Bob (Jaffa)

La lutte contre la déviation de droite dans le PC de Palestine [1]

(1929)

La dernière séance plénière du Comité central du parti communiste de Palestine [début 1928] a voté une résolution dans laquelle il est pris nettement position contre la déviation de droite dans le PCP. Au fond de la déviation de droite, il y a la sous-estimation de la force du prolétariat dans les pays arabes en général et en Palestine en particulier, ainsi que des courants défaitistes sur le rôle du parti communiste.

Partant de ce point de vue, quelques camarades combattent le mot d’ordre d’un gouvernement ouvrier et paysan, mot d’ordre recommandé au parti dans une lettre du CE de l’IC de décembre 1928. Les camarades sont pour le mot d’ordre d’une "république démocratique", croyant que ce n’est qu’à l’aide d’un tel mot d’ordre que les couches petites-bourgeoises (dont le rôle est d’ailleurs grandement surestimé par les représentants de la déviation de droite) peuvent être gagnées.

Or, ce mot d’ordre implique le danger de faire naître dans les masses des illusions démocratiques d’autant plus nuisibles que précisément maintenant les dirigeants bourgeois du mouvement nationaliste tendent à un compromis avec l’impérialisme britannique sur la plateforme d’un "parlement" (qui ne peut être que fictif tant que dure l’occupation britannique).

Mais il faut noter en toute première ligne, que les adversaires opportunistes du mot d’ordre du gouvernement ouvrier et paysan ne comprennent pas qu’en ce moment d’exacerbation de la lutte de classes dans le pays et dans les pays voisins, les mots d’ordre du parti communiste ne peuvent pas consister en des phrases générales sur l’émancipation du pays, sur l’indépendance nationale, etc., mais qu’il faut formuler concrètement le contenu de la lutte d’affranchissement. Un large mouvement populaire ne peut s’appuyer que sur l’activité maximum des couches laborieuses de la population, notamment des ouvriers et des paysans. Or, cela ne peut se faire que si les ouvriers ont la perspective de l’émancipation sociale, et les paysans celle de la révolution agraire, c’est-à-dire le partage des terres et des grands terriens, l’annulation de leurs dettes usuraires, etc.

En connexion étroite avec l’opposition de droite qui s’érige contre le nouveau cours recommandé par le CE de l’IC, et confirmé par le CC du parti de Palestine, se trouvent les courants capitulards de certains membres du parti dressés contre la tactique du parti.

Ne voyant pas le processus lent mais continu de la radicalisation du prolétariat, sous-estimant la croissance de l’organisation du parti (surtout en ce qui concerne l’attraction des ouvriers arabes), ainsi que les succès du parti (succès lors des dernières élections dans les syndicats, organisation d’une manifestation d’ouvriers arabes lors de la fête de Nebi-Mussa, diffusion plus large des journaux arabes et juifs illégaux du parti, etc.) les éléments de droite ne voient que l’attaque renforcée de la réaction (arrestations, déportations, etc.) et sont d’avis que le parti doit battre en retraite devant cette offensive et ne pas mobiliser les ouvriers pour la contre-attaque.

La déviation de droite dans le PC de Palestine est particulièrement dangereuse du fait que, contrairement à certains représentants de la tendance opportuniste qui font valoir des motifs purement "locaux", d’autres se servent aussi des argument de l’opposition de droite dans les partis européens (fausse estimation de la "troisième période", incompréhension du danger de guerre, etc.) et interprètent les résolutions du VIe Congrès de l’lC à la façon de Brandler[2].

Le PC de Palestine, qui a célébré récemment le Xe anniversaire de la fondation du premier groupe communiste en Palestine, a passé depuis son existence par un processus de cristallisation idéologique : il a vaincu tous les restes de démagogie sioniste et poaley-sioniste, liquidé le boycottisme et le putschisme, mis un terme à la "théorie d’émigration" [propagée par le sionisme] et s’est frayé ainsi le chemin vers la conquête des masses en groupant les meilleurs éléments du prolétariat de Palestine autour de son drapeau. Le PCP est aujourd’hui le seul parti qui, en paroles et en faits, est internationaliste et dont la tactique est révolutionnaire.

La résolution du CC déclarant exclue toute paix avec la déviation de droite dans le parti ‑ ce qui mènerait dans un marais opportuniste défaitiste sans issue ‑ et invitant le parti à liquider au plus vite la droite, est absolument justifiée.

 



[1]L’Internationale syndicale rouge, 37‑38, février 1924.

Reproduit ici d’après  : Bulletin international, n° 55‑58, juillet-octobre 1982; édité par le CEMOPI (Centre d’étude sur le mouvement ouvrier et paysan international), France.

[2]. Heinrich Brandler fait partie du Groupe Spartakus formé à partir de 1915 autour de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, puis il est membre du Parti communiste d’Allemagne (KPD) fondé en décembre 1918. Au 2e congrès du Parti (octobre 1919) il est élu comme membre de la direction, en juillet 1922 il est désigné secrétaire du bureau politique. En janvier 1924 il est démis de ses fonctions dans le parti. Il se rend Moscou, où il poursuit des activités en tant que membre du PC de Russie. En octobre 1928 il revient en Allemagne et en décembre il est avec August Thalheimer l’un des principaux fondateurs du KPD Opposition (KPD O, aussi KPO). En janvier 1929 il est exclu du PCUS et de l’Internationale communiste.

Le terme "brandlérisme" se réfère aux orientations formulées par Brandler à différents moments sur certaines questions, notamment celle de la caractérisation d’un "gouvernement ouvrier" et des "revendications transitoires". Voir à ce sujet un texte du Bureau politique du Comité central du KPD datant de janvier 1928 : Le "Programme d’action" de Brandler (Réponse)►.