPD se place dans la perspective d’un mouvement de masse assurant la double condition du rapport de forces favorable pour vaincre la dictature et de la constitution d’organes du pouvoir populaire. Cependant, les quelques années qui s’en suivirent, placèrent finalement le KPD dans une situation nettement différente. Certes, les communistes allemands poursuivaient une résistance politique, y compris armée, tenace et persistante malgré la répression meurtrière exercée par les national-socialistes. Ils agissaient sous l’impulsion directe ou indirecte du Parti, et à travers des structures tantôt liées directement à la direction de celui-ci, tantôt partiellement ou complètement détachées de lui. Mais les dimensions de ces activités restaient beaucoup trop limitées pour que l’orientation initiale puisse être maintenue comme option réaliste.
Les années 1935-1939 sont marquées par la problématique découlant de cette inadéquation, potentielle sinon réelle, entre d’une part, la perspective mise en avant, de réalisation d’un gouvernement de front populaire antifasciste, et d’autre part, le développement effectif de la lutte et des actions menées par les communistes et les antifascistes. Ces questions traversent de manière récurrente les débats au sein du KPD au sujet de l’orientation. Pour effectuer une analyse critique rétrospective à cet égard, nous nous basons sur une considération cruciale : l’objectif de mettre en oeuvre le front uni et le front populaire doit être primordiale, tandis que la formation d’un gouvernement émanant de ce front n’est qu’un élément facultatif, accessoire bien que non négligeable. En tout cas, c’est ainsi que nous concevons le rapport entre les deux aspects. Il semble que les interprétations exprimées au 7e Congrès de l’IC, notamment par G. Dimitrov dans son rapport, s’accordent avec la position de base ainsi formulée. Et les problèmes d’orientation que nous relèverons dans ce qui suit concernant le KPD, sont en grande partie en relation avec la tendance qui caractérise l’orientation du Parti, de mettre la question du futur gouvernement et du programme de celui-ci au centre de ses préoccupations.
Palmiro Togliatti intervient à la conférence de Bruxelles du KPD en tant que représentant du Comité exécutif de l’Internationale communiste. Il pose la nécessité d’élaborer une plateforme politique comme base de la constitution du front populaire[14] :
Le deuxième aspect principal que nous souhaitons souligner, concerne la nécessité d’une tactique, d’une politique qui conduit à l’unification des forces antifascistes. Cela, nous le pouvons accomplir uniquement par l’élaboration d’une plateforme politique concrète dans laquelle soient pris en considération les intérêts et aspirations de toutes ces couches différentes. Tant que n’a pas été amorcée l’élaboration d’une telle plateforme, la question du front populaire reste quelque peu suspendue dans le vide et il existe le danger que les éléments de l’opposition antifasciste qui vivent à l’étranger et qui dans une certaine mesure ont perdu le contact avec le pays, poussent notre parti vers une voie erronée de l’élaboration d’un programme politique de gouvernement pour l’avenir. La tâche de l’élaboration d’une telle plateforme concrète du front uni antifasciste est l’une des plus difficiles qui sont posées devant votre conférence. En ce qui concerne le contenu de cette plateforme, on doit réfléchir à fond sur chaque mot d’ordre politique concret particulier. Ces mots d’ordre politiques doivent être posés de telle manière qu’ils saisissent les masses populaires les plus larges, qu’ils mettent en lien les problèmes les plus aigus de la lutte quotidienne avec la lutte politique ciblée pour le renversement de la dictature fasciste. Ils doivent prendre leur source dans les promesses des fascistes eux-mêmes ainsi que dans la situation interne et internationale de l’Allemagne. Premier mot d’ordre principal : contre la politique de guerre qui conduira à une défaite de l’Allemagne. Le programme de la libération nationale et sociale[15], qui a été prôné par le Parti dans le passé, est aujourd’hui dépassé. Il avait pour but de faire la propagande en faveur du programme du pouvoir des soviets en général. La tâche principale consiste à démasquer la démagogie nationaliste du fascisme. C’est pourquoi il faut en premier lieu prendre position contre la politique de guerre qui conduira à une nouvelle défaite de l’Allemagne. Ce mot d’ordre général doit aujourd’hui être mis en lien avec le mot d’ordre de l’annulation du traité de Versailles. C’est à dire des mots d’ordre comme : Pour l’annulation complète du traité de Versailles. Pour la réunion dans une Allemagne libre, de toutes les parties du peuple allemand séparées par la force, réunion non pas par la guerre, mais sur la base de la libre volonté et par la voie de l’entente internationale. Nous pouvons aussi poser le mot d’ordre tout à fait concret de la liquidation du corridor polonais en suivant cette voie. Par une popularisation large de ces mots d’ordre et par le déclenchement d’une véritable lutte de masse pour leur réalisation nous pouvons rendre inopérante la démagogie nationaliste. En lien avec cela : rétablissement de la bonne entente avec l’union soviétique, relations économiques étroites avec l’Union soviétique, rétablissement de relations économiques normales avec tous les pays. Tous ces mots d’ordre concernent des problèmes nationaux et les problèmes de la politique étrangère du fascisme. Ensuite devons venir les mots d’ordres politiques principaux, à savoir en particulier : Rétablissement de l’ensemble des libertés démocratiques. Rétablissement de tous les partis politiques, organisations ouvrières et paysannes, épuration des éléments fascistes dans l’armée et l’appareil d’état, en particulier des postes privilégiés occupés de préférence par les fascistes. Liberté de conscience et de croyance! Égalité de tous les ressortissants, indépendamment de leur nationalité et religion. Libération de tous les antifascistes et de tous ceux qui ont été incarcérés au motif d’avoir enfreint des lois fascistes antipopulaires. Les revendications économiques doivent être dirigées contre la politique d’autarcie, contre l’économie contrôlée et les subventions au bénéfice des grands capitalistes aux frais des larges masses populaires. Ce seraient p. ex. des mots d’ordres comme : Pour la libre vente des produits de paysans, arrêt de la politique de l’autarcie, lutte sans merci contre les banques et les grands spéculateurs qui comme des rapaces engrangent leurs grands profits aux frais du consommateur. Rétablissement complet de l’assurance sociale, demande de restitution de l’ensemble des subventions accordées aux grands industriels et aux agrariens. Évidemment toutes les parties d’une telle plateforme doivent être étroitement mis en lien avec le mot d’ordre général du renversement de la dictature fasciste. Mais ce mot d’ordre aussi doit être concrétisé, en ce que nous demandons que les coupables de la catastrophe qui menace le peuple allemand soient traduits en justice. En même temps il faut cependant déclarer qu’on accordera une pleine amnistie aux membres des organisations fascistes inférieures, qui ont été dupés par les éléments dirigeants. À cet égard on devra noter que ces mots d’ordre doivent être posés de telle sorte qu’ils mettent en lien notre lutte antifasciste avec les aspirations de ces éléments qui aujourd’hui ne sont pas encore des antifascistes déclarés, mais dont les intérêts sont lésés par les mesures de la dictature fasciste. Camarades, ces revendications peuvent être considérées seulement comme une première tentative d’élaboration d’une plateforme du front uni antifasciste en Allemagne. La rédaction définitive d’une telle plateforme avec laquelle nous devons nous adresser à tous les éléments antifascistes, est la tâche de la conférence et de la Centrale du Parti.
[Citation dans l’original ►]
Un texte intitulé "Qu’est-ce qui unit le front populaire? Pour quelles revendications la lutte commune de tous les adversaires de Hitler est-elle possible?", datant d’octobre 1935, traite de cette question relative à une plateforme du front uni antifasciste. Il parût pendant la tenue de la Conférence de Bruxelles dans l’hebdomadaire Gegen-Angriff (dirigé par des représentants du KPD : Wilhelm Münzenberg, Alexander Abusch, Bruno Frei); il fut reproduit aussi peu après la Conférence dans le Rote Fahne. Voici des extraits :
En effet, nos combattants dans la clandestinité, en mettant en jeu leur vie chaque minute, montrent que nous plaçons un intérêt par-dessus tout : la libération du joug atroce de Hitler, du peuple allemand opprimé.
En vue de cette tâche nous voulons sincèrement la création du front uni avec toutes les organisations du Parti social-démocrate dans le pays et aussi avec le comité exécutif à Prague. En vue de cette tâche nous aspirons le front populaire le plus large avec toutes les organisations des adversaires de Hitler. […] Il n’y a qu’une condition préalable pour le front uni et le front populaire : la volonté de lutter en commun contre l’ennemi commun, Hitler.
[Citation dans l’original ►]
Le texte expose une liste de revendications devant servir comme base pour l’action commune dans ce cadre :
Nous sommes de l’avis qu’un regroupement de tous les partis et groupes antihitlériens dans le front populaire est possible pour les revendications suivantes :
Pour la liberté d’opinion et de conscience, pour la liberté de parole et d’écrit, d’art et de science;
pour la liberté de coalition, pour le rétablissement du droit à l’élection de directions et de cadres dans les associations;
pour l’amnistie pour les prisonniers politiques;
pour la liberté de la défense d’intérêts et des organisation, de caractère syndicale;
arrêt de la baisse insupportable des salaires, rémunérations, allocations et rentes sociales!
abolition du système de collecte!
Le peuple veut des salaires plus élevés et une existence garantie.
Baisse des impôts pour les couches moyennes et les paysans;
rétablissement du droit à la vente libre pour les paysans;
satisfaction des besoins de terres pour les paysans!
élections libres et secrètes et candidature libre aux représentations communales et à tous les organismes publics!
La lutte du peuple allemand pour ces revendications est la voie vers le renversement de Hitler.
[Citation dans l’original ►]
Sous une autre forme, une ébauche similaire de plateforme en vue de la constitution du front antifasciste, figure dans la Résolution adoptée par la Conférence de Bruxelles[16] :
Tout ce qui réunit les masses travailleuses dans la lutte contre l’asservissement et le pillage de la part du gouvernement de Hitler, doit être mis au premier plan du travail d’éducation et de l’organisation de la lutte commune.
Face à l’asservissement et la privation de droits immenses du peuple allemand, de l’embrigadement politique des consciences et de la persécution inouïe de tous les hommes épris de liberté par la dictature fasciste, le Parti communiste place en tête de la lutte antifasciste la lutte pour tous les droits et libertés démocratiques. Nous communistes luttons pour la liberté d’organisation et de réunion, pour la liberté de la presse et de l’opinion, pour la liberté de croyance et de conscience, pour l’égalité de tous les ressortissants, pour la liberté totale d’élection à tous les organismes. Nous luttons contre la pagaille représentée par les bonzes bruns dans les organisations ouvrières, de classes moyennes, organisations paysannes et autres.
[…] Nous communistes sommes pour l’élimination complète du dictat de Versailles et pour la réunification dans une Allemagne respectueuse des libertés, de toutes les parties du peuple allemand séparées par ce dictat. Cela ne doit pas être obtenu par la guerre, mais par la voie d’une entente pacifique avec les peuples voisins. Or la politique de Hitler pousse le peuple allemand dans la guerre et conduit à une nouvelle défaite. Nous communistes voulons préserver le peuple allemand des horreurs et les sacrifices incalculables d’une nouvelle guerre mondiale impérialiste. Nous voulons anéantir le fauteur de guerre principale, le fascisme hitlérien.
[…] La lutte nécessaire des travailleurs pour des meilleurs salaires correspond tout à fait à la lutte des paysans et des classes moyennes pour un prix juste des produits qu’ils fabriquent. Du pouvoir d’achat des travailleurs dépend aussi l’existence des classes moyennes et de la paysannerie. C’est pourquoi ils sont ensemble intéressés à l’élimination des prélèvements, impôts et taxes, au démantèlement de tout l’appareil bureaucratique de collection et répartition, à l’élimination des profits intermédiaires élevés des commerçants en gros et de l’État, à la suppression de toute spéculation.
[…]
Nous communistes en appelons à tous les actifs, à tous les hommes de culture et d’esprit en Allemagne et dans le monde entier, de protester contre la terreur inhumaine des fascistes à l’encontre d’hommes aux opinions différentes, contre les tortures dans les enfers du Gestapo, contre le traitement barbare infligé aux prisonniers politiques, contre les innombrables assassinats des prisonniers sans défense et des combattants antifascistes, et de mener la lutte pour la libération de tous les prisonniers politiques.
[Citation dans l’original ►]
Le texte publié dans le Gegen-Angriff, mentionné plus haut, insiste aussi sur la nécessité de constituer des organes du front
Dans la lutte pour ces revendications, le front populaire devra créer ses propres organes communs, à l’aide de cadres et de directions d’organisations légaux, adversaires de Hitler, p. ex. sous la forme de comités provisoires illégaux ou quelque chose de semblable, de la façon appropriée selon les conditions dans l’entreprise et dans la localité, et de sorte qu’ils puissent être protégés au mieux de la Gestapo. […] Nous communistes sommes de l’avis que la direction de cette lutte peut être assumée uniquement par les organisations dans le pays même, par les organes du front uni et du front populaire.
[Citation dans l’original ►]
Telle que la question de la plateforme apparait dans ces citations, il s’agit d’un ensemble de mesures dont la réalisation doit être imposée par les forces composant le front, soit au cours de la lutte contre la dictature national-socialiste, soit au bout du compte après le renversement de celle-ci. Mais par la suite le KPD adopte ‑ avec quelques fluctuations dans l’orientation ‑ la perspective de formuler ainsi le programme du futur gouvernement, auquel il envisage d’ailleurs de participer éventuellement.
Dès la Conférence de Bruxelles, W. Pieck introduit cette éventualité. Nous avons déjà cité un extrait concernant cette question, dans la mesure où il correspond à la position formulée au 7e Congrès de l’IC. Mais Pieck ne s’en tient pas simplement au soutien à un éventuel gouvernement[17] :
Dans de telles conditions les communistes se prononceront en faveur de la création d’un gouvernement de front uni prolétarien ou de front populaire antifasciste, […]; ils le soutiendront et, sous certaines conditions, y participeront eux-mêmes. […] Dans de telles conditions les communistes se prononceront aussi en faveur d’une Assemblée nationale, dont il faudra assurer l’élection au suffrage libre, universel, égal et direct.
[Citation dans l’original ►]
Cette même orientation apparait dans le texte publie dans le Gegen-Angriff :
[…] sommes-nous, communistes, prêts à soutenir aussi un gouvernement différent, un gouvernement du front uni et du front populaire, et de participer aussi sous certaines conditions à un tel gouvernement […].
[Citation dans l’original ►]
Rappelons que l’indication que les communistes "sous certaines conditions, y participeront eux-mêmes [au gouvernement]", élargit les formulations utilisées durant le 7e Congrès de l’Internationale communiste. Il faut néanmoins noter que la résolution adoptée par la conférence de Bruxelles se limite à la formule de la "formation" d’un gouvernement de front sans mentionner une éventuelle participation des communistes (cf. les passages cités plus haut)[18]
[…] la possibilité et nécessité […] de la constitution d’un gouvernement de front uni prolétarien ou de front uni antifasciste
[Citation dans l’original ►]
Le fond du problème est lié à un manque de clarté au sujet de la nécessité de gagner la classe ouvrière et les masses travailleuses à l’objectif de la prise du pouvoir, dans le sens de l’instauration d’un pouvoir d’État porté par elles, à l’issue de la lutte menée par elles.
Au 7e Congrès de l’Internationale communiste, G. Dimitrov avait exposé certaines conditions dont la concrétisation pourrait rapprocher cette éventualité d’un gouvernement de front, notamment la suivante, déjà cité plus haut[19] :
[…] Deuxièmement, que les grandes masses de travailleurs, et particulièrement les syndicats de masse, se dressent impétueusement contre le fascisme et la réaction, mais sans être encore prêtes à se soulever pour lutter sous la direction du Parti communiste pour la conquête du pouvoir soviétique; |…].
[Citation dans l’original ►]
De fait, le KPD ‑ en oscillant entre omissions tacites et formulations explicites ‑ tend à se baser sur une appréciation de la situation qui retient le second aspect ‑ que les masses travailleuses ne sont pas prêtes à concourir à une insurrection en faveur du pouvoir soviétique ‑, et s’accommode du fait que le premier aspect ‑ que les masses travailleuses s’opposent avec véhémence au fascisme et à la réaction ‑ n’est nullement réalisé. Toutefois, dans un premier temps le Parti se montre hésitant quant à l’attitude à adopter. Il s’engage sur le terrain de négociation avec les forces politiques susceptibles d’intégrer une alliance antifasciste, mais en son sein s’expriment encore des réticences quant à l’idée d’aborder la question du futur régime. L’approche préconisée par P. Togliatti à la Conférence de Bruxelles finit par prévaloir, notamment à l’issue des débats à ce sujet au niveau du Comité exécutif de l’IC en mars 1936. Mais il n’en résulte pas une orientation unifiée unique. Les conceptions concernant le régime futur restent sujettes à des interprétations différenciées, dans la mesure notamment où le KPD au bout du compte entreprendra l’élaboration d’un programme de gouvernement censé être mise en oeuvre dans le cadre d’une république parlementaire institutionnalisée (voir plus loin). En cela il s’écarte des formulations que l’on trouve dans les documents de l’Internationale communiste, où il est question par exemple de "plateforme du front populaire contre le fascisme et la guerre " ou de "rétablissement des droits bourgeois-démocratiques". (Pour plus de détails, cf. le texte "1933‑1945 : Dictature et libération" ►)
République démocratique et front uni
Durant les années 1936‑1938, le KPD déploie des efforts considérables pour concrétiser l’acceptation du front populaire par le SPD et d’autres forces politiques enclines à une opposition à la dictature national-socialiste. L’argumentation employée insiste régulièrement sur la question de la république démocratique. Une résolution adoptée par le Comité central en mai 1938 résume la position du Parti à cet égard[20] : "Nous, communistes, luttons pour la république démocratique, parce que actuellement l’unification du peuple allemand ne peut être obtenu qu’en vue de cet objectif." [Citation dans l’original ►]
Voici quelques extraits de textes significatifs à cet égard.
Au sujet de la démocratie :
Déclaration du Bureau politique du KPD, avril 1936 :
Le KPD considère le rétablissement des droits bourgeois-démocratiques comme un progrès important, bien qu’il vise à atteindre des objectifs plus avancés. La lutte pour les libertés démocratiques, pour la plus grande liberté d’action aujourd’hui, est étroitement liée à la réalisation d’un régime démocratique après le renversement de Hitler.
[Citation dans l’original ►]
Manifeste du Comité central du KPD, juin 1936 :
Tous ont en commun la grande volonté de préserver la paix et de conquérir des libertés et droits démocratiques. […] La république démocratique mettra fin à la situation où le peuple allemand est dépourvu de droits et de liberté.
[Citation dans l’original ►]
Lignes directrices, projet du Comité central du KPD, juin 1936 [21] :
Le front populaire allemand lutte pour la liberté et la démocratie, pour le droit de vote universel, secret et direct, pour la république démocratique. […] Les partis, courants, organisations, groupes et personnes, associés dans le front populaire déclarent comme principe de base le plus important pour l’État, que le nouveau Reich sera une république démocratique, dans laquelle le peuple décidera librement sur toutes les questions de l’économie, de la politique intérieure et étrangère du pays, et dans laquelle le gouvernement sera déterminé par une décision du peuple travailleur sur la base du droit de vote universel, égal, secret et direct.
[Citation dans l’original ►]
W. Pieck, aout 1936 [22] :
La nouveauté dans ces propositions par rapport au manifeste de la conférence de Bruxelles du parti réside, comme déjà mentionné, dans la revendication visant la république démocratique qui devra être créée après le renversement de la dictature hitlérienne, afin de réaliser les revendications des masses populaires et de leur donner avant tout la pleine possibilité de participer eux-mêmes de manière décisive à la formation et la consolidation de la république démocratique.
[Citation dans l’original ►]
On note ici les fluctuations quant aux termes employés. De formulations limitées ‑ "droits bourgeois-démocratiques", "libertés démocratiques" ‑ on passe à une définition du système en tant que tel ‑ "république démocratique" ‑ (ce qui à la Conférence de Bruxelles avait été écarté délibérément); par ailleurs, en général cette démocratie est censée intégrer l’ensemble du "peuple", des "masses populaires", mais on trouve aussi cette référence étrange à "une décision du peuple travailleur sur la base du droit de vote universel, égal, secret et direct" (cf. ci-dessus, "Lignes directrices") ‑ ce qui impliquerait une restriction quant à la notion de "droit de vote universel".
Au sujet du mouvement de masse :
Manifeste du Comité central du KPD, juin 19362 :
Le renversement de la dictature hitlérienne et l’instauration de la république démocratique s’accompliront à travers des affrontements énormes, variés, entre les forces du front populaire et les puissances de la dictature hitlérienne. Cette lutte commence par la moindre résistance dans les entreprises et les organisations de masse fascistes, dans les zones d’habitation, dans les villages, dans l’armée. De ces résistances les plus réduites se développeront les grands affrontements. Dans ces luttes les masses formeront les organes les plus variées du front populaire, qui acquerra toujours plus la capacité à la direction de ces luttes et organisera et dirigera un mouvement populaire pour une Allemagne nouvelle démocratique. De ses organes se développeront aussi les forces pour les premiers organes de pouvoir d’une Allemagne démocratique.
[Citation dans l’original ►]
Lignes directrices, projet du Comité central du KPD, juin 1936 [23] :
Le front populaire appelle les masses de tous les actifs en Allemagne, par millions, à engager la lutte uni pour leurs intérêts vitaux, pour la liberté et le bienêtre. Cette lutte des masses populaires pour les revendications du front populaire est la voie vers le renversement de Hitler. Au cours de cette lutte, partout en Allemagne, naitront les organes du front populaire, portés par la volonté des masses les plus larges du peuple, organes qui organisent et conduisent cette lutte. Ces organes du front populaire détermineront aussi après le renversement de Hitler le gouvernement provisoire, auquel incombera la tâche de consolider la victoire et de rendre possible la libre décision du peuple au sujet du régime futur.
[Citation dans l’original ►]
W. Pieck, aout 1936 [24] :
À l’égard de ces luttes, les masses populaires joueront le rôle décisif. Elles auront à porter le poids des grands sacrifices de cette lutte, et par là accumuleront une telle somme d’expériences qu’elles aborderont la formation et la consolidation de la république démocratique avec des exigences tout à fait différentes qu’à l’époque d’avant Hitler, à l’époque de la république de Weimar. Ces exigences des masses populaires détermineront de façon essentielle le contenu de la démocratie du régime nouveau. Les masses se créeront dans le front populaire, au cours du procès de ces luttes des organes pour la conduite de celles-ci, qui exerceront aussi une influence décisive sur la conception et la politique des premiers organes exécutifs après l’écrasement de la dictature fasciste, pour consolider la victoire.
[Citation dans l’original ►]
On voit que le KPD prend soin d’insister constamment sur la nécessité de réaliser la condition posée comme préalable à la constitution d’un gouvernement du front, à savoir l’essor d’un mouvement de résistance massive aboutissant à la formation d’organes politiques incarnant le pouvoir des masses travailleuses. Le Parti est conscient du caractère fondamental de cet aspect. Cependant, comme déjà signalé plus haut, il reste à savoir ‑ au moment où ces positions sont formulées ‑ si cette exigence sera satisfaite par le développement effectif de la lutte contre la dictature national-socialiste.
Au sujet de la liberté du peuple de décider du caractère du futur régime :
Gegen-Angriff, octobre 1935 :
Les communistes veulent qu’après le renversement de Hitler le peuple décide librement de son avenir. Le front populaire victorieux doit assurer la libre décision du peuple.
[Citation dans l’original ►]
Déclaration du Bureau politique du KPD, avril 1936 :
Le KPD veut le front populaire antifasciste pour le renversement de Hitler et est prêt de lutter, ensemble avec les forces antihitlériennes, pour une Allemagne démocratique, dans lequel le peuple décidera lui-même du régime.
[Citation dans l’original ►]
Manifeste du Comité central du KPD, juin 1936 :
Tous ont en commun un intérêt à ce qu’en Allemagne les larges masses populaires fassent en sorte d’obtenir la possibilité de décider eux-mêmes du nouveau régime qui devra suivre le renversement de Hitler.
[Citation dans l’original ►]
W. Pieck, août 1936 [25] :
Il faut donc d’abord créer de nouveau une situation où le peuple allemand dispose de la pleine possibilité de s’orienter politiquement, de discuter les questions de la conception du régime future, afin de pouvoir décider à ce sujet.
[Citation dans l’original ►]
Telles que citées ci-dessus, les formulations se limitent à juste titre à l’affirmation que le peuple devra décider librement du futur régime. Mais elles sont fréquemment accompagnées d’explications variées qui tendent à circonscrire l’éventail des options servant de cadre à ce "libre choix". Dans un premier temps, durant la période 1936‑1938, on note des références relativement succinctes à une assemblée nationale et au caractère du droit de vote.
Gegen-Angriff, octobre 1935 :
[Cité plus haut : Les communistes veulent qu’après le renversement de Hitler le peuple décide librement de son avenir. Le front populaire victorieux doit assurer la libre décision du peuple.] C’est donc pourquoi nous, communistes, voulons l’élection d’une assemblée nationale sur la base d’un suffrage garanti, libre, universel, égal et direct.
[Citation dans l’original ►]
Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [26] :
Dès que […] la liberté est assurée, le peuple élira sur la base de son droit de vote démocratique non altéré, ses représentants qui seront responsables devant lui seul.
[Citation dans l’original ►]
En absence de spécifications contraires, on est en droit de supposer que l’intention sous-entendue est de mettre en place une république démocratique parlementaire. On verra plus loin comment le KPD concrétisera plus explicitement l’analyse à cet égard.
La liberté de choix est en réalité surtout envisagée dans un sens négatif, qui reflète une certaine résignation. Dans son souci de respecter la démocratie, le KPD n’hésite pas de rassurer tout le monde en affirmant qu’en toute hypothèse il respectera en quelque sorte, comme on dirait aujourd’hui, le verdict des urnes.
Manifeste de la Conférence de Bruxelles, décembre 1935 [27] :
Nous communistes lutteront pour les intérêts des masses travailleuses, quelle que soit la forme de gouvernement.
[Citation dans l’original ►]
Cette tendance vers l’adoption de positions de caractère étroitement défensif, se concrétise de diverses manières. Parmi d’autres manifestations, on peut noter des arguments qui se tournent vers le passé ‑ il en sera encore question plus loin. Voici deux exemples :
Gegen-Angriff, octobre 1935 :
Nous sommes convaincus que les graves expériences subies sous le fascisme hitlérien seront un grand enseignement pour tous les hommes épris de liberté en Allemagne, dans le sens de ne pas répéter les erreurs de l’assemblée nationale de 1919 et de ne pas renoncer de nouveau aux libertés démocratiques conquises.
[Citation dans l’original ►]
Résolution de la Conférence de Bruxelles, octobre 1935 [28] :
Nous communistes voulons faire revivre de nouveau parmi les larges masses populaires les grandes traditions de liberté de la révolution de 1848 et créer une idéologie de lutte pour la liberté contre le fascisme barbare.
[Citation dans l’original ►]
Résumé
L’extrait suivant d’un texte de W. Pieck datant de 1937 résume l’ensemble des aspects évoqués ci-dessus [29] :
Le fascisme a liquidé tous les droits pour le peuple et toutes les institutions démocratiques. En tant que représentant des groupes les plus réactionnaires du grand capital et de la grande propriété foncière il a rejeté l’Allemagne en arrière de plusieurs siècles. Il nait et croit une aspiration profonde en vue de la liberté démocratique, qui saisit les travailleurs, les paysans, les classes moyennes, l’intelligentsia et aussi certains cercles de la bourgeoisie. Le mot d’ordre d’une république démocratique est le mot d’ordre qui dans l’étape actuelle uni les masses les plus larges du peuple. Par la lutte pour une république démocratique, dans laquelle le peuple dispose d’une influence prépondérante, dans laquelle seront supprimés les privilèges du grand capital et éradiquées les racines du fascisme, la classe ouvrière intervient comme force porteuse et pionnière à l’égard de l’unification du peuple pour le renversement de la dictature hitlérienne.
[…]
Les communistes luttent sincèrement pour les droits et libertés démocratiques du peuple allemand, pour une république démocratique qui devra remplacer la dictature fasciste. En cela ils partent du point de vue que le fascisme hitlérien peut être renversé seulement par l’unification du peuple allemand et qu’actuellement c’est seulement sous ce mot d’ordre que les masses les plus larges du peuple peuvent être rassemblées pour cette lutte. Dans ce cadre les communistes respectent la volonté tournée vers la démocratie, enracinée profondément dans les masses populaires allemandes, laquelle naturellement ne doit pas déboucher sur la répétition de la république de Weimar. Cette démocratie sera conquise par les masses au prix de lourds sacrifices et de luttes énormes contre l’appareil du pouvoir de la dictature fasciste, elle éradiquera implacablement toutes les racines du fascisme, et sous cette démocratie le peuple décidera lui-même du contenu de la république populaire et de son gouvernement. En suivant cette voie le peuple allemand conquerra sa liberté et déblayera la voie vers le socialisme.
[Citation dans l’original ►]
Notons d’abord deux formules passablement étranges : "les communistes respectent la volonté tournée vers la démocratie, enracinée profondément dans les masses populaires allemandes", et "Les communistes luttent sincèrement pour les droits et libertés démocratiques du peuple allemand". Difficile de saisir le sens de ces affirmations ("luttent sincèrement", "respectent la volonté tournée vers la démocratie"), à moins de soupçonner qu’elles reflètent une incompréhension du fait que la dictature du prolétariat assurera justement la démocratie la plus aboutie pour les masses travailleuses. Par ailleurs, la juxtaposition de certaines caractéristiques de cette république démocratique transforme l’objectif à atteindre en fiction utopique : "une république démocratique, dans laquelle le peuple dispose d’une influence prépondérante, dans laquelle seront supprimés les privilèges du grand capital et éradiquées les racines du fascisme".
Nous considérons que les formulations relatives à la "liberté de choix" du peuple sont entachées d’une ambigüité qui renferme en germe les positions fondamentalement erronées imposées ultérieurement par les révisionnistes khrouchtchéviens, au sujet des "états de démocratie populaire" formant le soi-disant "camp socialiste".
La conception correcte du rapport entre la lutte pour le renversement de la dictature national-socialiste d’une part, et l’instauration d’un nouveau pouvoir ensuite, impliquait certes la nécessité de constituer le front le plus large possible de toutes les forces politiques susceptibles d’oeuvrer en faveur du premier objectif, celui de mettre fin au régime hitlérien. Le Parti du Travail d’Albanie (PTA) sous la direction d’Enver Hoxha, a appliqué une telle orientation de façon conséquente dans la lutte contre l’occupant fasciste : le programme du front uni de libération nationale allait jusqu’à éviter d’exclure l’hypothèse d’une restauration d’un système monarchique. Mais à cette conception du front, s’appliquant jusqu’à la victoire contre le fascisme, doit correspondre une conception aussi conséquente concernant la phase suivante, celle de la mise en place du nouveau pouvoir. Que soit prévu le recours à une Assemblée constituante ne change rien au fait que la responsabilité incombe au Parti communiste d’oeuvrer, en menant jusqu’au bout la lutte de classe, afin que ce processus s’oriente dans la direction de l’instauration du pouvoir de la classe ouvrière et des masses travailleuses.
Or, les positions adoptées par le KPD reflètent le tiraillement entre la vision correcte de la question et une tendance à s’adapter de façon opportuniste à la perspective d’un rapport de force défavorable au moment de la chute du régime hitlérien. Certes, quand le Parti met en avant la république démocratique comme objectif, il affirme aussi régulièrement que celui-ci sera réalisé à l’issu d’un processus de lutte marqué par la participation des masses et la constitution d’organes du front antifasciste. Mais les formulations employées escamotent le fait que l’ultime enjeu est celui du pouvoir. Le PTA, bien avant la victoire sur l’occupant fasciste, a imposé la reconnaissance des comités de libération nationale comme futurs organes du pouvoir, alors que le KPD voit le rôle des organes du front populaire de façon beaucoup plus limitée, dans la mesure où ils "exerceront aussi une influence décisive sur la conception et la politique des premiers organes exécutifs après l’écrasement de la dictature fasciste" (W. Pieck, aout 1936, cf. plus haut). Il est clair que la situation en Allemagne n’était pas propice à ce que les communistes s’imposent comme force dirigeante incontestée du front, comme en Albanie. Seulement, la reconnaissance de cette limitation ne devait pas être recouverte d’un voile d’explications équivoques par lesquels le KPD tentait de maintenir l’espoir tout en se résignant d’avance à occuper parmi les futures forces de pouvoir une place de partenaire en position subordonnée.
Pire, le Parti déclare explicitement qu’il conçoit l’étape de la république démocratique devant succéder à la dictature national-socialiste comme une situation inscrite dans la durée.
W. Pieck, aout 1936 [30] :
Ce n’est pas un hasard que la question de savoir quel gouvernement devrait voir le jour après Hitler passa au premier plan de la discussion. Cela a son origine en ce que la création du front uni et populaire n’est pas possible sans les communistes, tandis que ceux-ci, par principe, sont pour la dictature du prolétariat parce que seulement ainsi peut être réalisé le socialisme. Or la dictature prolétarienne est refusée par les autres partis intéressés à la création du front uni et populaire, où par ceux qu’il s’agit d’y gagner. La clarification de la question quel régime devrait voir le jour après le renversement de la dictature hitlérienne, est donc une condition préalable essentielle pour que se réalise le front uni et populaire. Sur la base des revendications visant à la dictature prolétarienne cela ne serait pas possible dans ces conditions. D’autre part cette question provient de la crainte que, même si ce front pour le renversement de la dictature hitlérienne venait à être créé, il romprait aussitôt après avoir atteint ce but, face à la lutte pour le régime à venir, donc à un moment où il devrait porter tous ses efforts sur la consolidation de la victoire. Par là serait non seulement remise en cause la victoire, mais aussi il serait donné aux forces fascistes à nouveau la possibilité d’ériger une nouvelle fois leur pouvoir, par suite de la désunion au sein du front antifasciste.
[Citation dans l’original ►]
Résolution du Comité central du KPD, 14 mai 1938 [31] :
Pour arriver à établir cette unité dans la lutte contre le fascisme hitlérien il est de la plus grande importance de trouver une entente sur cette question : Que devrait venir après Hitler? Immédiatement après la volonté d’assurer la paix vient la volonté de liberté et de démocratie, qui meut le peuple allemand le plus profondément. À cette volonté correspond la revendication d’une république démocratique authentique.
Dans la république démocratique le peuple allemand décidera lui-même de toutes les questions de sa vie et de ses rapports avec les autres peuples, il éradiquera le fascisme jusqu’à la racine et lui ôtera sa base matérielle par l’expropriation des conspirateurs fascistes parmi les grands capitalistes et les grands propriétaires fonciers. Elle sera une république antifasciste. Elle se distinguera de l’ancienne république de Weimar en ce qu’elle ne reposera pas sur l’hégémonie de la bourgeoisie, pas sur la coalition des partis bourgeois avec des parties de la classe ouvrière en subordonnant les intérêts de la classe ouvrière et des paysans aux intérêts du grand capital et des grands agrariens, mais sur le front populaire. Or le front populaire est l’alliance de la classe ouvrière unie avec les paysans, les couches moyennes et l’intelligentsia pour la défense des intérêts du peuple travailleur et par là pour la représentation des intérêts de la nation allemande. La république démocratique assurera la paix en amenant, appuyée sur une forte armée populaire, l’entente pacifique avec les autres peuples et la coopération amicale avec l’union soviétique.
[Citation dans l’original ►]
Un texte de W. Pieck, diffusé sous forme de brochure clandestine, met particulièrement en lumière le point qui sera sujet à un décalage entre l’analyse prospective exposée et la réalité. Il convient de souligner que ce texte est publié pourtant en mars 1939, c’est-à-dire à un moment où le KPD a déjà pu expérimenter amplement les potentialités autant que les obstacles inhérentes à la situation.
Il est vrai que Pieck insiste à juste titre sur la nécessité de la lutte armée [32] :
Les masses populaires unies dans le front populaire antifasciste pour la lutte contre le fascisme hitlérien ont toutes les chances pour la victoire de leur côté, si elles engagent la lutte avec toute la détermination et la mènent jusqu’au bout de façon conséquente. La lutte trouvera son accentuation pour le renversement immédiat du fascisme par l’élargissement et l’intensité du mouvement de grève des travailleurs, alors qu’à cet égard beaucoup dépend de ce que ce mouvement soit appuyé par des mesures de lutte similaires de la part des paysans et des classes moyennes, de sorte que finalement il trouvera son déploiement suprême dans des grèves de masse et luttes de masse puissantes. Les masses antifascistes doivent à cet égard compter avec la probabilité que le fascisme les affrontera avec l’emploi le plus brutale de la force armée. Donc si les masses veulent vaincre, alors elles n’ont pas d’autre choix que d’avoir de même recours aux armes. Donc la lutte des masses devra prendre la forme de l’insurrection armée contre le fascisme afin de l’anéantir ainsi. Ce serait une automystification dangereuse si les masses, dans leur lutte contre le fascisme, ne s’orientaient pas vers cet affrontement armé avec le pouvoir d’État fasciste. Cette lutte sera terminée d’autant plus rapidement et les sacrifices seront d’autant plus limités, à mesure qu’elle sera engagée et mise en oeuvre par les masses de façon déterminée et unie. Le pouvoir d’État fasciste s’écroulera d’autant plus rapidement, si de grandes parties de l’armée et de la police et des bandes fascistes capitulent devant les masses ou passent de leur côté. Toutefois à cet égard beaucoup dépendra de savoir avec quel degré de détermination la lutte pour la réalisation de la république sera menée à son terme.
[Citation dans l’original ►]
À cet égard, l’orientation formulée par le KPD n’était pas erronée en elle-même, dans la mesure où il s’agissait d’hypothèses concernant les luttes à venir, et de la responsabilité incombant au Parti de les développer. Il serait cependant vain d’entrer dans des spéculations sur le cours que les évènements auraient pu prendre en dehors des faits historiques survenus effectivement : déclenchement de la guerre impérialiste par l’Allemagne, attaque allemande contre l’URSS, chute de la dictature national-socialiste suite à la victoire de l’alliance des puissances antifascistes, et dans une partie de l’Allemagne restauration de la démocratie rendue possible dans le cadre de l’occupation militaire soviétique. Dans cette situation, les raisonnements concernant une république démocratique comme incarnation du pouvoir du front populaire deviendront caducs et auraient dû être révisés substantiellement.
Cependant, le texte de Pieck révèle un manque de clarté concernant la caractérisation de l’instauration de cette république démocratique quant à sa nature [33] :
À la place de la dictature fasciste sera instaurée la république démocratique, l’économie de guerre du capital des trusts sera remplacée par une économie de paix reposant sur l’échange pacifique avec d’autres peuples. On procèdera à un bouleversement du système de pouvoir et une transformation de l’économie, qui auront le caractère d’une révolution, en ce que la direction de la république passera aux masses unies dans le front populaire antifasciste. Ce ne sera pas encore une révolution socialiste, mais seront créées toutes les possibilités pour la consolidation de la démocratie, des droits et libertés des masses travailleuses.
[Citation dans l’original ►]
En divergence avec ce qui avait été affirmé initialement ‑ que la démocratie populaire n’est pas une troisième forme entre république bourgeoise et république soviétique ‑ cette formulation tend à séparer la république démocratique succédant au régime de dictature comme fondamentalement différent de celui-ci, puisqu’aura lieu "un bouleversement du système de pouvoir et une transformation de l’économie, qui auront le caractère d’une révolution".
Il convient de signaler que G. Dimitrov également développe des positions qui modifient l’approche exposée au 7e Congrès de l’IC. Dans son rapport au Congrès il rejetait explicitement l’idée d’un stade intermédiaire démocratique entre la dictature de la bourgeoisie et la dictature du prolétariat et envisageait le gouvernement de front uni comme une forme de transition conduisant à la révolution prolétarienne. Les 18‑19 septembre 1936 se tient une réunion du secrétariat du Comité exécutif de l’IC au sujet du front populaire en Espagne, avec la participation de G. Dimitrov, Victorio Codovilla, Wilhelm Florin, Klement Gottwald, Otto Kuusinen, Dimitri Manuilskij, W. Pieck entre autres[34]. Dimitrov s’exprime en ces termes [35] :
Le peuple espagnol combat et, à l’étape actuelle, il doit arracher la victoire, l’instauration de la république démocratique. […] A l’étape de transition actuelle des conditions internationales, étant donné l’existence de l’État soviétique et de la démocratie soviétique d’un côté et des États de démocratie bourgeoise, tels qu’en Angleterre et en Amérique, et l’existence de la dictature fasciste, cette république sera un État particulier avec une démocratie populaire véritable. Ce ne sera pas encore un État soviétique mais un État antifasciste orienté à gauche auquel participera la partie orientée véritablement à gauche de la bourgeoisie. […] Ici se pose la question de l’organisation de la production en l’absence de l’abolition définitive de la propriété privée capitaliste. L’organisation de la production sous participation et contrôle de la classe ouvrière et de ses alliés dans la lutte contre le fascisme, c’est-à-dire de la petite-bourgeoisie et de la paysannerie. Théoriquement, pour être exact, on devrait peut-être désigner cela comme une forme particulière de la dictature démocratique de la classe ouvrière et de la paysannerie à l’étape actuelle.
[Citation dans l’original ►]
Alors que l’expérience historique suivie par les communistes albanais a bien conduit à l’instauration d’un régime qualifié de démocratie populaire, il n’en est pas moins vrai que cet État a d’emblée assumé les fonctions de la dictature du prolétariat. Ceci a été possible parce que le PTA avait oeuvré avec succès en vue de la constitution des bases organisationnelles de ce nouveau pouvoir, fondamentalement différentes de l’appareil d’État bourgeois. Il avait pris soin, dans le processus conduisant à la révolution, de s’en tenir dans son programme à la revendication que le peuple albanais décidera de la "forme du régime" qui devra succéder à l’État en place. Mais une fois venu le moment où le peuple allait manifester son choix, le PTA ne se comportait pas en observateur passif préparé à s’adapter à ce qui sera la nouvelle situation résultant d’un simple scrutin électoral. Bien au contraire, il mit en oeuvre l’étape décisive du processus révolutionnaire, dans les sens voulu et préparé : l’instauration de la dictature du prolétariat ‑ non pas à travers la fiction d’une déclaration formelle affublant l’appareil d’État traditionnel du titre de "dictature du prolétariat", mais de façon effective et réelle.
Le texte de W. Pieck déjà cité ci-dessus n’élude pas cette question relative à l’appareil d’État. Il constate à juste titre que la dictature national-socialiste s’exerce à travers un appareil d’État qui lui est propre, lequel il faudra donc détruire. Mais, conformément à ce qui est la position du KPD ‑ que le régime qui succèdera à cette dictature ne sera pas la dictature du prolétariat ‑, il définit l’appareil d’État à mettre en place en fonction du caractère du front populaire [36] :
Ce qui comptera donc cette fois-ci, c’est de procéder à éradiquer rigoureusement toutes les organisations fascistes et leur presse, de dissoudre l’appareil d’État créé par les fascistes et d’édifier un appareil d’État nouveau formé des forces les plus fiables du front populaire, d’épurer rigoureusement l’armée et la police des éléments fascistes et de nommer à la tête de l’armée et de la police des hommes fables, fidèlement dévoués à la cause du front populaire.
[Citation dans l’original ►]
Ainsi, est annoncé essentiellement un renouvèlement concernant les personnes composant les organes de l’appareil d’État. Rien n’indique que ceux-ci se distingueraient fondamentalement de ce qui existe habituellement dans le cadre d’une république bourgeoise. Bien au contraire, il est fait référence explicitement à la forme de république parlementaire sans que rien ne permette de penser qu’il y aurait une différence substantielle par rapport aux institutions utilisées par la bourgeoisie quand elle-même préfère exercer sa domination de façon "démocratique" plutôt que par une dictature ouverte [37] :
Quand cette liberté du peuple travailleur sera à peu près assurée, sera abordée la création d’un parlement et d’un gouvernement parlementaire du front populaire sur la base du suffrage universel, égal, secret et direct. Personne ne sera donc exclu du suffrage, mais la réaction fasciste n’aura pas la liberté de l’agitation électorale pour ses objectifs fascistes.
[Citation dans l’original ►]
En définitive, au-delà de certaines précautions de langage, l’objectif était d’établir une situation du type de ce qui était à cette époque-là le cas de référence mis en exergue : la France de 1936 [38] :
Après la consolidation provisoirement suffisante de la victoire du front populaire il faudra passer à la consolidation de la république démocratique, dont fait partie en premier lieu la liberté la plus ample du peuple travailleur dans son activité politique, religieuse et culturelle. Donc par exemple les églises seront libres à faire la propagande en faveur de leurs conceptions du monde, comme le seront les partis politiques en ce qui concerne leurs conceptions et objectifs. Les masses travailleuses doivent être totalement libres dans l’emploi des moyens de lutte nécessaires pour atteindre leurs objectifs, afin de pouvoir imposer leurs revendications en direction de l’État et des employeurs. Il est évident que cette liberté ne sera pas accordée à la réaction fasciste, et les masses travailleuses et leurs organes devront consacrer la vigilance la plus grande à empêcher que la réaction fasciste ne puisse de nouveau s’insinuer et relever.
[Citation dans l’original ►]
À partir de 1939 et surtout 1941, le KPD développe la tendance vers une adaptation au contexte de la guerre, en fixant à juste titre comme objectif prioritaire la contribution à la victoire de l’URSS sur l’Allemagne fasciste, mais aussi en se figeant de façon erronée dans la conceptualisation de la république démocratique comme objectif sur le plan intérieur. Pour légitimer cette conception, le KPD caractérise le régime à instaurer comme "démocratie combattive". Les descriptions prospectives tentent de concilier la reconnaissance de la république parlementaire avec des éléments institutionnels s’inspirant de la dictature du prolétariat; cette approche s’accorde avec l’idée que cette "démocratie combattive" constitue une nouvelle forme de régime, différent de l’une et de l’autre.
Voici quelques citations concernant la république parlementaire.
Manifeste du Comité central du KPD, décembre 1942 [39] :
En vue de l’engagement commun pour un objectif commun nous proposons en tant que programme d’action du mouvement national pour la paix les dix points suivants :
[…]
10. Convocation d’une nouvelle assemblée du Reich allemande issue d’élections libres, égales, directes et secrètes, qui adopte une constitution du Reich démocratique et crée des garanties constitutionnelles et matérielles pour le droit, la loi et l’ordre.
[Citation dans l’original ►]
Projet de Programme d’action du KPD, octobre 1944 [40] :
IIe partie : Programme immédiat (sous les conditions de l’occupation militaire).
[…]
4. […]
Rétablissement du droit de vote libre, égal, secret et direct pour tous les organes nationaux et communaux sur une base proportionnelle.
[Citation dans l’original ►]
Projet de Programme d’action du KPD, décembre 1944 [41] :
12. Préparation d’élections libres, démocratiques et leur mise en oeuvre dès que la situation dans le Reich, dans les Länder et communes le permettent. Transition vers le rétablissement de l’auto-administration dans les communes. Préparation des élections à l’assemblée nationale, laquelle possèdera des pouvoirs constituantes.
[Citation dans l’original ►]
Et, concernant la "démocratie combattive".
Plateforme de la direction du KPD, mars 1944 [42] :
La classe ouvrière, c’est la majorité prépondérante du peuple allemand, elle est l’armée la plus grande et puissante de la révolution populaire antifasciste. La classe ouvrière est le facteur décisif dans l’Allemagne démocratique à venir.
Démocratie révolutionnaire, cela signifie conseils d’entreprise, conseils dans les villes et à la campagne, des comités de soldats et de paysans, l’organisation et la convocation des congrès d’ouvriers et de paysans. Démocratie révolutionnaire, cela signifie le peuple travailleur sous les armes pour la défense des droits démocratiques des masses et de la constitution révolutionnaire de la république démocratique. Démocratie révolutionnaire, cela signifie travailleurs armées et gardes paysannes. Démocratie révolutionnaire, cela signifie éradication en masse des fascistes et travail obligatoire pour les fauteurs de guerre et leurs instigateurs capitalistes pour du travail utile dans la reconstruction de l’Europe détruite. Démocratie révolutionnaire, cela signifie empêchement par les armes de tout attentat contrerévolutionnaire sur les droits démocratiques du peuple par les masses en armes elles-mêmes et non pas par une Reichswehr fasciste et semi-fasciste au service d’intérêts du capital privé.
[Citation dans l’original ►]
Projet de Programme d’action du KPD, octobre 1944 [43] :
D) Conclusion concernant ce qu’il faut faire (sous les conditions de l’occupation militaire)
[…]
2. Déploiement d’un mouvement de masse pour la création d’un bloc de la démocratie combattive, qui devrait comprendre toutes les organisations, partis, groupes et personnes qui lutteront pour le sauvetage de l’Allemagne par l’anéantissement de la réaction impérialiste-fasciste et par l’édification d’un régime populaire démocratique.
Création d’organes du bloc de la démocratie combattive.
[…]
IIe partie : Programme immédiat (sous les conditions de l’occupation militaire).
[…]
4. […] Création et développement d’organes populaires pour le contrôle et la garantie de la mise en oeuvre des lois et mesures adoptées et pour l’association des masses populaires à la participation active à la vie politique.
[Citation dans l’original ►]
Projet de Programme d’action du KPD, décembre 1944 [44] :
5. Édification d’un régime populaire fort, à cette fin insertion planifiée dans l’administration publique, des comités populaires jusqu’ici illégaux.
6. Constitution immédiate d’un gouvernement du bloc de la démocratie combattive.
7. Création et développement d’organes populaires pour la mise en oeuvre des lois et décrets édictés par le pouvoir gouvernemental nouveau et pour la coopération des masses populaires à l’administration publique.
[…]
11. Création d’une milice populaire.
[Citation dans l’original ►]
Dans le cadre de l’élaboration de ce programme d’action, le KPD aboutit dans un premier temps à une approche en termes d’options multiples : il maintient l’idée qu’en principe les organes du front populaire devront se constituer dans les conditions de la lutte contre la dictature fasciste, par un mouvement de masse antifasciste, mais il commence à prendre en considération l’éventualité d’un processus différent lié à la défaite militaire à venir, de l’Allemagne face aux puissances alliées opposées. De fait, le deuxième cas de figure deviendra effectif, et les orientations pratiques adoptées par le KPD s’inscriront dans ce contexte, comme en témoigne par exemple un document datant d’avril 1945 [45] . S’en suivra une période durant laquelle l’enjeu de la "démocratie populaire" sera fortement occulté par d’autres problématiques ‑ notamment la question de l’unification de l’Allemagne ‑, jusqu’à la constitution de la République démocratique d’Allemagne, dans les territoires occupées par l’armée soviétique. Toutefois, l’analyse que nous effectuons ici ne va pas au-delà de la situation de guerre qui prévalait encore en 1944.
Très tôt donc, en rapport avec la perspective de la constitution d’un comité en exil du front populaire, il fut question d’élaborer un programme de gouvernement. Tandis que les mesures à mettre en oeuvre allaient être précisées peu à peu par la suite, on constate que l’institution d’un gouvernement de front populaire était devenue dès l’été 1936 le point de référence pour le KPD, dominant tous les autres aspects de la lutte. Selon le KPD, ce gouvernement était censé diriger une "république démocratique", clairement distincte de la dictature du prolétariat, dont l’instauration ne pouvait être envisagée, dans les conditions données, que ultérieurement.
Il n’est pas sans intérêt d’ouvrir ici une parenthèse en matière de terminologie et de donner quelques indications sur l’évolution du vocabulaire employé pour désigner les objectifs de la lutte à laquelle appelait le KPD. Les origines de la dénomination "front populaire" semblent remonter à la fin de l’année 1934; précédemment Maurice Thorez avait parlé au nom du PCF, d’un "front commun". Lorsqu’en 1936 le Rote Fahne ‑ en "réponse aux propositions social-démocrates concernant les tâches de la révolution démocratique en Allemagne" qu’un cadre dirigeant du groupe “Neu Beginnen” avait publiées dans la Sozialistische Aktion ‑ fit connaitre de nouveaux détails relatifs au programme du KPD, il y emprunta aux socialistes le terme de "révolution démocratique" et de "révolution populaire démocratique"[46]. Enfin ce fut, semble-t-il, Erich Ollenhauer, membre de la direction en exil du SPD à Londres, qui utilisa le premier, à la fin de 1942, le terme de "démocratie combattive" repris, lui aussi, par le KPD [47] .
Quoi qu’il en soit, pour désigner l’État à établir le KPD utilise de termes variés : tantôt "république démocratique", tantôt "Allemagne démocratique", ou "nouvelle Allemagne démocratique", ou "nouvelle république démocratique allemande", ou encore "Allemagne de front populaire", et même "nouvel empire (Reich)". Quant au caractère politique de cet État, on trouve essentiellement l’énumération d’un certain nombre de traits que l’on rencontre traditionnellement dans les constitutions de démocratie bourgeoise [48] : liberté "pleine et illimitée" de la personne, égalité de tous les citoyens; liberté du domicile; liberté de la presse, de l’expression, de la religion, de croyance, de conscience; liberté de la recherche scientifique et de l’art. Enfin, la liberté d’association, d’organisation, de réunion, plus précisément la garantie pour tous "quelle que soit la profession, quel que soit le courant politique, philosophique ou religieux, non fasciste, auquel ils appartiennent" du "droit plein et illimité de s’associer pour la représentation de leurs intérêts et opinions."
Progressivement, le KPD formule aussi des indications assez précises et détaillées sur le contenu économique de l’État de démocratie populaire. Voici un extrait d’un texte de W. Pieck qui en donne un aperçu[49] :
À la consolidation de la victoire du front populaire est immédiatement lié l’anéantissement du pouvoir de domination du capital des trusts, parce que sinon une reconversion de l’économie de guerre du capital des trusts vers une économie de paix dans l’intérêt du peuple n’est pas possible. L’économie de guerre du capital des trusts subventionnée par l’État a conduit à u déformation complète de l’économie du pays, qui fatalement conduit à un chaos immense de l’économie et des finances publiques. Simplement pour rendre possible, est absolument requise la détrônisation du capital des trusts et des banques de sa position de monopole dans l’économie, par la nationalisation de l’ensemble des industries clé, avant tout l’industrie d’armement et des banques. À cause du gâchis énorme de la richesse du pays par l’économie de guerre, qui a engendré un appauvrissement du peuple entier, la reconversion vers une économie de paix planifiée ne se laissera mettre en oeuvre qu’au prix de grandes difficultés, qui se trouvent encore renforcées par le sabotage de la part du capital des trusts. Il faudra donc aussi procéder de la manière la plus sévère contre les capitalistes des trusts en personne, afin de leur rendre impossible ce sabotage. La nationalisation des industries clé et des banques ne signifie pas encore le transfert vers la propriété d’État de l’ensemble de la propriété privée des grands moyens de production, mais est dans un premier temps seulement la première mesure économique pour la reconversion de l’économie, pour adapter la production à la satisfaction des besoins des masses populaires. Il est clair que la politique d’autarcie appliquée par les fascistes pour des raisons de conduite de la guerre, et le manque énorme de vivres et de vêtements qu’elle implique, doivent être complètement liquidés.
Il est évident que la république démocratique doit assurer la capacité de défense du pays aussi bien par la création d’une véritable armée populaire que par son équipement le meilleur. Or pour cela l’industrie d’armement doit être dans les mains de l’État et non pas dans les mains d’une petite couche supérieure de chasseurs de profit et de fauteurs de guerre. Avec le renversement du fascisme et la consolidation de sa démocratie, la république démocratique doit compter avec le danger d’une intervention hostile, sachant que potentiellement même la réaction fasciste intérieure tentera de la susciter. Contre ce danger la république démocratique doit se prémunir par sa propre capacité de défense et par des traités d’alliance avec les états qui ont une attitude amicale à son égard, avant tout l’Union soviétique.
[Citation dans l’original ►]
Un certain nombre de points sont mis en avant fréquemment. Nous ne ferons que citer, sans les commenter spécifiquement, quelques phrases typiques en la matière. On peut en tout cas constater globalement une parenté d’esprit prononcée avec le programme du Conseil de la Résistance, promu en France avec l’adhésion du PCF.
* L’industrie d’armement
Manifeste du Comité central du KPD, juin 1936 :
L’Allemagne démocratique délivrera les ouvriers, artisans, petits commerçants, paysans et intellectuels des terribles charges d’armement qui pèsent sur leurs épaules. À la place de la production de moyens de destruction au service de la guerre sera mise en oeuvre la création d’emplois au service des besoins du peuple travailleur. Les dépenses pour la production de guerre seront remplacées par l’amélioration des salaires des ouvriers, employés et fonctionnaires, la diminution des charges fiscales pour les ouvriers, les classes moyennes et la paysannerie.
[Citation dans l’original ►]
Lignes directrices du Bureau politique du KPD, juin 1936 [50] :
Les sommes nécessaires pour la création d’emplois et l’amélioration de l’assurance sociale seront réunies pour une part par le recouvrement rétroactive immédiat de toutes les subventions accordées aux monopoles et aux puissances des trusts et par l’imposition radicale des bénéfices du grand capital réalisés en rapport avec l’armement.
[…]
Le nouveau Reich nationalisera l’industrie d’armement afin de s’opposer aux menées bellicistes du capital d’armement.
[Citation dans l’original ►]
On peut remarquer en passant qu’il n’est pas très clair comment on peut comprendre la mesure prévoyant "l’imposition radicale des bénéfices du grand capital réalisés en rapport avec l’armement" alors que par ailleurs est annoncé que "le nouveau Reich nationalisera l’industrie d’armement".
* Les banques
Lignes directrices du Bureau politique du KPD, juin 1936 [51] :
Les banques dont les actions sont propriétés de l’État, ou l’étaient avant la dictature hitlérienne, seront fusionnées en une banque d’État dont la tâche consistera à satisfaire les besoins de crédits des paysans et des classes moyennes, en abaissant systématiquement les taux d’intérêt.
[Citation dans l’original ►]
* Le grand capital
Lignes directrices du Bureau politique du KPD, juin 1936 [52] :
Dans l’intérêt de l’ordre et en vue de la préservation de la production et du ravitaillement du peuple, le nouveau Reich confisquera la propriété de ceux parmi les grands capitalistes et les grands agrariens qui saboteraient les mesures économiques du gouvernement démocratique.
[Citation dans l’original ►]
Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [53] :
L’histoire de l’après-guerre a montré comment de petits groupes de privilégiés, qui dominent la grande propriété terrienne, les grands konzerns d’industrie et les banques, devinrent les fossoyeurs de la liberté. Afin de préserver la liberté, le nouvel Allemagne privera ces ennemis du peuple de leur pouvoir.
[Citation dans l’original ►]
Résolution de la Conférence dite de Berne du KPD, janvier 1939 [54] :
Expropriation des capitalistes fascistes des trusts.
[Citation dans l’original ►]
* Sabotage
Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [55] :
Il saura empêcher toute tentative de sabotage du grand capital, en employant les moyens les plus sévères.
Il expropriera les hobereaux saboteurs du ravitaillement du peuple et de la liberté du peuple.
[Citation dans l’original ►]
* Nationalisations
Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [56] :
Il nationalisera l’industrie d’armement et les grandes banques.
[Citation dans l’original ►]
* Économie publique
Lignes directrices du Bureau politique du KPD, juin 1936 [57] :
Le nouveau Reich mettra en oeuvre une politique économique nouvelle, servant uniquement les intérêts des masses travailleuses et procèdera à une réorientation profonde de la politique économique menée par Hitler. À la place de la production insensée d’armement le nouveau Reich organisera de grands travaux publics à des salaires conventionnés qui serviront à la satisfaction des besoins des masses et à la construction de logements.
[Citation dans l’original ►]
Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [58] :
Tous les hommes, femmes et jeunes qui travaillent, recevront des salaires et traitements conformes à la dignité humaine, réglés par convention, et le temps de travail sera en harmonie avec le progrès technique de la production et le critère de la satisfaction des besoins.
[Citation dans l’original ►]
Proposition du Comité central du KPD, septembre 1938 :
Mise en oeuvre d’une politique économique qui sert l’élévation du bienêtre du peuple et la paix, au lieu de la politique d’armement et d’autarcie actuelle de la dictature national-socialiste, qui détruit l’économie.
[Citation dans l’original ►]
* Redistribution des richesses
Manifeste du Comité central du KPD, juin 1936
Que les riches paient!
[Citation dans l’original ►]
* La paysannerie
Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [59] :
Par contre, dans le nouvel Allemagne le paysan sera libre sur sa propriété.
[Citation dans l’original ►]
Résolution de la conférence de Berne du KPD, janvier 1939 [60] :
Protection de la propriété de la paysannerie et des classes moyennes. Réforme terrienne démocratique en faveur des paysans et des travailleurs agricoles.
[Citation dans l’original ►]
Tout ce qui précède fait donc ressortir que le renversement du régime national-socialiste n’est pas considéré comme simple objectif immédiat, point de passage ‑ temporaire et ne devant pas se transformer en situation stabilisée durablement ‑ vers l’objectif fondamental de l’édification du socialisme; bien au contraire, l’instauration de la démocratie est élevée au rang d’un objectif stratégique se suffisant à lui-même, au point d’éclipser l’objectif final. Certes, le KPD affirme que la lutte ne devait pas s’arrêter avec la mise en place initiale de la république démocratique. Mais la dynamique que devait suivre l’évolution de la situation, est vue en premier lieu comme une dynamique interne propre à cette république démocratique.
W. Pieck, mars 1939 [61] :
En outre, au sein du front populaire doivent prévaloir la clarté et l’entente au sujet du fait que la poursuite de l’édification de la république démocratique, autant en ce qui concerne les aspects de démocratie et de liberté de cette dernière qu’en ce qui concerne sa politique économique, ne peut être considéré comme accompli à un certain degré de développement, mais qu’aucune limite ne peut être posée à ce développement.
[Citation dans l’original ►]
La référence au socialisme ne disparait pas, mais le raisonnement est désormais présenté à l’envers, en ce sens que le renversement du régime national-socialiste se trouve à la base de toute la ligne politique du KPD. Quant à la perspective du socialisme, celle-ci, lointaine et quasiment mythique, est évoquée à titre purement théorique, essentiellement dans le but de servir d’argument pour justifier l’objectif de l’État de démocratie populaire.
W. Pieck, septembre 1937 [62] :
Si dans leur projet de plateforme pour la création d’un front populaire les communistes posent le mot d’ordre de la république démocratique et non pas le mot d’ordre de la dictature prolétarienne, ils tiennent compte en cela du fait que pour l’accomplissement victorieuse de la lutte pour le renversement du fascisme hitlérien il faut non seulement les ouvriers mais aussi les classes moyennes et la paysannerie et tous ceux qui veulent se libérer du fascisme barbare. Il faut donc poser des mots d’ordre de telle nature que ces couches soient prêtes à lutter pour eux. Ce serait se bercer d’illusions que de supposer que la majorité de la classe ouvrière allemande, les classes moyennes et la paysannerie soient déjà prêtes à lutter pour le pouvoir soviétique. Il reste encore à les gagner à cela.
[Citation dans l’original ►]
Rote Fahne, 5/1936 :
Ce sera précisément la république démocratique, acquise par la lutte du front populaire et dirigée par elle, qui créera ces conditions préalables où les masses prendront conscience pas à pas du fait qu’ils doivent faire un pas plus loin. […] Dans la lutte conséquente pour la démocratie et pour les intérêts du peuple, contre les grands capitalistes ennemis du peuple, la classe ouvrière et les masses des classes moyennes et des paysans [se] convaincront par [leurs] propres expériences [que] on [doit] aller vers l’avant, vers le socialisme.
[Citation dans l’original ►]
W. Pieck, aout 1936 [63] :
Dans les luttes contre la bourgeoisie et les forces de la contrerévolution le peuple allemand fera l’expérience qu’il doit fixer plus loin les objectifs de sa lutte, parce que la république démocratique ne lui apportera pas encore le socialisme, pas encore la libération de l’exploitation capitaliste.
[Citation dans l’original ►]
Ce qui trahit l’erreur fondamentale en question, c’est que l’étape de transition n’était pas conçue comme période de double pouvoir, mais comme une sorte de concurrence institutionnalisée, dans le cadre d’un État garantissant les droits de tous (à l’exclusion des fascistes, mais cela ne change rien quant au fond). En effet, les déclarations insistaient sur la nécessité que l’État de démocratie populaire garantisse aux masses populaires la possibilité pour défendre leurs intérêts.
W. Pieck, aout 1936 [64] :
Dans la république démocratique tous les partenaires du front populaire pourront faire la propagande pour leurs objectifs particuliers. Les communistes mèneront ouvertement et librement leur agitation parmi le peuple travailleur, pour le socialisme et pour la seule voie y conduisant, pour la dictature prolétarienne.
[Citation dans l’original ►]
Résolution de la Conférence de Berne du KPD, janvier 1939 [65] :
La politique du front populaire et la création d’une république démocratique nouvelle ne signifient pas le renoncement de la classe ouvrière à la lutte pour le socialisme. Dans une Allemagne de front populaire les ouvriers socialistes et communistes et leurs organisations auront la pleine liberté de gagner la majorité du peuple pour l’objectif socialiste.
[Citation dans l’original ►]
W. Pieck, mars 1939 [66] :
Après une consolidation provisoirement suffisante de la victoire du front populaire il faudra passer à la poursuite de l’édification de la république démocratique, ce qui comprend en première ligne la liberté la plus étendu du peuple travailleur dans ses activités politique, religieuse et culturelle. Donc par exemple, les Églises seront aussi libres de faire la propagande pour leur conception du monde, que les partis politiques pour leurs opinions et objectifs. Les masses travailleuses doivent être entièrement libres dans l’emploi des moyens de lutte nécessaires pour atteindre leurs objectifs, afin de pouvoir imposer leurs revendications s’adressant à l’État et aux entrepreneurs. Il va de soi que cette liberté ne sera pas donnée à la réaction fasciste, et les masses laborieuses et leurs organes devront employer la plus grande vigilance afin que la réaction fasciste ne puisse à nouveau s’infiltrer et reprendre vie.
[Citation dans l’original ►]
L’argumentation du KPD a le mérite de distinguer clairement démocratie populaire et pouvoir soviétique. Mais le revers de la médaille c’est que ce faisant il fige aussi sa conception de la démocratie populaire comme régime qui doit être consolidé avant de pouvoir avancer plus loin.
W. Pieck, septembre 1937 [67] :
L’idée est tout à fait erronée selon laquelle, rien que par le front populaire, une Allemagne socialiste pourrait être créée, et que le socialisme pourrait être réalisé même sans révolution prolétarienne et sans pouvoir soviétique. Elle correspond à l’idéologie du réformisme, qui rejette autant la lutte de classe que la révolution prolétarienne.
[Citation dans l’original ►]
République bourgeoise ‑ nuances
On peut d’ailleurs noter que la filiation d’idées présentée plus haut, conduisant de la lutte contre le fascisme à l’instauration d’un État de démocratie populaire, comporte deux variantes légèrement différentes quant à la façon de réaliser le passage vers la société socialiste, et, par conséquent, également en ce qui concerne le caractère de l’État intermédiaire. La ligne prédominante envisage une évolution progressive vers le socialisme en passant par la démocratie populaire. Ce point de vue, ne pouvant évidemment pas surmonter les contradictions liées à l’idée même de l’État de type nouveau, doit se contenter de formules vagues, laissant transparaitre l’ambigüité de la position défendue. Il est ainsi beaucoup question d’autogestion et de pouvoir populaire en général. Pourtant les mécanismes concrets d’exercice de la démocratie se réfèrent largement au système de la démocratie bourgeoise.
W. Florin, Conférence de Bruxelles, octobre 1935 [68] :
Nous disons : À bas le gouvernement de dictature! Nous luttons pour une représentation de tout le peuple, librement élue. Nous exigeons l’auto-administration des communes! Nous luttons pour un gouvernement du peuple. Nous luttons pour le renversement de la dictature hitlérienne, pour le pouvoir du peuple.
[Citation dans l’original ►]
Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [69] :
Dès que […] sera assurée la liberté, le peuple élira, sur la base de son suffrage démocratique, non truqué, ses représentants, qui seront responsables devant lui seul. Dans l’Allemagne libre les communes ainsi que toutes les institutions de la vie publique seront à nouveau fondées sur la base de l’auto-administration.
[Citation dans l’original ►]
Quelques rares évocations laissent entrevoir ce qu’un État de type nouveau pourrait comporter comme caractéristiques un tant soit peu originales.
Appel signé par des communistes, des social-démocrates, et diverses personnalités, décembre 1936 [70] :
Élection des juges par le peuple!
[Citation dans l’original ►]
W. Florin, avril 1936 :
rétablissement des droits constitutionnels anciens du peuple allemand, pour la reconquête des droits et libertés du peuple, détruits par le fascisme
[…]
possibilité de révocation du gouvernement et son renouvèlement sous contrôle des représentants du peuple
[Citation dans l’original ►]
Mais même quand il s’agit de mesures présentées comme novatrices, radicales, on peut y détecter la persistance des conceptions reflétant la démocratie bourgeoise. C’est vrai notamment en ce qui concerne les précisions au sujet de l’épuration de l’appareil d’État, qui montrent clairement que, mises à part quelques mesures touchant des individus, il s’agit de remettre en place l’ancien appareil d’État de la République d’avant 1933.
Manifeste du Comité central du KPD, juin 1936 :
L’Allemagne démocratique en finira sans ménagement avec l’économie de corruption des archi-bonzes bruns et rétablira ordre et propreté dans le pays.
[Citation dans l’original ►]
Rote Fahne 6/1936 :
[…] la république démocratique épurera l’appareil d’État et les postes d’officiers dans l’armée du Reich des éléments fascistes réactionnaires, et attribuera les postes de commandement dans l’armée selon le principe de la compétence et de l’attachement à la république démocratique. Les postes de commandement dans l’armée comme dans la police ne doivent être occupés par des personnes qui offrent la garantie que l’appareil de police sera employé sans ménagement contre les réactionnaires fascistes.
[Citation dans l’original ►]
Résolution de la Conférence de Berne, janvier 1939 [71] :
La république nouvelle, démocratique fera […] de l’armée, de la police et de l’appareil administratif des défenseurs surs des libertés démocratiques et des droits démocratiques du peuple.
[Citation dans l’original ►]
Les explications données à ce sujet échouent face à l’impossibilité de concilier l’inconciliable et finissent par mettre en lumière involontairement le fait que le "pouvoir de front populaire", d’un front qui en théorie exclut la bourgeoisie, ne met nullement fin au pouvoir de cette dernière. En effet, dans la citation ci-dessous, il est fait référence aux tentatives à venir, de la part de la bourgeoisie, de mettre en oeuvre l’appareil d’État en vue de l’oppression des masses travailleuses. Or, ceci n’est évidemment possible que si c’est toujours la bourgeoisie qui détient les leviers de commande, à la différence des tentatives de sabotage intérieure et d’attaque de l’extérieur qui bien entendu menacent aussi la dictature du prolétariat véritable.
W. Pieck, aout 1936 [72] :
Évidemment il doit y avoir clarté au sujet de ce que la république démocratique est en mesure d’accomplir vis-à-vis du peuple travailleur, et ce qu’elle ne peut pas accomplir. De l’incompatibilité entre les intérêts de profiteurs des capitalistes et les intérêts du peuple travailleur résulteront continuellement des conflits entre ces classes, alors que les couches supérieures tenteront constamment d’employer l’appareil d’État dans le but d’opprimer les masses travailleuses. L’existence matérielle du peuple travailleur, la démocratie et la paix dans le pays comme la paix avec les autres peuples ne peuvent être assurées définitivement que quand sera brisé le pouvoir de la bourgeoisie et quand sera instauré le pouvoir des ouvriers et de toutes les autres couches travailleuses.
[Citation dans l’original ►]
Confusion entre approche tactique et vision généralisée figée
Un texte de W. Pieck datant de mai 1944, "Erreurs fondamentales de 1918 qui ne doivent pas être répétées", met en regard l’objectif de la "démocratie combattive" à venir avec l’expérience historique du régime de démocratie parlementaire instauré en 1918. Il raisonne en projetant en arrière la façon dont le KPD conçoit la situation qui se présentera avec le renversement de la dictature national-socialiste. L’argumentation consiste à partir des traits caractéristiques de l’État qui devra être instauré selon le programme du KPD, et pour montrer leur bien-fondé, à montrer que la tournure qu’avaient prise les évènements entre 1918 et 1933 aurait pu être différente si déjà à l’époque des mesures équivalentes avaient été mises en application. Or cela signifie se placer rétrospectivement sur des positions réformistes, fussent-elles "combattives". Voici des extraits du texte [73] :
Il faut donc constater l’enseignement que l’insurrection populaire de 1918 vint trop tard pour influencer de façon décisive le cours de la guerre et par la aussi les conditions de la paix en faveur du peuple allemand. En cela réside la première erreur fondamentale de 1918, que le peuple allemand ne doit pas répéter.
[…]
Il faut donc retenir comme enseignement supplémentaire que le peuple allemand doit payer lourdement pour le fait qu’en 1918 il n’a pas réglé implacablement les comptes avec les grands profiteurs coupables de l’éclatement de la guerre et les fauteurs de guerre réactionnaires, et n’a pas résolument brisé leurs positions de pouvoir. En cela réside la deuxième erreur fondamentale fatale de 1918, que le peuple allemand ne doit pas répéter.
Le fait qu’en Allemagne cette bande de dirigeants nazi ennemis du peuple a pu venir au pouvoir, montre toute la faiblesse de la république de Weimar, qui lui était inhérente dès le jour de sa naissance. La démocratie n’a pas été ancrée parmi les masses du peuple comptant par millions. Au contraire, les premiers éléments allant dans ce sens ont été liquidés peu de temps après. Ce n’était pas une démocratie combattive, dans laquelle le principe placé en tête de la constitution "tout le pouvoir émane du peuple" aurait été réalisé. […]
Il faut donc tirer un enseignement supplémentaire, à savoir que le peuple après son insurrection doit épurer l’ensemble de l’appareil d’État de tous les éléments hostiles au peuple, qu’il doit créer un pouvoir d’État fort, véritablement démocratique qui fait face à ses ennemis de façon irréductible et résolue. Le fait que cela n’a pas été le cas en 1918 était la troisième erreur fondamentale fatale, qui ne doit pas être répétée par le peuple allemand.
[…] Un nouvel État de droit doit être mis à la place du pouvoir d’arbitraire nazi. Ce nouvel État démocratique, qui de main ferme veille au respect des droits de ses citoyens et représente les intérêts nationaux du peuple tout entier, sera aussi la force qui surmontera l’ancienne éclatement du peuple et soudera la nation en une unité solide comme jamais auparavant dans son histoire. Un pouvoir d’État démocratique fort étouffera dans l’oeuf toute tentative de la résurrection de conspirations contre les droits du peuple en rapport avec sa liberté ou contre la paix en Europe.
[…]
[Citation dans l’original ►]
Notes
[9]. Vladimir I. Lénine, "La maladie infantile du communisme (le “gauchisme”)", avril-mai 1920.
V. I. Lénine : Oeuvres – Tome 31 – Avril‑décembre 1920, pp. 11‑116 (Bibliographie ►), ici p. 88
"Aussi longtemps que des distinctions nationales et politiques existent entre les peuples et les pays, —distinctions qui subsisteront longtemps, très longtemps, même après l’établissement de la dictature du prolétariat à l’échelle mondiale, — l’unité de tactique internationale du mouvement ouvrier communiste de tous les pays veut, non pas l’effacement de toute diversité, non pas la suppression des distinctions nationales (à l’heure actuelle c’est un rêve insensé), mais une application des principes fondamentaux du communisme (pouvoir des Soviets et dictature du prolétariat), qui modifie correctement ces principes dans les questions de détail, les adapte et les ajuste comme il convient aux particularités nationales et politiques. […] L’essentiel — pas tout évidemment, tant s’en faut, mais cependant l’essentiel — est déjà fait pour attirer l’avant-garde de la classe ouvrière et la faire passer du côté du pouvoir des Soviets contre le parlementarisme, du côté de la dictature du prolétariat contre la démocratie bourgeoise. Il faut concentrer maintenant toutes les forces, toute l’attention sur l’étape suivante qui semble être, et est réellement, à un certain point de vue, moins fondamentale, mais cependant plus proche de la solution pratique du problème, à savoir : la recherche des formes pour passer à la révolution prolétarienne ou l’aborder." [Citation dans l’original ►]
[15]. CC du KPD, Déclaration de programme concernant la libération nationale et sociale du peuple allemand, 24 aout 1930 ►.
[21]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 ►.
[23]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 ►.
[32]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 ►.
[33]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 ►.
[34]. K. Mammach : Die deutsche antifaschistische Widerstandsbewegung 1933-1939, S. 161‑162. (Bibliographie ►.)
[35]. Giorgi Dimitrov, Intervention à la session du secrétariat du CE de l’IC sur la question espagnole, 18 septembre 1936 ►.
[36]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 ►.
[37]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 ►.
[38]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 ►.
[39]. "Manifeste de paix au peuple allemand et à la Wehrmacht allemande", 6 décembre 1942
[40]. KPD, "Programme d’action du bloc de la démocratie combative", projet, 21 octobre 1944
[41]. KPD, "Programme d’action du bloc de la démocratie combative", projet, décembre 1944
[42]. Direction opérationnelle du KPD, "Plateforme: Nous communistes et le Comité national “Allemagne libre”", avril 1944
[43]. KPD, "Programme d’action du bloc de la démocratie combative", octobre 1944
[44]. KPD, "Programme d’action du bloc de la démocratie combative", décembre 1944
[45]. CC du KPD, "Lignes directrices pour le travail des antifascistes allemands dans les territoires allemands occupés par l’Armée Rouge", 5 avril 1945.
[47]. A. Sywottek : Deutsche Volksdemokratie, S. 252, Anm. 133. (Bibliographie ►).
http://www.dhm.de/lemo/html/dokumente/ollenhauer2/index.html.
[48]. Cf. par exemple :
Conférence de Bruxelles du KPD, résolution, 1er décembre 1935 ►.
CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 ►.
[49]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 ►.
[50]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 ►.
[51]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 ►.
[52]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 ►.
[57]. CC du KPD, "Lignes directrices pour l’élaboration d’une plateforme politique du front populaire allemand", juin 1936 ►.
[61]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 ►.
[62]. Wilhelm Pieck, "Questions du Front populaire en Allemagne – la clarté est nécessaire!", 1er septembre 1937 ►.
[66]. Wilhelm Pieck, "Comment peut et doit être renversé le fascisme hitlérien, et réalisée la république démocratique? Une contribution à la discussion et la compréhension mutuelle", mars 1939 ►.
KPD 1933-1945 – 1918-1933, SPD et fascisme
1933 1945 : Le KPD dans la lutte contre la dictature national-socialiste |
1918 1933 : SPD et fascisme |
Tout au long de la période allant de l’éclatement du mouvement insurrectionnel en novembre 1918 jusqu’à la prise du pouvoir par les national-socialistes, les sociaux-démocrates n’agissent nullement en faveur d’une démocratie authentique bénéficiant au masses travailleuses. Pour sauver la domination de la bourgeoise, ils ont eux-mêmes recours à l’exercice brutal du pouvoir armée, pour réprimer les travailleurs en lutte. Et en ce qui concerne les forces politiques ouvertement fascistes, la social-démocratie, au lieu de les combattre de façon conséquente, est surtout préoccupée à faire obstacle à l’action des communistes. C’est que la social-démocratie est consciente du fait que la seule façon de vaincre le fascisme consiste à renverser la dictature de la bourgeoisie ‑ et cela, la social-démocratie ne le veut pas, bien au contraire.
L’enjeu central : l’exercice du pouvoir en faveur de la bourgeoisie
L’orientation du KPD face au renforcement des national-socialistes
La caractérisation fondamentale du fascisme
Ennemi principal
Un des angles d’attaque choisis avec prédilection par les propagandistes anticommunistes est celui de rendre l’Internationale communiste et en particulier le KPD responsables du fait que les national-socialistes ont réussi à prendre le pouvoir en Allemagne en 1933. En développant toutes sortes de raisonnements autour de cette allégation, ils partent en premier lieu d’un présupposé idéologique qui leur est propre, celui que le KPD aurait dû, dès l’apparition sur la scène de Hitler et du NSDAP, s’allier avec le SPD. Du point de vue du marxisme-léninisme, il était pourtant légitime d’analyser la question de l’attitude à adopter vis-à-vis du SPD sans poser d’office comme principe pseudo-logique qu’il fallait être “contre les national-socialistes, donc avec le SPD”.
En outre, les interprétations hostiles formulées rétrospectivement déforment la signification des arguments tels qu’ils étaient employés à l’époque des évènements en question. Aujourd’hui, en référence à l’histoire de l’Allemagne et de l’Italie, le terme “fascisme” désigne un État de dictature dans sa globalité comprenant le gouvernement, les institutions, la force ouverte exercée contre l’ensemble de la population ainsi qu’une certaine idéologie qui se définit explicitement en opposition à la démocratie bourgeoise parlementaire. Si l’on se base sur un tel schéma d’interprétation, on peut être tenté de penser que premièrement, lorsqu’on est confronté à un mouvement fasciste, celui-ci constitue forcément l’ennemi principal; et que deuxièmement, dans une telle situation, pour les social-démocrates la perspective de participer aux sphères du pouvoir s’éloigne et les communistes pourraient ainsi renoncer à les considérer comme des rivaux.
Or, lorsque le KPD traversait les périodes que nous traitons ici, les évènements qui pour nous, aujourd’hui, constituent un passé achevé, étaient en train de se dérouler comme actualité immédiate.
En mars 1919, en Italie, Mussolini participa à la création des “faisceaux italiens de combat” (“fasci italiani di combattimento”). En novembre 1921, il transforma ces groupes en “Parti national fasciste” (“Partito nazionale fascista”, PNF). En octobre 1922 il fut désigné comme premier ministre, en novembre le parlement accorda au gouvernement les pleins pouvoirs jusqu’à fin 1923, en juillet 1923 il introduisit une loi électorale assurant au parti majoritaire aux élections les deux tiers des sièges au parlement. C’est ce qui s’appliqua au PNF en avril 1924. En janvier 1925, Mussolini acheva la liquidation du régime parlementaire, en 1926 fut prononcé l’interdiction de tous les partis autres que le PNF.
En janvier 1919, en Allemagne, fut créé le “Parti allemand des travailleurs” (“Deutsche Arbeiterpartei”, DAP), lequel en février 1920 change son nom en “Parti allemand national-socialiste des travailleurs” (“Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei”, NSDAP). En 1920 également fut constitué la “Section d’assaut” (“Sturmabteilung”, SA). Adolf Hitler entra au NSDAP en septembre 1919 et fut désigné comme président du parti en juillet 1921. En novembre 1923 il entreprit une tentative de putsch qui échoua. En juillet 1932 le NSDAP devint le plus fort parti à l’Assemblée nationale [Reichstag]. En janvier 1933 Hitler fut désigné comme chancelier de l’Empire, en juillet le NSDAP fut déclaré seul parti autorisé.
Les discussions menées au sein du KPD et de l’Internationale communiste autour de la caractérisation du fascisme et de la social-démocratie jusqu’en 1933 se situaient dans ce contexte. Nous allons en évoquer quelques aspects, dans la mesure où ils sont directement liés à la question de la démocratie populaire. Quoi qu’il en soit, en vue de soumettre les orientations du KPD et de l’Internationale communiste sur ce sujet à une analyse critique, il faut en tout cas se garder d’interprétations faisant abstraction de la situation réelle dans laquelle étaient placées à la fois l’expérience pratique et l’observation théorique des militants de l’époque.
La bourgeoisie se tourne vers le fascisme, la social-démocratie lui prête secours
Du 5 novembre au 5 décembre 1922 se tient le 4e Congrès de l’Internationale communiste. Grigori Zinoviev, président de l’IC depuis sa fondation en 1919, souligne qu’il y a des points de contact entre la social-démocratie et le fascisme. Au sujet du syndicalisme fasciste il note[1] :
Un dirigeant des syndicats fascistes, Rossoni, dit ce qui suit : "Les classes moyennes ont toujours payé la note, car elles n’ont jamais pu se résoudre à surmonter toute scrupule et à ruiner la nation à cause de leurs propres intérêts. Les classes moyennes sont le cerveau de la nation, la classe de la culture et du talent. Le syndicalisme national, qui veut être un syndicalisme de la “sélection”, compte avant tout sur ces classes moyennes qui, alors que la guerre était livrée par les paysans et les travailleurs comme masse, fournissaient les cadres de nos admirables officiers. La situation actuelle du gouvernement se caractérise par le fait que le nombre des adhérents dépasse un million. Nous avons vaincu, mais la révolution n’est pas achevée. Notre révolution doit être complète, afin de pouvoir édifier l’harmonie nouvelle de la nation au nom du travail, tout en assurant la reconnaissance de la valeur du syndicalisme. Le juste profit doit être réparti entre les industries et les travailleurs." Ici vous voyez, camarades, l’idéologie du syndicalisme fasciste. C’est une idéologie petite-bourgeoise qui à vrai dire n’est pas aussi éloignée comme on le pense parfois, de celle de la social-démocratie. L’idéologie est au fond la même sous une autre forme. C’est plutôt, pourrait-on dire, la forme à la Noske de la social-démocratie dans les conditions italiennes. On pourrait assez bien formuler et argumenter cette thèse. Le fascisme moderne en Italie n’est pas si éloigné de la social-démocratie de Noske, adaptée à la situation régnant en Italie. Ce n’est pas un hasard que les réformistes, les Noske italiens, fraternisent avec les fascistes.
[Citation dans l’original ►.]
Le rôle joué par les Fasci était complexe et fluctuante, suite aux rivalités entre différents courants du mouvement fasciste au cours des premières années de son développement. En 1919, Mussolini cherchait à s’associer ‑ en opposition au Parti socialiste italien (Partito socialista italiano, PSI) ‑ aux luttes menées par les ouvriers : grèves, occupations d’usines, expropriations imposées localement. Lorsque le 17 mars des fascistes occupèrent l’usine “Franci e Gregorini” à Dalmine près de Bergamo, Mussolini se présenta sur les lieux, le 20 mars, et dit entre autre[2] :
Vous vous placez sur le terrain de votre classe, mais vous n’avez pas oublié la nation. […] Vous donnez des leçons à certains industriels, en particulier ceux qui ignorent tout ce qui s’est passé ces quatre dernières années dans le monde, que la figure de l’industriel ancien, avide et exploiteur doit céder la place au capitaine d’industrie qui peut exiger le nécessaire pour lui mais n’a pas le droit d’imposer la misère aux autres créateurs des richesses.
[Citation dans l’original ►.]
En aout-septembre 1919 se déroula une grève importante des ouvriers de la métallurgie. Les Fasci adoptèrent une attitude de soutien. Mussolini exigea la socialisation des usines et le transfert de leur direction aux syndicats, tout en critiquant le PSI et la Confédération générale italienne du travail (Confederazione Generale Italiana del Lavoro, CGIL) comme étant des freins à la lutte de classe. En janvier 1920, Mussolini, en alliance avec d’autres dirigeants fascistes, opéra un changement de tactique, se tournant vers l’alliance avec la gauche réformiste en vue d’un socialisme national intégrant l’ensemble des "producteurs". Les “escadrons d’action” (“Squadri d’azione”) constitués par les Fasci s’attaquèrent maintenant par la violence aux travailleurs en lutte et aux militants de gauche. La police et l’administration toléraient en général les agissements des fascistes, considérant qu’ils contribuaient au maintien de l’ordre bourgeois. Finalement, en juin 1921, Mussolini, estimant que la force de la gauche était désormais brisée, préconisa des négociations avec le PSI, et le 3 aout les fascistes signèrent un accord officiel de réconciliation avec ce parti. Par ailleurs, en octobre le PSI et le Parti populaire italien (Partito popolare italiano, PPI) constatèrent leur refus d’une coopération mutuelle, ce qui écartait l’éventualité d’une alliance entre eux contre les fascistes.
Les fronts étaient clairement établis au moment de la grève générale déclarée en été 1922. Le 1er aout, le PNF annonça que, si la grève ne serait pas terminée en 24 heures, les Squadri interviendrait pour y mettre fin, et les fascistes passèrent effectivement à l’action. En janvier, les syndicats liés au PFN s’étaient regroupés dans la “Confédération nationale des corporations syndicales” (“Confederazione nazionale delle corporazioni sindacali”), dont le programme était basé sur le corporatisme, sur l’idée du dépassement des conflits de classe. Le 16 novembre 1922, Mussolini explique à ce sujet dans un discours au parlement[3] :
Qui dit travail dit bourgeoisie productive et classes travailleuses des villes et de la campagne. Ni privilèges pour la première, ni privilèges pour les dernières, mais protection de tous les intérêts qui s’harmonisent avec ceux de la production et de la Nation.
[Citation dans l’original ►.]
À diverses reprises, G. Zinoviev aborde le sujet de la comparaison entre fascistes italiens et social-démocratie allemande. Dans un article publié en décembre 1923 il écrit[4] :
Si on veut parler non pas de détails mais à grande échelle, c’est à dire de la victoire de la bourgeoisie sur la révolution prolétarienne mûrissante en Allemagne et sur la consolidation de la dictature bourgeoise, alors les fascistes, Seeckt et Ebert font une seule et même chose, seulement avec un certain partage du travail. Non seulement Seeckt, mais aussi Ebert et Noske sont des variantes du fascisme.
[Citation dans l’original ►.]
En janvier 1924, au cours des discussions entre le présidium du Comité exécutif de l’IC et des représentants du KPD concernant les évènements d’octobre 1923 (cf. dans le texte "1923‑1932 : réaction et contre-attaque", les sections "“Gouvernements ouvriers” et actions insurrectionnelles" ► et "Hambourg" ►), G. Zinoviev s’exprime au sujet du rôle de la social-démocratie (le 11)[5].
La révolution bourgeoise est venue contre la volonté de la social-démocratie. Celle-ci était jusqu’au dernier moment pour la monarchie. La révolution bourgeoise en Allemagne a eu lieu malgré la social-démocratie et contre elle. […]
Cinq années que dure cette démocratie bourgeoise, la social-démocratie a tout fait pour remettre progressivement à la bourgeoisie tout le pouvoir ou la plus grand part du pouvoir. En Allemagne gouvernait un bloc. Au sein de celui-ci, maintenant, le rapport des forces a changé un peu. […] Pour parler tout à fait précisément : les choses ne sont pas aussi simples que si le fascisme régnait, mais la social-démocratie participe au règne. […]
La situation est ainsi. Nous devons exiger de nuancer notre tactique en Allemagne, parce que la social-démocratie, c’est désormais complètement clair, est devenue une aile fasciste. C’est une social-démocratie fasciste. […]
La social-démocratie internationale est devenue maintenant une aile du fascisme.
[Citation dans l’original ►.]
À l’issue de ces discussions, le Comité exécutif de l’IC adopte le 19 janvier une résolution, qui entre autre traite aussi de la social-démocratie[6] :
À l’heure actuelle les couches dirigeantes de la social-démocratie allemande ne sont rien d’autre qu’une fraction du fascisme allemand sous un masque socialiste. Elles ont remis le pouvoir d’État aux représentants de la dictature capitaliste, afin de sauver le capitalisme de la révolution prolétarienne. Le ministre de l’intérieur Sollmann a instauré l’état de siège, le ministre de la justice Radbruch a réorienté la justice “démocratique” vers la justice d’exception contre le prolétariat révolutionnaire. Le président du Reich Ebert a remis y compris formellement le pouvoir gouvernemental à Seeckt, le groupe social-démocrate au Reichstag a couvert tous ces actes, il a approuvé les lois sur les pleins pouvoirs qui ont suspendu la constitution et remis le pouvoir aux généraux blancs. Toute la social-démocratie internationale dégénère progressivement en un bras armé officiel de la dictature capitaliste. Les Turati et Modigliani en Italie, les Sakasov en Bulgarie, les Pilsudski en Pologne et les dirigeants du SPD du genre de Severing en Allemagne sont des participants directs au pouvoir gouvernemental de la dictature capitaliste. Cinq années durant les social-démocrates allemands de toute tendance ont effectué la descente progressive vers le camp de la contrerévolution. Maintenant le processus est proche de son achèvement. Le successeur légitime du gouvernement "révolutionnaire" Scheidemann-Haase est le général fasciste Seeckt. Certes il y a aussi des différences au sein du camp de la dictature capitaliste, même que peuvent se produire des différends d’importance telle que nous pouvons les mettre à profit dans notre lutte de classe. Entre Ebert, Seeckt et Ludendorff il y a des nuances. Mais les nuances au sein du camp des ennemis ne doivent pas faire oublier aux communistes allemands que la chose principale est de faire prendre clairement conscience à la classe ouvrière de ce qui est l’aspect essentiel de la chose : que dans la lutte entre capital et travail les dirigeants du SPD sont unis au général blanc pour la vie et la mort. Ce n’est pas seulement aujourd’hui que ces dirigeants de la social-démocratie allemande sont passés du côté du capital. Au fond ils se sont toujours placés près des ennemis de classe du prolétariat. Seulement maintenant cela s’est avéré de façon flagrante devant les masses, après qu’ils ont effectué le passage de la démocratie capitaliste à la dictature capitaliste.
[Citation dans l’original ►.]
Cette question prend une place importante dans les discussions au 5e Congrès de l’Internationale communiste, tenu du 17 juin au 8 juillet 1924. G. Zinoviev dit[7] :
Dans les pays européens les plus importants existe un problème du pouvoir, la bourgeoisie ne peut pas gouverner comme avant. Un pouvoir bourgeois nu, ouvert, pur ‑ c’est-à-dire au contraire sale ‑, classique, est actuellement impossible. Dans tout un ensemble de pays la bourgeoisie doit avoir recours à des combines, de là le "gouvernement ouvrier" en Angleterre, de là le bloc de gauche avec les socialistes en France. […]
La bourgeoisie en Europe est contrainte à s’accrocher tantôt au fascisme, tantôt à la social-démocratie. Les fascistes sont la main droite, les social-démocrates la main gauche de la bourgeoisie. C’est cela le trait nouveau de la situation. […]
Le plus important dans ce contexte est que la social-démocratie est devenue une aile du fascisme. […] La II. Internationale est l’aile gauche de la bourgeoisie, un parti de la bourgeoisie amené à gouverner lui aussi.
[Citation dans l’original ►.]
Et les Thèses sur la tactique adoptées par le congrès expliquent[8] :
II. Le problème du pouvoir
1. Le relâchement de l’ordre bourgeois.
Malgré le fait que la première guerre mondiale impérialiste, dans sa phase finale, a déclenché une éruption énorme de mécontentement élémentaire de la part des masses, l’ordre bourgeois a quand même pu maintenir son existence pour un certain laps de temps. Les forces du prolétariat international se sont avérées comme insuffisamment organisées, les partis de la révolution prolétarienne internationale comme insuffisamment forts, par conséquent la victoire de la révolution prolétarienne à la fin de la guerre impérialiste comme impossible. Néanmoins la première guerre mondiale impérialiste a suscité des ébranlements profonds. […]
2. Deux orientations dans la politique de la bourgeoisie mondiale.
Au cours des dernières années d’après-guerre et partiellement déjà avant la guerre ont pris forme avec toute netteté deux orientations de la politique de la bourgeoisie mondiale : une ouvertement réactionnaire et une démocratique-réformiste. […] Dès que le sol commence à se dérober sous les pieds, que les époques “normales” de la domination assurée de la bourgeoisie menacent de se clore, que des tempêtes révolutionnaires s’annoncent visiblement et que les forces prolétariennes du renversement du pouvoir revêtent une dimension menaçante, ne peuvent manquer de se faire jour parmi les dirigeants de la classe dominante, deux systèmes : une politique qui veut briser et écraser les forces révolutionnaires en les combattant ouvertement, acharnement, avant même qu’elles aient pris consistance, et une autre politique conçue à plus long terme qui s’efforce à changer les rapports de forces en faveur de la bourgeoisie par des petites concessions et à travers la corruption des groupes se trouvant en tête de la classe ouvrière, bref, par les méthodes de la "démocratie", du pacifisme et du réformisme.
3. Entre social-démocratie et fascisme.
La bourgeoisie ne peut déjà plus gouverner par les méthodes antérieures. En cela se manifeste l’un des symptômes de la croissance lente mais certaine de la révolution prolétarienne. La bourgeoisie se sert tantôt du fascisme, tantôt de la social-démocratie. Dans les deux cas elle s’efforce de masquer le caractère capitaliste de sa domination, de la revêtir de traits plus ou moins populaires. Aussi bien les fascistes (la première période du régiment Mussolini) que les social-démocrates (la première période du régiment Noske) se mettent à disposition de la bourgeoisie au moment voulu, comme organisations de combat ouvertes de la contrerévolution, comme bandes armées, comme gardes-matraqueurs contre l’armée prolétarienne de renversement du pouvoir. En même temps la bourgeoisie cherche à procéder, avec l’aide du fascisme et de la social-démocratie, à un réarrangement des forces sociales, en produisant l’apparence d’une victoire politique de la petite-bourgeoisie et d’une participation du "peuple" à l’exercice du pouvoir.
4. La social-démocratie comme "troisième" parti de la bourgeoisie.
[…] Depuis un certain nombre d’années la social-démocratie est engagée dans un processus de transformation, d’une aile de droite du mouvement ouvrier vers une aile de la bourgeoisie, par endroits même vers une aile du fascisme. […] Le fascisme et la social-démocratie sont (pour autant qu’il s’agisse des couches dirigeantes) la main droite et la main gauche du capitalisme moderne, qui a été ébranlé par la première guerre impérialiste et les premières luttes de la population travailleuse contre lui.
5. La social-démocratie de nouveau au pouvoir.
[…]
6. Entre terreur blanche et "gouvernements ouvriers".
Malgré la consolidation apparente du régime bourgeois son pouvoir en réalité se trouve de plus en plus sapé. La situation d’ensemble est extrêmement incertaine. Le parlementarisme va vers sa fin. De jour en jour croit pour la bourgeoisie la difficulté de se créer une position à peu près solide sur les ruines du parlementarisme ancien. […] La bourgeoisie devra forcément jeter tantôt d’un côté tantôt de l’autre, tantôt avoir recours à la terreur blanche ouverte, tantôt tenter de s’appuyer sur un soi-disant gouvernement ouvrier.
[Citation dans l’original ►.]
Hermann Remmele, délégué du KPD au congrès (sous le pseudonyme de Freimuth), parle dans son intervention de "deux méthodes différentes pour atteindre le même objectif"[9] :
Social-démocratie et fascisme sont deux méthodes différentes visant à obtenir le même but. Les deux mouvements, social-démocratie comme fascisme, durant la période de la dictature capitaliste implacable, ont à remplir la même tâche, à savoir la sauvegarde et la défense de la dictature de la grande bourgeoisie sur le prolétariat, social-démocratie et fascisme sont des moyens de combat de la dictature du grand capital contre le prolétariat révolutionnaire qui lutte pour le pouvoir politique. Socialisme et fascisme ne sont donc pas des contraires, mais malgré leur dispute apparente ils sont de la même chair. […] La nature et le rôle de la social-démocratie, la mission historique qu’elle a à remplir dans l’époque de la révolution prolétarienne, la force à se placer aux côtés du fascisme. […]
Ce sont les ministres et préfets de police social-démocrates, qui autorisent les manifestations fascistes et interdisent les contremanifestations communistes. Ce sont les Severing, Ebert, Richter [préfet de police de Berlin à l’époque des affrontements de 1921 en Allemagne centrale], Hörsing, et comme s’appellent tous ces protecteurs social-démocrates de la dictature capitaliste, qui mobilisent en grande masse leurs troupes de police, la Reichswehr etc. pour réprimer dans le sang les contremanifestations des travailleurs, protéger les fascistes, manifester ensemble avec les fascistes.
[Citation dans l’original ►.]
La comparaison des textes de G. Zinoviev cités plus haut avec les thèses adoptées par le 5e congrès peut inspirer quelques remarques. Les analyses figurant dans les thèses sont pertinentes, notamment les formulations de synthèse : "La bourgeoisie se sert tantôt du fascisme, tantôt de la social-démocratie"; "Le fascisme et la social-démocratie sont (pour autant qu’il s’agisse des couches dirigeantes) la main droite et la main gauche du capitalisme moderne". Il importe de noter certains points de ces thèses, en premier lieu qu’elles mettent en parallèle les fascistes italiens et les social-démocrates allemands en tant que "bandes armées", "gardes-matraqueurs", et non pas comme incarnant un régime étatique de dictature fasciste. C’est-à-dire elles se situent dans le contexte politique du moment, et ne procèdent pas à une anticipation concernant un aboutissement hypothétique de ce qui n’était encore qu’une étape du cheminement des fascistes vers le pouvoir (y compris en Italie, bien que Mussolini ait pris une forte avance sur Hitler). Par ailleurs, le raisonnement vise à juste titre à mettre en garde contre l’idée qu’en tant qu’instrument utilisé par la bourgeoisie, le fascisme servirait l’objectif d’évincer la social-démocratie.
Quant à G. Zinoviev, il a tendance à s’égarer. "Non seulement Seeckt, mais aussi Ebert et Noske sont des variantes du fascisme." (Article de décembre 1923.) L’affirmation est entachée d’un certain manque de clarté en ce qu’il n’est pas approprié de caractériser Seeckt comme "fasciste" au sens spécifique du terme. Seeckt est l’exécutant ‑ momentanément et partiellement ‑ de la forme ouvertement dictatorial du pouvoir de la bourgeoisie; il ne représente pas un mouvement fasciste à l’instar de Mussolini et de ses semblables. Dans son discours au 5e congrès de l’IC, Zinoviev utilise la formulation figurant aussi dans les thèses adoptées par le congrès : "Les fascistes sont la main droite, les social-démocrates la main gauche de la bourgeoisie." Mais il dit aussi dans ce même discours : "la social-démocratie est devenue une aile du fascisme."
L’État instauré en Allemagne sur la base de la Constitution adoptée le 31 juillet 1919 par l’Assemblée siégeant à Weimar et entrée en vigueur le 11 aout était une république bourgeoise parlementaire. Un tel État, bien que réputé “démocratique”, exerce habituellement une répression plus ou moins accentuée, appuyée sur les forces de police, voire l’armée, contre la classe ouvrière, contre les représentants politiques de celle-ci, contre ceux qui luttent dans la défense des intérêts des travailleurs. Il serait donc erroné d’employer le qualificatif de fasciste dès qu’apparait la moindre intervention policière contre des grévistes, manifestants, militants politiques. Cependant, il est certain que la répression mise en oeuvre par l’appareil d’État contre le mouvement ouvrier en Allemagne, dans les années consécutives à la révolution de novembre 1918, dépasse largement ce cadre du “maintien de l’ordre républicain” tel qu’il est associé à la conception couramment admise de la république bourgeoise parlementaire. Il ne s’agit pas d’une simple différence quantitative dans la fréquence et l’ampleur des actions répressives. Pour la bourgeoisie le spectre de la révolution constitue à ce moment-là une menace précise, concrète, à court terme, et elle se met en ordre de bataille pour l’affronter en établissant des structures de pouvoir passant outre le régime officiel de la démocratie bourgeoisie. L’utilisation du terme fasciste à cet égard est tout à fait justifiée ‑ y compris à l’encontre des responsables du SPD qui étaient à la tête de l’exercice du pouvoir ‑ et ne peut être réfutée en faisant valoir les différences considérables que présentait, par comparaison, l’État national-socialiste instauré ultérieurement.
Voici un extrait d’un discours à l’Assemblée nationale d’Ernst Thälmann d’aout 1924, qui illustre le contexte de l’époque et les aspects qui motivaient concrètement les jugements portés par le KPD[10] :
Je me contenterai d’attirer l’attention sur un cas particulier, quelque chose qui a été prononcé à l’occasion de la foire de commémoration concernant la constitution de Weimar par un représentant de la social-démocratie, ‑ de Noir-rouge-or, cet appareil complémentaire bien connu du SPD ‑, et qui signale clairement que maintenant la social-démocratie ne rechigne pas à faire alliance avec Noir-blanc-rouge. À Breslau se tint récemment une parade du Reichsbanner Schwarz-rot-gold, où le colonel de la police Lange, un représentant de la social-démocratie, autrefois à Mecklenburg, s’est exprimé comme sui dans son discours sur la bataille de la Marne : […] Le colonel de police Lange dit ensuite encore :
Je ne me gêne pas à dire ouvertement que moi aussi, en tant que républicain fidèle m’incline devant les drapeaux Noir-blanc-rouge, qui si souvent ont été le signe de la liberté. Quand la patrie nous appelle, alors nous serons présents, et si nous sommes unis, alors nous ne perdrons pas la prochaine bataille de la Marne. Pour ce qui est des communistes, nous en finirons avec eux. Quelques unités d’intervention de notre Schupo suffisent, pour mettre un terme à ce cauchemar.
Je pense qu’aucun représentant de la social-démocratie ne peut parler plus clairement. Ce n’est que la preuve de ce que la social-démocratie jouera le même rôle que celui que le fascisme joue déjà dans l’État capitaliste-bourgeois.
[Citation dans l’original ►.]
Enfin, en septembre 1924, Josef Staline dans un texte au sujet de la situation internationale traite entre autre des rapports entre la social-démocratie et le fascisme, lesquels sont désignés comme "frères jumeaux". Sachant que des références, plus ou moins fragmentaires, à cette formulation reviennent fatalement dans les débats sur la question, nous reproduisons ici l’intégralité des passages concernés[11].
Plus d’un pense que la bourgeoisie serait venue au “pacifisme” et au “démocratisme”, non pas en obéissant à la nécessité, mais par une impulsion propre, pour ainsi dire de son propre gré. En cela il est supposé que la bourgeoisie, après avoir battue la classe ouvrière dans des luttes décisives (Italie, Allemagne), se sentirait comme vainqueur et pourrait maintenant se permettre le “démocratisme”. En d’autres mots; tant que des luttes décisives étaient en cours, la bourgeoisie aurait eu besoin d’une organisation de combat, le fascisme, mais maintenant que le prolétariat est vaincu, la bourgeoisie n’aurait plus besoin du fascisme et pourrait le remplacer par le “démocratisme” comme la meilleure méthode de la consolidation de sa victoire. De là on tire la conclusion que le pouvoir de la bourgeoisie se serait stabilisé, qu’il faudrait considérer l’“ère du pacifisme” comme prolongé, la révolution en Europe par contre comme remise aux calendes grecques.
Cette supposition est complètement erronée.
Premièrement il n’est pas exact que le fascisme soit seulement une organisation de combat de la bourgeoisie. Le fascisme n’est pas seulement une catégorie de technique militaire. Le fascisme est une organisation de combat de la bourgeoisie qui s’appuie sur le soutien active de la part de la social-démocratie. Objectivement la social-démocratie est l’aile modérée du fascisme. Il n’y a pas de raison pour la supposition que l’organisation de combat de la bourgeoisie pourrait obtenir des succès décisifs dans les luttes ou dans l’administration du pays, sans le soutien active de la part de la social-démocratie. Ces organisations ne s’excluent pas mutuellement, mais se complètent mutuellement. Ce ne sont pas des antipodes, mais des frères jumeaux. Le fascisme est le bloc politique informel de ces deux organisations fondamentales, qui s’est réalisé dans les conditions de la crise d’après-guerre de l’impérialisme et est orienté vers la lutte contre la révolution prolétarienne. La bourgeoisie ne peut se maintenir au pouvoir sans la présence d’un tel bloc. C’est pourquoi ce serait une erreur de croire que le “pacifisme" signifie la suppression du fascisme. “Pacifisme” dans les conditions actuelles signifie consolidation du fascisme, tout en plaçant à l’avant-scène son aile social-démocrate, modérée.
[Citation dans l’original ►.]
L’enjeu central : l’exercice du pouvoir en faveur de la bourgeoisie
Rappelons que le 5e Congrès de l’Internationale communiste se tint dans une période où la bourgeoisie avait réussi à mettre un terme relatif aux affrontements de classe ouverts tels qu’ils étaient survenus périodiquement auparavant. À partir de 1928, les manifestations des contradictions s’accentuèrent de nouveau ‑ confirmant les mises en garde formulées par J. Staline dans le texte cité ci-dessus ‑ et le KPD fut amené à réévaluer constamment son orientation à la lumière de l’évolution dramatique de la situation. En ce qui concerne la prise en compte du contexte concret quant aux évènements politiques, signalons que désormais, B. Mussolini avait achevé l’instauration de la dictature fasciste en Italie, par l’élimination du parlement et la mise en place d’un système à parti unique.
Le 6e Congrès de l’Internationale communiste se tient du 17 juillet au 1er Septembre 1928. Dans une intervention, Thälmann insiste sur les agissements des "commandos" social-démocrates contre les communistes[12].
Il est intéressant et caractéristique que les contradictions internes et externes de stabilisation capitaliste relative se reflètent également dans la nature et l’évolution de la social-démocratie. L’évolution du réformisme vers le social-fascisme est un phénomène qu’on peut illustrer dans différents pays par différents exemples. Par exemple en Allemagne, où le réformisme est le principal appui de la bourgeoisie et le sera aussi dans les prochaines années, si le mouvement communiste ne se renforce pas plus encore. Des commandos, des dénommées troupes de choc, du Reichsbanner sont intervenus quotidiennement au cours de la campagne électorale contre la Ligue rouge des combattants du front et contre les communistes. En Pologne nous pouvons constater le même fait. À Varsovie le 1er Mai, à l’occasion du grand défilé héroïque des travailleurs, la police fasciste a été soutenue par les troupes de choc du PPS, en tuant et blessant durant cette bataille contre les travailleurs révolutionnaires plusieurs centaines de manifestants travailleurs. Selon un article de la “Correspondance internationale” ils ont même visé les cadres révolutionnaires de la classe ouvrière en faisant irruption dans les usines et là ils ont tabassé les communistes.
[Citation dans l’original ►.]
Thälmann conclut[13].
La bourgeoisie se sert de deux méthodes pour l’oppression et l’asservissement de la classe ouvrière : du réformisme et du fascisme. Avec la croissance du mouvement communiste et l’influence en baisse du réformisme les moyens de la démocratie bourgeoise aussi ne suffiront plus pour l’oppression de la classe ouvrière. Alors elle emploiera des méthodes fascistes renforcées.
[Citation dans l’original ►.]
Le programme adopté par le 6e congrès analyse les positions respectives du fascisme et de la social-démocratie, et ceci d’une façon qui met en lumière une différence essentielle entre le contexte politique de l’époque et celui auquel nous sommes habitués plus récemment[14].
À côté de la social-démocratie, qui aide la bourgeoisie à opprimer la classe ouvrière et à endormir la vigilance des prolétaires, se dresse le fascisme. […] En fonction de la conjoncture politique du moment, la bourgeoisie utilise autant les méthodes fascistes que les méthodes de la coalition avec la social-démocratie, alors que la social-démocratie elle-même joue, en particulier aux heures critiques pour le capitalisme, un rôle fasciste. Au cours de son développement la social-démocratie manifeste des tendances fascistes, ce qui ne l’empêche pas, en cas de changement de la conjoncture politique, de se poser comme parti d’opposition face au gouvernement bourgeois. Fascisme et coalition avec la social-démocratie sont tous les deux des méthodes inusitées pour le capitalisme normal. Elles sont des symptômes de l’existence d’une crise générale du capitalisme, et sont utilisées par la bourgeoisie pour entraver l’avance de la révolution.
[Citation dans l’original ►.]
Si l’on se réfère aux successeurs actuels des partis social-démocrates de l’époque, tels que le Parti socialiste en France ou le Labour Party en Grande-Bretagne, un gouvernement de coalition, voire homogène, incluant ces partis n’a évidemment rien d’inhabituel. C’est qu’aujourd’hui ce sont des partis bourgeois tout court, alors qu’à l’origine c’étaient des partis ouvriers au service de la bourgeoisie, ce qui change les données du problème. Ce fait motive aussi l’insistance avec laquelle le KPD souligne l’aggravation de l’orientation réactionnaire de ces partis et leur implication croissante dans les instances gouvernementales.
Au 12e congrès du KPD tenu du 8 au 15 juin 1929, est adoptée une résolution "sur la situation politique et les tâches du KPD". Voici des extraits d’un passage concernant le rôle de la social-démocratie[15] :
V. Le rôle du réformisme et la crise du SPD
18. La social-démocratie en tant que parti dirigeant du gouvernement de coalition joue un rôle largement plus réactionnaire que dans le temps passé. En ce qui concerne autant la masse des électeurs que les organisations du parti, son centre de gravité se déplace de plus en plus du prolétariat vers la petite-bourgeoisie, vers l’aristocratie ouvrière et la bureaucratie ouvrière de ka république bourgeoise, lesquels déterminent le cours du réformisme. Sur la base des profits monopolistiques des trusts, des profits extra résultant de l’exportation de capitaux ainsi que de la division du travail changée dans les entreprises rationalisées, ces dernières années s’est formée une nouvelle aristocratie ouvrière. Cette couche supérieure corrompue, embourgeoisée d’indicateurs, surveillants, fonctionnaires d’État et syndicaux bien payés etc. joue un rôle hostile à la révolution important. Dans la mesure où les contradictions de la stabilisation capitaliste s’accentuent, où les luttes de masses prennent de l’ampleur, où le prolétariat se radicalise, la politique de la social-démocratie, conformément aux besoins de la bourgeoisie impérialiste, devient plus hostile aux travailleurs et plus contrerévolutionnaire. En Allemagne le processus d’imbrication de la direction réformiste dans l’appareil d’État connu des progrès plus grands que dans n’importe quel autre pays. Les banques ouvrières social-démocrates deviennent une partie constitutive des trusts du capital financier. La machine réformiste du parti et des syndicats s’est fondue avec l’appareil d’État bourgeois par des formes de transition innombrables. Les dirigeants social-démocrates occupent les postes gouvernementaux les plus divers, manient le système de conciliation, commandent la police etc. […] La fusion du réformisme avec le pouvoir d’État bourgeois trouve son expression suprême dans la politique du social-impérialisme (programme de défense du SPD qui, sous couvert de la "neutralité", de la "défense nationale" et de la "protection des frontières", de la "démocratisation et républicanisation de la Reichswehr", de la prévention de guerres au moyen de sentences arbitrales de la Société des Nations, se prononce inconditionnellement en faveur de la Wehrmacht bourgeois-capitaliste et de la guerre d’intervention contre l’Union soviétique) et du social-fascisme (application de méthodes de terreur fasciste contre le prolétariat révolutionnaire, empêchement de grèves par la violence à l’aide de la police et des employeurs, commandos et sections d’assassins du Reichsbanner, bain de sang du 1er mai à Berlin, mesures d’interdiction de la police et justice de classe).
[Citation dans l’original ►.]
Et des thèses adoptées au 10e Plenum du Comité exécutif de l’IC tenu en juillet 1929, reprennent une appréciation similaire[16] :
Toutes les conquêtes sociales que la classe ouvrière a imposées par des décennies de lutte et en particulier dans le période de l’essor de la vague révolutionnaire 1918/20, ont été ou bien abolies ou il menace le danger qu’elles soient abolies (la journée de huit heures, l’assurance sociale, les allocations pour les sans-emploi, la législation de travail, le droit de coalition et de grève). Dans quelques pays le démantèlement des conquêtes sociopolitiques du prolétariat s’effectue sous le masque hypocrite de nouvelles "réformes" […] avec l’aide de la social-démocratie. La politique de la strangulation économique de la classe ouvrière va de pair avec le renforcement de la réaction politique : la fascisation de l’appareil d’État de la bourgeoisie, l’accentuation des représailles et de la terreur blanche, des coups d’État fascistes avec le soutien du capital mondial […] sont à l’ordre du jour. Au vu des contradictions impérialistes qui s’approfondissent et de l’accentuation de la lutte de classe, le fascisme devient dans une mesure croissante une méthode de domination toujours plus répandue de la bourgeoisie. Une forme particulière du fascisme dans les pays avec des partis social-démocrates forts est le social-fascisme, qui de plus en plus souvent est employé par la bourgeoisie comme moyen de paralyser l’activité des masses dans la lutte contre le régime de la dictature fasciste.
[Citation dans l’original ►.]
Au 12e Congrès du KPD, E. Thälmann développe concrètement cette question[17].
Il n’y a aucun doute sur la perspective que le gouvernement MacDonald continuera la politique du gouvernement conservateur avec d’autres méthodes, mais selon la même ligne de base. Alors que le premier gouvernement en 1924 n’était à la barre que pendant quelques mois et pouvait se constituer une situation relativement favorable grâce à l’absence de grandes luttes économiques et à la conclusion du traité avec l’Union soviétique, le gouvernement Labour actuel, comme conséquence des contradictions et difficultés accrues continuera l’orientation des conservateurs en l’accentuant et se démasquera ainsi d’autant plus rapidement aux yeux des masses travailleuses. Par ses mesures réactionnaires elle contribuera à l’intensification ultérieure de la lutte de classe en Angleterre et ouvrira à notre Parti communiste la perspective d’une conquête sérieuse des masses de travailleurs déçues par la pratique du gouvernement MacDonald.
Le gouvernement de coalition social-démocrate en Allemagne, non seulement continue l’orientation du bloc bourgeois, mais il a renforcé encore dans différents domaines l’activité réactionnaire du bloc bourgeois, amplifié encore l’offensive contre le prolétariat. L’évolution en Angleterre se déroulera de la même façon. Nous pouvons déjà constater le fait que maintenant plusieurs représentants du Parti libéral sont passés au Parti travailliste, et naturellement ils l’ont fait parce qu’ils espèrent mieux faire aboutir l’oppression du prolétariat dans ce parti plutôt que dans le Parti libéral.
[…]
Depuis lors, les rapports économiques se sont décalés. Les rapports entre les classes sont également devenus différents, et ainsi la social-démocratie ne joue plus un rôle passif comme cela ressortait encore des Thèses d’Essen au sujet de la question de la participation de la social-démocratie[18], mais elle constitue la pionnière la plus active de l’impérialisme allemand, de sa politique de guerre contre l’Union soviétique, sa politique d’oppression vis-à-vis de la classe ouvrière.
[Citation dans l’original ►.]
Devant le présidium élargi du Comité exécutif de l’IC, en février 1930, E. Thälmann résume les positions du SPD de la manière suivante[19].
À chaque accentuation révolutionnaire la social-democratie entre au gouvernement. En 1919 elle est entrée au gouvernement pour réprimer la révolution; en 1923 elle est entrée au gouvernement pour mettre en oeuvre, par la loi d’habilitation, la répression du prolétariat en Saxe, Hambourg et d’autres régions d’Allemagne. Maintenant que le plan Young et sa mise en oeuvre sont à l’ordre du jour, la social-démocratie constitue le facteur le plus actif de la bourgeoisie dans la lutte contre le prolétariat révolutionnaire et dans les préparatifs de guerre contre l’Union soviétique. Il y a quelques jours le "Vorwärts" a écrit qu’on devrait enclencher la rupture des relations diplomatiques entre l’Allemagne et l’Union soviétique. Ces jours-ci une lettre a été adressée à la commission de droit pénal du Reichstag allemand, par le ministre de l’intérieur du Reich, le social-démocrate Severing, dans laquelle il attirait l’attention sur le renforcement des troubles communistes, mentionnait le cassage de vitre chez le "Vorwärts" et exigeait l’adoption immédiate d’une loi de protection de la république. Je pense, ces deux exemples montrent que la social-démocratie d’un côté soutient de la façon la plus véhémente les nouveaux préparatifs de guerre contre l’Union soviétique et d’un autre côté tente de réprimer le front de classe révolutionnaire par tous les moyens brutaux.
[Citation dans l’original ►.]
E. Thälmann, dans l’intervention au 6e congrès de l’IC citée plus haut, dénonce les prises de positions de certains dirigeants social-démocrates, explicitement favorables aux fascistes italiens[20].
Et le dernier fait qui prouve à quel point les dirigeants de la social-démocratie s’accommodent du fascisme, est l’apparition de Thomas au congrès syndical fasciste en Italie cette année. Thomas, qui n’est pas n’importe quel un social-démocrate mais une des personnalités les plus représentatives de la 2nd Internationale et de l’Internationale syndicale d’Amsterdam, et qui en tant que tel est président du Bureau international du travail, a dit entre autre que l’Italie fasciste est "un pionnier de la justice vis-à-vis de tous les ouvriers". De plus il a affirmé que le gouvernement fasciste assure aux ouvriers les bienfaits de réformes justes" et que les expériences fascistes italiennes "peuvent devenir très utiles aussi pour les autres pays". En outre il a dit que pour Mussolini "il n’y a qu’une seule passion : assurer du travail aux travailleurs, augmenter leur bienêtre et leur situation morale et spirituelle". Et enfin il affirma que le socialisme et le fascisme se distinguent simplement par la méthode, mais que les deux défendent les intérêts des travailleurs. Ces quelques faits illustrent de la façon la plus nette, à quel point ces dirigeants se sont déjà abaissés.
[Citation dans l’original ►.]
Dans le même sens, E. Thälmann dans l’intervention au 12e Congrès du KPD citée plus haut, le 10 juin 1929, analyse le Congrès du SPD tenu du 26 au 31 mai à Magdeburg. Il faut noter que juste avant s’étaient produits les affrontements à l’occasion du 1er mai, à Berlin. (Pour le contexte, cf. dans le texte "1922‑1932 : réaction et contre-attaque", la section "Le KPD cible du SPD" ►.) Thälmann cite le discours prononcé par le président du SPD, Otto Wels, à l’ouverture du congrès. Celui-ci dit[21] :
Non, notre tâche est de renforcer la démocratie et de protéger la république. Si les ennemis de la république réussissaient à infliger à la démocratie en Allemagne des dommages graves à tel point qu’un jour il ne resterait plus d’autre issue que la dictature, alors, camarades du Parti, que Stahlhelm, que les national-socialistes, que leurs frères communistes de Moscou sachent une chose : la social-démocratie et les syndicats en tant que représentants de la grande masse du peuple allemand, solidement uni dans leurs organisations, conscients de leurs responsabilités dans l’action, et en maintenant une discipline inébranlable, sauraient aussi manier la dictature malgré leur position fondamentalement démocratique. Le droit à la dictature leur incomberait à eux seuls, et à personne d’autre, et c’est chez eux et eux seuls que se trouverait la garantie pour un retour à la démocratie après avoir surmonté des difficultés que nous n’appelons pas de nos voeux.
[Citation dans l’original ►.]
Thälmann cite également des paroles de Wilhelm Dittmann. Il rapporte des propos de celui-ci de la manière suivante[22] :
Dans l’État ancien nous vivions vis-à-vis de la police dans une guerre de guérilla constante, non pas parce que nous considérions comme révolutionnaire d’attaquer la police mais parce que la police était dressée en opposition à la classe ouvrière. Aujourd’hui nous avons des ministres de la police et préfets de police social-démocrates et de nombreux fonctionnaires comme membres du Parti. Donc, aujourd’hui, est-ce que la justification est encore valable selon laquelle la police est un instrument de la domination de classe capitaliste?
[…]
Nous ne vivons plus dans le capitalisme pur […] Par conséquent la pouvoir d’État émane du peuple, et le peuple a toutes les chances, dans la mesure où sa vision soit éclairée, d’empêcher que l’État ne défende unilatéralement que les intérêts de la classe capitaliste.
[Citation dans l’original ►.]
Et voici comment Thälmann commente la signification de ce congrès du SPD[23] :
Au congrès de Magdeburg, les dirigeants de la social-démocratie se sont déclarés ouvertement en faveur du social-fascisme. […] Chaque ouvrier doit réaliser […] que le social-fascisme consiste à frayer le chemin à la dictature fasciste sous couvert de la soi-disant démocratie pure.
[…]
Nous en tant que parti communiste devons donner aux masses prolétariennes une réponse claire par rapport à cela. Il faut déployer une agitation intensive au plus haut point relative au fait que cette dictature social-fasciste ne sera qu’une dictature de la bourgeoisie contre la classe ouvrière aux fins de l’oppression économique et politique la plus accentuée des masses travailleuses. Sous la dictature social-fasciste, Wels et la social-démocratie défendront les intérêts de la bourgeoisie tout comme sous la démocratie bourgeoise, qui n’est rien d’autre que la dictature voilée de la bourgeoisie. La différence résidera seulement en ce qu’ils le feront par les moyens beaucoup plus brutaux du régime fasciste de bourreaux, ce qui cependant ouvrira les yeux aux travailleurs et les poussera à renverser sous la direction du Parti communiste la dictature social-fasciste et à instaurer leur propre dictature prolétarienne, c’est-à-dire la véritable démocratie prolétarienne.
[…]
Le congrès de Magdeburg signifie pour nous une confirmation de la fascisation du Parti social-démocrate. Le trait caractéristique du congrès de Magdeburg était que pas une seule voix de protestation ne s’est levée contre les assassinats perpétrés par Zörgiebel à l’encontre de la classe ouvrière de Berlin, ni contre l’interdiction du RFB et de la presse communiste. Nous devons voir qu’au moment actuel ‑ et particulièrement durant l’évolution prochaine ‑ la social-démocratie n’est pas seulement le plus grand ennemi du communisme dans le mouvement ouvrier, mais le levier le plus fort du mouvement social-fasciste, des mesures réactionnaires dans tous les domaines de la vie sociale.
[Citation dans l’original ►.]
Le KPD a raison de dénoncer le fait que l’orientation du SPD comporte des aspects social-fascistes. Il est juste de considérer que la social-démocratie au gouvernement ne serait pas un élément favorable à la démocratie, mais un facteur de mise en oeuvre de la fascisation. Cependant les analyses du KPD sont parfois marquées par une certaine surévaluation de la perspective concernant une éventuelle instauration d’un gouvernement de dictature fasciste en alliance avec le SPD. Ainsi la tournure affirmative dans la citation ci-dessus : "Sous la dictature social-fasciste, Wels et la social-démocratie défendront les intérêts de la bourgeoisie…".
De l’intervention d’E. Thälmann au 12e Congrès du KPD, nous avons extrait jusqu’ici quelques passages mettant en lumière certaines caractéristiques réelles de la situation que devait affronter le KPD. Pris dans son ensemble, l’exposé n’est pas exempt de confusions dans l’argumentation. Il inclut par exemple l’affirmation suivante[24] :
Partout, la social-démocratie est devenue le levier le plus fort du développement fasciste, cela, non seulement, est prouvé par la pratique des gouvernements de Severing et Zörgiebel en Allemagne, l’action du gouvernement de MacDonald en Angleterre le prouvera aussi.
[Citation dans l’original ►.]
En toute rigueur la caractérisation de la social-démocratie comme "plus fort levier" est pour le moins ambigüe, sinon contestable. En Allemagne, il y a bien une tendance de la bourgeoisie à s’orienter vers un régime fasciste, et ceci selon le double axe de l’appui sur le mouvement fasciste déclaré, incarné par le NSDAP, et du recours à la social-démocratie ‑ à la fois complice et acteur direct ‑ pour camoufler ses projets. Cependant, il semble que dans l’analyse développée par Thälmann il y ait ici une tendance à généraliser abusivement le cas précis de l’Allemagne.
Toujours est-il qu’E. Thälmann a doublement raison quand il réitère le rejet des positions qu’avaient été défendus au 11e Congrès du KPD tenu en mars 1927 et après, par le groupe désigné comme “conciliateurs” [“Versöhnler”][25] :
Déjà lors du congrès d’Essen nous avons dans différents documents attiré l’attention sur l’évolution social-fasciste de la social-démocratie. Dans les débats avec les conciliateurs à l’occasion des élections de mai, ceux-ci ont soutenu la conception que la social-démocratie au gouvernement fournit une certaine garantie contre le fascisme et qu’au stade actuel la démocratie bourgeoise serait le danger principal. Je cite le document devenu “historique”, la plateforme des conciliateurs au congrès, qu’ils n’ont pas retirée jusqu’ici. Là il est dit entre autre :
Le trait caractéristique de la situation actuelle consiste à ce que la bourgeoisie pour l’instant s’efforce à imposer sa politique impérialiste non pas par des méthodes fascistes ni dictatoriales, mais en liaison étroite avec la social-démocratie sur le terrain de la démocratie capitaliste.
[Citation dans l’original ►.]
Une partie importante du rapport d’E. Thälmann au Comité central du KPD, au sujet du présidium du Comité exécutif de l’IC de février 1930, est consacrée à une critique de ce qu’il décrit comme la "tendance de vouloir qualifier tous les phénomènes de la vie politique comme “social-fascisme”", survenue depuis le 12e Congrès du KPD de juin 1929[26] :
[…] Au sujet de cette problématique il est nécessaire de faire état de ces exagérations ou ‑ je vais un pas plus loin ‑ des “théories” les plus récentes sur le social-fascisme, telles qu’elles s’expriment dans le Parti.
Le congrès de Wedding du Parti n’a-t-il pas donné sur cette question par ces résolutions une formulation claire et précise? En particulier vis-à-vis de ceux qui ‑ comme les conciliateurs ‑ à l’époque niaient encore les tendances fascistes au sein de la social-démocratie et qui contestaient même l’évolution de la social-démocratie vers le social-fascisme. Nous avons le plus sévèrement combattu sur le fond cette théorie erronée. Malheureusement cette position opportuniste de droite a trouvé un pendant dans nos propres rangs, avec la tendance de vouloir qualifier tous les phénomènes de la vie politique comme "social-fascisme".
Certes, le social-fascisme est le fantassin de la dictature fasciste. Or le social-fascisme n’est pas seulement une théorie mais correspond aussi à une vie politique pratique où aux côtés d’une direction contrerévolutionnaire on peut observer des cadres d’entreprise et des travailleurs social-démocrates en tenant compte de spécificités variées du contexte dans l’entreprise, des sans-emploi etc. Un parti qui nie ces faits et mettrait une théorie particulière à la place des résolutions du congrès, ne pourra pas remplir sa mission historique de la lutte pour conquérir la majorité du prolétariat. Une telle direction aussi devra ultérieurement rendre des comptes devant l’ensemble des membres et devant la situation historique.
Nous sommes contraints de soumettre au Comité central quelques faits, afin de montrer jusqu’où les déviations ont déjà pénétré dans nos propres rangs. Ce dernier temps a paru toute une série d’articles dans l’ensemble de la presse du Parti, des appels et informations du Parti, des notices etc., qui sont totalement intenables.
Par exemple dans un article "Nous et les travailleurs social-démocrates", qui ces derniers jours a circulé dans la presse du Parti, il est dit entre autre ce qui suit :
"Il est clair que notre confrontation avec le social-fascisme ainsi qu’avec la bourgeoisie, dont il est le valet le plus fidèle, ne peut terminer à une quelconque table de négociation, mais uniquement sur les champs des batailles décisives et devant les tribunaux révolutionnaires de la république allemande. Et naturellement cela vaut du petit membre de conseil d’entreprise qui dans son entreprise dénonce à l’entrepreneur des travailleurs communistes pour être nommé contremaitre à titre de récompense, exactement pareil que pour ses grands frères Severing, Zörgiebel etc."
Camarades! La question pour nous n’est quand même pas aussi simple que certains camarades se l’imaginent dans leur tête. Dans cet article les social-démocrates, qu’ils soient ministres, préfets de police, directeurs de banque, fonctionnaires communaux, bonzes syndicaux, contremaitres, maitres-artisans et membres de conseils d’entreprises appartenant aux syndicats libres dans l’industrie, etc., forment une couche sociale unifiée, homogène. Les modifications des conditions sociales de classe dans la situation actuelle ne sont pas abordées; c’est pourquoi aussi il n’y a pas la compréhension des décalages que subit la structure sociale, et auxquels la social-démocratie non plus n’échappe pas. De là aussi la grande impuissance conduisant à reporter la "confrontation avec le social-fascisme ainsi qu’avec la bourgeoisie" à des batailles décisives ultérieures et aux tribunaux révolutionnaires. Unr négation de notre travail de masse en direction d’une partie du prolétariat aurait fatalement aussi des conséquences graves pour notre politique révolutionnaire.
Et ensuite il est dit dans un autre article "Des fronts clairs, en bas comme en haut" :
"Le petit cadre est un élément important, voire le plus important, de l’appareil social-démocrate, qui s’est transformé en un composant essentiel de l’appareil d’État social-fasciste. Il peste, mais justement en pestant, il aide à faire tourner la boutique. […]
C’est pourquoi notre feu roulant visant les grands Zörgiebel a du succès seulement s’il est relié en même temps à une attaque prenant d’assaut les cadres inférieurs embourgeoisés. Sans la moindre hésitation nous devons nettoyer les rangs prolétariens dans l’entreprise et dans le syndicat et les autres organisations de masse, de tous les éléments pourris. Qui est encore au SPD est pourri et doit dégager ‑ aussi radical qu’il puisse tenter d’apparaitre."
Par là, toute notre application de la tactique de front uni d’en bas, nos résolutions du congrès de Wedding se trouvent carrément jetées par-dessus bord.
[…] Puis il y avait différents articles, dans lesquels est posé le slogan : "Chassez les social-fascistes des fonctions dans les entreprises et les syndicats!" Dans l’article suivant la chose était encore accentuée et il était dit : "Chassez les social-fascistes des entreprises et des syndicats!" Avant : "Chassez-les des fonctions", et maintenant : "Chassez-les des entreprises et des syndicats", et finalement la "Jeune Garde" trouve le slogan "Chassez les social-fascistes des entreprises, des agences pour l’emploi et des écoles professionnelles!" Comment voulez-vous les chasser des entreprises et des agences pour l’emploi? Malheureusement la bourgeoisie et très souvent avec elle, les membres social-fascistes des conseils d’entreprise chassent les communistes des entreprises, quand ceux-ci n’ont pas assez de base de masse et pas assez d’autorité parmi les masses, parmi le personnel.
Dans un autre article sur les élections des conseils d’entreprise, qui a fait le tour de toute la presse, les membres social-démocrates des conseils d’entreprise sont assimilés à Noske, Severing et Zörgiebel.
Un tel langage est vraiment absurde. Cela signifie faire bénéficier les Zörgiebel, Severing, Noske grâce à nous d’une décharge par rapport à leurs actes et procédés sanguinaires et contrerévolutionnaires, c’est-à-dire, donc, dans les questions de la vie pratique, du développement politique général. Cela signifie ignorer tout simplement la diversité des conditions relatives aux différentes fonctions que les social-démocrates ont au sein de l’État, dans les entreprises et les organisations de masse. Aujourd’hui, où cinq millions se trouvent dans les syndicats, des millions dans les organisations sportives et des millions d’hommes dans d’autres organisations, nous devons employer les méthodes de mise à profit de la légalité, de la souplesse, de l’approche au cas par cas, d’étape en étape, selon ce que chacun a dans la tête, pour gagner les travailleurs à nous. La composante de la social-démocratie que nous désignons comme aristocratie ouvrière sera perdue pour la révolution en majeure partie.
[…] Camarades! Si dans nos résolutions, que nous soumettrons, nous reprenons les formulations des décisions du présidium élargi du CEIC, c’est parce que des divergences et différences d’opinion existaient dans nos propres rangs et parce qu’il est de notre devoir de traiter les causes des erreurs ayant été commises. Je donnerai lecture de la formulation peut-être la plus importante ‑ non pas pour effectuer un nouveau tournant dans notre tactique, mais pour établir la garantie que le tournant du congrès de Wedding soit mis en oeuvre dans la pratique avec des méthodes nouvelles et une énergie nouvelle :
"Le plénum du CC constate la nécessité d’oeuvrer beaucoup plus fortement que jusqu’ici pour la réalisation du front uni révolutionnaire par en bas, pour l’isolement des dirigeants social-fascistes et l’intégration étendue des travailleurs social-démocrates dans le front de lutte révolutionnaire. Pour remplir cette tâche il est requis de faire la distinction entre les dirigeants contrerévolutionnaires du SPD, les cadres inférieurs dans les entreprises et les simples travailleurs dans les entreprises ainsi que les sans-emploi."
[…] Je mentionnerai la brochure qui vient de paraitre sous le titre : "Qu’est-ce que le social-fascisme?" Ici la question est formulée correctement. Il est dit entre autre dans la brochure :
"Pour tenir en échec les efforts en faveur de la division parmi les travailleurs, les travailleurs ayant une conscience de classe doivent comprendre leur tâche en tant que dirigeants des masses d’exploités et opprimés. Ils ne doivent ni se laisser bâillonner par les statuts syndicaux réactionnaires ni éluder le combat contre le social-fascisme au sein des syndicats. Ils doivent faire tous les efforts pour intégrer dans le front de la lutte de classe révolutionnaire justement les couches les plus exploitées. Contre l’aristocratie ouvrière et la bureaucratie corrompues nous exhortons justement les couches inférieures du prolétariat qui souffrent le plus sous l’exploitation capitaliste, les travailleuses, jeunes travailleurs, les sans-emploi etc. Les communistes mènent une lutte obstinée pour chaque position dans les syndicats, afin de s’en servir contre la bureaucratie social-fasciste dans l’intérêt des masses travailleuses."
[Citation dans l’original ►.]
Néanmoins, il faut bien dire que les "exagérations" critiquées par Thälmann sont liées directement au 12e Congrès du KPD, puisqu’elles apparaissent déjà dans le "Manifeste aux masses travailleuses en Allemagne" adopté à cette occasion[27] :
Terminez-en avec le parti de la trahison et de l’assassinat envers les travailleurs, avec le SPD! Chassez les agents du social-fascisme de tous les postes de cadre dans les entreprises et les syndicats!
[Citation dans l’original ►.]
Ce qui ressemble tout de même fortement à certaines des formulations que Thälmann cite pour les critiquer, par exemple "Chassez les social-fascistes des fonctions dans les entreprises et les syndicats!"
L’orientation du KPD face au renforcement des national-socialistes
Les accusations portées par le KPD contre le SPD ne relèvent nullement d’une vision unilatérale de la situation. Ainsi par exemple E. Thälmann, en mars 1927, souligne également les agissements accrus des national-socialistes[28] :
Les groupements fascistes se réorganisent et renforcent et pénètrent dans les entreprises sous les formes les plus diverses de ce qu’on appelle fascisme d’entreprise. Aujourd’hui le Stahlhelm ‑ sans parler des différents autres groupements nationalistes comme par exemple le Kyffhäuserbund etc. ‑ comme organisation la plus importante du fascisme, non seulement avance vers la diffusion d’une idéologie national-socialiste dans des rassemblements d’agitations, mais il va dans les usines pour atteler les travailleurs au processus de la rationalisation capitaliste, pour les rendre malléables vis-à-vis de la politique de la bourgeoisie, pour exploiter plus sévèrement les travailleurs avec des méthodes fascistes. C’est cela la ligne du fascisme d’entreprise.
[Citation dans l’original ►.]
Et en juin 1929[29] :
Nous voyons aussi un mouvement fasciste croissant en Allemagne, un développement renforcé du fascisme d’usine, des organisations de “défense” fascistes, l’apparition active des national-socialistes dans toutes les parties d’Allemagne, leurs succès lors des élections en Sachsen. Les formes et méthodes comment le fascisme dans les différentes régions cherche à arriver au pouvoir, sont différentes, mais partout il n’apparait pas seulement comme un instrument puissant au plus haut point de l’oppression des travailleurs, mais aussi comme précurseur pour la guerre contre l’Union soviétique.
[Citation dans l’original ►.]
Parlant du “fascisme d’usine” [“Werkfaschismus”], E. Thälmann se réfère aux efforts déployés par les national-socialistes pour s’implanter dans les entreprises. Dans cet objectif, ils mirent en oeuvre la “HiB-Aktion” (“Hinein in die Betriebe!”, c’est-à-dire “Allons-y, entrons dans les entreprises”) et créèrent des groupes dans les entreprises (NSBO) pour contrecarrer l’action du mouvement révolutionnaire dans les lieux de travail. Parallèlement les employeurs favorisèrent dans les entreprises l’action d’autres organisations liées à de degrés divers aux national-socialistes (Casque d’acier [Stahlhelm], Secours technique [Technische Nothilfe], etc.).
Néanmoins, le KPD met constamment en relation le double aspect de ces tendances réactionnaires portées parallèlement par les national-socialistes et les social-démocrates.
Ainsi par exemple E. Thälmann en février 1930[30] :
Naturellement la bourgeoisie elle aussi ‑ comme la bourgeoisie dans tous les autres pays ‑ de se servir de deux méthodes : de la méthode du social-fascisme et de la méthode du fascisme. Nous constatons que ce tout dernier temps en Allemagne, au côté du social-fascisme le national-fascisme s’est accru ‑ le national-fascisme qui fournit des bataillons qui se lancent contre le front de classe révolutionnaire avec des armes meurtrières, le social-fascisme qui, avec les préfets de police social-démocrates et les social-fascistes au gouvernement, au moyen de la police réprime dans le sang les sans-emploi et les travailleurs dans les rues. Je pense que nous voyons ici une imbrication étroite entre le social-fascisme et le fascisme dans le développement général, qui est de la plus haute importance aussi pour les autres pays. Quand par exemple dernièrement un représentant du national-fascisme est entré au gouvernement de Thüringen, cela prouve que progressivement le national-fascisme s’écarte de son agitation effrénée d’origine et est chargé dans le cadre de la constitution de la république allemande de tâches en vue de la mise en oeuvre du plan Young similaires à celles imparties au social-fascisme. En particulier l’évolution la plus récente en Allemagne montre une fusion progressive du social-fascisme avec le national-fascisme. Naturellement le national-fascisme peut gagner du terrain en Allemagne seulement parce que le social-fascisme lui fraye le chemin. Nous avons deux faits caractéristiques qu’on pourrait confronter pour prouver cela : l’interdiction de la Ligue rouge des combattants du front et de l’Antifa et le maintien des organisations fascistes en Allemagne. Non seulement le maintien des organisations fascistes en est une preuve, mais aussi le fait que le gouvernement engage des mesures pour consolider sa propre armée de guerre sur la base des organisations fascistes. On peut dire que le social-fascisme est le fantassin de la dictature fasciste. Je pense que notre parti frère autrichien n’a pas du tout suffisamment prêté attention à ce fait dans le développement du fascisme. Cette fusion du social-fascisme et du national-fascisme, qui en Autriche montre d’autres formes qu’en Allemagne, revêtira aussi dans d’autres pays des formes similaires. À mesure que se renforcent les actions révolutionnaires de masse, qui mènent à l’aggravation de la crise politique, les méthodes de répression social-fascistes contre le prolétariat deviennent massives et agressives.
[Citation dans l’original ►.]
Au-delà des références factuelles, E. Thälmann souligne que le rôle accru joué par les national-socialistes repose sur des aspects politiques fondamentaux. Voici l’analyse qu’il développe devant le plénum du Comité central du KPD tenu du 15 au 17 janvier 1931[31] :
Non seulement la politique de la social-démocratie a-t-elle frayé le chemin aux nazis, mais le rôle actuel du social-fascisme est vraiment celui d’une police auxiliaire du fascisme. […] D’un autre côté, en rapport avec toutes les questions de la politique étrangère mais aussi en partie de la politique intérieure, les nazis fournissent la base de masse extraparlementaire décisive pour la bourgeoisie concernant la mise en oeuvre de la politique fasciste. […]
Avec l’aiguisement révolutionnaire croît l’importance pour la bourgeoisie, de la contrerévolution armée comme mouvement de masse. Or seulement les nazis peuvent apporter celle-ci dans des proportions déterminantes, pas la social-démocratie. En effet même à l’époque de Noske, la contrerévolution armée d’alors était certes politiquement déployée et dirigée par la social-démocratie, mais mise en oeuvre de fait non pas par les organisations social-démocrates, mais par les corps francs, ces embryons du parti nazi actuel. Avec l’accentuation de la lutte de classe et d’un autre côté avec le recul continu de l’influence de masse du SPD s’accroit donc le rôle des nazis. […]
[…]
Dans l’ensemble, de l’exposé du programme [de l’IC adopté au 6e congrès] résultent des indice dans le sens de parler déjà aujourd’hui en Allemagne de formes de domination fascistes. D’un autre côté le programme ne prévoit pas un contexte où la bourgeoisie gouverne déjà avec des méthodes fascistes, tandis que le parti de masse fasciste se trouve encore en dehors du gouvernement, même dans un faux-semblant d’opposition. Enfin il est clair que dans l’Allemagne industrielle avec sa grande classe ouvrière et son Parti communiste fort, des obstacles sérieux sont opposés au déploiement plein et entier de la domination fasciste.
[…]
En Allemagne nous avons le contexte d’une dictature fasciste murissante bien que pas encore pleinement murie. Le gouvernement Brüning, dans sa phase de développement actuelle est le gouvernement de la dictature fasciste. Contre lui et contre toutes ses forces auxiliaires nous devons mener la lutte la plus résolue des masses.
[Citation dans l’original ►.]
E. Thälmann, dans le même sens, à la 3e conférence de parti du KPD tenu en octobre 1932 [32] :
Nos constats actuels au sujet du gouvernement Papen confirment la perspective adoptée jusqu’ici par le Parti et ce qui a été jusqu’ici notre façon de traiter le problème de la dictature fasciste. Par exemple nous avons effectué un travail d’éducation idéologique sérieux qui se dirigeait contre l’interprétation social-démocrate, que seulement le gouvernement Hitler serait la dictature fasciste. Face à cela nous avons souligné qu’on ne doit pas simplement mettre un signe d’égalité entre gouvernement Hitler et dictature fasciste, qu’au contraire on peut tout à fait envisager l’éventualité d’un gouvernement de dictature fasciste sans participation officielle des national-socialistes. La situation actuelle confirme cette interprétation. À ce sujet il est clair que le gouvernement Papen-Schleicher, aussi, ne constitue pas forcément l’étape ultime et supérieure du fascisme, mais seulement une des formes de la dictature fasciste, cependant qu’il dépend de nous si on aboutit à une consolidation et développement plus poussés de la domination despotique fasciste ou à sa décomposition.
[Citation dans l’original ►.]
L’analyse développée par le KPD suit de près l’évolution de la situation concrète. Elle met progressivement en avant le danger que représentent les national-socialistes. Mais ceux qui rétrospectivement insinuent que, ce faisant, le KPD rectifia tardivement une prétendue sous-estimation antérieure du national-socialisme, propagent en réalité, à partir de positions erronées, une attaque indirecte contre ce que devaient être à l’époque les orientations marxistes-léninistes face au double ennemi que constituaient le réformisme et le fascisme. Contrairement au présupposé sur lequel repose l’allégation en question, il ne découle pas en soi de la reconnaissance du danger que représentaient les national-socialistes, l’opportunité d’une alliance contre eux avec le SPD.
La résolution adoptée par le 11e plénum du Comité exécutif de l’IC tenu en avril 1931 insiste sur la responsabilité qui retombe sur les social-démocrates en rapport avec l’ascension du national-socialisme[33].
La croissance du fascisme au cours de ce dernier temps était possible seulement sur la base du soutien apporté à la dictature de la bourgeoisie par la social-démocratie internationale durant la période d’après-guerre, indépendamment de ses formes. La social-démocratie, qui par la constitution d’une opposition entre la forme “démocratique” de la dictature de la bourgeoisie et le fascisme endort la vigilance des masses dans la lutte contre la réaction politique montante et contre le fascisme, et qui voile la nature contrerévolutionnaire de la démocratie bourgeoise comme une forme de la dictature de la bourgeoisie, est le facteur le plus actif et le précurseur de la fascisation des états capitalistes.
[…]
La perspective de mener avec succès la lutte contre le fascisme impose aux partis communistes la mobilisation des masses sur la base du front uni d’en bas contre toutes les formes de la dictature bourgeoise et contre l’ensemble des mesures réactionnaires de sa part, qui déblayent la voie pour la dictature fasciste ouverte. Cela exige une correction rapide et résolue des erreurs qui principalement reviennent à la construction libérale d’un opposition entre fascisme et la démocratie bourgeoise, ainsi qu’entre les formes parlementaires de la dictature de la bourgeoisie et les formes ouvertement fascistes, ce qui représente un reflet de l’influence social-démocrate dans les partis communistes.
[Citation dans l’original ►.]
À ce même plénum, Dimitri Manuilskij analyse en particulier la question de l’attitude de la social-démocratie au sujet du "moindre mal"][34] :
Deuxièmement ce retard dans la question du fascisme se manifeste dans le fait que nous permettons à la social-démocratie de manoeuvrer en rapport avec la question des formes de la dictature bourgeoise. Et cela est maintenant leur manoeuvre principale pour toute un période historique. La social-démocratie s’efforce à détourner les masses de la question fondamentale de la lutte de classe vers une dispute polémique sur la forme de sa propre oppression – vers les questions quant à savoir quelle forme de la dictature de la bourgeoisie serait préférable : celle parlementaire ou celle extraparlementaire. La théorie du soi-disant “moindre mal”, dont aussi bien le camarade Thälmann que le camarade Pollitt ont parlé dans leurs interventions, est actuellement le principal canal dans lequel se meuvent les illusions parlementaires des masses. La social-démocratie manoeuvrera pas seulement aujourd’hui mais au cours de toute une période, au cours d’un temps prolongé à travers leur faux-semblant de lutte contre le fascisme et dissimuleront par tous les moyens imaginables ce fait fondamental que fascisme et social-fascisme sont juste deux tendances d’un seule et même appui social de la dictature bourgeoise.
[Citation dans l’original ►.]
Dans un article intitulé "Quelques erreurs dans notre travail théorique et pratique et la voie pour les surmonter", publié en décembre 1931, E. Thälmann aussi insiste sur la nocivité de cette théorie du “moindre mal” propagée notamment par le SPD[35] :
Mais pire encore est le fait que dans nos rangs se sont manifestées […] des tendances conformes à la conception libérale qui oppose fascisme et démocratie bourgeoise, le parti de Hitler et le social-fascisme. […] Dans les rangs du prolétariat révolutionnaire également, non sans notre faute, étaient présentes du moins inconsciemment des opinions comme si les Braun-Severing seraient peut-être quand même un “moindre mal” en face d’un gouvernement Hitler-Goebbels en Prusse.
[Citation dans l’original ►.]
Dans ce même article, Thälmann analyse en détail la problématique posée par la montée du mouvement national-socialiste[36].
Nous tous, le Parti dans son ensemble et sa direction, ne pouvons nous déclarer non coupables à ce sujet. Commençons par quelques omissions théoriques. Nous avons (cela est le cas aussi pour le rapport du Parti allemand, que l’auteur de cet article a présenté au 9e plénum. E. Th.) considéré, de façon trop unilatérale et mécanique, le fascisme et y compris le développement croissant du mouvement national-socialiste seulement comme l’antithèse de l’essor révolutionnaire, comme la riposte de la bourgeoisie contre le prolétariat. Cette caractérisation était juste, mais elle n’était pas suffisante à elle seule et est devenu un schéma qui ne permettait pas d’apprécier tout à fait correctement le processus dialectique des rapports respectifs entre les classes. Seulement ce dernier temps ce défaut a été corrigé sérieusement.
[…]
Mais voilà, cette éducation des masses vers la passivité se reflète pareillement aussi dans cette théorie mécanique faisant comme si le fascisme n’était qu’un produit de la crise capitaliste et de la décomposition au sein du camp de la bourgeoisie, contre laquelle le camarade Manuilskij polémiquait. Si nous tolérions donc une telle théorie dans nos rangs ‑ et cela s’est produit, du moins partiellement ‑, cela signifierait de céder à la nouvelle manoeuvre de duperie social-démocrate. Et ainsi nous en venons aux erreurs sérieuses d’une sous-estimation du fascisme dans nos rangs.
Dans un article du camarade Kr. dans le numéro de septembre 1931 du Propagandist se trouve le passage suivant :
Un gouvernement de coalition social-démocrate auquel ferait face un prolétariat inapte au combat, éclaté, désorienté, serait un mal mille fois plus grand qu’une dictature ouvertement fasciste à laquelle s’oppose un prolétariat ayant une conscience de classe, et uni dans sa masse.
Ici se montre une appréciation complètement erronée du fascisme et de ce qu’une dictature fasciste signifie dans la pratique. C’est presque le genre d’appel comme chez Breitscheid, en faveur d’un gouvernement Hitler qui se laisserait bien vaincre facilement. Chez Breitscheid cela sert consciemment à endormir les masses. Chez le Propagandist c’est l’expression d’un certain fatalisme sectaire vis-à-vis du développement fasciste, le pendant de l’attitude de panique opportuniste d’autres camarades. Ici, un combat du Parti sur deux fronts est une nécessité absolue. Déjà auparavant se trouvait une fois dans le Propagandist (numéro de décembre 1930, éditorial du camarade S.) la formulation : "même avant le moment où le fascisme vient au pouvoir, où la dictature fasciste triomphe".
Donc, on s’accommode déjà du “triomphe de la dictature fasciste” comme “inéluctable”. C’est une prise de position purement défaitiste, avec laquelle notre ligne n’a rien en commun.
Au lieu de cela nous devons constater en toute netteté que ce qui est décisif de façon déterminante concernant aussi bien le développement fasciste en général que le développement du mouvement national-socialiste en particulier, c’est la lutte révolutionnaire du prolétariat.
Nous devons réussir à surmonter totalement les attitudes défaitistes dans la classe ouvrière, vis-à-vis du fascisme, telles qu’elles sont cultivées par les dirigeants du SPD. Autrement peut surgir le danger que la bourgeoisie puisse effectuer à froid le passage vers la dictature fasciste, sans devoir craindre la résistance révolutionnaire résolue du prolétariat allant jusqu’aux formes de lutte les plus élevées.
Indubitablement le KPD a pu engranger quelques succès dans la lutte contre le parti de Hitler. Mais c’est un fait aussi indubitable que le développement croissant renouvelé de la vague national-socialiste est dû dans un certain degré à la faiblesse de notre riposte. Certainement, étant donné la vitesse rapide de la décomposition des partis bourgeois anciens nous n’aurions pas pu déjouer le développement croissant rapide du mouvement national-socialiste. Mais le mouvement communiste d’Allemagne est aujourd’hui déjà suffisamment fort pour pouvoir au moins modifier et influencer le développement de façon décisive.
Toutefois, pour cela implique un renforcement significatif de notre lutte de masse idéologique contre le parti de Hitler. Il ne suffit pas de s’occuper de sa terreur meurtrière. Au contraire il est nécessaire ‑ est c’est là un des enseignements les plus importants que nous devons tirer des élections les plus diverses de ce dernier temps ‑ une politique sérieuse contre le Parti national-socialiste afin de dévoiler son caractère hostile aux travailleurs en tant que troupe de protection pour la dictature de la bourgeoisie, troupe de protection pour les entrepreneurs. Par notre politique comme unique parti de la lutte contre Versailles et Young et pour la libération de l’Allemagne travailleuse nous devons au moyen de l’exposition de notre programme de liberté aussi démasquer et mettre e pièces la démagogie "nationale" du parti de Hitler. Nous devons montrer aux masses que dans la question de la lutte de libération nationale également, les national-socialistes se trouvent de l’autre côté de la barricade et sont des ennemis mortels de cette lutte. Cette question est une partie importante de notre lutte de masse contre le national-socialisme et fait partie des questions les plus importantes de notre politique dans son ensemble.
Cela est le cas dans une mesure encore beaucoup plus grande pour les tentatives des national-socialistes démarrant actuellement en vue de gagner des positions parmi le prolétariat à l’aide de leur “HiB-Aktion” (“Hinein in die Betriebe!”, c’est-à-dire “Allons-y, entrons dans les entreprises”). S’ajoutant à l’accentuation absolument nécessaire de notre lutte de principe contre la social-démocratie, qui constitue le coeur du problème y compris du point de vue de la lutte contre le fascisme en général et contre le national-socialisme en particulier, la lutte la plus résolue contre la pénétration des fascistes dans les entreprises et pour l’épuration des entreprises des cellules fascistes est une nécessité absolue. La même chose est le cas pour le mouvement des sans-emploi et le travail parmi les employés.
Au-delà de cela, s’impose au Parti en toute netteté la lutte pour attirer au prolétariat les couches travailleuses moyennes, lutte que nous devons améliorer et rendre plus vivante, et ceci énergiquement et sans tarder. La façon dont nous devons poser ce problème de l’attachement à nous d’alliés dans la lutte de classe prolétarienne, le problème de la révolution populaire au sens marxiste-léniniste et non pas au sens des déviations libérales du Propagandist (qui à plusieurs reprises apparurent aussi dans la presse du Parti), cela a déjà été montré dans ce qui précède.
[Citation dans l’original ►.]
En rapport avec ce texte, on peut en passant relever un exemple particulièrement significatif de la façon dont la littérature rétrospective sur le KPD remplit son rôle de déformation de l’histoire dans l’objectif de dénigrer le mouvement communiste. Dans un livre datant de 1960 on trouve la note suivante[37] :
Cf. p. ex. Ernst Thälmann […] en décembre 1931 (L’Internationale 14, p. 499 et suiv.) : "Un gouvernement de coalition social-démocrate auquel ferait face un prolétariat inapte au combat, éclaté, désorienté, serait un mal mille fois plus grand qu’une dictature ouvertement fasciste (!) à laquelle s’oppose un prolétariat ayant une conscience de classe, et uni dans sa masse."
[Citation dans l’original ►.]
L’auteur reprend ainsi le texte même de Thälmann dont un extrait figure plus-haut. Il en extrait le passage que Thälmann cite et dont celui-ci critique le contenu. Seulement, l’auteur du livre falsifie le contexte en attribuant la citation à Thälmann. Peu importe s’il s’agit d’un mensonge délibéré, ou de la bêtise de la part d’un dilettante qui se laisse piéger par son empressement à trouver des “preuves” de “l’égarement” des communistes. Dans le deux cas l’attitude est symptomatique du caractère de toute une série de productions littéraires.
La caractérisation fondamentale du fascisme
Au-delà des spécificités secondaires de telle ou telle situation, tel ou tel parti de “gauche” ou de “droite”, la question fondamentale est effectivement celle concernant les caractéristiques essentielles des différents régimes politiques, leur contenu de classe.
E. Thälmann, dans son intervention au plénum du Comité central du KPD en janvier 1931 [38] :
Qu’en est-il de la question de la dictature fasciste? Quel est le contenu en termes de classe de la notion de dictature fasciste? Quand on examine ce problème il en résulte que le contenu en termes de classe d’une dictature fasciste est sans doute la dictature du capital financier, comme dans la démocratie bourgeoise. Donc ce n’est quand même pas le contenu de classe qui se modifie, mais les méthodes. Les formes de domination changent, pas le contenu de la domination, pour autant que la démocratie bourgeoise soit remplacée par la dictature fasciste.
[Citation dans l’original ►.]
D. Manuilskij, au 11e plénum du Comité exécutif de l’IC, en avril 1931 [39] :
Pour surmonter ses luttes intestines la bourgeoisie a recours, face à la menace venant des masses travailleuses, à la tentative de formation d’un “parti de concentration” ou de l’organisation d’un parti de masse fasciste, qui serve d’organisation de liaison vers les masses petite-bourgeoises tombées dans la misère. La bourgeoisie qui a perdu son ancienne base de masse sociale, est contrainte de cherche un appui dans une nouvelle base sociale, extrêmement floue, fluctuante, instable en rapport avec ses états d’esprit, qu’elle peut dominer seulement par une démagogie sociale dangereuse et pleine de conséquences graves menaçantes.
[…]
Le régime fasciste n’est pas un quelconque nouveau type d’État, c’est une des formes de la dictature bourgeoise de l’époque impérialiste. Le fascisme surgit organiquement de la démocratie bourgeoise. […] Une démocratie bourgeoise du type qui était caractéristique pour l’ère de la révolution bourgeoise du siècle dernier n’existe aujourd’hui nulle part. En réalité nous avons une forme bourgeois-démocratique de la dictature capitaliste de l’époque de l’impérialisme et de la crise générale du capitalisme, c’est-à-dire une démocratie bourgeoise en voie de fascisation.
[…]
Le fascisme n’est pas une nouvelle méthode de gouvernement, qui se distinguerait du système de la dictature de la bourgeoisie. Qui pense ainsi est un libéral.
[…]
D’une autre nature est l’erreur concevable en théorie, de “gauche”; ici l’approche aboutirait à voir dans le fascisme seulement un produit de la décomposition du capitalisme. Suivant ce point de vue, le mouvement fasciste serait une sorte d’“allié” objectif des communistes qui sape la stabilité du système capitaliste et la base de masse de la social-démocratie pour ainsi dire à partir d’un autre angle. Si les communistes adoptaient une telle position, ils ignoreraient la circonstance la plus importante la circonstance que le fascisme représente une forme de l’offensive du capital. Ils seraient de l’avis que l’émergence du fascisme témoignerait de ce que le capital soit devenu plus faible, et le prolétariat par contre plus fort. Ils attribueraient au fascisme un rôle exclusivement révolutionnaire. Cela impliquerait que l’arrivée du fascisme serait carrément souhaitable, en quelque sorte selon le principe : plus c’est pire, mieux c’est. La croissance du fascisme préparerait le la victoire du communisme. Une telle façon de poser la question du fascisme conduirait à la passivité dans la lutte contre le fascisme. Et évidemment les communistes n’ont pas une telle position et ne peuvent pas l’avoir. En réalité le mouvement fasciste est une des formes de l’offensive du capitalisme, dans les conditions de la crise générale du capitalisme et de l’effondrement de la classe dominante. Or cela fait du fascisme une forme particulière, inhabituelle de l’offensive du capitalisme. Le fascisme reflète la contradiction dialectique du développement sociale. Il renferme les deux éléments, aussi bien l’élément de l’offensive de la classe dominante que l’élément de sa décomposition. En d’autres mots ‑ le développement fasciste peut conduire aussi bien à la victoire du prolétariat qu’à sa défaite. Ce qui tranche ici la question, c’est le facteur subjectif, c’est-à-dire la lutte de classe du prolétariat? Si la classe ouvrière mène une lutte active contre le fascisme – alors les éléments de décomposition se développeront s’autant plus rapidement au sein du fascisme.
[Citation dans l’original ►.]
E. Thälmann, au 11e plénum du Comité exécutif de l’IC, en avril 1931 [40] :
Nous vivons aujourd’hui en Allemagne la mise en oeuvre du régime fasciste de la part du capital financier, alors qu’en même temps le parti de masse fasciste est exclu formellement de l’exercice du pouvoir, voire on peut même dire, est poussé directement dans un faux-semblant d’opposition.
[…]
Aujourd’hui nous avons en Allemagne la situation qu’en rapport avec la mise en oeuvre de la dictature fasciste les dirigeants social-démocrates déploient l’activité la plus forte. Dans tous les domaines ils fournissent les acolytes les plus actives du fascisme. Ils sont pour ainsi dire devenus le bélier d’attaque de la fascisation de l’Allemagne.
[Citation dans l’original ►.]
Thèses adoptées au 12e plénum du Comité exécutif de l’IC, tenu en septembre 1932 [41] :
1. La dictature de la bourgeoisie change continuellement dans le sens d’accentuer encore la réaction politique et la fascisation de l’État, et ce faisant elle révèle en même temps un rétrécissement de la base de la domination bourgeoise ainsi que l’apparition au grand jour de fissures et manifestations de décomposition en son sein. Les dissensions au sein du camp de la bourgeoisie revêtent bien souvent la forme d’une scission entre camps qui se combattent entre eux (Allemagne, Finlande, Yougoslavie), dans quelques cas celle de l’assassinat d’hommes politiques bourgeois (Japon). En règle générale la bourgeoisie a de plus en plus de mal à solutionner les conflits surgissant dans ses rangs. Dans la plupart des pays capitalistes la grande bourgeoisie organise des troupes de guerre civile fascistes, et élève au niveau de système le banditisme politique, la terreur blanche, les tortures infligées aux prisonniers politiques, provocations, falsifications, les grévistes et manifestants abattus, la dissolution et destruction d’organisations ouvrières. Ce faisant, la bourgeoisie ne renonce nullement à l’utilisation du parlement et le service offert par les partis social-démocrates en vue de la duperie envers les masses. En Allemagne a été instauré par le gouvernement von Papen-Schleicher, sous accentuation des oppositions externes et sous tension extrême des rapports de classe internes, à l’aide de la Reichswehr, du Stahlhelm et des national-socialistes, une des formes de la dictature fasciste à laquelle la social-démocratie et le Zentrum ont frayé le chemin.
[…]
3. Le fascisme de même que le social-fascisme (social-démocratisme) prennent fait et cause pour le maintien et la consolidation de capitalisme, de la dictature bourgeoise, mais ils en tirent des conséquences tactiques différentes. Puisque la situation de la bourgeoisie dominante de chacun des pays actuellement est plein à l’extrême de contradictions et la contraint souvent de louvoyer entre le cours vers le déchainement résolu de la lutte contre ses ennemis externes et internes, et un cours plus prudent, ce caractère plein de contradictions se reflète aussi dans la variété des attitudes du fascisme et du social-fascisme. Les social-fascistes préfèrent une application plus modérée et “légaliste” de la violence de classe, parce qu’ils sont contre la réduction de la base de la dictature bourgeoise; ils interviennent en faveur de son camouflage et maintien “démocratiques”, de préférence sous ses formes parlementaires, dont l’absence leur rend plus difficile de remplir leur fonction spéciale de la duperie envers les masses ouvrières. En même temps les social-fascistes, en empêchant les travailleurs à engager des actions révolutionnaires contre l’offensive du capital et le fascisme croissant, forment la couverture sous la protection de laquelle les fascistes ont la possibilité d’organiser leurs forces, et ils frayent le chemin pour la dictature fasciste.
[…]
6. L’influence de masse des social-fascistes a reculé dans presque tous les pays, mais d’autant plus fortement et varié s’avèrent les manoeuvres auxquelles ils ont recours (direction de grèves pour les casser, dans quelques cas appel à des grèves générales ostensibles, faux-semblant de lutte contre le fascisme, pour la paix, pour la défense de l’Union soviétique, etc.) […] Seulement si les communistes tiennent compte des formes variées de la politique de manoeuvre des social-fascistes dans tout leur caractère concret, ils peuvent effectivement les démasquer et isoler. Seulement si le coup principal est dirigé contre la social-democratie ‑ cet appui social principal de la bourgeoisie ‑, on peut battre et mettre en pièces l’ennemi de classe principal du prolétariat ‑ la bourgeoisie. […]
[Citation dans l’original ►.]
Rapport d’Otto Kuusinen à ce même plénum [42]
Ainsi on peut observer aujourd’hui en Allemagne, […] Là-bas, le fascisme a réussi d’avancer d’un grand pas, et ceci non seulement sous la forme de la croissance du mouvement national-fasciste, mais aussi dans l’instauration de la dictature fasciste dans le régime d’État. Durant un certain temps le KPD a sous-estimé le mouvement national-socialiste et négligé partiellement la lutte contre lui; cependant il serait naturellement inexact d’affirmer que les omissions de la part du KPD aient rendu possible la croissance du fascisme, car cette croissance a eu ces raisons objectives. On ne peut évidemment pas dire en général que la dictature fasciste soit une étape intermédiaire nécessaire sur la voie vers la révolution. Mais ce que nous pouvons constater actuellement en Allemagne sans aucune mise en opposition libérale entre démocratie et dictature, c’est le début de la dictature fasciste. Il ne serait pas exact d’affirmer que le régime actuel en Allemagne soit déjà une dictature fasciste achevée. […] Cette question de l’instauration définitive de la dictature fasciste n’est pas encore tranchée en Allemagne. Les luttes décisives n’ont pas encore eu lieu. "La tâche principale du fascisme", est-il écrit dans le programme de l’IC, "est la destruction de l’avant-garde révolutionnaire de la classe ouvrière, c’est-à-dire des couches communistes du prolétariat et de leurs cadres dirigeants." Cela ne s’est pas encore produit en Allemagne, et cela n’arrivera pas sans que le prolétariat révolutionnaire d’Allemagne sous la direction du Parti communiste ne se rebelle de toutes ses forces contre cette attaque.
[Citation dans l’original ►.]
Résolution sur le 12e plénum du Comité exécutif de l’IC et les tâches du Parti, adoptée par la Conférence du KPD tenue du 15 au 17 octobre 1932 [43] :
IV. La domination du gouvernement Papen-Schleicher en Allemagne, qui a été instaurée à l’aide de la Reichswehr, du Stahlhelm et des national-socialistes, et auquel la social-démocratie et le Zentrum ont frayé le chemin, représente une des formes de la dictature fasciste. […]
V. Même après que les dirigeants social-fascistes aient été quasiment évincés des fonctions publiques supérieures (20 juillet) les dirigeants du SPD empruntent actuellement de façon toujours plus résolue le cours vers la tolérance envers le gouvernement Papen-Schleicher comme “moindre mal” par rapport à un gouvernement Hitler […].
Le SPD a en Allemagne porté le fascisme au pouvoir de même que les social-fascistes en Pologne et en Italie, il ne lutte nullement contre le fascisme, mais au contraire a entravé et entrave activement la lutte des masses contre la dictature fasciste (20 juillet). […]
Tous ces faits confirment le constat du 12e plenum que la social-démocratie remplit sans limités son rôle comme agence de la bourgeoisie dans le camp de la classe ouvrière, qu’elle représente tout comme avant l’appui social principal de la bourgeoisie.
[Citation dans l’original ►.]
E. Thälmann dans son intervention à la 3e Conférence du KPD, tenue en octobre 1932 [44] :
Concernant le rapport entre le fascisme et le social-fascisme le 11e plénum a effectué une charge contre toute position libérale opposant ces deux appuis du système capitaliste. En Allemagne, dans le cadre de l’offensive idéologique du Comité central envers quelques conceptions divergentes et confuses, nous avons fait prévaloir la conception correcte correspondant à la définition de Staline, des jumeaux. On peut dire que tout le développement politique en Allemagne au cours des dernières années constitue vraiment un enseignement parlant pour la justesse de cette thèse de Staline selon laquelle fascisme et social-fascisme ne sont pas des adversaires, mais des jumeaux, qui ne s’excluent pas mutuellement mais se complètent.
[…]
Toute tendance d’un affaiblissement de notre lutte de principe contre les dirigeants du SPD, ou d’une position libérale qui oppose fascisme et social-fascisme est donc complètement inadmissible. Mais pas plus nous devons admettre une position mettant un signe d’égalité entre ces deux ailes du fascisme, comme elle arrivait occasionnellement dans la pratique au cours de la mise en oeuvre de notre ligne générale correcte. Mettre de façon simpliste et schématique un signe d’égalité entre Hitler et Severing, gouvernement de Papen et gouvernement de Brüning, social-démocratie et national-socialisme, est erroné et rend plus difficile la lutte aussi bien contre les nazis que contre le SPD.
[Citation dans l’original ►.]
Thèses adoptées par le 13e plénum du Comité exécutif de l’IC tenu en décembre 1933 [45] :
I. Le fascisme et le murissement de la crise révolutionnaire
1. Le fascisme est la dictature terroriste ouverte des éléments le plus réactionnaires, chauvins et impérialistes du capital financier. Le fascisme tente d’assurer au capital monopoliste la base de masse parmi la petite bourgeoisie et s’adresse en cela aux paysans, artisans, employés, fonctionnaires déboussolés et en particulier aux éléments déclassés dans les grandes villes. Il s’efforce à pénétrer aussi parmi la classe ouvrière. La croissance du fascisme et sa prise du pouvoir en Allemagne et une série d’autres pays capitalistes signifient que
[…]
d) le capital est par conséquent contraint de passer à la dictature terroriste, ouverte dans le pays et au chauvinisme sans limites en matière de politique étrangère qui est une préparation directe à des guerres impérialistes. Dans le fascisme, qui surgit de l’organisme-même de la démocratie bourgeoisie, les capitalistes voient un moyen de sauvetage du capitalisme devant la désintégration. Juste pour tromper et désarmer les travailleurs, la social-démocratie nie la fascisation de la démocratie bourgeoise et met les pays de la démocratie en opposition à la dictature fasciste. D’autre part la dictature fasciste ne constitue pas une étape inévitable de la dictature de la bourgeoisie dans tous les pays. La possibilité de la prévenir dépend des forces du prolétariat en lutte, lesquelles sont paralysés avant tout par l’influence sapant de la social-démocratie.
2. […]
3. L’instauration de la dictature fasciste en Allemagne a exhibé devant le monde entier le visage de la social-démocratie allemande. […] La social-démocratie continue à jouer le rôle de l’appui social principal de la bourgeoisie, y compris dans les pays de la dictature fasciste ouverte, en luttant contre l’unité révolutionnaire du prolétariat de même que contre l’Union soviétique, et en aidant la bourgeoisie de prolonger l’existence du capitalisme du fait de la scission de la classe ouvrière. […]
[Citation dans l’original ►.]
L’un des arguments fréquemment mis en avant pour alléguer qu’il aurait fallu opposer aux forces fascistes une alliance des partis “de gauche”, voire des partis “démocratiques”, consiste à considérer que les national-socialistes risquaient de s’imposer à la société par une volonté et une force propres suivant une dynamique autonome. Ce serait donc en dehors de tout rapport de classe qu’ils auraient constitué le principal danger. Or, ce n’était pas le cas. Nous n’examinerons pas les liens entre les représentants du capital et le mouvement national-socialiste, mais nous citerons néanmoins un fait significatif. Le 20 février 1933 H. Göring reçoit dans son bureau de président de l’assemblée nationale des représentants de l’industrie et de la banque. A. Hitler présente un discours. H. Göring fait miroiter aux invités la perspective que selon l’intention des national-socialistes, les élections à venir en mars seront les dernières pour une longue période. Comme résultat de cette rencontre, le NSDAP reçoit dans les jours qui suivent des fonds importants. Ce même jour Joseph Goebbels note dans son Journal : "Pour les élections nous dégotons une somme toute à fait élevée, qui d’un seul coup nous débarrasse de tout souci d’argent. J’alerte aussitôt tout l’appareil de propagande, et une heure plus tard déjà, pétaradent les rotatives. Maintenant nous allons passer au régime maximum." [Chronologie ►]
Parallèlement à l’analyse du rôle joué par le SPD en rapport avec les national-socialistes, le KPD devait déterminer sa propre attitude face aux social-démocrates. De la caractérisation qu’il faisait du SPD, évoquée dans ce qui précède, découlaient les éléments principaux à cet égard. Mais des aspects complémentaires nécessitaient des appréciations particulières. Le point qui principalement fait l’objet des critiques rétrospectives, réside dans le fait que le KPD refusait de désigner les national-socialistes comme “ennemi principal”. Nous allons donner ci-dessous quelques indications à cet égard. Il faut en tout cas noter qu’aujourd’hui les anticommunistes appuient fréquemment leurs critiques sur une présentation mensongère selon laquelle prétendument le KPD aurait vu dans le SPD cet “ennemi principal”. Ce qui motive ces attaques, c’est que le KPD, en premier lieu, dénonçait le SPD comme force politique soutenant la domination de la bourgeoisie.
C’est ce que fait par exemple E. Thälmann au 11e Congrès du KPD, tenu du 2 au 7 mars 1927[46] :
Un appui principal pour la politique étrangère et intérieure de la bourgeoisie impérialiste allemande est sans doute le SPD. Déjà au début de mon exposé sur le problème du danger de guerre j’ai mentionné que la social-démocratie allemande dans sa politique étrangère, dans sa position à la Société des Nations, dans sa position au sujet du danger de guerre, de la politique coloniale, le mouvement national-révolutionnaire allemand chinois, l’Union soviétique et l’unité syndicale internationale, coïncide complètement avec la bourgeoisie. Parallèlement à cela la social-démocratie allemande soutient aussi la consolidation du pouvoir capitaliste en Allemagne. Le SPD est le parti de la stabilisation capitaliste, et le KPD est le parti de la révolution prolétarienne. C’est pourquoi dans toutes les questions nous devons mener la lutte la plus résolue contre la social-démocratie.
[Citation dans l’original ►.]
Concrètement, le KPD dénonce la disponibilité du SPD de servir d’appui à la bourgeoisie à travers la participation à des gouvernements de coalition. Ainsi les Thèses de ce même congrès "sur le SPD sous domination du bloc bourgeois" indiquent[47] :
VI. Le rôle de la social-démocratie
15. Actuellement la social-démocratie est devenue superflue pour la bourgeoisie en tant que parti gouvernemental actif, après qu’elle a réprimée dans le sang la première vague de la révolution prolétarienne allemande (1918 à 1920) et son dernier assaut en automne 1923. Malgré son passage forcé à un faux-semblant d’opposition la social-démocratie reste un des principaux appuis du régime bourgeois. Elle joue le rôle d’un parti gouvernemental passif, d’une garantie supplémentaire pour la domination du bloc bourgeois, auquel elle se résigne, en étant prête à chaque instant d’entrer de nouveau dans une coalition à l’appel de la bourgeoisie, en cas de luttes de classes accentuées et de difficultés révolutionnaires. D’autre part encore aujourd’hui la bourgeoisie ne renonce pas complètement aux services de la social-démocratie, mais continue à leur donner la possibilité […]
16. La social-démocratie ‑ l’ennemi principal du Parti communiste dans le mouvement ouvrier ‑ est un parti ouvrier bourgeois, et en correspondance avec la situation caractérisée par l’impérialisme allemand renaissant, impérialiste.
[Citation dans l’original ►.]
La mention du grand industriel Paul Silverberg se réfère au rapport présenté par celui-ci aux assises de l’Union nationale de l’industrie allemande (Reichsverband der Deutschen Industrie, RDI), tenus les 3‑4 septembre 1926. [Chronologie ►]
De même E. Thälmann, en juillet 1928, au 6e Congrès de l’Internationale communiste[48] :
Les tendances les plus réactionnaires, qu’incarne la social-démocratie, se renforcent et se réunissent dans la politique de coalition. Là où elle met en oeuvre résolument la politique de la bourgeoisie dans le gouvernement social-démocrate, elle est menacée par la rupture avec les masses prolétariennes et les autres masses travailleuses, qui s’en vont vers le communisme. Là où elle met en oeuvre la politique impérialiste de façon vacillante, elle se trouve chassée au diable à coups de pied par le capital financier. La lutte contre la politique de coalition de la social-démocratie est une de nos tâches principales dans la lutte contre le réformisme. Les gouvernements social-démocrates dans tous les pays mettent en oeuvre sur le plan de la politique intérieure l’oppression et la maitrise du prolétariat. Dans la politique étrangère elles soutiennent les actes de guerre de l’impérialisme dans les gouvernements sous couvert de pacifisme hypocrite.
[Citation dans l’original ►.]
E. Thälmann à la 3e Conférence du KPD, tenue en octobre 1932 [49] :
Dans la politique de la bourgeoisie allemande nous avions une mise à profit alternative de la social-démocratie et des national-socialistes, le centre de gravité sous le gouvernement Brüning ayant été du côté du SPD tandis que maintenant sous le gouvernement Papen-Schleicher est intervenu une certaine modification en ce qui concerne la forme selon laquelle les deux appuis sont utilisés. Par le coup d’État du 20 juillet la social-démocratie, dans une mesure considérable, a été écartée de la fonction d’une participation gouvernementale ouverte. Devant les masses elle simule une opposition pseudo-radicale contre le gouvernement Papen. Mais cela est aussi frauduleux que la clameur d’opposition des national-socialistes, sans le soutien active desquels le gouvernement n’aurait pas pu accéder au gouvernail.
Tout comme avant la social-démocratie reste l’appui principal de la bourgeoisie. […]
[Citation dans l’original ►.]
Au-delà de la direction du SPD, le KPD dénonçait à juste titre l’influence nocive exercée par les militants qui se situaient à son aile gauche. La seule perspective valable était leur passage au KPD. Faute de franchir ce pas, ils favorisaient ‑ intentionnellement ou malgré eux ‑ la ligne contrerévolutionnaire appliquée par les dirigeants et le parti en général.
J. Staline aborde cette question notamment en avril 1929 [50] :
La deuxième question est celle de la lutte contre la social-démocratie. Les thèses de Boukharine disaient que la lutte contre la social-démocratie était une des tâches fondamentales des sections de l’IC. Certes, cela est exact, mais insuffisant. Pour mener avec succès la lutte contre la social-démocratie, il faut aiguiller son attention sur le problème de la lutte contre l’aile dite de “gauche” de la social-démocratie; contre cette aile “gauche” qui, jouant avec des phrases radicales pour duper habilement les ouvriers, entrave l’abandon par ces derniers de la social-démocratie. Il est évident que sans porter un coup aux social-démocrates de “gauche”, il sera impossible de vaincre la social-démocratie. Or, dans les thèses de Boukharine, la question de l’aile “gauche” est entièrement éludée. C’est là, bien entendu, une grosse lacune. Voilà pourquoi la délégation du P.C. de l’U.R.S.S. a dû apporter un amendement aux thèses de Boukharine, que le congrès a ensuite adopté.
[Citation dans l’original ►.]
E. Thälmann traite ce problème au 6e Congrès de l’Internationale communiste[51] :
Par leur activité de trahison ils [les gouvernements social-démocrates dans tous les pays] et par l’intervention et le travail des Partis communistes et du mouvement révolutionnaire les partisans social-démocrates aussi deviennent vacillants et peu à peu se tournent vers le communisme. Dans cette situation la social-démocratie “de gauche” entre en scène pour empêcher que les travailleurs social-démocrates ne s’en aillent vers le Parti communiste. La politique de coalition de la social-démocratie a été rendu possible seulement par la prise de position des social-démocrates “de gauche” dans les différents pays. Le fait est connu qu’au congrès de Kiel en Allemagne, où Hilferding avançait cette théorie générale “Heran an den Staat” (“Allons-y, côtoyons l’État, ”) en lien avec la politique de coalition, les dirigeants “de gauche” n’ont pas offert de résistance. […] Plus la guerre approche, le SPD “de gauche” apparaitra de façon plus dangereuse. […] Justement parce qu’ils travaillent avec des phrases révolutionnaires toutes faites, avec des méthodes d’agitation radicales hypocrites, ‑ dans une situation de contradictions s’intensifiant, où le mouvement communiste aussi apparaitra plus fortement ‑ avec leur phraséologie “de gauche” ils servent la politique de coalition et de guerre de la droite. Ce faisant dans toute leur politique ils appuient la lutte contre l’Union soviétique, la lutte contre le communisme et aident à l’oppression de la classe ouvrière. C’est pourquoi notre position à l’égard de la social-démocratie “de gauche” dans la période actuelle est d’une grande importance de principe. Toute vacillation, toute hésitation concernant l’objectif de démasquer la social-démocratie “de gauche” doit être combattue dans nos rangs avec la plus grande netteté. Dans le Parti allemand nous avions avec le groupe de droite des controverses à cause de leur attitude penchant vers le compromis envers la social-démocratie “de gauche”. Le congrès d’Essen a adopté une formulation selon laquelle la social-démocratie “de gauche” est désignée comme l’ennemi le plus dangereux du communisme dans le mouvement ouvrier.
[Citation dans l’original ►.]
Dans le même discours, Thälmann critique certains arguments employés à ce sujet au sein même du KPD[52] :
Dans l’organe pour cadres de Thüringen, Der Bolschewist, est écrit sur le SPD “de gauche” entre autre ce qui suit :
Les arguments du SPD “de gauche” d’Ostthüringen rencontreront dans de tels domaines une plus grande compréhension de la part des travailleurs SPD, que si dans ces domaines nous exposons aux travailleurs la position communiste “abstraite”. Naturellement nous devrons faire cela, mais les arguments de la “gauche” sont les meilleurs points de départ pour inciter les travailleurs SPD à la réflexion et les amener à bouger contre les politiciens de coalition.
Donc premièrement différenciation au sein du SPD, pour utiliser leurs arguments, et ce faisant nous devrions omettre de mettre en avant le "point de vue communiste “abstrait”". Une confusion complète! Plus la social-démocratie se développe vers la droite, plus grave sont les dangers de telles déviations.
[Citation dans l’original ►.]
Thälmann signale d’ailleurs au congrès que "la délégation allemande a présenté une demande de modification particulière [concernant la résolution soumise au congrès], afin d’attirer dès aujourd’hui l’attention sur ce danger de la social-démocratie “de gauche”, puis il annonce que "la délégation du PCUS(b), entretemps, a de son côté déposé une demande de complément dans cette question" et que "la majorité de la délégation allemande est d’accord avec cette demande". [Citation dans l’original ►.] Voici ce texte (extrait)[53] :
Le Parti communiste d’Allemagne, qui est une des meilleures sections de l’armée prolétarienne internationale, se trouve en même temps place en face de la social-démocratie la meilleure organisée, qui a encore des racines extraordinairement fortes dans le pays, ce par quoi un terrain favorable et créé pour des déviations de droite au sein du mouvement communiste lui-même. Par conséquent les tâches actuelles du parti sont : la lutte conséquente contre les déviations de droite contre les déviations de droite (mot d’ordre du contrôle de production au moment actuel, opposition contre les résolutions du 4e congrès de l’ISR, position de compromis vis-à-vis de la social-démocratie de gauche etc.); surmonter le courant qui adopte une position conciliatrice vis-à-vis de ces déviations; recours pour le travail de responsabilité aux meilleures forces du parti qui se placent sur la terrain des résolutions de l’IC et du congrès d’Essen du KPD, cours résolu vers la consolidation du parti, rassemblement de toutes les forces de la présente direction et renforcement de son caractère collectif – avec la subordination inconditionnelle de la minorité à la majorité.
[Citation dans l’original ►.]
Et les Thèses adoptées à ce 6e Congrès de l’IC contiennent finalement le passage suivant[54] :
21. Au moment actuel la politique de division de classe à grande échelle des dirigeants réformistes qui suivant le diktat de la bourgeoisie excluent des organisations de masse prolétariennes les meilleurs éléments révolutionnaires, est un composant inséparable de leur politique de groupe de travail et de coalition avec la bourgeoisie, afin de paralyser de cette manière à priori l’unité interne des rangs de lutte prolétariens et leur capacité de résistance contre les attaques du capital. Elle est maillon nécessaire de leur politique social-impérialiste, leur politique d’armement, leur politique anti-soviet et leur politique rapace dans les colonies. Face à ces tentatives des réformistes de décomposer le front de classe prolétarien de l’intérieur, nous communistes devons, en particulier au moment actuel, engager et développer la contre-offensive la plus sévère, afin d’opposer à la politique réformiste de la division des organisations de masse du prolétariat (syndicats, coopératives, organisations culturelles et sportives) la lutte des masses pour l’unité de classe. Un rôle particulièrement ignoble dans la campagne de division de la part réformisme jouent les dirigeants soi-disant "de gauche" de la social-démocratie, qui certes en paroles jurent sur l’unité, mais en réalité soutiennent toujours en permanence, de façon inconditionnelle les méthodes criminelles de division de la IIe Internationale et de l’Internationale syndicale d’Amsterdam.
[Citation dans l’original ►.]
La résolution du Comité central du KPD adoptée en mai 1931, au sujet des décisions du 11e plénum du Comité exécutif de l’IC s’exprime également dans ce sens[55] :
Actuellement de nouveau les social-démocrates “de gauche” jouent un rôle particulièrement raffiné dans la duperie de masse social-démocrate. Afin de retenir auprès du SPD les masses indignés envers la politique de trahison de classe de ce parti et qui se détachant de lui, ils mettent en oeuvre une opposition démagogique sans aucune conséquence politique […]
[Citation dans l’original ►.]
Dans les débats autour de ces questions revient souvent l’accusation vis-à-vis du KPD que celui-ci aurait saboté le combat contre les national-socialistes en écartant toute concrétisation d’un front uni avec le SPD. À cet argument, on peut légitimement opposer les multiples faits qui montrent que le SPD lui-même a toujours refusé dans la pratique un tel rapprochement entre les deux partis. Cependant, sur le fond, ces aspects du problème sont secondaires. La raison principale pour laquelle l’accusation en question n’est pas valable, c’est qu’elle repose sur l’hypothèse qu’une éventuelle alliance avec le SPD aurait pu être dirigée contre le pouvoir de la bourgeoisie. Or compte tenu des orientations du SPD, elle n’aurait pu incarner rien d’autre qu’une alternative au recours aux national-socialistes en vue du maintien du pouvoir de la bourgeoisie. Le KPD avait raison de ne pas s’engager dans cette orientation.
C’est en ce sens que par exemple E. Thälmann, dans l’article déjà cité de décembre 1931, déclare[56] :
Et pourtant la lutte en premier lieu contre toutes les illusions démocratiques, en particulier contre l’idée que la social-démocratie serait un “appui dans la lutte contre le fascisme”, est une condition préalable pour la mobilisation des masses pour la lutte contre les mesures fascistes de la dictature Brüning-Severing et au-delà pour le renversement du capitalisme.
[Citation dans l’original ►.]
Et E. Thälmann également, dans son intervention à la 3e conférence du Parti en octobre 1932 [57] :
Malgré les manoeuvres d’opposition du SPD parmi les travailleurs nous devons susciter la compréhension au sujet du rôle de la social-démocratie comme "aile modérée du fascisme", comme "appui social principale de la bourgeoisie".
Nous voulons conduire les masses prolétariennes à la lutte contre la dictature de la bourgeoisie, qui aujourd’hui est exercée toujours plus nettement dans les formes et les méthodes de la dictature fasciste. Est-ce que nous pourrions réussir cela par un affaiblissement de la lutte contre le SPD, avec une “politique de bloc” vis-à-vis du SPD, avec un “accord de neutralité” vis-à-vis des dirigeants social-fascistes, comme le proposent aux travailleurs révolutionnaires les filiales “de gauche” du social-fascisme, SAP et Brandleriens, ou avant tout le contrerévolutionnaire Léon Trotsky?
Cela est impossible. Justement pour pouvoir conduire les masses vers la lutte contre la dictature fasciste, nous devons faire les plus grands efforts pour tenter de briser l’influence du SPD sur des parties décisives du prolétariat. Sans mener en même temps la lutte la plus sévère contre la social-démocratie, il ne peut y avoir d’inclusion des travailleurs SPD dans les rangs du front de lutte antifasciste et donc pas non plus de lutte couronnée de succès contre la dictature fasciste et ses organisations de terreur, contre le fascisme hitlérien.
[Citation dans l’original ►.]
Au cours de la réunion élargie du présidium du Comité exécutif de l’IC tenu en février 1930, E. Thälmann développe l’analyse du danger qu’implique la conjonction entre le renforcement des national-socialistes et la complicité que leur offrent les social-démocrates[58] :
Aujourd’hui nous pouvons faire un certain bilan de l’activité du gouvernement de coalition social-démocrate. Pour le gouvernement de coalition social-démocrate on peut mentionner pour l’essentiel les trois tâches stratégiques suivantes dans l’intérêt de la bourgeoisie allemande :
1. Mise en oeuvre de l’offensive des entrepreneurs selon la ligne tracée par le plan Young;
2. les préparatifs de guerre contre l’Union soviétique;
3. la répression violente du mouvement révolutionnaire en Allemagne.
Il est aussi indiqué de montrer en référence à ces trois points stratégiques principaux de la politique des gouvernements social-démocrates dans toute l’Internationale, comment l’évolution social-fasciste en Allemagne, la nature du social-fascisme, trouve son expression dans le rôle de la social-démocratie. Aujourd’hui, nous exprimant d’ici, nous pouvons affirmer à juste titre que l’Allemagne fournira en quelque sorte le champ expérimental du social-fascisme pour beaucoup d’autres pays capitalistes.
[…]
De cela résulte aussi la nature différente de la position des national-socialistes. Par exemple ils sont entrés au gouvernement en Thüringen et ont déclaré mettre en oeuvre dans le cadre de la constitution le plan Young ensemble avec les social-fascistes et la bourgeoisie. C’est la raison pour laquelle aussi nous n’entendons plus aucun mot de la part des national-socialistes au sujet de l’oppression nationale en Tyrol du Sud, c’est la raison pour laquelle aussi nous n’entendons plus aucun mot au sujet de guerre de revanche contre la France qui était propagée par les fascistes encore il y a quelques années ‑ c’est oublié depuis longtemps. Pour cela aussi l’intégration absolue ‑ avec les social-fascistes et la bourgeoisie ‑dans le front de guerre contre l’Union soviétique et l’intégration dans la politique intérieure menée dans le cadre de la constitution et des lois républicaines, parce que les fascistes eux-mêmes dans la situation actuelle ne sont de toute façon en mesure de renchérir sur les attaques réactionnaires des social-fascistes.
[Citation dans l’original ►.]
Au cours du plénum du Comité central du KPD tenu en mars 1930, E. Thälmann reprend ces considérations de la manière suivante[59] :
En Allemagne nous voyons une double imbrication du national-fascisme et du social-fascisme avec l’appareil d’État.
Naturellement elle revêt différentes formes. Cela permet à la bourgeoisie de mettre en scène différentes manoeuvres et coups et de les faire aboutir selon son intérêt. Par exemple le fait que Frick est ministre de l’intérieur en Thüringen, que dans la direction national-socialiste ‑ en particulier par Hitler dans ces dernières déclarations ‑ s’est manifesté à plusieurs reprises un revirement quant au soutien et la reconnaissance de la forme d’État républicaine ‑ ce fait ainsi que d’autres phénomènes dans l’évolution du parti national-socialiste montre une imbrication croissante du national-fascisme avec l’État bourgeois. La raison pourquoi je pose cette question de l’imbrication du social-fascisme et du national-fascisme avec l’appareil d’État républicain, c’est que la concentration de la réaction constitue le danger le plus grave. Si la concentration dans ce domaine venait à s’imposer plus nettement avec une vitesse croissante, alors c’est une évolution grave à laquelle nous devons prêter la plus grande attention.
[…] Pourquoi le national-fascisme peut-il gagner du terrain en Allemagne? Parce que le social-fascisme lui fraye le chemin, parce qu’en Allemagne ‑ en Prusse et dans le Reich ‑ différentes représailles de la part des gouvernements social-démocrates contre le mouvement révolutionnaire étaient fortes à tel point que sur le moment les national-fascistes ne pouvaient renchérir à cet égard. Naturellement nous devons voir que le social-fascisme a aussi des possibilités pour manoeuvrer. J’ai déjà évoqué les raison pourquoi il était possible que Severing a fait emprisonner maintenant deux officiers national-socialistes de la Reichswehr, que deuxièmement il a entrepris une intervention contre Frick et troisièmement en Prusse a fait lever l’interdiction de manifester. Je me permettrai de mentionner deux causes principales pour cela.
La première cause est que nous sous-estimons dans nos propres rangs la rébellion au sein du parti social-démocrate. Le gouvernement social-démocrate était contraint d’effectuer des manoeuvres, d’ouvrir certaines soupapes pour combattre temporairement la rébellion dans les cercles social-démocrates ‑ je ne dis pas pour les étouffer. La deuxième cause est qu’en lien avec l’accentuation générale et le murissement de la crise économique mondiale d’un côté et la construction du socialisme sous la dictature prolétarienne de l’autre, de telles soupapes sont ouvertes par le parti du social-fascisme et le gouvernement, afin de pousser les masses encore plus fortement vers le front contrerévolutionnaire de la guerre contre l’Union soviétique. Ce sont les deux causes principales. Une troisième cause peut encore s’y rajouter, à savoir que la crise serait plus forte que nous même le supposons ‑ ce qui est vraisemblable ‑, et que par notre activité révolutionnaire nous contribuons à ce que de telles manoeuvres soient mises en scène. N’avons-nous pas vu qu’à chaque accentuation révolutionnaire la social-démocratie est entrée au gouvernement, comme en 1919 et 1923? Et n’a-t-elle pas toujours masqué ses actes contrerévolutionnaires par des manoeuvres feintes contre la réaction?
[Citation dans l’original ►.]
Et dans le même sens, E. Thälmann dans son intervention au plénum du Comité central du KPD en janvier 1931 [60] :
D’importance décisive pour l’évolution fasciste de l’Allemagne est le rôle différent que jouent d’un côté le social-fascisme, de l’autre le fascisme, ainsi que leur rapport mutuel.
Nous voyons d’abord l’utilisation alternative des deux forces de la part du capital financier, tel qu’elle se manifeste d’une part dans le gouvernement de Prusse avec la social-démocratie, d’autre part avec le gouvernement de Thüringen et celui de Braunschweig avec les nazis. Non seulement la politique de la social-démocratie a frayé le chemin aux nazis, mais le rôle actuel du social-fascisme est vraiment celui d’une police auxiliaire du fascisme. Quand par exemple la social-démocratie est l’appui du gouvernement Brüning, c’est justement par ce soutien à Brüning qui prétendument devrait contrarier la perspective d’un gouvernement Hitler, qu’en réalité elle offre aux nazis une marge de manoeuvre de sorte que ces derniers tout en maintenant un certain faux-semblant d’opposition peuvent d’autant plus se procurer une base de masse plus large. Le plus important dans le rôle actuel du social-fascisme est son appui extraparlementaire à l’égard de la dictature Brüning à l’aide des syndicats réformistes, dans la mise en oeuvre de la spoliation en matière de salaires et du démantèlement des prestations sociales.
[Citation dans l’original ►.]
L’article déjà cite d’E. Thälmann, de décembre 1931 traite de façon détaillée certains aspects importants, et nous en donnons ci-dessous quelques extraits[61] :
Cette prise de position politique, par rapport à laquelle quelques formulations défectueuses ont été rapidement corrigées après analyse, ont permis au Parti à ouvrir avec un certain succès l’offensive contre le système Brüning et ses appuis social-démocrates. Dans ce contexte le rôle du mouvement national-socialiste a été caractérisé correctement comme celui d’un appui extraparlementaire supplémentaire de la dictature bourgeoise, dont la bourgeoisie se sert alternativement à côté de la social-démocratie. Nos résolutions dans cette question à la session du plénum du comité central du KPD en janvier ont été sans doute confirmées par l’évolution ultérieure.
[…]
Le Zentrum, qui lui-même de par sa structure sociale particulière dispose, seul parmi les partis grand-bourgeois, d’une masse de partisans relativement stable, tente de créer une base de masse large pour sa politique à travers des institutions comme le conseil économique consultatif et le groupement central de travail, dans lesquelles elle réalise son principe "corporatiste" (communauté du peuple) similaire à l’idéologie fasciste et un coopération allant du SPD jusqu’aux nazis.
Le contenu de classe de la politique de Brüning consiste ainsi à affaiblir, à épuiser à l’aide des national-socialistes, le SPD, cet appui principal du capitalisme parmi les masses et à l’utiliser ainsi d’autant plus sans limites (Prusse), d’autre part à l’inverse à mettre un frein aux national-socialistes par certaines manoeuvres et de les mettre dans une plus grande mesure au service de la dictature du capital financier (Hessen!).
L’utilisation alternative du SPD et des national-socialistes pour la dictature de la bourgeoisie, la mise en application croissante de formes fascistes dans l’exercice de cette dictature par les gouvernements Brüning-Severing et le rôle de la social-démocratie comme appui social principal de la bourgeoisie, reconnu et utilisé tout comme avant par la bourgeoisie ‑ ce sont là les faits les plus importants, qui résultent de l’examen concret de l’évolution en Allemagne depuis le XIe plénum. Ces faits ne confirme-t-ils pas totalement les enseignements et résolutions du XIe plénum? Cela est incontestablement le cas.
[Citation dans l’original ►.]
En apparence, certains indices tendent à montrer que le SPD envisageait favorablement un rapprochement vis-à-vis du KPD, et même le sollicitait. Le KPD réagit négativement, non par un quelconque “sectarisme”, mais parce qu’il avait de bonnes raisons de juger cette option comme étant contraire aux intérêts de la révolution. C’est pourquoi le KPD avait raison de réfuter la prétendue “opposition” du SPD.
Toujours dans le même article, E. Thälmann dénonce notamment les discours démagogiques du SPD en faveur d’un rapprochement avec le KPD[62] :
À quel point le danger est grand, cela résulte entre autre actuellement des manoeuvres les plus récentes du social-fascisme. Le SPD qui, en rapport avec les nouveaux succès électoraux du parti de Hitler et compte tenu de sa connaissance des négociations du centre avec les nazis en vue d’une coalition qui bien sûr n’ont pas été interrompues pour l’éternité, craint pour ses sièges de ministres prussiens, veut d’une part garder attachées les masses de partisans qui se rebellent, d’autre part démontrer à la bourgeoise qu’elle est indispensable. Pour cette raison elle effectue une nouvelle manoeuvre démagogique. Elle “menace” de faire “front uni avec le Parti communiste”. Le discours de Breitscheid à Darmstadt à l’occasion des élections de Hessen et les commentaires sur ce discours dans le Vorwärts montrent qu’avec cette manoeuvre la social-démocratie joue les oiseaux de mauvais augure invoquant le fascisme hitlérien, pour détourner les masses de la lutte véritable contre la dictature du capital financier. Et ce morceau de duperie qui en fait ne constitue qu’une variant de la politique adoptée par ailleurs du "moindre mal", elle veut maintenant l’agrémenter de la sauce d’une prétendue aimable attention soudaine en direction des communistes (“contre l’interdiction du KPD”) et le faire plus appétissant pour les masses.
[Citation dans l’original ►.]
Et Thälmann formule quelques observations au sujet de l’évolution de la situation en rapport avec le gouvernement Brüning, telle qu’elle montre concrètement cette problématique[63] :
Autour de fin 1930, début 1931, lorsque se manifestait dans les mesures du gouvernement Brüning sur le plan politique et économique une accentuation extraordinaire de la réaction politique et de l’attaque sur les conditions de vie des masses travailleuses, le Parti communiste d’Allemagne a stigmatisé le caractère du gouvernement Brüning devant les masses du prolétariat allemand et de tous les actifs comme un gouvernement de la mise en oeuvre de la dictature fasciste.
Quel était le sens de notre politique d’alors? La social-démocratie qui, après avoir été éjectée du gouvernement du Reich au printemps 1930, avait jusqu’aux élections au Reichstag du 14 septembre de l’année dernière mené une opposition “radicale” feinte, avait pris après l’élection au Reichstag un tournant ouvert vers le front de Brüning. Elle couvrait, permettait, et mettait elle-même le plus activement en oeuvre toutes les mesures réactionnaires et hostiles au peuple qui étaient initiées de la part de la bourgeoisie au gouvernement. Pour masquer devant les masses le caractère fasciste, le contenu de trahison de classe de sa politique de tolérance en faveur de Brüning, la social-démocratie a inventé la théorie du soi-disant “moindre mal”. Le gouvernement Brüning serait ‑ ainsi l’assuraient les dirigeants SPD aux masses ‑ un moindre mal comparé à un gouvernement Hitler-Hugenberg, un rempart contre le fascisme. Par conséquent on devrait le soutenir.
[…]
Le KPD a mis en pièces le tissu de mensonges social-démocrate au sujet du rôle du gouvernement Brüning comme “dernier rempart de la démocratie”, a dévoilé devant les masses le fait que ce gouvernement Brüning, et en accord complet avec lui le gouvernement Braun-Severing, effectuent eux-mêmes la transition vers des formes de domination fascistes concernant l’exercice de la dictature de la bourgeoisie, et a stigmatisé par là en même temps comme la politique de tolérance du SPD et de l’ADGB en faveur de Brüning.
[…]
Le SPD se rend compte que la bourgeoisie ne renoncera pas à son concours concernant l’exercice de la dictature de la bourgeoisie même si à un moment ultérieur elle laissera participer les national-socialistes à la mise en oeuvre des formes de domination fascistes. Ainsi elle se prépare peu à peu au soutien même d’un gouvernement Brüning-Hitler à la place du gouvernement actuel Brüning-Groener.
[Citation dans l’original ►.]
L’affirmation que "le SPD se rend compte que la bourgeoisie ne renoncera pas à son concours concernant l’exercice de la dictature de la bourgeoisie même si à un moment ultérieur elle laissera participer les national-socialistes à la mise en oeuvre des formes de domination fascistes", n’est pas pertinente en deux points.
D’une part, il n’est pas approprié d’attribuer une certaine attitude à la bourgeoisie en général, comme un tout. Il existe toujours à des degrés variés des nuances, voire des divergences au sein de la bourgeoisie, où se distinguent des fractions selon leur place spécifique dans la structure économique du pays considéré. Le cours des évènements en Allemagne l’a montré concrètement, avant et après la prise du pouvoir par les national-socialistes. Notamment les tentatives conduits entre autre par Kurt von Schleicher, d’inclure les syndicats en même temps que l’aile du NSDAP autour de Gregor Strasser en un front transversal semblait une idée convenable à certains représentants de la grande industrie, tandis que d’autres considéraient une telle tactique comme trop aventurière.
D’autre part, abstraitement parlant il est certes vrai que logiquement “la bourgeoisie” préfère globalement ‑ toutes choses égales par ailleurs ‑ de bénéficier de la collaboration de la part de la social-démocratie, plutôt que de la voir adopter une attitude d’opposition tranchée. Mais en pratique la situation telle qu’elle se présentait à un certain stade ne laissait pas à la bourgeoisie la faculté de manoeuvrer dans le cadre d’une liberté totale de décider selon ses préférences : le choix d’un recours du moins partiel aux national-socialistes produisit comme résultat que ces derniers éjectèrent les social-démocrates de l’éventail des alliés possibles.
Le texte de Thälmann cité ci-dessus poursuit[64] :
Pendant que d’un côté le SPD effectue des “manoeuvres de gauche” par la “menace" de faire alliance avec le KPD, elle invente de l’autre côté déjà une nouvelle édition de la théorie du "moindre mal". Suivant cela, un gouvernement Brüning-Hitler serait quand-même encore un "moindre mal" comparé à un gouvernement Hitler pur. C’est ni plus ni moins que cette théorie fameuse que monsieur Breitscheid a développé à une manifestation publique à Emden, quelques semaines avant sa nouvelle “profession de foi" de Darmstadt. Les nazis au gouvernement du Reich ‑ cela ne serait pas une tragédie, car d’autant plus rapidement cela leur ferait passer leurs bêtises.
Avec cette théorie, de laisser les national-socialistes au gouvernement “courir à leur déconfiture" le SPD veut paralyser la volonté de lutte antifasciste des masses et préparer d’avance aussi la voie pour un gouvernement Brüning-Hitler se profilant éventuellement, de même qu’elle l’a fait jusqu’ici avec le gouvernement Brüning.
[Citation dans l’original ►.]
La façon dont Thälmann attribue à Rudolf Breitscheid une certaine position, ne permet pas de juger du bien-fondé de l’interprétation qu’il en fait. Néanmoins il visait juste sur le fond, comme le montre l’attitude du SPD le 31 janvier 1933. (Cf. Chronologie ►.) Et il est vrai aussi que certains dirigeants du SPD, dont Breitscheid, ont eu des contacts avec K. v. Schleicher en vue d’une éventuelle participation gouvernementale ou du moins une politique de tolérance à son égard, alors qu’il était bien connu que Schleicher tentait de mettre en place un gouvernement pouvant compter sur une position favorable à la fois des sociaux-démocrates que des national-socialistes. (Cf. Chronologie ► ►.) Par ailleurs dès 1930 des dirigeants social-démocrates se montraient préoccupés justement par le fait que "autour de nous, plus qu’on ne le pourrait supposer, l’opinion est répandue qu’on devrait laisser arriver la droite au gouvernement, afin qu’elle se retrouve en faillite, y compris les national-socialistes." (Cf. Chronologie ►.)
Les auteurs bourgeois utilisent parfois des bribes de textes du KPD pour critiquer celui-ci sur ce même point du “courir à leur déconfiture” [“Abwirtschaften”]. Prenons à titre d’illustration un exemple d’époque qui se trouve précisément dans un article de L. Trotsky. Il se réfère à une intervention de H. Remmele à la session de l’Assemblée nationale du 14 octobre 1931. Trotsky écrit[65] :
Le 14 octobre de l’année dernière, Remmele, l’un des trois chefs officiels du Parti communiste, déclarait au Reichstag : "C’est M. Brüning lui-même qui a dit très clairement : quand ils (les fascistes) seront au pouvoir, le front unique du prolétariat se réalisera et balayera tout" (bruyants applaudissements sur les bancs communistes). Que Brüning cherche à effrayer la bourgeoisie et la social-démocratie par une telle perspective, c’est compréhensible : il défend son pouvoir. Que Remmele console les ouvriers avec cette perspective, c’est une honte : il prépare le pouvoir de Hitler, car toute cette perspective est radicalement fausse et témoigne d’une incompréhension totale de la psychologie des masses et de la dialectique de la lutte révolutionnaire. Si le prolétariat d’Allemagne, qui est aujourd’hui le témoin direct de tous les évènements, laisse les fascistes accéder au pouvoir, c’est-à-dire fait preuve d’un aveuglement et d’une passivité absolument criminelles, il n’y a décidément aucune raison de compter sur le fait qu’après l’arrivée des fascistes au pouvoir, le même prolétariat secouera sa passivité et "balayera tout" : […] Le front unique du prolétariat, pour Remmele, n’est réalisable, nous l’avons vu, qu’après l’arrivée de Hitler au pouvoir. […]
[Citation dans l’original ►.]
Le contenu de l’intervention de H. Remmele est ici fortement déformé. Voici ce qu’il dit entre autre[66] :
Ainsi toutes les mesures auxquelles vous [le gouvernement] voulez avoir recours, montrent qu’il n’y a pas d’issue. À la bourgeoisie nous déclarons : ce sera encore moins une issu, si là vous laissez arriver au pouvoir les hordes fascistes. Voilà ce que Monsieur Brüning a dit très clairement : Une fois qu’ils [les fascistes] sont au pouvoir, le front uni du prolétariat se réalisera et balayera tout. Cela sera donc pas plus un salut. Aujourd’hui c’est certain : le monde capitaliste mourant, sombrant n’a plus de moyen pour se sauver et maintenir. Plus aucun emploi de la force ne peut l’aider pour y parvenir. Nous sommes les vainqueurs de demain, et la question ne se pose plus dans les termes : qui gagne contre qui? Cette question est déjà tranchée. La question ne se pose plus qu’ainsi : À quel moment nous ferons tomber la bourgeoisie? Ce moment sera venu quand la classe ouvrière aura établi le front uni. […] Si ce pouvoir capitaliste a pu encore être sauvé jusqu’à maintenant, alors c’est le cas seulement grâce au moratoire accordé par le SPD. C’est pourquoi le front uni ne peut se réaliser dans la lutte la plus sévère contre tous sans exception, des social-démocrates jusqu’aux fascistes. Le pouvoir fasciste, le gouvernement fasciste ne nous effraient pas. Il est en déconfiture plus rapidement que tout autre gouvernement. […] Aujourd’hui les social-démocrates annoncent qu’il ne reste qu’une issue, à savoir d’appuyer le gouvernement Brüning, pour que Hitler n’arrive pas au pouvoir. Inversement nous pensons que justement le cabinet actuel Brüning est le stade préliminaire immédiat du cabinet Hitler, et que pour cette raison notre lutte vise à l’objectif de forger le front uni de l’ensemble du prolétariat en Allemagne, pour faire tomber le pouvoir capitaliste et ériger une Allemagne soviétique.
[Citation dans l’original ►.]
L’objectif exprimé le plus directement est bien celui de construire le front uni contre le gouvernement Brüning pour combattre celui-ci et par là-même empêcher la mise en place d’un gouvernement incluant A. Hitler. C’est donc nullement le tour de passe-passe que L. Trotsky insinue pour le dénoncer ‑ qui consisterait à laisser le fascisme s’installer pour provoquer ainsi la formation du front uni que les communistes seraient incapables de réaliser autrement. Et H. Remmele ne suggère pas non plus de laisser venir intentionnellement les national-socialistes au pouvoir, avec l’arrière-pensée qu’ensuite ils se trouveraient démasqués par leur propre incapacité hypothétique de gouverner. Quand il parle de la déconfiture rapide d’un tel gouvernement, il fait cette prévision non pas en fonction d’une hypothétique innocuité intrinsèque qui caractériserait les fascistes mais en rapport avec la force que lui opposerait le prolétariat. Cela dit, c’est effectivement ce triomphalisme tonitruant qu’exhibe Remmele en affirmant l’invincibilité du prolétariat, qui constitue l’aspect sur lequel ses explications méritent d’être critiquées.
C’est sur la base de ces positions que le KPD décida d’appeler à voter contre le gouvernement Braun-Severing en Prusse, comme l’explique Thälmann dans l’article de décembre 1931 [67] :
N’est-ce pas un fait que seulement à l’occasion du référendum le Parti est finalement arrivé à définir avec une telle netteté la position frontale vis-à-vis du gouvernement de Prusse, une preuve de ce que jusque-là nous avions négligé la lutte de principe contre cet appui le plus solide du gouvernement Brüning, ce bélier d’attaque de la bourgeoisie pour la mise en oeuvre de la dictature fasciste? Une telle négligence est particulièrement nuisible du point de vue des élections à venir en Prusse. Au-delà de cela, il faut aller plus loin jusqu’au constat que dans les rangs du prolétariat révolutionnaire aussi ‑ et nous n’en sommes pas exempts de responsabilité ‑, étaient présentes des opinions du moins subconscientes comme si les Braun-Severing seraient peut-être quand-même un “moindre mal” en comparaison avec un gouvernement Hitler-Goebbels en Prusse. Que l’idéologie social-démocrate mensongère influence ainsi les travailleurs révolutionnaires, que de tels vestiges de la pensée social-démocrate existent dans nos rangs, sont cependant, comme nous devons le dire en conformité complète avec les résolutions du XIe plénum, le danger le plus grave pour le Parti communiste.
[Citation dans l’original ►.]
La question de la caractérisation des forces politiques qui constituent à différents titres des ennemis est traitée avec attention.
E. Thälmann au plénum du Comité central du KPD en janvier 1931 [68] :
Avec l’accentuation de la situation de classe, la présence d’éléments d’une crise révolutionnaire, nous devons réfléchir pour savoir où nous devons faire porter nos efforts pour faire avancer le développement révolutionnaire. Camarades! À cet égard il est clair que, certes, l’ennemi principal du prolétariat dans le cadre de la lutte de classe contre la bourgeoisie, contre le capitalisme en Allemagne aujourd’hui est le fascisme, mais qu’en même temps l’obstacle principal pour la révolution prolétarienne dans le camp de la classe ouvrière est représenté par le SPD. C’est pourquoi, pour solliciter et gagner des travailleurs dans le camp adverse, nous devons concentrer l’impact principal de notre force justement sur cet obstacle principal, ce qui naturellement ne signifie pas, que nous pourrions nous permettre de négliger notre travail en particulier parmi les non organisés, de même parmi les travailleurs chrétiens et les travailleurs anticapitalistes partisans des nazis.
[Citation dans l’original ►.]
D. Manuilskij au 11e plénum du Comité exécutif de l’IC, mars-avril 1931 [69] :
L’ennemi principal de la classe ouvrière a été, est et restera toujours la bourgeoisie. Nous n’avons pas besoin d’inventer des formules nouvelles. Dans les démocraties bourgeoises en voie de fascisation, dans les états fascistes, partout, dans toutes les étapes de la fascisation de l’État capitaliste, l’ennemi principal de la classe ouvrière est ‑ la dictature du capital, indépendamment de sa forme démocratique ou fasciste. […]
Or cela signifie […] qu’en Allemagne aujourd’hui l’ennemi principal est le gouvernement Brüning soutenu par la social-démocratie, le gouvernement de la mise en oeuvre de la dictature fasciste, qui aujourd’hui incarne toute la pression de la dictature bourgeoise sur la classe ouvrière. Selon le choix que fait la bourgeoisie pour s’appuyer sur telle ou telle aile dans la lutte contre le prolétariat, nous aussi devons déterminer vers quel côté le coup principal des communistes doit être porté. […] Le gouvernement Brüning est maintenant l’ennemi principal aussi, en outre, parce qu’à une arrivée au pouvoir de Hitler s’opposent maintenant des résistances accrues. C’est justement une telle façon de poser la question qui nous permet au mieux de démasquer la théorie du "moindre mal". Justement parce qu’en Allemagne les communistes luttent contre la dictature bourgeoise comme leur ennemi principal incarné aujourd’hui par le gouvernement Brüning, ils démasquent la manouevre de la social-démocratie, qui présente le gouvernement Brüning comme le "moindre mal" en comparaison au fascisme de couleur hitlérienne. C’est que toute la théorie du "moindre mal" repose sur l’hypothèse que le fascisme de couleur serait l’ennemi principal, en en partant de cette hypothèse on ne peut pas sans identifier totalement le gouvernement Brüning à un éventuel gouvernement Hitler, démontrer aux travailleurs que le gouvernement Brüning n’est pas un moindre mal. Or nous n’identifions pourtant pas Brüning à Hitler, ni le social-fascisme qui appuie Brüning, au fascisme hitlérien.
[Citation dans l’original ►.]
D. Manuilskij au 11e plénum du Comité exécutif de l’IC, mars-avril 1931 [70] :
Derrière tous ces efforts théoriques obstinés qui ne font qu’embrouiller la question, voire sèment la confusion dans leur propre esprit et ce qui est pire, sèment la confusion chez d’autres, se cache en réalité une façon de présenter le fascisme comme “type nouveau” de l’État bourgeois par opposition à l’ancien type démocratique, de ce dernier. Toute l’accentuation de la lutte de classe témoigne de ce que la différence des méthodes de domination de classe entre la soi-disant démocratie bourgeoise et le fascisme s’estompera de plus en plus, respectivement s’est déjà estompée en pratique. […] Pour duper consciemment les masses, la social-démocratie annonce que l’ennemi principal de la classe ouvrière serait le fascisme, afin de retirer ainsi de l’ordre du jour la question de la lutte contre la dictature du capital en tant que telle.
[Citation dans l’original ►.]
Le SPD n’est donc pas défini comme la force qui serait, de façon exclusive, l’ennemi principal tout court. Mais compte tenu du rôle d’auxiliaire de la bourgeoisie qu’elle joue, tout en étant fortement implantée dans la classe ouvrière, elle constitue l’obstacle qu’il est primordial d’éliminer.
Thèses adoptées par le 12e plénum du Comité exécutif de l’IC, tenu en aout-septembre 1932 [71] :
Seulement si le coup principal est dirigé contre la social-démocratie, cet appui social principal de la bourgeoisie, on peut battre et briser avec succès l’ennemi de classe principal du prolétariat, la bourgeoisie.
[Citation dans l’original ►.]
Kommunistische Internationale (Heft 25/26 1931)[72] :
Toutes les forces du parti doivent être engagées dans la lutte contre la social-démocratie. Dans aucun pays autre que l’Allemagne, le tempo du développement de la crise révolutionnaire dépend d’une telle mesure du tempo de la destruction de la base de masse de la social-démocratie.
[Citation dans l’original ►.]
Symétriquement, les national-socialistes ne sont pas non plus considérés comme ennemi principal, mais il n’en découle pas pour autant que le KPD sous-estime le danger émanant d’eux. Derrière les particularités du SPD et du NSDAP, le KPD voit à juste titre le même ennemi qu’ils représentent chacun à sa manière.
Résolution du Comité central du KPD adoptée en mai 1931, au sujet des décisions du 11e plénum du Comité exécutif de l’IC[73] :
Dans la période actuelle la bourgeoisie passe à employer de façon toujours renforcée des méthodes de pouvoir fascistes. Or il est inexact de supposer que la dictature fasciste devienne dans toutes les circonstances et dans tous les pays, inévitablement, l’unique forme du pouvoir capitaliste. La dictature fasciste ne représente nullement une opposition de principe vis-à-vis de la démocratie bourgeoisie, sous laquelle est mise en oeuvre aussi la dictature du capital financier. Dans la transition des méthodes de pouvoir démocratiques vers celles fascistes s’exprime plutôt juste une transformation dans les forme, une transition organique de la dictature voilée et cachée vers celle ouverte et non voilée, non pas un changement de son contenu de classe.
En Allemagne le SPD, en tant qu’appui social principal de la bourgeoisie, tente de présenter le gouvernement de la mise en oeuvre de la dictature fasciste, le cabinet Brüning, comme un "moindre mal" vis-à-vis du gouvernement nazi, pour dissimuler par là le caractère fasciste des méthodes de pouvoir du gouvernement Brüning. Ici toute tendance vers une mise en opposition libérale de fascisme et de démocratie bourgeoise, en tant que systèmes par principe opposés, signifierait dans une mesure particulière un soutien à la duperie social-démocrate envers les masses ouvriers et un affaiblissement de la lutte de masse contre la mise en oeuvre de la dictature fasciste.
[Citation dans l’original ►.]
E. Thälmann, dans son article de décembre 1931 [74] :
La conclusion décisive qui devait résulter des résolutions du XIe plénum pour la Parti allemand était, comme nous l’avons vu : diriger l’impact principal contre la social-démocratie en tant qu’appui principal de la bourgeoisie!
[…]
Vis-à-vis de ces positions erronées nous devons donc constater avec toute netteté : les fascistes ne peuvent en aucun cas être battus autrement qu’en démasquant devant les masses de travailleurs le SPD, son alliance avec le fascisme, ses services pour l’ennemi de classe, et en détachant les travailleurs des dirigeants du SPD. Battre le SPD sur le fond, dans les entreprises et les syndicats de l’ADGB, de même que parmi les millions de sans-emploi, démasquer leur politique hostile aux travailleurs ‑ on ne peut le faire en vociférant et en pestant (comme cela est devenu la mode parfois ce dernier temps chez nous), mais seulement par les faits de notre politique révolutionnaire. En réalisant la politique de front uni pour la lutte pour leurs propres intérêts de classe, nous créons chez les travailleurs social-démocrates et la jeunesse prolétarienne une confiance nouvelle envers notre Parti comme le seul dirigeant du prolétariat.
[…] Or quelle déduction en résulte?
La conséquence absolue que, ne serait-ce qu’n vue de gagner la majorité prolétarienne, nous devons diriger l’impact principal contre ce parti qui aujourd’hui encore possède dans le prolétariat la base de masse décisive pour la dictature de la bourgeoisie. Ce n’est pas le parti de Hitler, mais la social-démocratie.
Sans être victorieux dans la lutte contre la social-démocratie nous ne pouvons pas vaincre le fascisme, c’est-à-dire lutter avec succès contre la dictature de la bourgeoisie exercée avec des méthodes fascistes. Sans faire un percée décisive dans la lutte avec le SPD, il est aussi impossible pour nous de venir à bout de tâches consistant à pénétrer de façon décisive dans la base de masse du Zentrum ainsi qu’à prendre d’assaut et à vaincre l’autre appui de la dictature de la bourgeoisie à côté du SPD, le parti de Hitler, dont la base de masse est fournie avant tout par les couches moyennes.
[Citation dans l’original ►.]
Compte tenu des discours anticommunistes tenus par les dirigeants social-démocrates, ce n’est pas sans raisons que Thälmann affirme que le mouvement ouvrier se trouvait ainsi confronté à un travail de sape mené conjointement par la droite et les social-démocrates et dont le danger particulier résidait dans le fait que ces actions contrerévolutionnaires intervenaient au coeur du mouvement ouvrier. C’est précisément cette situation que vise à caractériser l’emploi du terme de social-fascisme.
Reprenons globalement cette problématique posée en termes d’“ennemi principal”. [“Hauptfeind”]. Fondamentalement, ce qui est commun à toutes les positions erronées en la matière, c’est qu’elles émanent de raisonnements schématiques, faussement “évidents”, non dialectiques. Dans le cadre de ces conceptions, il y a un et un seul ennemi à combattre ‑ l’ennemi principal justement ‑, toutes les autres forces en présence devraient faire cause commune, à part peut-être certaines qui seraient simplement hors-jeu. Pour ce qui est de la notion d’“appui principal” [“Hauptstütze”], les critiques hostiles, dans le but préétabli de combattre le marxisme-léninisme, ne se réfèrent pas au contenu véritable des analyses développées par le KPD, mais prennent pour objet de leurs arguments une interprétation fictive du terme, interprétation conforme à cette même façon de raisonner mentionnée ci-dessus concernant l’“ennemi principal”. Dans leur présentation des choses, parler au sujet du SPD d’appui principal de la bourgeoisie, reviendrait à attribuer au SPD le rôle dominant, situant les social-démocrates au-dessus même des capitalistes, ceci dans un schéma où ces derniers seraient en position subordonnée vis-à-vis des forces politiques. En réalité, les rapports entre la bourgeoisie d’une part, et les forces politiques ‑ notamment les social-démocrates ‑ d’autre part, ne sont pas ainsi, unilatéraux. La bourgeoisie domine de toute façon dans le cadre des rapports sociaux de production. Elle dispose aussi de forces politiques directement liées et contrôlées par elle. Par ailleurs diverses forces politiques défendent des intérêts particuliers, plus ou moins liées, où éloignées, des intérêts des capitalistes. Les fractions du grand capital qui dominent pour l’essentiel l’État capitaliste, s’appuient [stützen sich] à de degrés divers sur certaines de ces forces politiques. Et à leur tour les unes et les autres parmi ces forces politiques, à de degrés divers, appuient [stützen] les détenteurs du pouvoir d’État, c’est-à-dire permettent à ceux-ci de se servir d’elles comme appui [Stütze]. Voilà ce qui constitue le fond des dénonciations formulées par le KPD à l’égard des social-démocrates : leur influence dans la classe ouvrière les met dans une position cruciale pour la bourgeoisie pour laquelle il est vital de maintenir le contrôle sur les masses de travailleurs, et l’orientation de trahison des intérêts de la classe ouvrière adoptée par le SPD permet à la bourgeoisie de s’appuyer effectivement sur la social-démocratie, c’est-à-dire de se servir d’elle comme appui ‑ comme béquille.
Dès lors, pour faire chanceler l’ennemi qu’est la bourgeoisie, il est tout à fait sensé de tâcher à le priver de sa béquille.
Rappelons quelques extraits, clairs et pertinents, des textes cités tout au long de cet exposé :
Thèses adoptées par le 11e congrès KPD, mars 1927 :
La social-démocratie ‑ l’ennemi principal du Parti communiste dans le mouvement ouvrier
E. Thälmann au plénum du Comité central du KPD, janvier 1931 :
À cet égard il est clair que, certes, l’ennemi principal du prolétariat dans le cadre de la lutte de classe contre la bourgeoisie, contre le capitalisme en Allemagne aujourd’hui est le fascisme, mais qu’en même temps l’obstacle principal pour la révolution prolétarienne dans le camp de la classe ouvrière est représenté par le SPD.
D. Manuilskij au 11e plénum du Comité exécutif de l’IC, mars-avril 1931 :
L’ennemi principal de la classe ouvrière a été, est et restera toujours la bourgeoisie. Nous n’avons pas besoin d’inventer des formules nouvelles. Dans les démocraties bourgeoises en voie de fascisation, dans les états fascistes, partout, dans toutes les étapes de la fascisation de l’État capitaliste, l’ennemi principal de la classe ouvrière est ‑ la dictature du capital, indépendamment de sa forme démocratique ou fasciste.
Thèses adoptées par le 12e plénum du Comité exécutif de l’IC, septembre 1932 :
Seulement si le coup principal est dirigé contre la social-democratie ‑ cet appui social principal de la bourgeoisie ‑, on peut battre et mettre en pièces l’ennemi de classe principal du prolétariat ‑ la bourgeoisie.
Thèses adoptées par le 13e plénum du Comité exécutif de l’IC, décembre 1933 :
La social-démocratie continue à jouer le rôle de l’appui social principal de la bourgeoisie, y compris dans les pays de la dictature fasciste ouverte, en luttant contre l’unité révolutionnaire du prolétariat de même que contre l’Union soviétique, et en aidant la bourgeoisie de prolonger l’existence du capitalisme du fait de la scission de la classe ouvrière.
Notes
[1]. Kommunistischen Internationale – Vierter Weltkongress (5. November‑5. Dezember 1922) – Protokoll, p. 920 (Bibliographie ►).
[3]. P. Gorgolini (Hg.) : Benito Mussolini – La rivoluzione fascista, p. 97 (Bibliographie ►).
B. Mussolini : I discorsi della rivolvzione, p. 92 (Bibliographie ►).
[4]. G. Zinoviev, "Der deutsche Koltschak". In : Inprekorr 3/48 (22.12.1923), pp. 1123‑1124.
Cf. B. Timmermann : Die Faschismus-Diskussion in der Kommunistischen Internationale (1920‑1935), p. 114 (Bibliographie ►).
[5]. Kommunistischen Internationale – Präsidium des Exekutivkomitee : Die Lehren der deutschen Ereignisse – Januar 1924, p. 67 (Bibliographie ►).
[6]. Kommunistischen Internationale – Präsidium des Exekutivkomitee : Die Lehren…, p. 95-109 (Bibliographie ►), ici p. 105.
[7]. Kommunistischen Internationale – Fünfter Weltkongreß (17. Juni‑8. Juli 1924) – Protokoll, S. 64‑67 (Bibliographie ►).
[8]. Kommunistischen Internationale – Fünfter Weltkongreß (17. Juni‑8. Juli 1924) – Thesen und Resolutionen, S. 16‑18 (Bibliographie ►).
[9]. Kommunistischen Internationale – Fünfter Weltkongreß (17. Juni‑8. Juli 1924) – Protokoll, S. 767‑769 (Bibliographie ►).
[10]. "Gegen den Dawesplan", discours au Reichstag, 28 aout 1924. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung – Band 1 – Auswahl aus den Jahren Juni 1919 bis November 1928, pp. 85‑116 (Bibliographie ►), ici p. 97.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band1/thaelmann-band1-016.shtml
[11]. J. Staline : "Zur internationalen Lage", Bolschewik Nr. 11, 20 septembre 1924. In :
J. W. Stalin : Werke – Band 6 – 1924 (Bibliographie ►).
http://www.stalinwerke.de/band06/b06-028.html
[12]. E. Thälmann : "Unter der Führung der Kommunistischen Internationale – für den Sieg des Proletariats!", intervention au 6e Congrès de l’IC, 26 juillet 1928. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 1, pp. 599‑624 (Bibliographie ►), ici p. 602.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band1/thaelmann-band1-073.shtml
Cf. le texte complet ►.
[13]. E. Thälmann : "Unter der Führung…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 1 (Bibliographie ►), ici p. 605.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band1/thaelmann-band1-073.shtml
Cf. le texte complet ►.
[14]. Programme de l’Internationale communiste, adopté au 6e Congrès de l’IC, le 1er septembre 1928 (Bibliographie ►), ici pp. 22‑24.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Dokumente/1928_09_01_Programm_Internationale.pdf
[15]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, Reihe 2, Band 8 – Januar 1924‑Oktober 1929, p. 822 (Bibliographie ►).
[16]. "Die internationale Lage und die nächsten Aufgaben der Kommunistischen Internationale" (thèses concernant les rapports de O. Kuusinen et de D. Manuilskij au 10e Plénum du Comité exécutif de l’IC). In :
Kommunistischen Internationale – Exekutivkomitee – Zehntes Plenum (3‑19 juillet 1929), pp. 887‑902 (Bibliographie ►), ici pp. 890‑891.
[17]. E. Thälmann : "Die politische Lage und die Aufgaben der Partei", intervention au 12e Congrès du KPD, 10 juin 1929. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 2 – Auswahl aus den Jahren November 1928 bis September 1930, pp. 44‑128 (Bibliographie ►), ici p. 53.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band2/thaelmann-band2-008.shtml
Cf. le texte complet ►.
[18]. Il s’agit du congrès du SPD tenu en 1907 à Essen. Cf. notamment les résolutions concernant "les élections et la situation politique" :
SPD (Hg.) : Sozialdemokratischer Parteitag 1907 (15.‑21. September) – Protokoll, S. 167 (Bibliographie ►).
http://library.fes.de/parteitage/pdf/pt-jahr/pt-1907.pdf
[19]. E. Thälmann : "Über Probleme der Kommunistischen Partei Deutschlands", intervention au Présidium élargi du CEIC, février 1930. Extraits in :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 2, pp. 305‑324 (Bibliographie ►), ici pp. 313.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band2/thaelmann-band2-019.shtml
Cf. tous les extraits ►.
[20]. E. Thälmann : "Unter der Führung…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 1 (Bibliographie ►), ici p. 604.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band1/thaelmann-band1-073.shtml
Cf. le texte complet ►.
[22]. E. Thälmann : "Die politische Lage…", 12e Congrès du KPD. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 2 (Bibliographie ►), ici p. 87.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band2/thaelmann-band2-008.shtml
Cf. le texte complet ►.
SPD (Hg.) : Sozialdemokratischer Parteitag 1929 (26.‑31. Mai) – Protokoll, S. 109-110 (Bibliographie ►).
http://library.fes.de/parteitage/pdf/pt-jahr/pt-1929.pdf
[23]. E. Thälmann : "Die politische Lage…", 12e Congrès du KPD. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 2 (Bibliographie ►), ici p. 85.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band2/thaelmann-band2-008.shtml
Cf. le texte complet ►.
[24]. E. Thälmann : "Die politische Lage…", 12e Congrès du KPD. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 2 (Bibliographie ►), ici p. 52.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band2/thaelmann-band2-008.shtml
Cf. le texte complet ►.
[25]. E. Thälmann : "Die politische Lage…", 12e Congrès du KPD. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 2 (Bibliographie ►), ici p. 83.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band2/thaelmann-band2-008.shtml
Cf. le texte complet ►.
[26]. E. Thälmann : "Vorwärts zur Eroberung…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 2 (Bibliographie ►), ici pp. 379‑395.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band2/thaelmann-band2-021.shtml
Cf. le texte complet ►.
[27]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Zur Geschichte der Kommunistischen Partei Deutschlands, pp. 263‑265 (Bibliographie ►).
Kurt Gossweiler se réfère à ce texte en donnant la citation suivante : "Fascisme et social-fascisme, le NSDAP et votre parti, sont juste deux tendances d’un seule et même appui de la bourgeoisie, sont des jumeaux. Terminez-en…".
(Cf. http://www.kurt-gossweiler.de/index.php/zur-deutschen-und-zur-geschichte-der-sowjetunion/51-zur-strategie-und-taktik-der-spd-und-kpd-in-der-weimarer-republik-april-bis-juni-1957.)
Hermann Weber fait figurer le "Manifeste du 12e congrès" dans son recueil Der deutsche Kommunismus : Dokumente 1915-1945 (p. 104, Bibliographie ►). En outre, dans son ouvrage Ulbricht fälscht Geschichte (p. 80, Bibliographie ►), il cite la phrase "Terminez-en…".
Mais dans les deux cas, la phrase concernant les "deux tendances d’un seule et même appui de la bourgeoisie" ne figure pas. [Citations dans l’original ►.]
Nous prenons comme référence la 2e édition du recueil Zur Geschichte der Kommunistischen Partei Deutschlands, qui est une édition "revue" ("durchgesehen") par rapport à la 1re, datant de 1954. Nous n’avons pas pu vérifier si la phrase en question figure dans cette première édition.
[28]. E. Thälmann : "Die politische Lage und die Aufgaben der Partei", intervention au 11e Congrès du KPD, 2 mars 1927. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 1, pp. 438‑489 (Bibliographie ►), ici p. 461.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band1/thaelmann-band1-054.shtml
Cf. le texte complet ►.
[29]. E. Thälmann : "Die politische Lage…", 12e Congrès du KPD. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 2 (Bibliographie ►), ici p. 52.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band2/thaelmann-band2-008.shtml
Cf. le texte complet ►.
[30]. E. Thälmann : "Über Probleme…". Extraits in :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 2 (Bibliographie ►), ici pp. 312.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band2/thaelmann-band2-019.shtml
Cf. tous les extraits ►.
[31]. E. Thälmann : "Volksrevolution über Deutschland", intervention au plénum du Comité central du KPD, 15‑17 janvier 1931. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1 – September 1930 bis Februar 1932, S. 83 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-008.shtml
Cf. le texte complet ►.
[32]. E. Thälmann : "Im Kampf gegen die faschistische Diktatur", intervention à la 3e conférence de parti du KPD, octobre 1932. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 2, S. 300 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band4/thaelmann-band4-022.shtml
Cf. le texte complet ►.
[33]. Résolution du Comité central du KPD, au sujet des décisions du 11e plénum du Comité exécutif de l’IC, mai 1931. Citée in :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 227‑228 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-020.shtml
[34]. Intervention de clôture suite à son rapport. In :
D. Manuilskij : "Die kommunistischen Parteien und die Krise des Kapitalismus", rapport au 11e plénum du CEIC (26 mars – 11 avril 1931) (Bibliographie ►), ici p. 121.
[35]. E. Thälmann : "Quelques erreurs dans notre travail théorique et pratique et la voie pour les surmonter", "Die Internationale“, Nov.-Dez.1931, Heft 11/12. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 301 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-026.shtml
Cf. le texte complet ►.
[36]. E. Thälmann : "Quelques erreurs…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 312‑315 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-026.shtml
Cf. le texte complet ►.
[37]. K.‑D. Bracher : Die Auflösung der Weimarer Republik – eine Studie zum Problem des Machtverfalls in der Demokratie – Teil 2, p. 585 (Bibliographie ►).
[38]. E. Thälmann : "Volksrevolution…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 84 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-008.shtml
Cf. le texte complet ►.
[39]. D. Manuilskij : "Die kommunistischen Parteien und die Krise des Kapitalismus"… (Bibliographie ►).
[40] . E. Thälmann : "Die Lage in Deutschland und die Aufgaben der KPD", intervention au 11e plénum du CEIC, avril 1931. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-016.shtml
Cf. le texte complet ►.
[41]. "Über die internationale Lage und die Aufgaben der Sektionen der Kommunistischen Internationale" (thèses concernant le rapport de O. Kuusinen au 12e Plénum du Comité exécutif de l’IC). In :
Kommunistischen Internationale – Exekutivkomitee – Zwölftes Plenum (27. August – 15. September 1932) – Thesen und Resolutionen (Bibliographie ►).
[42]. "Die internationale Lage und die Aufgaben der Sektionen der Kommunistischen Internationale" (rapport de O. Kuusinen au 12e Plénum du Comité exécutif de l’IC). In :
Kommunistischen Internationale – Exekutivkomitee – Zwölftes Plenum (27. August – 15. September 1932) – O. Kuusinen (Bibliographie ►), ici p. 71.
[43]. O. K. Flechtheim : Die Kommunistische Partei Deutschlands in der Weimarer Republik, pp. 285‑294 (Bibliographie ►), ici pp. 286‑288, p. 291.
[44]. E. Thälmann : "Im Kampf…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 2, S. 303, 305 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band4/thaelmann-band4-022.shtml
Cf. le texte complet ►.
[45] . Extrait in : Kommunistischen Internationale (Hg.) : Der Faschismus in Deutschland, p. 277 et suiv. (Bibliographie ►), ici pp. 277‑279.
[46] . E. Thälmann : "Die politische Lage…", 11e Congrès du KPD. In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 1 (Bibliographie ►), ici p. 462.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band1/thaelmann-band1-054.shtml
Cf. le texte complet ►.
[47]. IML beim ZK der SED (Hg.) : Dokumente und Materialien zur Geschichte der deutschen Arbeiterbewegung, Reihe 2, Band 8, p. 457 (Bibliographie ►).
[48]. E. Thälmann : "Unter der Führung…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 1 (Bibliographie ►), ici p. 605.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band1/thaelmann-band1-073.shtml
Cf. le texte complet ►.
[49]. E. Thälmann : "Im Kampf…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 2, S. 303 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band4/thaelmann-band4-022.shtml
Cf. le texte complet ►.
[50]. "Über die rechte Abweichung in der KPdSU", discours au plénum du Comité central du PCUS(b), avril 1929, in :
J. W. Stalin : Werke – Band 12 – April 1929 – Juni 1930 (Bibliographie ►).
http://www.stalinwerke.de/band12/b12-005.html
J. W. Staline : Les Questions du Léninisme – Tome 2 (Bibliographie ►).
[51]. E. Thälmann : "Unter der Führung…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 1 (Bibliographie ►), ici p. 606.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band1/thaelmann-band1-073.shtml.
Cf. le texte complet ►.
[52]. E. Thälmann : "Unter der Führung…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 1 (Bibliographie ►), ici p. 619.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band1/thaelmann-band1-073.shtml.
Cf. le texte complet ►.
[53]. Kommunistischen Internationale – Sechster Weltkongreß (17. Juli‑1. September 1928) – Protokoll – Band 1, p. 315 (Bibliographie ►).
[54]. Kommunistischen Internationale – Sechster Weltkongreß (17. Juli‑1. September 1928) – Thesen, Resolutionen, Programm, Statuten, p. 22 (Bibliographie ►).
[55]. Résolution du Comité central du KPD, au sujet des décisions du 11e plénum du Comité exécutif de l’IC, mai 1931. Citée in :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 321 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-026.shtml
[56]. E. Thälmann : "Quelques erreurs…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 303 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-026.shtml
Cf. le texte complet ►.
[57]. E. Thälmann : "Im Kampf…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 2, S. 304 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band4/thaelmann-band4-022.shtml
Cf. le texte complet ►.
[58]. E. Thälmann : "Über Probleme…". Extraits in :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 2 (Bibliographie ►), ici pp. 311.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band2/thaelmann-band2-019.shtml
Cf. tous les extraits ►.
[59]. E. Thälmann : "Vorwärts zur Eroberung…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze zur Geschichte… – Band 2 (Bibliographie ►), ici pp. 395.
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band2/thaelmann-band2-021.shtml
Cf. le texte complet ►.
[60]. E. Thälmann : "Volksrevolution…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 83 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-008.shtml
Cf. le texte complet ►.
[61]. E. Thälmann : "Quelques erreurs…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 300 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-026.shtml
Cf. le texte complet ►.
[62]. E. Thälmann : "Quelques erreurs…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 302 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-026.shtml
Cf. le texte complet ►.
[63] . E. Thälmann : "Quelques erreurs…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 295, S. 296 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-026.shtml
Cf. le texte complet ►.
[64]. E. Thälmann : "Quelques erreurs…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 313 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-026.shtml
Cf. le texte complet ►.
[65]. L. Trotsky : Porträt des Nationalsozialismus – Ausgewählte Schriften 1930‑1934 (Bibliographie ►).
http://www.marxists.org/francais/trotsky/oeuvres/1932/01/320127e.htm
[66]. http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_w5_bsb00000130_00034.html
[67]. E. Thälmann : "Quelques erreurs…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 301 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-026.shtml
Cf. le texte complet ►.
[68]. E. Thälmann : "Volksrevolution…". In :
E. Thälmann : Reden und Aufsätze 1930‑1933 – Band 1, S. 91 (Bibliographie ►).
http://www.deutsche-kommunisten.de/Ernst_Thaelmann/Band3/thaelmann-band3-008.shtml
Cf. le texte complet ►.
[69]. D. Manuilskij : "Die kommunistischen Parteien und die Krise des Kapitalismus"… (Bibliographie ►), ici p. 123.
[70]. D. Manuilskij : "Die kommunistischen Parteien und die Krise des Kapitalismus"…, ici p. 122.
[71]. "Über die internationale Lage und die Aufgaben der Sektionen der Kommunistischen Internationale" (thèses concernant le rapport de O. Kuusinen au 12e Plénum du Comité exécutif de l’IC)… (Bibliographie ►).
[72]. Cf. http://www.kurt-gossweiler.de/index.php/spd-und-kpd/128-zur-strategie-und-taktik-der-spd-und-kpd-in-der-weimarer-republik-april-bis-juni-1957-2
KPD 1933-1945 – Présentation
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Hamburg 1936, Lancement du voilier-école "Horst Wessel" en présence d’Adolf Hitler. |
1933‑1945 : Le KPD dans la lutte contre la dictature national-socialiste [1]
Avertissement
Nous reproduisons ici un ensemble de textes publiés par le site 321ignition.free.fr. Nous considérons que l’analyse des évènements concernés ‑ la période de 1918 à 1945 vue sous l’angle de l’instauration de la dictature national-socialiste en Allemagne ‑ est d’une importance primordiale pour la poursuite de la lutte ayant l’instauration de la dictature du prolétariat et de la société socialiste comme objectif. En particulier, il nous semble utile de mettre en avant ce sujet dans la mesure où il offre des aspects qui incitent à une vision dépassant le cadre des évènements durant la même période en France.
La présentation ci-dessous ‑ de la part des auteurs ‑ fait référence au concept de "démocratie populaire". Nous sommes attentifs aux critiques formulées, sans pour autant en tirer nous-mêmes des conclusions déterminées. Cette problématique reste à analyser.
Le ROCML
Antécédents
1918‑1922 : Révolution et contrerévolution
1923‑1932 : Réaction et contre-attaque
1933‑1945 : Dictature et libération
Dictature national-socialiste
1933‑1945 : Groupes de militants communistes et antifascistes
1933‑1945 : La “démocratie populaire” comme objectif
Cet ensemble de textes prend comme objet central l’analyse de la façon dont le Parti communiste d’Allemagne (KPD) a intégré dans son orientation et sa pratique la constitution d’un front populaire antifasciste. Cette problématique s’inscrit dans un champ plus large, autour d’au moins deux axes : 1) la question du front populaire en général; 2) l’histoire du KPD et du mouvement ouvrier en Allemagne.
Le point 2) est traité ici uniquement dans la perspective d’éclaircir, de façon essentiellement descriptive, l’arrière-plan et les prémisses historiques de la période au cours de laquelle surgit et se développe l’idée et la mise en oeuvre du front populaire :
‑ "1918‑1922 : révolution et contrerévolution" ►;
‑ "1923‑1932 : réaction et contre-attaque" ►.
Il est certain que le KPD a traversé, à partir de sa fondation en décembre 1918 (sans parler du processus de clarification idéologique et organisationnelle d’abord au sein du SPD, puis de l’USPD), des affrontements successifs aigus avec la bourgeoisie. Chaque fois, le KPD a tenté de jouer un rôle de parti d’avant-garde de la classe ouvrière dans la lutte pour la révolution prolétarienne, socialiste. Les orientations adoptées, les décisions prises ont été fluctuantes, sujettes à critiques, voire condamnations, préalables ou postérieures.
Les problèmes que soulèvent les évènements marquants de cette époque sont évoqués sans tenter d’arriver à une évaluation des interprétations qu’ils ont suscitées à l’époque et ultérieurement. La seule question à être soumise à un examen critique approfondi est celle du front populaire antifasciste :
‑ "1933‑1945 : la “démocratie populaire” comme objectif" ►.
La raison principale qui motive ce choix, c’est le lien étroit, dans le temps et sur le fond, qui existe avec une autre époque cruciale, beaucoup plus récente : les révisions et trahisons qui au cours des années 1960 ont conduit à la scission au sein du mouvement marxiste-léniniste international. Certes, le centre de cette contrerévolution était incarnée par les révisionnistes du PC(b)US. Mais elle était largement portée et renforcée justement par les pays du "bloc soviétique" de l’Europe de l’Est, dont la République démocratique d’Allemagne (RDA). Il nous semble important de faire ressortir la façon dont la mise en oeuvre et la conceptualisation de l’“État de démocratie populaire” a contribué à ce processus néfaste pour la révolution prolétarienne mondiale. À cet égard nous traitons ici seulement les origines du problème; il faut par ailleurs mettre en rapport ces réflexions avec une analyse de la période de l’après-guerre immédiat puis de l’existence de la RDA. L’analyse exposée ici, concernant la période 1933‑1945, est accompagnée d’une présentation du contexte, indispensable pour pouvoir évaluer concrètement les conditions objectives que le KPD devait affronter et maitriser :
‑ "1933‑1945 : dictature et libération" ►;
‑ "1933 1945 : Groupes de militants communistes et antifascistes" ►.
Ces deux derniers textes visent également à maintenir vivant la mémoire des militants qui, au prix de profondes souffrances, et de leur vie, se sont inscrits dans le combat pour la libération des peuples de l’exploitation et de l’oppression qu’ils subissent de la part des classes dominantes.
En ce qui concerne le premier point mentionné plus haut, au sujet de la question du front populaire, celle-ci n’est envisagée qu’en lien avec la problématique de la “démocratie populaire”, sans être traitée d’un point de vue global. Notamment, les expériences présentes dans le cadre de l’histoire du mouvement communiste international en dehors de l’Allemagne, sont laissées de côté. Le fait est que dans différents pays, les partis communistes respectifs ont mis en oeuvre, de façon plus ou moins accomplie, une politique de front populaire. Chacun des cas présente des caractéristiques spécifiques, fortement distinctes. En France, il s’agissait de faire face à une menace d’instauration d’une dictature dans le cadre d’un État de démocratie bourgeoise. Un des principaux axes des critiques formulées par la suite au KPD consiste à considérer que celui-ci aurait dû, dès les années 1920, adopter une orientation similaire. La situation de la guerre civile en Espagne combinait certains aspects de l’une et de l’autre des deux cas que constituent l’Allemagne à partir de 1933 et la France. Il y a néanmoins des différences notables provenant du fait que l’Espagne n’était pas un pays capitaliste-impérialiste dominant au même titre que la France et l’Allemagne, dans la mesure où sa structure économique et sociale ainsi que sa position au sein du système impérialiste mondiale était nettement plus arriérée et inférieure. Dans un certain nombre de pays d’Amérique latine également, les partis communistes se plaçaient dans la perspective d’un front antifasciste. Dans ces cas, l’objectif était, au-delà d’un éventuel danger de dictature fasciste dans le pays concerné; de contribuer au renforcement du camp démocratique et antiimpérialiste mondial.
Ces diverses expériences font partie de l’histoire du mouvement marxiste-léniniste international. Elles doivent être retracées et analysées afin de maintenir, à travers les vicissitudes de la voie vers la révolution socialiste, la continuité de ce mouvement ainsi qu’afin de nourrir son progrès par les leçons que les combats passés peuvent nous apporter. Quoi qu’il en soit, en rapport avec l’objectif des textes présentés ici, l’expérience historique fondamentale est celle des communistes albanais, du Parti du Travail d’Albanie (PTA) sous la direction d’Enver Hoxha. En effet, dans la mesure où nous considérons l’orientation adoptée par le KPD comme erronée à certains égards, il est indispensable de souligner par ailleurs le fait que le PTA lui aussi, a été guidé par la ligne directrice du front démocratique et antifasciste, que ce faisant il s’est maintenu fermement sur les positions du marxisme‑léninisme et que c’est précisément ainsi qu’il a mené victorieusement le combat, d’abord pour la libération du pays de l’occupation nazi-fasciste, puis pour l’instauration du socialisme.
Bien que l’approche analytique se concentre sur le sujet de la “démocratie populaire”, il y a néanmoins un point subsidiaire traité à part, de façon relativement détaillée : la question de l’application du terme "fasciste" au Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) :
‑ "1918‑1933 : SPD et fascisme" ►.
Cette problématique est fortement liée à celle du front populaire antifasciste, d’abord durant la période 1918‑1933, puis dans les conditions de la dictature national-socialiste. L’orientation développée durant cette deuxième période continue à être marquée par les analyses dont procédait le jugement que le KPD avait porté sur le SPD auparavant. Il convient donc de présenter les débats qu’il y a eu jusqu’en 1933 autour de cette question, notamment la qualification de la social-démocratie comme social-fasciste.
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Toutes les citations sont basées sur les sources d’origine en langue allemande. Pour leur reproduction en langue française, dans quelques cas des éditions en français existantes ont été utilisées, et l’indication bibliographique correspondante est alors fournie. Pour le reste, les traductions ont été effectuées par nous [321ignition.free.fr].
Notes